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Après l’hommage national
aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, après la douleur et les pleurs
des parents et amis, après les indignations et condamnations, que doit faire la
France ? Pour Hollande, il faut non seulement reprendre et intensifier les
frappes contre Daesh mais travailler à ce que Bachar Al-Assad ne soit plus au
pouvoir à Damas. Depuis plusieurs mois, en effet, le président français
soutient qu’une solution politique en Syrie passe par la mise à l’écart du président
syrien. Et le fait qu’il l’ait répété lors de sa dernière visite aux États-Unis
prouve que l’ancien Premier secrétaire du Parti socialiste est vraiment obsédé
par la chute du numéro 1 syrien. Les Ivoiriens se rappellent certainement que Sarkozy
était, lui aussi, obsédé par le renversement de Laurent Gbagbo jugé par la
France (droite et gauche confondues) pas assez docile pour laisser ses multinationales
piller les richesses des Ivoiriens. En matière d’obsession, Hollande n’innove
donc pas. En d’autres termes, dans la guerre contre les présidents qui refusent
de se soumettre aux diktats des Occidentaux, il n’y a rien de nouveau sous le
soleil français. Ce qui est nouveau, c’est que la Russie de Poutine a
clairement affirmé qu’elle ne se laisserait plus tromper par la France et ses
alliés de l’OTAN qui avaient mis en avant l’instauration de la démocratie et la
protection des populations civiles pour intervenir en 2011 en Libye. Ayant découvert
avec le temps que ces pays avaient menti comme George W. Bush avait trompé le
monde entier sur les armes de destruction massive que détiendrait Saddam
Hussein et que le vrai mobile de leur ingérence dans les affaires libyennes était
l’élimination physique de Kadhafi et l’accaparement du pétrole libyen, le président
russe a décidé de soutenir le président syrien. Cela signifie qu’Assad n’est
pas orphelin comme Gbagbo l’était de 2000 à 2011 et que les dirigeants français
devront y réfléchir à deux fois avant de croiser le fer avec la Russie qui, en
plus d’être membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, est une vraie
puissance militaire qui n’entend pas laisser les pays occidentaux continuer à
jouer les gendarmes du monde. Au fait, qui a fait de Hollande, de Fabius, de Sarkozy,
de Juppé et d’autres petits prétentieux français les maîtres du monde ? Qui les
a institués juges et arbitres de la terre ? De qui tiennent-ils le mandat et le
pouvoir de décider de qui mérite de diriger ou de vivre ? Et au nom de quoi eux
seuls, malgré le fait qu’ils ont du sang sur les mains et traînent une flopée
de casseroles, auraient le droit de vivre ? Qu’est-ce qui les autorise à
décréter qu’untel peut vivre pendant que tel autre devrait mourir ? Face à une
telle arrogance, on est évidemment tenté de donner raison à Me Jacques Vergès
qui estimait en 2011 que « l’État
français est conduit par des voyous et des assassins ». Ce que je veux
mettre en relief ici, c’est que bomber le torse ou menacer de faire partir Assad
ne sert à rien dans la mesure où les autorités russes se sont solidement mises
derrière le président syrien et ne sont pas près de le lâcher. Pour le dire
autrement, le refus de faire son mea
culpa et le départ d’Assad réclamé à tout bout de champ par Hollande ne
sont que de fausses solutions. Le locataire de l’Élysée ferait mieux d’entendre
et de considérer sérieusement les vraies solutions proposées par certains de
ses compatriotes. Il gagnerait, d’abord et avant tout, à prendre connaissance
de ce que certains internautes français pensent de sa manière de gérer le pays.
L’un d’entre eux dit ceci : « On
peut encore pardonner après un premier attentat mais là, un second aussi
meurtrier juste 10 mois après, c'est inadmissible ! C’est une faute lourde de
l'État ! Le gouvernement savait, il n'a rien fait ». Un autre met en
garde : « Non à la récupération
politique. Hollande devrait avoir honte de son inaction coupable ; au lieu de
quoi, il se balade à nos frais et en polluant un max pour jouer le maître du
monde ». Un troisième, pour qui « c’est
ni plus ni moins de la sale campagne électorale tachée de sang »
conseille de « ne pas tomber dans cette
mascarade et complot du style la marche de Charly [qui est] de la grosse
hypocrisie de la part de personnes qui ne font rien pour la France ». Un
quatrième internaute se demande si la gauche a déjà fait quelque chose sur quelque
sujet que ce soit et pointe le laxisme de Valls « qui a refusé de l’État syrien la liste de djihadistes français
en Syrie ». Quant à Emmanuelle Prévost, la sœur d’une victime tuée au
Bataclan, elle s’étonne que « des
personnes fichées S circulent librement, empruntent n'importe quel moyen de
locomotion ». D’autres citoyens français sont allés au-delà de
l’exaspération pour faire des propositions à même d’aider le pays à combattre
efficacement et durablement le terrorisme. C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon
pour qui il est urgent de « sortir
des ambiguïtés avec le Qatar et l’Arabie Saoudite » et de considérer
que « la Russie est un partenaire et
non un adversaire abominable ». Et le co-président du Parti de Gauche d’appeler
tous ses compatriotes à ne pas se contenter « d’analyser
les erreurs sans fin des dirigeants politiques qui nous ont amenés à cette
situation mais à faire aussi le point sur nous-mêmes. Je veux dire sur tous
ceux qui ont laissé se prendre des décisions contraires à l’intérêt de notre
pays pendant aussi longtemps sans dire un mot et sans sanctionner aucun
responsable les jours de vote ».
Je trouve
l’interpellation de Mélenchon d’autant plus intéressante que le peuple français
nous a jusqu’ici donné l’impression de ne pas être au courant des crimes,
pillages et coups tordus de ses dirigeants en Afrique francophone, de n’avoir
jamais vu des Ivoiriens battre le pavé à Paris pour la libération de Laurent
Gbagbo injustement détenu à la Haye, de n’avoir jamais entendu parler de biens
mal acquis et cachés en France par plusieurs chefs d’État africains. Pour sa
part, Éric Montana fait l’aveu suivant : « En
Afghanistan, en Irak, en Libye, au Tchad, en Syrie nous avons semé la mort et
la terreur. Nous avons voulu imposer la démocratie à coups de bombes à des
peuples qui n'en veulent pas. Nous avons voulu exporter des valeurs auxquelles
nous-mêmes ne croyons plus. Nous avons infligé tellement de souffrances
qu’aujourd'hui nous récoltons ce que nous avons semé. Nos politiciens font les
guerres au lieu de s'occuper des problèmes graves de notre pays. Le chômage
explose, la misère s’étend, nos retraités font les poubelles pour pouvoir
survivre, notre jeunesse n'a plus d'espoir et nos gouvernements dépensent des
milliards à bombarder des pays et des peuples étrangers ». Le chanteur
français poursuit : « Arrêtons de
nous mêler des affaires du monde. Nous ne sommes ni des exemples à suivre ni
des justiciers. Il est temps d'ouvrir les yeux : à force de semer la haine, le
racisme et la mort, nous, nous récoltons le terrorisme et la peur. Et ces
politiciens irresponsables qui nous conduisent vers l’abîme, ces pompiers
pyromanes, profitent du terrorisme pour nous infliger l'état d'urgence, réduire
nos libertés et nous dresser les uns contre les autres au risque de provoquer
une guerre civile dans notre propre pays ».
La suggestion du
philosophe Michel Onfray ne me paraît pas moins pertinente. À la question de
savoir quelle devrait être la bonne attitude pour la France, il répond sans
hésiter : « Moi, je serais pour
qu'on se désengage absolument de tous les conflits planétaires dans lesquels on
s'en va bombarder des populations musulmanes... Pourquoi on aurait le droit
d'intervenir au Mali mais pas le droit d'intervenir à Cuba, le devoir
d'intervenir en Libye mais pas en Corée du Nord ? Qu'est-ce qui fait qu'on a
des indignations sélectives ? On ne peut pas aller faire le gendarme sur la
planète entière ! Donc on a des indignations sélectives parce qu'il faut penser
en termes de géologie, de stratégie, de sous-sol. Faites une carte géologique
et vous verrez que ce sont les endroits géostratégiques où ont lieu les
guerres. Parce que là où il y a du pétrole, il y a toujours des militaires ».
Ces propos de M.
Onfray, si c’est un Africain qui les avait tenus, il aurait été accusé de la
théorie du complot dont raffolent ceux qui non seulement manquent d’arguments
face à des faits qui les accablent mais sont dans le déni permanent et se
refusent à faire repentance. La France doit cesser de penser qu’elle est
blanche comme neige, que la colonisation fut une bonne chose, qu’elle fait œuvre
salvatrice et civilisatrice en envoyant des soldats et/ou en s’ingérant dans
les affaires intérieures des pays africains. Ces interventions, qui se sont toutes
soldées par la désolation, le chaos, la misère et la mort précoce de milliers
de personnes, il est temps qu’elles prennent fin. Autrement dit, les dirigeants
français doivent enfin se regarder en face ou dans le miroir. Ils comprendront
alors qu’ils ont fait trop de mal ici ou là et qu’ils doivent s’atteler dorénavant
à régler d’abord les nombreux problèmes auxquels leur pays est confronté. Quand
ils auront fait cela, quand ils auront fini de rendre leurs compatriotes
heureux et, si nous le désirons, alors nous pourrions faire appel à eux. Pour
l’instant, ils seraient mieux inspirés d’exorciser leurs propres démons et de
relever leurs propres défis au lieu de se lancer dans une perpétuelle fuite en
avant. Concrètement, cela veut dire fermer toutes les coûteuses bases
militaires françaises en Afrique qui ne servent qu’à protéger des dictateurs
corrompus et sanguinaires, laisser les Africains d’expression française se
débrouiller tout seuls comme le font si bien Ghanéens, Zambiens, Nigérians,
Kenyans, Botswanais ou Ougandais, ne plus empoisonner ou assassiner les
Africains épris de liberté et de souveraineté. Car, tant qu’Africains et Arabes
seront exploités, méprisés et humiliés, tant que ne sera pas engagée la vraie guerre,
celle contre la duplicité et contre le soutien à des terroristes et rebelles çà
et là pour déstabiliser des présidents qui refusent d’être des pantins, tant
que perdurera la volonté de dire aux autres comment ils doivent vivre et qui
doit les diriger, il sera difficile, voire impossible d’éradiquer le terrorisme.