Mariam Sankara |
Vingt-sept ans
après l’assassinat du leader de la révolution burkinabè, la justice militaire lance
un mandat d’arrêt international contre Blaise Compaoré. Mariam Sankara, la
veuve du célèbre capitaine assassiné le 15 octobre 1987, réagit à l’événement
sur les ondes de Radio France Internationale.
RFI :
Mariam Sankara, la justice militaire du Burkina lance un mandat d’arrêt
international contre Blaise Compaoré. Votre première réaction ?
Mariam Sankara : Ça me
fait plaisir. Je suis contente parce que c’est quelque chose que j’ai souhaité
et que beaucoup de personnes comme moi ont souhaité depuis. Et j’attendrai le
jour où je le verrai comparaître devant les tribunaux burkinabè. J’attends donc
un rapatriement et qu’il soit entendu par la justice militaire. Il nous dira
enfin pourquoi et il nous dira la vérité.
Oui, c’est ça. En fait
vous voulez savoir ce qui s’est passé ce 15 octobre 1987 ?
Oui. Et
pourquoi il a fait ça et qu’il nous explique.
Vous ne doutez pas de
la culpabilité de Blaise Compaoré ?
L’assassinat
lui a profité ! C’est lui qui a profité ! On attend qu’il nous dise.
On écoutera ce qu’il va nous dire.
Vous voulez l’entendre
en fait ?
Oui.
A partir du 30 octobre
2014, à partir du jour de la chute de Blaise Compaoré, est-ce que vous y avez
cru à ce jour ?
Oui. J’avoue
que beaucoup de choses ont changé. Depuis l’insurrection, avec la transition
qui a été mise en place, les autorités ont montré une volonté de faire avancer
ce dossier. Et le dossier a avancé parce que j’ai attendu pendant longtemps,
rien ne se faisait, mais il a fallu que Blaise parte pour que tout bouge.
Au mois de mars
dernier, en effet, la justice burkinabè a ouvert une enquête sur la mort de
votre mari. A ce moment-là vous vous êtes dit : ça va dans le bon
sens ?
Oui. Un juge a
été nommé et à ce moment je me suis dit que moi-même j’ai été écoutée. Puis le
juge a commencé à écouter d’autres personnes aussi, beaucoup de personnes. Donc
j’ai commencé à avoir espoir.
Vous avez été
auditionnée par le juge burkinabè ?
Oui, par le
juge de Ouagadougou. C’était au mois de mai.
Ça a duré
longtemps ?
Oui, ça a duré
parce que c’était la première fois qu’un juge m’écoutait sur cette affaire.
Donc il a essayé de faire le point, m’a posé beaucoup de questions… ça a été
long, mais je crois que c’était nécessaire.
Donc ça, c’était au
mois de mai et évidemment, votre souhait c’était qu’un mandat d’arrêt soit
lancé contre Blaise Compaoré. C’est ça ?
Oui, oui… Parce
que même quand le juge m’a écoutée, j’ai dit : mais pourquoi des personnes
qu’on croyait responsables, pourquoi ces personnes ne sont pas
convoquées ? Et il disait : c’est une question de procédure, ça
viendra. Donc ça démontre le professionnalisme du juge militaire qui travaille
sur le dossier.
Cette annonce d’un
mandat d’arrêt international arrive juste avant la fin de la transition et
l’arrivée au pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré. Vous pensez que c’est le
bon moment pour cela ?
Je pense que le
nouveau gouvernement qui va se mettre en place va continuer. Parce que le
dossier est suffisamment avancé. Et Roch Kaboré… J’ai écouté ses interventions
où il disait que si Blaise était inculpé dans cette affaire, il n’hésiterait
pas, parce qu’il n’est pas au-dessus de la loi, donc je pense qu’il va
continuer. Il encouragera en tout cas la poursuite de la procédure.
Donc ce mandat d’arrêt
c’est peut-être le dernier acte fort des autorités de la transition ?
Oui. Les
autorités de la transition ont beaucoup travaillé. Ça, vraiment, je le
reconnais ! Ils ont fait beaucoup avancer le dossier ! Que ce soit le
président de la transition, que ce soit le Premier ministre, ce sont eux qui
ont commencé, de toute façon. Ce sont eux qui ont permis l’ouverture de ce
dossier et donc la justice indépendante aussi, ce sont eux aussi. Et je les
félicite. Et la population burkinabè qui a beaucoup travaillé aussi pour ça.
Parce que toute la population insurgée s’est mobilisée.
Et cet acte de la
justice militaire n’est-ce pas une façon pour le président de la transition
Michel Kafando de transmettre le témoin à son successeur le président élu Roch
Marc Christian Kabouré ?
De toute façon
depuis qu’il y a eu l’insurrection, le peuple burkinabè a émis certains
souhaits : plus d’impunité dans ce pays. Et donc ce que Kafando a
commencé, je pense qu’il va être difficile pour Roch Kaboré de ne pas continuer
dans ce sens.
Blaise Compaoré est aujourd’hui
réfugié en Côte d’Ivoire. Qu’attendez-vous des autorités ivoiriennes ?
Qu’il revienne
au Burkina. Je voudrais que les autorités ivoiriennes le laissent rentrer au
Burkina pour répondre à la justice burkinabè.
Justement, est-ce que
vous faites confiance aux autorités ivoiriennes pour cela ?
Le peuple
burkinabè veut la justice ! Et le peuple ivoirien et le peuple burkinabè
sont des peuples frères. Je pense que les autorités ivoiriennes ne cautionnent
pas l’impunité ! Ils ne vont pas continuer à le garder !
C’est un appel que
vous lancez au président Ouattara ?
Oui. Je pense
que le président Ouattara devrait faire ça pour le peuple burkinabè, pour les
bonnes relations entre les deux pays.
Mais vous savez les
liens d’amitié entre Alassane Ouattara et Blaise Compaoré !
Oui ! Mais
il y a les intérêts aussi des peuples ! Il y a l’amitié et la
justice ! Je pense que même en amitié, la justice aussi doit
exister ! La justice fait une bonne amitié.
Et vous ne craignez
pas que Blaise Compaoré ne cherche à se soustraire à ce mandat d’arrêt ?
Je sais qu’il
fera tout ! Bien sûr ! Mais je souhaite que les autorités ivoiriennes
répondent positivement. Je pense que ce serait bien qu’elles le fassent pour
l’amitié entre les deux peuples. Parce que le peuple burkinabè et le peuple
ivoirien sont des peuples frères.
Donc pour vous c’est
un grand jour ?
Oui. Je peux
dire que ce jour je l’ai attendu ! C’est un grand jour.
Source : Lefaso.net 23 décembre 2015
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