Statuettes béninoises en bronze au musée du quai
Branly.
Crédits: © Olivier Laban Matte
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Durant la traite négrière, puis la colonisation, l’on se persuada que le
Noir était à peine un homme. Il le fallait pour que des chrétiens, comme les
Européens se définissaient, puissent en faire des esclaves et les traiter de
façon totalement inhumaine comme ils le firent sur les terres d’Amérique puis
en Afrique par la suite.
C’est ainsi que Montesquieu, qui était l’un des esprits les plus brillants de son époque, écrivit ces lignes : « On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir… Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens ».
C’est ainsi que Montesquieu, qui était l’un des esprits les plus brillants de son époque, écrivit ces lignes : « On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir… Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens ».
La traite négrière consista à enlever le Noir de sa terre et à l’envoyer
dans un autre monde. La colonisation, elle, se passa en Afrique. On ne déplaça
pas le Noir, mais on détruisit tout ce qui faisait de lui un homme autonome, à
savoir sa spiritualité et sa culture. On réussit à convaincre une bonne partie
des Africains qu’ils étaient naturellement inférieurs aux maîtres blancs, et
que tout ce qui faisait leur spécificité, à savoir leur couleur, la forme de
leur nez, leurs cheveux, leurs cultes et leur culture étaient sauvages,
démoniaques.
Alors, on nous débarrassa de tous nos objets cultuels et culturels pendant
que nous-mêmes détruisions le reste. Il y eut des prédicateurs chrétiens
africains qui sillonnèrent des villages pour détruire par le feu ce qu’on
appelait les fétiches. Une bonne partie fut emportée par les Européens chez
eux, souvent offerte ou bradée par nous-mêmes. Des musées entiers leur ont été
consacrés et ces objets leur ont servi à faire progresser leur art.
Pablo Picasso, qui fut certainement l’un des plus grands artistes européens
de tous les temps, n’a jamais caché qu’il fut influencé par ce qu’on appelait
l’art nègre. Il ne fut pas le seul.
Pendant ce temps, en Afrique, nos musées dits des « civilisations
africaines » sont désespérément vides et souvent mal entretenus. Parce que
personne n’a envie d’aller voir ce qui symbolisait la « sauvagerie» de sa race.
Nous sommes encore nombreux à croire au fond de nous que nos cultures sont les
manifestations de notre barbarie. Nous préférons emplir les églises, temples et
mosquées, hauts lieux où se manifestent les « vraies civilisations ».
L’Africain a renoncé à tout ce qui fait sa spécificité d’être humain au
milieu des autres. Certains vont jusqu’à récuser leur couleur, leurs cheveux et
la forme de leur nez. Nous nous excitons cependant de temps en temps, lorsque
nous apprenons que certains de nos objets emportés par les Européens sont
vendus à des millions de dollars ou d’euros. Nous découvrons alors qu’ils
ont de la valeur. Nous réclamons leur retour. Mais le souffle retombe bien
vite. Nous ne réalisons pas que c’est une partie de notre âme et de notre
histoire, c’est-à-dire une partie de nous-mêmes, que nous avons laissée partir
avec ces objets.
Nous ne réalisons pas encore que l’Afrique ne retombera jamais sur ses deux
pieds tant qu’elle n’aura pas renoué avec elle-même. Nous continuerons de
patauger et d’être la proie de tous les prédateurs, tant que nous ne serons pas
redevenus nous-mêmes. Etre soi-même ne signifie nullement être fermé à toutes
les autres cultures. L’Africain qui a su apprivoiser une bonne partie des
cultures européennes, arabes et asiatiques serait l’être le plus complet et le
plus à même de faire face aux défis qui nous attendent, si seulement il
acceptait d’être d’abord lui-même.
Le président français a accepté de
restituer aux Africains une partie des objets cultuels et culturels dont ils
ont été spoliés. Prenons toutes les dispositions pour les accueillir afin que les
générations actuelles et futures puissent réellement renouer avec cette partie
d’elles-mêmes.
Venance Konan
EN MARAUDE DANS LE WEB
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des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à
l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec
l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par
leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des
causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : Fraternité
Matin 29 novembre 2018
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