5 octobre. Arrivée de Ouattara à l'Assemblée nationale (au centre de l'image, de G à D : Duncan, Soro, A. et D. Ouattara) |
Dans un pays, une constitution, c’est idéalement un texte
rassembleur dans lequel se reconnaissent les différentes composantes de la
Nation. Eh bien, celle ivoirienne qu’Alassane Ouattara tente de faire adopter
et qu’il a présentée hier à l’Assemblée nationale, ne réunit pas encore ce
critère d’unité. L’essentiel de ce que le pays compte d’opposition y est en
effet farouchement opposé. Pourtant dans son esprit et sur le fond,
l’élaboration d’une nouvelle charpente nationale parait à la fois nécessaire et
opportune. Par contre, dans leur démarche plutôt cavalière, Alassane Ouattara
et son entourage font valoir une
arrogance qui peut légitimement choquer.
Un esprit vertueux
En d’autres circonstances, l’adoption en perspective d’une
nouvelle constitution en Côte d’Ivoire ne devrait souffrir d’aucune
contestation. En effet, pour qui se rappelle tout le mal que le concept
d’ivoirité a fait à ce pays, on applaudirait presque ce nouveau contrat
débarrassé de ce terme volontairement discriminatoire. Par ailleurs, on ne
devrait pas blâmer le président ivoirien dont le seul tort est de vouloir
honorer un engagement qu’il a pris lors de la dernière campagne électorale.
C’est le contraire qui devrait provoquer le tollé auquel on assiste
aujourd’hui. Parce qu’une certaine logique voudrait que le président ait été
élu sur la base de toutes les promesses qu’il avait faites, dont bien sûr celle
de faire adopter une nouvelle constitution.
Une question d’approche
Mais pour comprendre la raison de la colère de l’opposition,
il ne faut pas voir les choses sous ce seul prisme. Car même s’ils évoquent des
griefs en rapport avec le contenu même de la nouvelle constitution, les
arguments les plus solides des opposants sont en rapport avec la forme. Certes,
le fait que le chef de L’État s’octroie le droit discrétionnaire de se choisir
un dauphin constitutionnel à travers la création d’un poste de vice-président,
a quelque chose de discutable. De même, qu’Alassane Ouattara s’arroge le droit
de nommer le tiers des membres du prochain Sénat n’est pas non plus un signe
d’une grandeur démocratique. Mais si le pouvoir avait quelque peu écouté et
accordé un peu de respect au camp adverse, ces quelques problèmes auraient pu
trouver des solutions.
Des soupçons crédibles
Malheureusement, Alassane Ouattara, fort de l’hégémonie que
lui et le RHDP imposent aux autres acteurs politiques ivoiriens, n’en a fait
qu’à sa tête. Ainsi, en lieu et place d’une Assemblée constituante, il a
négligemment confié le travail d’élaboration de ce document de 184 articles à
de soi-disant experts. Par ailleurs, en dépit des protestations unanimes et
répétées de l’opposition, le président n’a pas voulu modifier son chronogramme.
Écrasant de son poids une opposition qui se cherche depuis qu’elle est lestée
(sic) de Laurent Gbagbo, il progresse à une vitesse grand V dans son obsession
de doter le pays d’une nouvelle constitution. Ainsi, après un passage de pure
forme par l’Assemblée nationale, le texte est parti pour être adopté à la fin
de ce mois. Une démarche qui laisse croire que la nouvelle loi fondamentale est sous-tendue par des intérêts et des
enjeux plus immédiats et égoïstes que ses promoteurs ne veulent
l’admettre. Des soupçons plutôt légitimes qui crédibilisent les critiques de
l’opposition.
Boubacar Sanso Barry (journaliste Guinéen)
Titre original :
« Côte d'Ivoire : la constitution de la discorde ? »
En maraude dans le Web
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Source : CIVOX.NET 6 Octobre 2016
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