lundi 7 décembre 2015

Christian Bouquet ment, Christian Bouquet est ouattariste…

Christian Bouquet (Image d'archives).

Tous au front ! Les relais français dans le monde du journalisme et de la recherche sont plus que jamais au travail, au lendemain de sa victoire électorale sans péril (donc de son triomphe sans gloire) de dimanche dernier [25 octobre, ndlr]. Et le moins qu’on puisse dire est que la version française du magazine en ligne The Conversation (qui mêle parole universitaire et écrits journalistiques) est un de leurs quartiers généraux. C’est dans cet organe de presse que pontifie désormais Thomas Hofnung, ancien « spécialiste » Afrique de Libération, dont l’ancien journal reprenait le 28 octobre un article truffé de chiffres erronés surévaluant par exemple la force du PDCI d’Henri Konan Bédié tout en minorant l’emprise de Laurent Gbagbo sur l’opinion ivoirienne en 2010.
Le lendemain, c’est Le Monde qui reprenait une tribune initialement publiée dans The Conversation. Son auteur ? Christian Bouquet, un propagandiste pro-Ouattara bien camouflé derrière sa toge de géographe et de « professeur émérite ». Dans une sorte de démonstration de transparence, The Conversation écrit à son propos : « Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre appartenance que son poste universitaire. » Bien. Peut-être fallait-il préciser qu’il a été décoré en janvier 2012 par Alassane Ouattara à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Paris, ce qui est pour le moins un signe d’affinité ou de reconnaissance. Bref.
La tribune de Christian Bouquet donne au lecteur pas très vigilant une impression de « juste milieu ». Il semble mettre dos à dos les anti-Ouattara qui parlent de « score soviétique » et les pro-Ouattara qui parlent de « victoire écrasante ». Il s’agit là de « chiffres en trompe l’œil », annonce-t-il en titre. La participation a été modérée, affirme-t-il. Mais c’est pour mieux faire entendre sa petite musique lancinante. Elle nous susurre que :
◦Toute évocation d’une quelconque fraude électorale n’est pas « acceptable ». Le score de Ouattara et le taux de participation sont inattaquables.
◦Puisque ce score et ce taux de participation sont inattaquables et que le nombre de votants que Ouattara aurait mobilisés est supérieur à ce que la Commission électorale qu’il contrôlait déjà en 2010 lui avait octroyé (et à ce qu’elle avait octroyé à Gbagbo), cela signifie qu’il est structurellement majoritaire hier et aujourd’hui. « Cela devrait à la fois solder le contentieux arithmétique entre les deux camps, et surtout conforter le vainqueur du jour dans l’idée que sa cause, son bilan et son programme bénéficient d’une approbation qui ne s’est pas démentie après cinq années de mandat ». C’est beau un homme qui sait cirer les pompes d’un autre en toute élégance !
◦Les opposants qui ont boycotté le scrutin parce qu’ils dénonçaient une mascarade électorale tentaient « de justifier leur échec annoncé. » En gros, les conditions d’organisation du scrutin étaient acceptables, et quiconque prétend le contraire est de mauvaise foi.
Au secours de sa démonstration, qui est comme on l’a vu bien plus partisane qu’elle ne veut se montrer, Christian Bouquet laisse échapper quelques mensonges et omissions. Il écrit par exemple : « Il n’est pas non plus acceptable d’ajouter, pour achever de déprécier l’évènement, que l’élection était truquée, car elle était surveillée et contrôlée de très près par plusieurs plateformes d’observation de la société civile, ainsi que par une forme de vérification citoyenne exercée à l’aide des téléphones portables. Celles-ci ont fait remonter par SMS les résultats des 19 849 bureaux de vote tels que chaque électeur avait pu en prendre connaissance en assistant au dépouillement et au comptage. Au final, la CEI (Commission électorale indépendante) a publié des résultats qui correspondaient, à la virgule près, aux remontées parallèles enregistrées ici et là. »
En réalité, le système de « vérification citoyenne » (il y a beaucoup à dire à ce sujet…) dont il parle ne concerne pas, loin de là, les 19 849 bureaux de vote de Côte d’Ivoire. La Plateforme d’Observation (POECI) à laquelle il fait allusion ne « monitorait » que 755 bureaux de vote (soit 3,8% de l’ensemble), selon son site Internet. Selon le quotidien Libération, la POECI a mobilisé 755 observateurs effectivement présents dans 175 bureaux de votes (soit moins de 1% de l’ensemble). Christian Bouquet est seul à avoir vu des observateurs dans chacun des bureaux de vote. Soit c’est du mensonge, soit c’est de la mythomanie !
De plus, les « remontées parallèles » (très incomplètes, comme on l’a vu) de la société civile ne correspondaient pas, « à la virgule près », aux résultats de la CEI. Les remontées en question évoquaient, sur la base d’un échantillon très étroit, un taux de participation de 53,05%. Avant que ce taux ne sorte du « chapeau » de la POECI, le premier vice-président de la Commission électorale, Sourou Koné (représentant Ouattara himself) avait évoqué un taux de participation « autour de 60% », à affiner. Puis l’institution a rétropédalé, désavoué Koné et proclamé un taux de participation de 54,63%… puis de 52,86%. L’hypothèse la plus probable est que la CEI s’est débrouillée pour faire sortir de sa « marmite électorale » des chiffres se rapprochant de ce qui avait déjà été posé comme pourcentage acceptable par une société civile qui, il faut le dire, est dépendante financièrement de l’USAID, organisme gouvernemental américain et du NDI, ONG proche du Parti démocrate américain.
Christian Bouquet poursuit : « Le PDCI est resté uni, et même fidèle en alliance puisque ses voix se sont – apparemment – aussi massivement reportées sur Ouattara qu’en 2010 ».
A quoi sert donc ce « apparemment » ? A se laisser une marge pour rétropédaler… en cas de cas. En effet, si l’on compare les scores attribués par la CEI à Ouattara au second tour 2010 et au premier et unique tour 2015, dans le « V » baoulé, fief de référence du PDCI, l’on se rend compte de la supercherie du « professeur émérite ». Au second tour, nous disait la CEI en 2010, Ouattara avait obtenu 71 446 voix à Yamoussoukro. Et en 2015, 37693. A Bouaké, ses 136 943 voix supposées de 2010 ont fait place à 102 077 voix. A Daoukro, fief de Bédié, le nombre d’inscrits passe de 47 805 personnes à 52 715. Mais les voix qui vont à Ouattara passent de 29 160 (60,99% des inscrits) à 25 480 (48,33%). Certes, dans certains départements comme Didiévi, dont est originaire un des directeurs de campagne de Ouattara, les scores officiels s’améliorent. Mais globalement, on note une désaffection de la partie de l’électorat PDCI qui ne s’habitue pas au fameux Rassemblement des houphouétistes (RHDP). Christian Bouquet ment donc. Ou se trompe.

Théophile Kouamouo, Journaliste à Mondafrique
Titre original : « Propagande pro-Ouattara : les mensonges de Christian Bouquet, « spécialiste » français de la Côte d’Ivoire ». 

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Source : IvoireBusiness 30 octobre 2015.

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