Au Rwanda, à la fin du siècle dernier, deux tribus aux drôles de noms, les Hutus et les Tutsis, se sont entretuées à coup de machettes – sous-entendu «comme des sauvages». C'est, à peine caricaturée, la légende encore trop partagée dans notre pays au moment où le président rwandais, Paul Kagame, s'y rend pour une première visite officielle depuis le génocide. Car c'est de cela qu'il est question : d'un génocide perpétré par le régime hutu contre la population tutsie et ses soutiens hutus. Le plus fulgurant des génocides – 800 000 morts en cent jours, entre le 6 avril et le 4 juillet 1994. Et même si cette histoire est largement écrite par un ensemble de chercheurs scrupuleux, il s'agit une nouvelle fois d'un passé qui, en France, a du mal à passer. L'implication de notre République dans ces atroces massacres, sa complicité comme son savoir-faire en matière de «crimes de bureau» n'y sont évidemment pas pour rien. En témoigne la force d'un négationnisme qui triomphe encore parfois dans les médias, à l'image d'un Pierre Péan et de son abjecte thèse du «double génocide». Car – n'en déplaise à tel ancien commandant de l'opération Turquoise qui s'estime traité de «nazi» – si l'on peut ce jour parler d'insulte, c'est seulement à propos de celle faite toutes ces années aux victimes niées du génocide. N'en déplaise aussi à M. Quilès, ex-ministre de la Défense, qui empêcha une véritable enquête parlementaire en présidant lui-même une insatisfaisante mission. A la différence des Belges, qui surent mener ce douloureux travail en public, reconnaître la responsabilité morale de leur pays avant de présenter leurs excuses. Nicolas Sarkozy est allé à Kigali début 2010, il reçoit aujourd'hui Paul Kagame à Paris, il sait ce qu'il lui reste à faire.
Par SYLVAIN BOURMEAU – (source : Libération 12 septembre 2011)
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