jeudi 6 octobre 2016

La constitution de la discorde

5 octobre. Arrivée de Ouattara à l'Assemblée nationale
(au centre de l'image, de G à D : Duncan, Soro, A. et D. Ouattara)
Dans un pays, une constitution, c’est idéalement un texte rassembleur dans lequel se reconnaissent les différentes composantes de la Nation. Eh bien, celle ivoirienne qu’Alassane Ouattara tente de faire adopter et qu’il a présentée hier à l’Assemblée nationale, ne réunit pas encore ce critère d’unité. L’essentiel de ce que le pays compte d’opposition y est en effet farouchement opposé. Pourtant dans son esprit et sur le fond, l’élaboration d’une nouvelle charpente nationale parait à la fois nécessaire et opportune. Par contre, dans leur démarche plutôt cavalière, Alassane Ouattara et son entourage font valoir une arrogance qui peut légitimement choquer. 
  
Un esprit vertueux 
En d’autres circonstances, l’adoption en perspective d’une nouvelle constitution en Côte d’Ivoire ne devrait souffrir d’aucune contestation. En effet, pour qui se rappelle tout le mal que le concept d’ivoirité a fait à ce pays, on applaudirait presque ce nouveau contrat débarrassé de ce terme volontairement discriminatoire. Par ailleurs, on ne devrait pas blâmer le président ivoirien dont le seul tort est de vouloir honorer un engagement qu’il a pris lors de la dernière campagne électorale. C’est le contraire qui devrait provoquer le tollé auquel on assiste aujourd’hui. Parce qu’une certaine logique voudrait que le président ait été élu sur la base de toutes les promesses qu’il avait faites, dont bien sûr celle de faire adopter une nouvelle constitution. 
  
Une question d’approche 
Mais pour comprendre la raison de la colère de l’opposition, il ne faut pas voir les choses sous ce seul prisme. Car même s’ils évoquent des griefs en rapport avec le contenu même de la nouvelle constitution, les arguments les plus solides des opposants sont en rapport avec la forme. Certes, le fait que le chef de L’État s’octroie le droit discrétionnaire de se choisir un dauphin constitutionnel à travers la création d’un poste de vice-président, a quelque chose de discutable. De même, qu’Alassane Ouattara s’arroge le droit de nommer le tiers des membres du prochain Sénat n’est pas non plus un signe d’une grandeur démocratique. Mais si le pouvoir avait quelque peu écouté et accordé un peu de respect au camp adverse, ces quelques problèmes auraient pu trouver des solutions. 
  
Des soupçons crédibles 
Malheureusement, Alassane Ouattara, fort de l’hégémonie que lui et le RHDP imposent aux autres acteurs politiques ivoiriens, n’en a fait qu’à sa tête. Ainsi, en lieu et place d’une Assemblée constituante, il a négligemment confié le travail d’élaboration de ce document de 184 articles à de soi-disant experts. Par ailleurs, en dépit des protestations unanimes et répétées de l’opposition, le président n’a pas voulu modifier son chronogramme. Écrasant de son poids une opposition qui se cherche depuis qu’elle est lestée (sic) de Laurent Gbagbo, il progresse à une vitesse grand V dans son obsession de doter le pays d’une nouvelle constitution. Ainsi, après un passage de pure forme par l’Assemblée nationale, le texte est parti pour être adopté à la fin de ce mois. Une démarche qui laisse croire que la nouvelle loi fondamentale est sous-tendue par des intérêts et des enjeux plus immédiats et égoïstes que ses promoteurs ne veulent l’admettre. Des soupçons plutôt légitimes qui crédibilisent les critiques de l’opposition. 

Boubacar Sanso Barry (journaliste Guinéen)
Titre original : « Côte d'Ivoire : la constitution de la discorde ? »


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Source : CIVOX.NET 6 Octobre 2016

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