Le président de Force aux peuples (6e à partir de la droite) au milieu d’activistes de la société civile |
Le dernier né des partis politiques
en Côte d’Ivoire[1] a procédé à sa sortie officielle
le 8 décembre, à la Bibliothèque nationale sise au Plateau. Nous reproduisons ci-dessous
le discours que son président, Innocent Gnelbin, a
prononcé à cette occasion.
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Mesdames et messieurs,
Force aux Peuples, notre parti
politique naît dans un contexte politique en pleine mutation. Les acteurs
politiques depuis l’indépendance de notre pays sont toujours au premier plan
tandis que de nouvelles générations montantes sont de plus en plus visibles.
Les alliances se font et se défont, entraînant avec elles l’évolution
permanente du rapport de force entre groupements politiques.
Dans cette réalité politique, la
société est à la croisée des chemins entre la satisfaction des nécessaires
besoins quotidiens et un pouvoir d’achat en dépérissement continuel ;
toutes choses entraînant des frondes sociales, des conflits
intercommunautaires, des crises armées à répétition avec leurs corollaires de
morts et de désolation sociale. Face à cette société en mutation, Force aux
Peuples voudrait à travers cette sortie officielle vous entretenir sur le
thème : « Côte d’Ivoire d’aujourd’hui et de demain, les vrais défis de notre
société ».
Nous voulons poursuivre en saluant
les Présidents feu Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, feu Robert Guéi,
Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara pour les efforts consentis qui ont permis à
la Côte d’Ivoire de rester un pays solide et crédible dans le monde. Nous ne
doutons aucunement de leur volonté, chacun en ce qui le concerne, à vouloir
apporter le meilleur à ce pays. Cependant, mesdames et messieurs, notre pays
est profondément « sclérosé » et ne s’adapte malheureusement pas aux
exigences évolutives de notre société.
La Côte d’Ivoire d’aujourd’hui est une économie libérale
fortement extravertie avec des poumons qui ne respirent que par l’injection
permanente de dettes et de capitaux étrangers. C’est une économie qui n’a pas
les ressorts nécessaires pour créer de l’emploi et des richesses domestiquées
capables de satisfaire le grand nombre ; notre économie ne laisse aucune
chance aux démunis et n’offre pas de garanties suffisantes au bas peuple.
D’ailleurs, le fossé entre riches et
pauvres croît à l’extrême et ouvre permanemment la voie à des conflits sociaux
de grande ampleur.
Au niveau politique,
C’est un pays où le glissement
dans le totalitarisme reste fort compte tenu des importants pouvoirs conférés
au Président de la République par la Constitution d’août 2000 et renforcés par
celle de la IIIe République. Le jeu démocratique est biaisé et
pourri par une discrimination au sein du cadre politique, à travers le clan, le
village, la tribu, l’ethnie et toutes les institutions de notre pays sont
gangrenées par une corruption significative, dans laquelle s’entremêlent
pouvoir exécutif, administratif et traditionnel.
La compétition électorale est également faussée par un découpage
électoral ne tenant compte d’aucune objectivité, le processus électoral
bénéficie quant à lui d’une sécurisation sélective, de fraudes de grande
envergure et d’une Commission Électorale Non-Indépendante du pouvoir exécutif [contrairement
à ce qui était] souhaité dans le cadre des luttes démocratiques qui lui ont
donné forme.
Au niveau social
La plus grande partie de la
population, en réalité, vit sous le seuil de la pauvreté. Les chiffres
officiels font état d’un taux de pauvreté de 47% mais la pauvreté reste
tellement ambiante et forte dans nos quartiers que l’on peut affirmer que ce
chiffre ne reflète pas la réalité.
Au demeurant, les fonctionnaires
qui, pour la plupart sont en charge de familles entières, ont vu leur quotidien
se réduire à une précarité avancée due pour partie à une mauvaise politique
salariale et pour autre partie au Statut Général de la Fonction Publique
vieillissant et inopérant en bien des points essentiels. Ce statut n’a hélas
pas subi les adaptations qui doivent tenir compte de l’évolution sociale.
Que dire du monde paysan ? Il
est continuellement appauvri du fait de spéculations non encadrées, de la
longue chaîne d’intermédiaires entre le producteur réel et le consommateur
final et d’une inefficacité notoire des structures de régulation.
Tenant compte du mode de calcul du
BIT, le gouvernement a estimé le taux de chômage à 2% pendant que la BAD
soutient que ce taux se situerait entre 70% et 90%. C’est vraiment
gros !!! Cela pourrait ressembler à une injure à l’endroit de nos
consciences !!! C’est une indignation pour le peuple, notamment les
chômeurs à qui, manifestement le Gouvernement envoie un message :
« Nous ne ferons rien pour vous ».
Par ailleurs, se loger est devenu
un parcours du combattant. Le besoin est estimé à 600 000 logements par an
avec une augmentation annuelle de 40 000 unités. Selon le Ministère de la
Construction, du Logement et de l’Urbanisme, plus de 53% de la population ivoirienne
ne peut se loger décemment ; autant dire que le problème demeure entier
surtout que le programme des logements sociaux reste inadapté et inaccessible à
la classe moyenne à plus forte raison aux classes les plus pauvres.
Pour ce qui est de la santé, les
différentes tentatives pour couvrir les populations d’une assurance maladie
sont restées vaines. Elles butent contre la pauvreté et la faiblesse des
revenus des couches défavorisées. Ainsi, est-il clair que les régimes
successifs ont été incapables d’ouvrir l’accès aux hôpitaux, dans les
meilleures conditions, à tous. C’est alors que les populations se ruent vers la
médecine traditionnelle et les pharmacies ambulantes pour se soigner.
En ce qui concerne l’éducation
nationale, il y existe de nombreuses raisons de s’inquiéter. En effet, elle
devrait assurer en principe la production de personnes à haute conscience
nationale, prêtes à défendre le pays et à le construire véritablement pour la
grandeur de la nation ivoirienne. Seulement, nous constatons un affaiblissement
de notre système éducatif du fait de programmes d’enseignement et des systèmes
d’évaluations inopérants face aux exigences de développement.
De plus, d’un côté, l’école
publique est progressivement libéralisée compte tenu du désengagement de l’État
et de l’absence de régulation et de l’autre côté, les établissements privés,
sans grande capacité d’accueil et dont les résultats restent fortement mitigés,
pullulent dans le microcosme éducationnel sans véritable contrôle et
encadrement.
En somme, l’éducation nationale
devient de plus en plus chère, avec une faiblesse structurelle, un manque de
personnel enseignant, une absence de formation et de renforcement des capacités
et un laisser-aller qui ouvre la voie à de vastes activités lucratives au sein
des établissements, le COGES et plusieurs enseignants peuvent à cet effet être
indexés. À vrai dire, on ne finira pas de citer toutes les insuffisances qui
jalonnent notre système éducatif.
C’est pourquoi, face à ces sombres
réalités non exhaustives, demain devra être ‘‘significativement’’ différent.
Demain devra offrir une économie moderne, productrice de richesses et
d’emplois. Nous devrons bâtir un système économique, non seulement de
domestication des richesses, mais également de gestion rigoureuse et
transparente, dans lequel les richesses produites par les efforts collectifs
seront redistribuées équitablement, à travers une bonne gouvernance dépouillée
des vestiges de la corruption.
Demain doit ouvrir la porte d’une
plus large démocratie représentative où la participation des peuples sera plus
expressive. Nous devrons construire un système de gestion du pouvoir dans
lequel le cadre démocratique tirera toute sa substance d’une nation une et
indivisible ayant tous les leviers de la souveraineté en main. Nous devrons
bâtir un système de gestion du pouvoir dans lequel la politique reviendra à ses
fondamentaux, le bien-être de la cité.
Demain nous devrons mettre sur
pied tous les fondamentaux de l’État social pour que nos peuples soient
protégés de la « Finance ». L’accès au logement devra être une
réalité pour tout ivoirien ; l’ivoirien aura l’obligation et la
possibilité de se soigner. Nous devrons bâtir une société où l’égalité des
chances entre les citoyens, dans tous les domaines, sera une réalité.
Nous avons à construire un système
éducatif performant pour répondre aux nombreux défis auxquels notre pays est
confronté en matière de développement. Enfin, nous avons à mettre sur pied une
véritable politique de création d’emplois et de planification de développement
pour que chaque citoyen ait accès à un véritable emploi.
Seulement pour
y arriver, il convient de déterminer les vrais défis que doit relever notre
société.
La Côte d’Ivoire est à la fin d’un cycle :
§ Celui du clanisme et du tribalisme. Parce qu’on ne peut plus
continuer à gouverner pour un clan ou à faire de la politique autour du groupe
ethnique. Toutes ces pratiques détériorent le climat de paix, mettent à mal la cohésion
sociale et ouvrent continuellement la voie aux conflits ;
§ Celui de l’élitisme. Parce que pour administrer le pays, on ne
peut plus porter exclusivement et uniquement le choix sur des prétendues élites
là où l’on doit prôner l’égalité des chances ;
§ Celui de la mauvaise gouvernance et de la corruption érigée en
norme. Notre administration est au cœur d’un système de corruption qui existe
dans toutes les sphères de notre société. Cette corruption rampante qui fait
perdre à notre pays plus de 300 milliards, amoindrit les capacités financières
de l’État et constitue un frein au développement économique et social.
En Côte d’Ivoire, nous n’avons pas
réellement un profond mal de désaccord entre les différentes ethnies prises au
sens large du terme mais nous avons un peuple sous-éduqué qui croule sous le
poids de la pauvreté et du chômage. Nous avons un peuple qui, sur la base de
cette triste réalité, s’est laissé entraîner dans la méfiance et le repli
identitaire mal compris et sans réponses aux conditions de vie. En clair, les
peuples ont toujours vécu en symbiose, dans l’harmonie, la fraternité et la
paix, à travers les alliances interethniques ; ce sont des ferments de
cohésion sociale et d’unité dans nos sociétés.
Les vrais défis à relever sont donc, entre autres, ceux de la nation ; de la bonne gouvernance ; de l’égalité des
chances entre les filles et les fils de ce pays ; de l’équité ; de
l’emploi ; de la protection sociale pour chaque individu et chaque
famille.
C’est à cela qu’il nous appartient
de trouver des réponses. Les peuples peuvent se parler et être en parfaite
cohésion. C’est l’incapacité des gouvernants à proposer à chacun le pain, le
toit, l’éducation et la santé qu’il faut attaquer. Il appartient à celui qui
gouvernement de planifier et de prendre les mesures nécessaires pour que le
peuple mange à sa faim et que le plein-emploi soit assuré. Ce n’est qu’au prix
de la satisfaction des besoins essentiels des peuples que l’on préservera la
paix et la cohésion sociale. Mais alors, force
doit revenir au peuple.
Oui, il est temps que Force
revienne aux Peuples. C’est pourquoi, pour Force aux Peuples, il s’agit de
travailler à bâtir un système économique de protection sociale et de
coopération dans le respect des intérêts de la Côte d’Ivoire et de nos peuples.
Nous avons à mettre les populations au centre de nos actions politiques et
économiques en répondant de manière significative à leurs besoins essentiels.
Nous voulons une croissance
économique soutenue et inclusive et cela n’est pas en contradiction avec la
mise en forme d’une sécurité sociale ouverte et large. Oui, nous pouvons
diminuer les ressources publiques directes et augmenter les dépenses publiques
pour garantir les conditions de croissance d’une consommation finale qui
relance la machine de la production et donc de l’emploi.
En effet, c’est en mettant les
populations au cœur de l’édification d’un État moderne et démocratique, qu’on
se donne toutes les chances de réussir. Nous ne pouvons plus tourner en rond
car la soif de nos peuples devient pressante, notre pays a besoin d’être
construit et il ne peut se permettre encore les atermoiements face à une
mondialisation galopante et vorace.
Nous avons les ressources,
l’intelligence, le capital humain nécessaires pour nous adapter au nouveau monde
et à ses contraintes. Nos atouts sont, entre autres, la jeunesse de nos
populations, comparativement à l’Occident, notre sous-sol riche, notre sol très
cultivable et notre climat favorable en tout et pour tous.
Nous avons une diaspora d’une rare
qualité sociale, technique et financière, à laquelle il convient de donner
toutes ces chances dans l’intérêt du Pays. Il s’agit d’élaborer une politique
inclusive et participative, d’intégration sociale, économique et politique. La
diaspora est une richesse multiforme qu’il faut savoir domestiquer.
Force aux Peuples offre aux
Peuples de Côte d’Ivoire, une vision du développement cohérente, basée sur une
gouvernance transparente et démocratique et a pour ambition de réaliser le
progrès pour notre société en prenant des mesures draconiennes pour mettre fin
aux maux qui minent notre pays depuis des décennies.
Nous avons tout à y gagner. C’est
pourquoi nous appelons les peuples à croire en eux-mêmes, en leur capacité,
pour qu’ensemble nous puissions poser les bases du véritable changement et
édifier une nation moderne et démocratique dans l’intérêt des peuples et de
notre pays. En tachant sur cette base de nous ouvrir aux peuples frère
d’Afrique et du monde.
Vive les
peuples de Côte d’Ivoire !
Vive l’union
des peuples d’Afrique !
Vive la
République de Côte d’Ivoire !
Force
aux Peuples !
Le président Hlyh Innocent Gnelbin
Titre original :
« La Côte d’Ivoire est à la fin de
son cycle de clanisme et de tribalisme ».
EN MARAUDE DANS LE WEB
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ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu
qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et
des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à
faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la «
crise ivoirienne ».
Source : IvoireSoir.net 9 décembre 2018
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