Christian Bouquet (Image d'archives).
Tous au front
! Les relais français dans le monde du journalisme et de la recherche sont plus
que jamais au travail, au lendemain de sa victoire électorale sans péril (donc
de son triomphe sans gloire) de dimanche dernier [25 octobre, ndlr]. Et le
moins qu’on puisse dire est que la version française du magazine en ligne The
Conversation (qui mêle parole universitaire et écrits journalistiques) est un
de leurs quartiers généraux. C’est dans cet organe de presse que pontifie
désormais Thomas Hofnung, ancien «
spécialiste » Afrique de Libération, dont l’ancien journal reprenait le 28
octobre un article truffé de chiffres erronés surévaluant par exemple la force
du PDCI d’Henri Konan Bédié tout en minorant l’emprise de Laurent Gbagbo sur
l’opinion ivoirienne en 2010.
Le lendemain,
c’est Le Monde qui reprenait une tribune initialement publiée dans The
Conversation. Son auteur ? Christian Bouquet, un propagandiste pro-Ouattara
bien camouflé derrière sa toge de géographe et de « professeur émérite ». Dans
une sorte de démonstration de transparence, The Conversation écrit à son propos
: « Christian Bouquet ne travaille pas,
ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une
organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune
autre appartenance que son poste universitaire. » Bien. Peut-être
fallait-il préciser qu’il a été décoré en janvier 2012 par Alassane Ouattara à
l’ambassade de Côte d’Ivoire à Paris, ce qui est pour le moins un signe
d’affinité ou de reconnaissance. Bref.
La tribune de
Christian Bouquet donne au lecteur pas très vigilant une impression de « juste milieu ». Il semble mettre dos à
dos les anti-Ouattara qui parlent de «
score soviétique » et les pro-Ouattara qui parlent de « victoire écrasante ». Il s’agit là de « chiffres en trompe l’œil », annonce-t-il en titre. La
participation a été modérée, affirme-t-il. Mais c’est pour mieux faire entendre
sa petite musique lancinante. Elle nous susurre que :
◦Toute évocation
d’une quelconque fraude électorale n’est pas « acceptable ». Le score de
Ouattara et le taux de participation sont inattaquables.
◦Puisque ce
score et ce taux de participation sont inattaquables et que le nombre de
votants que Ouattara aurait mobilisés est supérieur à ce que la Commission électorale
qu’il contrôlait déjà en 2010 lui avait octroyé (et à ce qu’elle avait octroyé
à Gbagbo), cela signifie qu’il est structurellement majoritaire hier et
aujourd’hui. « Cela devrait à la fois
solder le contentieux arithmétique entre les deux camps, et surtout conforter le
vainqueur du jour dans l’idée que sa cause, son bilan et son programme
bénéficient d’une approbation qui ne s’est pas démentie après cinq années de
mandat ». C’est beau un homme qui sait cirer les pompes d’un autre en toute
élégance !
◦Les opposants
qui ont boycotté le scrutin parce qu’ils dénonçaient une mascarade électorale
tentaient « de justifier leur échec annoncé. » En gros, les conditions
d’organisation du scrutin étaient acceptables, et quiconque prétend le
contraire est de mauvaise foi.
Au secours de
sa démonstration, qui est comme on l’a vu bien plus partisane qu’elle ne veut
se montrer, Christian Bouquet laisse échapper quelques mensonges et omissions.
Il écrit par exemple : « Il n’est pas non
plus acceptable d’ajouter, pour achever de déprécier l’évènement, que
l’élection était truquée, car elle était surveillée et contrôlée de très près
par plusieurs plateformes d’observation de la société civile, ainsi que par une
forme de vérification citoyenne exercée à l’aide des téléphones portables. Celles-ci
ont fait remonter par SMS les résultats des 19 849 bureaux de vote tels que
chaque électeur avait pu en prendre connaissance en assistant au dépouillement
et au comptage. Au final, la CEI (Commission électorale indépendante) a publié
des résultats qui correspondaient, à la virgule près, aux remontées parallèles
enregistrées ici et là. »
En réalité, le
système de « vérification citoyenne » (il y a beaucoup à dire à ce sujet…) dont
il parle ne concerne pas, loin de là, les 19 849 bureaux de vote de Côte d’Ivoire.
La Plateforme d’Observation (POECI) à laquelle il fait allusion ne « monitorait
» que 755 bureaux de vote (soit 3,8% de l’ensemble), selon son site Internet.
Selon le quotidien Libération, la POECI a mobilisé 755 observateurs
effectivement présents dans 175 bureaux de votes (soit moins de 1% de
l’ensemble). Christian Bouquet est seul à avoir vu des observateurs dans chacun
des bureaux de vote. Soit c’est du mensonge, soit c’est de la mythomanie !
De plus, les «
remontées parallèles » (très incomplètes, comme on l’a vu) de la société civile
ne correspondaient pas, « à la virgule près », aux résultats de la CEI. Les
remontées en question évoquaient, sur la base d’un échantillon très étroit, un
taux de participation de 53,05%. Avant que ce taux ne sorte du « chapeau » de
la POECI, le premier vice-président de la Commission électorale, Sourou Koné
(représentant Ouattara himself) avait évoqué un taux de participation « autour
de 60% », à affiner. Puis l’institution a rétropédalé, désavoué Koné et proclamé
un taux de participation de 54,63%… puis de 52,86%. L’hypothèse la plus
probable est que la CEI s’est débrouillée pour faire sortir de sa « marmite
électorale » des chiffres se rapprochant de ce qui avait déjà été posé comme
pourcentage acceptable par une société civile qui, il faut le dire, est
dépendante financièrement de l’USAID, organisme gouvernemental américain et du
NDI, ONG proche du Parti démocrate américain.
Christian
Bouquet poursuit : « Le PDCI est resté
uni, et même fidèle en alliance puisque ses voix se sont – apparemment – aussi
massivement reportées sur Ouattara qu’en 2010 ».
A quoi sert donc ce « apparemment » ? A se laisser une
marge pour rétropédaler… en cas de cas. En effet, si l’on compare les scores
attribués par la CEI à Ouattara au second tour 2010 et au premier et unique
tour 2015, dans le « V » baoulé, fief de référence du PDCI, l’on se rend compte
de la supercherie du « professeur émérite ». Au second tour, nous disait la CEI
en 2010, Ouattara avait obtenu 71 446 voix à Yamoussoukro. Et en 2015, 37693. A
Bouaké, ses 136 943 voix supposées de 2010 ont fait place à 102 077 voix. A
Daoukro, fief de Bédié, le nombre d’inscrits passe de 47 805 personnes à 52
715. Mais les voix qui vont à Ouattara passent de 29 160 (60,99% des inscrits) à
25 480 (48,33%). Certes, dans certains départements comme Didiévi, dont est
originaire un des directeurs de campagne de Ouattara, les scores officiels
s’améliorent. Mais globalement, on note une désaffection de la partie de
l’électorat PDCI qui ne s’habitue pas au fameux Rassemblement des
houphouétistes (RHDP). Christian Bouquet ment donc. Ou se trompe.
Théophile Kouamouo, Journaliste à Mondafrique
Titre original : « Propagande
pro-Ouattara : les mensonges de Christian Bouquet, « spécialiste » français de
la Côte d’Ivoire ».
EN MARAUDE DANS LE WEB
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nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en
rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou
que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne
».
Source : IvoireBusiness 30 octobre 2015.
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