mardi 11 décembre 2018

Vraies causes et vrais enjeux de la crise politique actuelle. La position de Force aux peuples.

Le président de Force aux peuples (6e à partir de la droite) au milieu d’activistes de la société civile

Le dernier né des partis politiques en Côte d’Ivoire[1] a procédé à sa sortie officielle le 8 décembre, à la Bibliothèque nationale sise au Plateau. Nous reproduisons ci-dessous le discours que son président, Innocent Gnelbin, a prononcé à cette occasion.

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Mesdames et messieurs,
Force aux Peuples, notre parti politique naît dans un contexte politique en pleine mutation. Les acteurs politiques depuis l’indépendance de notre pays sont toujours au premier plan tandis que de nouvelles générations montantes sont de plus en plus visibles. Les alliances se font et se défont, entraînant avec elles l’évolution permanente du rapport de force entre groupements politiques.
Dans cette réalité politique, la société est à la croisée des chemins entre la satisfaction des nécessaires besoins quotidiens et un pouvoir d’achat en dépérissement continuel ; toutes choses entraînant des frondes sociales, des conflits intercommunautaires, des crises armées à répétition avec leurs corollaires de morts et de désolation sociale. Face à cette société en mutation, Force aux Peuples voudrait à travers cette sortie officielle vous entretenir sur le thème : « Côte d’Ivoire d’aujourd’hui et de demain, les vrais défis de notre société ».
Nous voulons poursuivre en saluant les Présidents feu Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, feu Robert Guéi, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara pour les efforts consentis qui ont permis à la Côte d’Ivoire de rester un pays solide et crédible dans le monde. Nous ne doutons aucunement de leur volonté, chacun en ce qui le concerne, à vouloir apporter le meilleur à ce pays. Cependant, mesdames et messieurs, notre pays est profondément « sclérosé » et ne s’adapte malheureusement pas aux exigences évolutives de notre société.
La Côte d’Ivoire d’aujourd’hui est une économie libérale fortement extravertie avec des poumons qui ne respirent que par l’injection permanente de dettes et de capitaux étrangers. C’est une économie qui n’a pas les ressorts nécessaires pour créer de l’emploi et des richesses domestiquées capables de satisfaire le grand nombre ; notre économie ne laisse aucune chance aux démunis et n’offre pas de garanties suffisantes au bas peuple. D’ailleurs, le fossé entre riches et pauvres croît à l’extrême et ouvre permanemment la voie à des conflits sociaux de grande ampleur.

Au niveau politique,

C’est un pays où le glissement dans le totalitarisme reste fort compte tenu des importants pouvoirs conférés au Président de la République par la Constitution d’août 2000 et renforcés par celle de la IIIe République. Le jeu démocratique est biaisé et pourri par une discrimination au sein du cadre politique, à travers le clan, le village, la tribu, l’ethnie et toutes les institutions de notre pays sont gangrenées par une corruption significative, dans laquelle s’entremêlent pouvoir exécutif, administratif et traditionnel.
La compétition électorale est également faussée par un découpage électoral ne tenant compte d’aucune objectivité, le processus électoral bénéficie quant à lui d’une sécurisation sélective, de fraudes de grande envergure et d’une Commission Électorale Non-Indépendante du pouvoir exécutif [contrairement à ce qui était] souhaité dans le cadre des luttes démocratiques qui lui ont donné forme.

Au niveau social

La plus grande partie de la population, en réalité, vit sous le seuil de la pauvreté. Les chiffres officiels font état d’un taux de pauvreté de 47% mais la pauvreté reste tellement ambiante et forte dans nos quartiers que l’on peut affirmer que ce chiffre ne reflète pas la réalité.
Au demeurant, les fonctionnaires qui, pour la plupart sont en charge de familles entières, ont vu leur quotidien se réduire à une précarité avancée due pour partie à une mauvaise politique salariale et pour autre partie au Statut Général de la Fonction Publique vieillissant et inopérant en bien des points essentiels. Ce statut n’a hélas pas subi les adaptations qui doivent tenir compte de l’évolution sociale.
Que dire du monde paysan ? Il est continuellement appauvri du fait de spéculations non encadrées, de la longue chaîne d’intermédiaires entre le producteur réel et le consommateur final et d’une inefficacité notoire des structures de régulation.
Tenant compte du mode de calcul du BIT, le gouvernement a estimé le taux de chômage à 2% pendant que la BAD soutient que ce taux se situerait entre 70% et 90%. C’est vraiment gros !!! Cela pourrait ressembler à une injure à l’endroit de nos consciences !!! C’est une indignation pour le peuple, notamment les chômeurs à qui, manifestement le Gouvernement envoie un message : « Nous ne ferons rien pour vous ».
Par ailleurs, se loger est devenu un parcours du combattant. Le besoin est estimé à 600 000 logements par an avec une augmentation annuelle de 40 000 unités. Selon le Ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, plus de 53% de la population ivoirienne ne peut se loger décemment ; autant dire que le problème demeure entier surtout que le programme des logements sociaux reste inadapté et inaccessible à la classe moyenne à plus forte raison aux classes les plus pauvres.
Pour ce qui est de la santé, les différentes tentatives pour couvrir les populations d’une assurance maladie sont restées vaines. Elles butent contre la pauvreté et la faiblesse des revenus des couches défavorisées. Ainsi, est-il clair que les régimes successifs ont été incapables d’ouvrir l’accès aux hôpitaux, dans les meilleures conditions, à tous. C’est alors que les populations se ruent vers la médecine traditionnelle et les pharmacies ambulantes pour se soigner.
En ce qui concerne l’éducation nationale, il y existe de nombreuses raisons de s’inquiéter. En effet, elle devrait assurer en principe la production de personnes à haute conscience nationale, prêtes à défendre le pays et à le construire véritablement pour la grandeur de la nation ivoirienne. Seulement, nous constatons un affaiblissement de notre système éducatif du fait de programmes d’enseignement et des systèmes d’évaluations inopérants face aux exigences de développement.
De plus, d’un côté, l’école publique est progressivement libéralisée compte tenu du désengagement de l’État et de l’absence de régulation et de l’autre côté, les établissements privés, sans grande capacité d’accueil et dont les résultats restent fortement mitigés, pullulent dans le microcosme éducationnel sans véritable contrôle et encadrement.
En somme, l’éducation nationale devient de plus en plus chère, avec une faiblesse structurelle, un manque de personnel enseignant, une absence de formation et de renforcement des capacités et un laisser-aller qui ouvre la voie à de vastes activités lucratives au sein des établissements, le COGES et plusieurs enseignants peuvent à cet effet être indexés. À vrai dire, on ne finira pas de citer toutes les insuffisances qui jalonnent notre système éducatif.
C’est pourquoi, face à ces sombres réalités non exhaustives, demain devra être ‘‘significativement’’ différent. Demain devra offrir une économie moderne, productrice de richesses et d’emplois. Nous devrons bâtir un système économique, non seulement de domestication des richesses, mais également de gestion rigoureuse et transparente, dans lequel les richesses produites par les efforts collectifs seront redistribuées équitablement, à travers une bonne gouvernance dépouillée des vestiges de la corruption.
Demain doit ouvrir la porte d’une plus large démocratie représentative où la participation des peuples sera plus expressive. Nous devrons construire un système de gestion du pouvoir dans lequel le cadre démocratique tirera toute sa substance d’une nation une et indivisible ayant tous les leviers de la souveraineté en main. Nous devrons bâtir un système de gestion du pouvoir dans lequel la politique reviendra à ses fondamentaux, le bien-être de la cité.
Demain nous devrons mettre sur pied tous les fondamentaux de l’État social pour que nos peuples soient protégés de la « Finance ». L’accès au logement devra être une réalité pour tout ivoirien ; l’ivoirien aura l’obligation et la possibilité de se soigner. Nous devrons bâtir une société où l’égalité des chances entre les citoyens, dans tous les domaines, sera une réalité.
Nous avons à construire un système éducatif performant pour répondre aux nombreux défis auxquels notre pays est confronté en matière de développement. Enfin, nous avons à mettre sur pied une véritable politique de création d’emplois et de planification de développement pour que chaque citoyen ait accès à un véritable emploi.

Seulement pour y arriver, il convient de déterminer les vrais défis que doit relever notre société.

La Côte d’Ivoire est à la fin d’un cycle :
§  Celui du clanisme et du tribalisme. Parce qu’on ne peut plus continuer à gouverner pour un clan ou à faire de la politique autour du groupe ethnique. Toutes ces pratiques détériorent le climat de paix, mettent à mal la cohésion sociale et ouvrent continuellement la voie aux conflits ;
§  Celui de l’élitisme. Parce que pour administrer le pays, on ne peut plus porter exclusivement et uniquement le choix sur des prétendues élites là où l’on doit prôner l’égalité des chances ;
§  Celui de la mauvaise gouvernance et de la corruption érigée en norme. Notre administration est au cœur d’un système de corruption qui existe dans toutes les sphères de notre société. Cette corruption rampante qui fait perdre à notre pays plus de 300 milliards, amoindrit les capacités financières de l’État et constitue un frein au développement économique et social.
En Côte d’Ivoire, nous n’avons pas réellement un profond mal de désaccord entre les différentes ethnies prises au sens large du terme mais nous avons un peuple sous-éduqué qui croule sous le poids de la pauvreté et du chômage. Nous avons un peuple qui, sur la base de cette triste réalité, s’est laissé entraîner dans la méfiance et le repli identitaire mal compris et sans réponses aux conditions de vie. En clair, les peuples ont toujours vécu en symbiose, dans l’harmonie, la fraternité et la paix, à travers les alliances interethniques ; ce sont des ferments de cohésion sociale et d’unité dans nos sociétés.

Les vrais défis à relever sont donc, entre autres, ceux de la nation ; de la bonne gouvernance ; de l’égalité des chances entre les filles et les fils de ce pays ; de l’équité ; de l’emploi ; de la protection sociale pour chaque individu et chaque famille.

C’est à cela qu’il nous appartient de trouver des réponses. Les peuples peuvent se parler et être en parfaite cohésion. C’est l’incapacité des gouvernants à proposer à chacun le pain, le toit, l’éducation et la santé qu’il faut attaquer. Il appartient à celui qui gouvernement de planifier et de prendre les mesures nécessaires pour que le peuple mange à sa faim et que le plein-emploi soit assuré. Ce n’est qu’au prix de la satisfaction des besoins essentiels des peuples que l’on préservera la paix et la cohésion sociale. Mais alors, force doit revenir au peuple.
Oui, il est temps que Force revienne aux Peuples. C’est pourquoi, pour Force aux Peuples, il s’agit de travailler à bâtir un système économique de protection sociale et de coopération dans le respect des intérêts de la Côte d’Ivoire et de nos peuples. Nous avons à mettre les populations au centre de nos actions politiques et économiques en répondant de manière significative à leurs besoins essentiels.
Nous voulons une croissance économique soutenue et inclusive et cela n’est pas en contradiction avec la mise en forme d’une sécurité sociale ouverte et large. Oui, nous pouvons diminuer les ressources publiques directes et augmenter les dépenses publiques pour garantir les conditions de croissance d’une consommation finale qui relance la machine de la production et donc de l’emploi.
En effet, c’est en mettant les populations au cœur de l’édification d’un État moderne et démocratique, qu’on se donne toutes les chances de réussir. Nous ne pouvons plus tourner en rond car la soif de nos peuples devient pressante, notre pays a besoin d’être construit et il ne peut se permettre encore les atermoiements face à une mondialisation galopante et vorace.
Nous avons les ressources, l’intelligence, le capital humain nécessaires pour nous adapter au nouveau monde et à ses contraintes. Nos atouts sont, entre autres, la jeunesse de nos populations, comparativement à l’Occident, notre sous-sol riche, notre sol très cultivable et notre climat favorable en tout et pour tous.
Nous avons une diaspora d’une rare qualité sociale, technique et financière, à laquelle il convient de donner toutes ces chances dans l’intérêt du Pays. Il s’agit d’élaborer une politique inclusive et participative, d’intégration sociale, économique et politique. La diaspora est une richesse multiforme qu’il faut savoir domestiquer.
Force aux Peuples offre aux Peuples de Côte d’Ivoire, une vision du développement cohérente, basée sur une gouvernance transparente et démocratique et a pour ambition de réaliser le progrès pour notre société en prenant des mesures draconiennes pour mettre fin aux maux qui minent notre pays depuis des décennies.
Nous avons tout à y gagner. C’est pourquoi nous appelons les peuples à croire en eux-mêmes, en leur capacité, pour qu’ensemble nous puissions poser les bases du véritable changement et édifier une nation moderne et démocratique dans l’intérêt des peuples et de notre pays. En tachant sur cette base de nous ouvrir aux peuples frère d’Afrique et du monde.
Vive les peuples de Côte d’Ivoire !
Vive l’union des peuples d’Afrique !
Vive la République de Côte d’Ivoire !
Force aux Peuples !

Le président Hlyh Innocent Gnelbin
Titre original : « La Côte d’Ivoire est à la fin de son cycle de clanisme et de tribalisme ».

EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».

Source : IvoireSoir.net

[1] - Voir dans ce blog : https://cerclevictorbiakaboda.blogspot.com/search?updated-max=2018-11-20T11:32:00%2B01:00&max-results=7

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