INTERLUDE
Le 31 octobre, sur Facebook, notre ami
Bally Ferro demandait :
Montage photo représentant de G à D : Ouattara, McCulley, Hamed Bakayoko et Georges Serre |
« Qui peut m'expliquer l'activisme
de l'ambassade des États-Unis d'Amérique en Côte d'Ivoire ?
Le 2 décembre 2010, l'ambassadeur des
USA, se substituant aux commissaires centraux de la CEI, accompagnait Youssouf
Bakayoko à l'hôtel du Golf, QG de campagne du candidat Ouattara, pour proclamer
des résultats provisoires-définitifs.
Cette année, l'ambassade américaine s'est
évertuée à demeurer discrète, mais elle n'a pas tenu. Le 26 octobre, lendemain
du scrutin présidentiel, le représentant des USA en
Côte d'Ivoire a organisé une conférence de presse, en compagnie d'une
Secrétaire adjointe américaine, pour donner son quitus au processus électoral.
Et depuis quarante-huit heures, il parcourt QG de campagne et siège pour
féliciter les candidats malheureux qui ont reconnu leur défaite électorale et
félicité, à leur tour, le vainqueur Ouattara. Bizarre tout ça. »
Une quarantaine
d’autres compatriotes ont répondu à cette question. Nous ignorons si Bally
Ferro y a trouvé son compte. Ce serait étonnant car ce ne sont point des vraies
réponses mais des prolongements sous différentes formes de la question posée, un
peu comme les variations que les musiciens font à partir d’un thème donné. Mais
si ce ne sont pas des réponses à l’interrogation de Bally Ferro, elles ont au
moins l’intérêt d’en souligner la pertinence. Et ce sont aussi autant de
preuves que Bally Ferro n’était pas le seul Ivoirien à s’interroger sur les
tenants et les aboutissants de l’hyperactivité de l’ambassadeur McCulley.
Eh bien, s’il faut en
croire l’officieux bimensuel parisien « La Lettre du Continent » (N°678, 12 mars 2014), il
n’y a pas de mystère ! En effet, nous apprend ce journal généralement très
bien au fait des arcanes de la Françafrique,
« A la veille de prendre leur poste,
les diplomates américains nommés dans un
pays du pré carré français
font systématiquement escale
à Paris pour
être éveillés
aux mystères
de ce continent. Enquête sur
un rite initiatique.
De
Tulinabo S.
Mushingi, actuel
ambassadeur au Burkina Faso, à Terence
P. McCulley, en poste à Abidjan, les
ambassadeurs des Etats-Unis en Afrique de l'Ouest et centrale rencontrent
systématiquement les officiels français chargés de ce continent avant de
prendre leur fonction. Ce rituel répond à un parcours bien balisé. La journée
des diplomates débute à 9 heures par un petit-déjeuner avec les Africa Watchers de l'ambassade américaine à
Paris. Ce briefing permet d'aborder les derniers développements de la politique
africaine de la France. Peu avant 10 heures, ils quittent le 2 avenue Gabriel
pour rejoindre à pied le 2 rue de l'Elysée, où ils s'entretiennent avec Hélène Le Gai, la conseillère Afrique de François Hollande, parfois assistée de son adjoint
Thomas
Mélonio.
Les
diplomates américains retournent ensuite à leur chancellerie pour une pause,
avant de traverser la place de la Concorde pour gagner le Quai d'Orsay. Là, ils
sont reçus par le directeur Afrique et océan Indien, Jean-Christophe Belliard, accompagné de ses
sous-directeurs chargés de l'Afrique de l'Ouest et du centre, respectivement Laurent Viguié et Sébastien Minot. La rencontre, généralement plus
décontractée qu'à l'Elysée, se termine souvent par un déjeuner dans une bonne
table du quartier. Le repas terminé, nos ambassadeurs se rendent ensuite à la
Délégation aux affaires stratégiques (DAS) du ministère de la défense, où ils
rencontrent le coordonnateur du bureau Afrique subsaharienne, le colonel Xavier Collignon. Cette étape est très prisée,
l'officier français ayant été par le passé détaché auprès de l’Africa Center for Stratégie
Studies (ACSS)
à Washington. En fin d'après-midi, les ambassadeurs s'entretiennent autour d'un
verre avec des chercheurs et universitaires africanistes. Il leur arrive
également de rendre nuitamment une visite à un chef d'Etat africain en séjour
dans un palace parisien ou, plus rarement, à des opposants de passage en France
– ce fut le cas pour l'un d'eux avec l'opposant guinéen Cellou Dalein Diallo. Mais ces rencontres ne figurent
jamais à l'agenda officiel.
Les
discussions en matière de défense se prolongent une seconde journée à
l'occasion d'une visite
éclair au siège de l'Africom à Stuttgart, en Allemagne. Pour
s'y rendre, les ambassadeurs américains empruntent le vol AF 1408 de 7h55. Sur
place, ils s'entretiennent avec le général David Rodriguez, commandant en chef d'Africom,
et son nouvel adjoint chargé des opérations civiles-militaires, l'ancien
ambassadeur US en poste à Abidjan Phillip
Carter III. Retour
dans la capitale française par le vol AF 1809 de 18h05, pour une ultime soirée
avant de s'envoler le lendemain, selon le cas, pour Ouagadougou, Abidjan,
Cotonou ou Libreville. »
J.-C. Simon et P. CarterIII, les deux stratèges du coup d'Etat du 11 avril 2011, pendant leur forfait |
En somme, comme on dit chez nous, le très
entreprenant ambassadeur Terence McCulley, c’est le « deux » de
l’ambassadeur Georges Serre… Lequel était fort discret ces dernières semaines. Aussi
discret que son homologue – ou faut-il dire : son collègue, ou son
coéquipier – était voyant et bruyant. Mais il est tout de même étrange qu’on
fasse tout ce foin à propos de l’agitation de l’un alors que c’est le calme
apparent de l’autre qui devait inquiéter le plus. Ne dit-on pas : « Méfiez-vous
de l’eau qui dort ! » ? On peut dormir sur ses deux oreilles, ou
jouer les saintes nitouches, quand on a le contrôle de fait de toutes les
forces armées disponibles sur le territoire ivoirien.
Les généraux Didier L'Hôte, nouveau patron de l'ONUCI, à gauche, et Hafiz Masroor Ahmed, son prédécesseur |
Peu de gens semblent avoir remarqué l’événement ou
compris ce qu’il signifiait mais, à la veille du récent scrutin présidentiel,
le commandement suprême de l’ONUCI a été confié à un général français. C’était
jusqu’alors la seule troupe dont le commandement leur échappait – même si le
général Didier L’Hote, l’actuel patron des casques bleus, était déjà l’adjoint
de son prédécesseur. En effet, outre leur propre corps expéditionnaire
protéiforme désormais dénommée « forces françaises en Côte d’Ivoire »
après avoir été le « 43e bima » puis la « force
licorne », les
Français « conseillent » les soi-disant forces républicaines des
Ouattara, ce qui veut dire qu’en fait, sous les masques du ministre délégué à
la Défense, Paul Koffi Koffi dit Rodomont, et du chef d’état-major des FRCI,
Soumaïla Bakayoko dit le repêché, ce sont eux qui commandent. Ainsi, au moment où tout le monde appréhendait une
nouvelle crise postélectorale, les anges gardiens du régime fantoche s’étaient
précautionneusement postés partout, prêts à tout, ni vus ni connus…
Et, pendant ce temps, Compère McCulley se dévouait
pour amuser la galerie.
Marcel Amondji
(A
suivre)
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