Dans la nuit du mardi au mercredi 4 février 2015 un
champ pétrolier conjointement exploité par TOTAL et par la compagnie nationale
libyenne NOC, a été attaqué par des hommes armés à Syrte, faisant 11 morts dont
10 libyens et 1 nigérien.
Cette information n’a ému personne. Il est bien
évident que tant que les droits de pomper du pétrole par TOTAL sont
garantis, le respect des droits de l'homme en Libye ne constituent pas
une préoccupation majeure pour les pourvoyeurs d'émotions sélectives et
les champions des droits de l'homme.
Je me suis demandé que fait Total dans le chaos
complet qu’est devenu la Libye de l’après Kadhafi, surtout ces derniers mois.
J’ai compris pourquoi il n’y a pas de sanctions économiques contre ces groupes
armés qui contrôlent la Libye, y massacrent les populations, exploitent et
mettent sous coupe réglée le territoire libyen, désormais éclaté entre 4
provinces hétéroclites (Bengazi, Syrte, Tripoli, le Faisan) : une « somalisation » complète. La compagnie nationale de pétrole libyenne
représente qui dans un tel contexte ? Que valent les contrats et quelle est la
légalité et la légitimité des opérations des compagnies pétrolières en cours
dans le pays ? Peut-on être aussi cynique et fermer les yeux sur le drame
des populations libyennes à ce point ?
Déjà à la veille de la chute de Kadhafi, le Conseil
national de transition (CNT) libyen annonçait en avril 2011 sa décision «
attribuant 35 % du total du pétrole brut aux Français en échange du soutien
total et permanent à notre conseil » : ceci représenterait une
production de plus de 542 000 bb/j sur sa production journalière de 1 550
000 bb/j d’avant la guerre.
Dans le contexte de la guerre menée par l’OTAN pour
tuer Kadhafi en 2011, une telle annonce pouvait apparaître comme une
contribution du groupe français à l’installation de la démocratie en Libye.
Aujourd’hui, 4 ans après, avec ce qui se passe sur le
terrain en Libye, on est bien loin de l’installation de la démocratie : le pays
est en ruine ; le semblant d’Etat qui existait sous Kadhafi est totalement
délité ; c’est le règne des groupes djihadistes, qui se partagent le pays et
rivalisent dans les exactions et les actions les plus horribles.
Alors, comment comprendre que TOTAL, une entreprise
« citoyenne » en France, puisse intervenir à l’aise dans un tel
merdier ?
En fait, la Libye, qui recèle les plus vastes réserves
de pétrole d'Afrique et [qui est au] 9eme [rang] dans le monde (44-46.5 milliards de barils), est
déjà à elle seule la troisième source d'approvisionnement de la France, ex
aequo avec la Mer du Nord (16 % du total en 2010), derrière les pays du
Proche-Orient (17 %) et ceux de l'ex-URSS (32 %), selon l'Insee. La France
importe plus de pétrole libyen (10,25 millions de tonnes en 2010) que de
pétrole saoudien (6 millions de tonnes).
Le groupe français TOTAL, tout comme les firmes
pétrolières liées à la Grande-Bretagne, avait peu à perdre et beaucoup à
gagner dans la guerre en Libye ; Paris et Londres ont été les plus impliqués
dans l'offensive de l'Otan en Libye.
Avant le début du conflit, le groupe français TOTAL
était assez mal implanté en Libye, avec seulement deux champs fournissant une
modeste production de 55 000 barils par jour (b/j) : très loin derrière
l'italien Eni (244 000 b/j), les compagnies américaines (124 000 b/j), et même
l'allemand BASF (100 000 b/j), d'après les chiffres du département américain de l'Énergie
pour 2010.
Plus généralement, l'Occident, qui est à court de
nouvelles découvertes de pétrole, est dans la crainte d’une chute de la
production contrôlée par les compagnies occidentales. Dès 2005, l'économiste en
chef de l'Agence internationale de l'Énergie (AIE) avait annoncé, pour Le
Monde, un déclin de la production hors-Opep « peu après 2010 ».
La conséquence serait que les grandes compagnies
pétrolières occidentales, celles que l'on a pris l'habitude d'appeler les
« majors », alors même que depuis les années 70 et l'émergence de
l'Opep, elles ne contrôlent plus qu'à peine un septième des réserves de la
planète, perdent leur place de leaders incontestables du marché. En effet, malgré
leurs capitaux fantastiques, qui les placent toujours aux tout premiers rangs
des plus grandes firmes privées de la planète, les majors sont désormais des
« minors », du point de vue du contrôle des réserves, face aux
firmes publiques des grands pays exportateurs.
Plus le temps passera, plus la proportion des réserves
de pétrole contrôlées par les pays exportateurs augmentera, tandis que la part
des compagnies occidentales, elle, s'amenuisera, et cela « mécaniquement », répète Fatih Birol à l'AIE.
N’est-ce pas ici que se trouve la réponse à toutes ces
guerres fomentées opportunément dans les pays abritant les plus grandes
réserves d’or noir au cours des dernières décennies (Irak, Lybie, Syrie,
menaces contre l’Iran, Soudan puis Sud Soudan, Côte d’Ivoire, Mali, République
centrafricaine, Tchétchénie et pays d’Asie de l’ancienne URSS, menace de guerre
contre la Russie elle-même, instabilité au Nigeria avec la secte BokoHaram,
etc.).
La présence et les activités de TOTAL et des autres
grandes firmes pétrolières occidentales en Libye finissent de nous convaincre
de l’hypocrisie des dirigeants occidentaux, pour lesquels en réalité ne
comptent que leurs intérêts mesquins, loin des vociférations et agitations
officielles se référant cyniquement à la défense de valeurs démocratiques et de
respect des droits de l’homme à travers le monde.
Sous le masque de la protection des droits de l’homme
et de la lutte contre le terrorisme que porte l’occident, se cache le contrôle
et la protection des ressources de matières premières notamment le pétrole. La
concurrence des pays émergents pousse l’occident vers un monopole de type
colonial ou l’installation du chaos qui laisse la place au plus fort, donc aux
pays qui interviennent par la force au nom de la démocratie ou de la lutte
contre le terrorisme.
En Afrique de l’Ouest, outre le Nigeria, cinq États de
la région sont actuellement producteurs de pétrole : le Bénin, la Côte
d’Ivoire, le Ghana, la Mauritanie et le Niger. Tandis que les dix autres États
sont encore au stade de l’exploration. En termes de réserves avérées, l’Afrique
de l’Ouest affiche des proportions identiques à celles de la production : elles
s’élèveraient à près de 40 milliards de barils (en 2012), soit environ 30 % des
réserves totales de l’Afrique.
S’agissant tout particulièrement du Nord Mali, là d’où
est partie la guerre et où persistent les principales tensions, même si cette
région contribue très peu – à l’heure actuelle – au PIB du pays, le sous-sol
des régions de Gao, Kidal et Tombouctou suscite beaucoup d’espoir : 850 000 km2
de potentiel gazier et pétrolier, selon les études menées par l’Autorité pour
la recherche pétrolière (Aurep). Un contexte qui pourrait expliquer
en partie la situation actuelle et qui pourrait justifier les velléités de partition du pays.
Quoi qu’il en soit, 4 bassins principaux
ont été identifiés dans cette zone : Tamesna (à cheval entre le Mali et le
Niger), Taoudeni (qui couvre également une partie de l’Algérie et de la
Mauritanie), le graben de Gao et le rift de Nara (vers Mopti). Le pyromane
Barkhane a bien de l’avenir, surtout que le pompier est déjà opérationnel
: cette zone se situe dans le prolongement de la poudrière libyenne et aux
confins de la région convoitée par Boko Haram.
Quand est-ce que les élites et les peuples africains vont-ils comprendre ce fait pour savoir la force que représentent les richesses du continent et prendre conscience de la nécessité de les exploiter pour le développement de nos populations tout en rejetant l’hypocrisie de l’occident et ses prétextes fallacieux pour intervenir dans nos pays.
Quand est-ce que les élites et les peuples africains vont-ils comprendre ce fait pour savoir la force que représentent les richesses du continent et prendre conscience de la nécessité de les exploiter pour le développement de nos populations tout en rejetant l’hypocrisie de l’occident et ses prétextes fallacieux pour intervenir dans nos pays.
Jean Charles Tiémélé, expert économiste financier
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nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en
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que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne
».
Source : CIVOX.
NET 13 Février 2015
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