La reprise
de Palmyre par les forces syriennes a fait grincer des dents certains. Pourtant,
c’est loin d’être un fait banal, une victoire parmi d’autres. Le revers de
l’Etat islamique (EI), en train de reculer aussi bien sur le front syrien
qu’irakien, a sans doute une portée bien plus grande.
C’est
d’abord la fin du mythe de « l’invincibilité » des hordes du calife
autoproclamé Ibrahim Al-Baghdadi. Le territoire sous son contrôle s’est rétréci
considérablement. Palmyre, c’est ensuite la voie ouverte pour une offensive en
direction de Deir Ezzor, sur les bords de l’Euphrate, où l’armée syrienne tient
encore l’aéroport militaire assiégé depuis plus d’un an par Daesh et un tiers
de la ville. Mais aussi en direction de Raqqa, la « capitale » de Daesh. De
plus, le revers infligé à Daesh met fin à cette idée assez répandue selon
laquelle Damas préférait frapper l’opposition parrainée par les Occidentaux,
les pays du Golfe et la Turquie, plutôt que l’EI. Et s’il est vrai que ces deux
localités ne vont pas tomber comme un château de cartes, il n’en reste pas
moins que depuis le début de l’intervention russe en septembre 2015, la
situation sur le terrain s’est totalement inversée. Daesh et Djebhet Al-Nosra
(branche syrienne d’Al-Qaïda) ont perdu l’initiative. Il en va de même pour
Ahrar Cham et Jaish Al-Islam ainsi que toute une myriade de groupes islamistes,
tous plus ou moins parrainés par la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar,
bien avant que ces groupes (97 au total) n’acceptent le cessez-le-feu entré en
vigueur le 27 février.
Dès lors, il
ne sert à rien de minimiser le revers de l’EI à Palmyre et de le présenter
comme un non-enjeu car au plan diplomatico-politique, le régime syrien en sort
plus que jamais renforcé. Et la question du départ de Bachar Al-Assad, posée
comme préalable à toute issue à la crise syrienne, n’est désormais plus
d’actualité. D’ailleurs, Washington, qui coparraine les pourparlers de Genève
avec Moscou, et qui s’est réjoui de la reconquête de Palmyre, n’évoque plus le
départ du Président syrien. La politique de Vladimir Poutine, sans laquelle le
changement du rapport de force sur le terrain n’aurait pas été possible, s’est
finalement avérée payante. Moscou, à qui de nombreux commentateurs prédisaient
un échec certain, est le vrai gagnant. Enfin, il n’est pas impensable que les
succès militaires syriens accélèrent le règlement politique de la crise
syrienne après cinq ans de conflit.
Quant à
l’Arabie Saoudite, ses alliés du Golfe et les pays membres de « l’Otan sunnite »,
c’est silence sur toute la ligne. Assurément, la déroute de Daesh et la série
de revers qu’il a subie et qui a placé le régime syrien en position de force,
s’ajoutant au retour au premier plan de l’Iran sur la scène moyen-orientale, ne
constituent pas une bonne nouvelle pour Riyad et ses amis. C’est le pari sur
une solution militaire pour faire chuter le régime syrien qui a échoué. C’est
toute la stratégie saoudienne basée sur une politique extérieure offensive qui
s’en trouve fragilisée. Le recentrage du conflit syrien exclusivement contre le
régime de Damas suite au sommet de l’unification de « l’opposition syrienne » à
Riyad en décembre dernier, sans le Front démocratique syrien (FDS dont font
partie les kurdes), est dans l’impasse. Cette « opposition » est aujourd’hui
contrainte de négocier à Genève avec le régime de Bachar et de réviser ses
prétentions à la baisse.
Impasse
également sur un autre front, le Yémen. Une année de bombardements et plus de
50 000 sorties aériennes – ça a commencé le 26 mars 2015 – par la coalition
arabe, cet Otan sunnite conduit par Riyad, a débouché sur un seul résultat :
l’enlisement, la mort de milliers de civils yéménites, la destruction de
milliers d’habitations et de lieux historiques et la fuite de plus de deux
millions de
personnes. Là encore, la solution militaire a échoué. Autre échec
de Riyad et de ses alliés, celui d’avoir pensé qu’en décrétant le Hezbollah
libanais organisation terroriste allait se créer un conflit intercommunautaire
sunnite/chiite au Liban.
Hassane Zerrouky
Titre original : « Double échec
saoudien en Syrie et au Yémen, et déclin de Daesh ».
Source : Le Soir d’Algérie 31 mars
2016
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2016/03/31/article.php?sid=194040&cid=8
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2016/03/31/article.php?sid=194040&cid=8
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