De
rumeurs en affaires, la «Françafrique»
est le serpent de mer de la politique étrangère française depuis cinq
décennies. Médiatisée dans les années 1990, l'expression désigne les relations
spéciales - soutien aux dictatures, coups de force, détournements de fonds,
financements illégaux de partis politiques français - que Paris entretient avec
plusieurs États africains. Selon Robert Bourgi, à l'origine du dernier
scandale en date, tous les présidents français depuis De Gaulle
jusqu'à Chirac auraient profité de ce système.
De
Gaulle invente la «cellule Afrique»
En
1960, au moment des indépendances africaines, la France veut conserver son
influence sur le continent noir et préserver son indépendance énergétique. Pour
ce faire, De Gaulle met en place une «cellule
Afrique», installée directement à l'Élysée et dégagée de la tutelle du
ministère des Affaires étrangères. À sa tête, le général place Jacques
Foccart, gaulliste de la première heure. Sa devise : «Rester dans l'ombre pour ne pas prendre de
coup de soleil». Sous De Gaulle puis Pompidou, l'homme s'emploiera à tisser
un dense réseau franco-africain mêlant hommes politiques, chefs d'État
africains, hommes d'affaires, services secrets et barbouzes. En poste jusqu'en
1974, il sera un temps écarté par Valéry Giscard d'Estaing mais son réseau
gardera de l'influence jusqu'à sa mort, en 1997.
Elf
ou la «France-à-fric»
L'approvisionnement
en pétrole, après la perte de l'Algérie, est l'objectif premier de la
diplomatie parallèle mise en place par Foccart. C'est dans ce contexte qu'est
créée, en 1965, la compagnie pétrolière d'État Elf, qui développe ses activités
en Afrique sub-saharienne.
En
1994, l'éclatement de l'affaire Elf porte les dessous de la Françafrique sur le
devant de la scène. Elle révèle des circuits financiers alimentant un vaste
système de corruption de part et d'autre de la Méditerranée. Loïk Le
Floch-Prigent, à la tête de l'entreprise de 1989 à 1993 et
condamné en 2003 pour plusieurs centaines de millions d'euros de détournements
de fonds, résumera ainsi le système : «En
créant Elf (…) les gaullistes voulaient un véritable bras séculier d'État, en
particulier en Afrique (…). Une sorte d'officine de renseignements dans les
pays pétroliers. L'argent du pétrole est là, il y en a pour tout le monde. (…)
Elf fut et reste une pièce essentielle du dispositif néocolonial mis en place
par Paris, quelques années après les indépendances, afin de maintenir sa
tutelle économique et politique».
L'affaire
montre que la Françafrique n'a pas disparu sous François Mitterrand, bien au
contraire. Outre le réseau Foccart, toujours actif, les années 1990 ont vu
l'arrivée de nouveaux acteurs de la Françafrique, dont Jean-Christophe
Mitterrand, le fils du président, puis Charles Pasqua dans le gouvernement
d'Edouard Balladur (1993-1995). Les deux se retrouveront au tribunal dans
l'affaire de l'Angolagate.
«Le
plus long scandale de la République»
En
1998, François-Xavier Verschave publie La Françafrique, le plus long
scandale de la République. Détournement de l'Aide publique au
développement, assassinats, putsches…le fondateur de l'association Survie, qui milite
contre la Françafrique, liste les faits d'armes des réseaux parallèles.
Parmi
ceux-ci figure la guerre du Biafra. À la fin des années
1960, cette région du sud du Nigeria fait sécession. De Gaulle et Foccart
sautent sur l'occasion pour tenter d'affaiblir le géant pétrolier, en livrant
notamment des armes à la rébellion. Dans ses mémoires, Jacques Foccart citera
De Gaulle en ces termes : «Le
morcellement du Nigeria est souhaitable». La guerre civile provoque une
famine qui fait entre 1 et 2 millions de morts.
Mais
la «grande œuvre» du réseau Foccart
se situe au Gabon, ex-colonie française où d'importantes réserves de pétrole
ont été découvertes. C'est lui qui installe en 1967 Omar Bongo au pouvoir : il
y restera jusqu'à sa mort, 41 ans plus
tard. Le président gabonais fait partie des chefs d'État
africains cité dans l'affaire des «Biens mal acquis».
Article de Thomas Vampouille (source : lefigaro.fr
13/09/2011)
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