samedi 6 octobre 2018

« Etre neutre face à une situation d’injustice, c’est choisir le côté de l’oppresseur » (Mgr D. Tutu)

 

Lancement d’une nouvelle plate-forme de la société civile dénommée « Action pour la Restauration de la Dignité Humaine » (ARDH)

 

Discours de présentation

Pulchérie Gbalet (au centre), coordinatrice de l’ARDH
Mesdames et Messieurs les membres des Corps diplomatiques et Consulaires,
Mesdames et Messieurs les Représentants des organisations internationales,
Mesdames et Messieurs les Représentants des organisations de la société civile,
Chers Participantes et participants,
C’est un grand honneur et un privilège pour moi de m’adresser à vous ce jour, à l’occasion de cette cérémonie de lancement de la Nouvelle plateforme de la Société Civile, dénommée « Action pour la Restauration de la Dignité Humaine » ARDH.
La cérémonie qui nous réunit ce 03 Octobre 2018 revêt une importance capitale, dans notre cheminement commun vers une Côte-d’Ivoire réconciliée avec ses filles et fils, au regard de notre passé qui a été non seulement marqué par des événements glorieux, mais également par de graves violations des droits de l’homme, dont les stigmates restent encore vivaces dans bien de nos familles.
Comme nous pouvons tous le constater, les deux décennies de crises que nous avons traversées ont profondément bouleversé et déstructuré notre pays. En effet, plus les jours s’égrènent et les années passent, plus les espoirs de nos concitoyens s’amenuisent en matière de bonne gouvernance, de cadre de vie décent et de mieux-être. La cherté de la vie, l’insécurité sous toutes ses formes, sont devenues notre lot quotidien. Face à ce spectacle affligeant, nos populations semblent se résigner. La société civile, qui devrait jouer le rôle d’éveil des consciences, est restée jusque-là inopérante. Son inaction et son mutisme face aux graves atteintes à la dignité de la personne humaine a fait qu’elle a perdu tout le capital de confiance placé en elle.
C’est dans ce contexte que nous avons décidé de mettre sur pied une nouvelle plateforme de la société civile pure dénommée « Action pour la Restauration de la dignité Humaine », en abrégé ARDH. L’annonce de la création de cette nouvelle plateforme a été perçue comme une véritable bouffée d’oxygène pour l’ensemble des victimes d’injustice et d’abus qui y trouve un porte-voix, un avocat crédible. Nous n’avons pas le droit de décevoir toutes ces nombreuses attentes.
Le principal rôle de la société civile est d’interpeller l’opinion publique sur les dérives des gouvernants et de la société en général. Car comme l’a dit Le Révérend Desmond Tutu « Etre neutre face à une situation d’injustice, c’est choisir le côté de l’oppresseur ». Ainsi, le pays nous appelle, le devoir nous commande de prendre nos responsabilités.
Ces deux dernières années, nos concitoyens sont victimes d’abus de toutes sortes, qui précarisent leurs conditions de vie :
– L’augmentation des tarifs de l’eau et de l’électricité sans informations préalables ;
– La flambée vertigineuse des prix des denrées de première nécessité ;
– Les déguerpissements tout azimut des populations sans mesures d’accompagnement, et parfois, sans mise en demeure ;
– Le monopole de certaines entreprises dans une économie dite libérale ;
– Etc.
Nous constatons avec effarement que ceux qui nous gouvernent sont plus préoccupés par les élections que par le bien-être de nos populations. Pour aller voter et choisir son candidat, il faut avoir un toit où dormir, il faut avoir un minimum de vie décente.
Comment peut-on investir des milliards dans des élections qui appellent les populations à voter, alors qu’on a mis ces mêmes populations dans une précarité que même le dixième de ces milliards suffirait à soulager ?
J’en veux pour preuve les déguerpis, par exemple :
– Les services du District Autonome d’Abidjan ont procédé dans la matinée du 02 Juillet 2018 au déguerpissement du quartier dénommé « nouveau quartier abattoir », dans la commune de Port-Bouët, sans aucune mise en demeure préalable et sans aucune mesure d’accompagnement. Pire, ce déguerpissement a eu lieu le premier jour des écrits du baccalauréat et en pleine saison pluvieuse. Cela veut dire que plusieurs élèves de terminale n’ont pas pu aller composer. Pour la première fois en Côte d’Ivoire, nous avons vu des populations élire domicile dans un cimetière. Il s’agit de 600 logements détruits et 6872 personnes jetées à la rue.
– Il y a trois (3) mois, des populations ont également été déguerpies de Mermoz pour être parquées au complexe sportif d’Angré comme des réfugiés, eux aussi sans mesures d’accompagnement. Il s’agit de 74 familles et plus de 300 personnes dont des femmes enceintes, des nourrices et des vieillards. Aujourd’hui, ces personnes sont dans des conditions inacceptables, sans eau, sans électricité, sans latrines et sans moyens de subsistance.
– Nous avons enfin le cas des logements coloniaux, dont les déguerpis de Danga, qui eux aussi ont été victimes d’un banditisme d’Etat vraiment déplorable et sans mesures d’accompagnement.
Les cas sont légion, vous aurez des témoignages tout à l’heure. Ces innocentes victimes de ces atrocités appellent toutes à l’aide ; votre aide, notre aide ; et elles comptent sur nous tous en tant qu’organe collectif pour mettre un terme à leurs souffrances quotidiennes, pour qu’elles puissent vivre dans la dignité, en sécurité et à l’abri des besoins élémentaires. Nous nous ferons fort de produire un rapport que nous vous présenterons d’ici un mois.
Toutes ces injustices sont une insulte. Elles représentent un défi que notre pays, les Etats africains et la communauté internationale dans leur ensemble devraient relever, de telle sorte que les idéaux de la déclaration universelle des droits de l’homme et de tous les textes fondamentaux des droits de l’homme que les Etats Parties ont ratifié, et envers lesquels ils se sont engagés soient mis en œuvre et aient un sens.
Les droits de l’homme sont universels et interdépendants. Ainsi, la recherche de développement infrastructurel d’un pays doit tenir compte et respecter d’autres droits de l’homme protégés. Nous ne sommes pas contre toute politique d’assainissement et de restructuration urbaine, mais cela doit se faire avec des mesures d’accompagnement qui protègent la dignité et respectent la personne humaine.
On ne peut le nier, la qualité, le niveau de vie des fortunés augmente et s’améliore. C’est ce qu’on appelle le progrès. Et nous ne sommes pas contre le progrès. Bien au contraire, le progrès c’est une promesse vers un avenir meilleur. Cependant, on ne peut pas le nier non plus et on ne doit pas le nier, certains de nos concitoyens vivent, parfois survivent dans la misère la plus totale, avec la faim au ventre mais aussi la peur d’un avenir incertain. Comment nourrir et loger une famille, ou même sa propre personne, sans le moindre sou ? Comment habiller et permettre une éducation à ses enfants lorsqu’on est nécessiteux ? Bref, comment vivre décemment et correctement dans la misère ? Très honnêtement nous ne croyons pas que « vie décente et correcte » se conjugue avec « misère et pauvreté ». Mais, hélas !, c’est aussi un fait, un bien triste fait, trop de gens, beaucoup trop de gens vivent dans cette misère et dans ces inquiétudes, au quotidien. Et cela depuis trop longtemps. On nous dira certainement que la pauvreté a toujours été de ce monde, mais lorsque celle-ci est accentuée par des mesures gouvernementales, il y a lieu de tirer la sonnette d’alarme !
Tous ces maux, créés par les gouvernants eux-mêmes qui portent atteinte à la dignité et aux droits humains des populations, et à nous tous, en tant qu’êtres humains et parties prenantes, doivent cesser.
Face à un gouvernement qui prend des décisions impopulaires au mépris du respect de la dignité de la personne humaine, nous avons donc décidé de créé l’ARDH pour contribuer à régler toutes ces situations d’injustices flagrantes. Nous encourageons dès lors chacun de nous à s’approprier cet instrument de lutte pacifique. Car c’est ensemble et unis que nous serons forts.
Il est très important de relever qu’il s’agit ici de problèmes purement sociaux très sérieux, que les populations subissent sans distinction de partis politiques, de religion, encore moins d’ethnie ou de nationalité. Il s’agit ici de défendre les intérêts du peuple en général sans intérêt politicien.
Toutes les associations qui se sont réunies au sein de l’ARDH sont ensemble pour la naissance d’une nouvelle conscience sociale agissante, qui va désormais veiller à défendre les plus faibles et les intérêts généraux du peuple. A cet effet, une grande messe de la société civile aura lieu ce samedi 06 octobre 2018 au terrain municipal de l’abattoir de Port-Bouët.
Cette plateforme de la société civile pure, vise à dénoncer toutes les formes d’abus dont sont victimes nos concitoyens et user de tous les moyens de pressions légaux, afin de faire aboutir leurs revendications.
Nous demandons au Gouvernement d’ouvrir le dialogue avec l’ARDH, afin de trouver des solutions aux problèmes de toutes ces victimes, d’autant plus que lors de sa dernière conférence de presse, le Premier ministre a dit vouloir renforcer la politique sociale.
Nous demandons à toutes les bonnes volontés qui en ont les moyens, d’aider selon leurs capacités toutes ces victimes dans une situation humanitaire désastreuse.
Enfin, nous demandons à la communauté internationale de suivre et de soutenir l’ARDH.
Je ne saurais terminer mon allocution sans insister sur l’importance de la paix et la réconciliation, car sans la paix rien de durable ne peut se construire ni se bâtir. En tant que société civile, nous avons organisé des consultations auprès des populations d’Abidjan, de l’intérieur du pays et de nos frères en exil, pour recueillir leurs avis sur la réconciliation. Nous avons pu constater que les Ivoiriens dans leur diversité s’accordent sur la nécessité de la réconciliation et l’appellent de tous leurs vœux. Cela nous a emmené à écrire au Chef de l’Etat le 31 mai 2018 pour demander une amnistie générale. C’est Pourquoi nous avons accueilli avec joie la mesure d’Amnistie du 06 août 2018. Cependant, nous demandons qu’elle soit totale et inclusive, de sorte à obtenir la libération des dernières personnes civiles et militaires encore en prison pour des faits amnistiés. Seule une amnistie « générale » pourra soulager tous les Ivoiriens, y compris les tenants actuels du pouvoir.
Dans la même veine, nous demandons à la communauté internationale d’aider la Côte-d’Ivoire à se réconcilier, en accélérant la libération du Président Laurent Gbagbo et du ministre Blé Goudé.
Pour terminer, je voudrais souligner que nous devons avoir en Côte d’Ivoire une mémoire. Une mémoire pour enseigner à nos enfants que leur identité différentielle est une richesse pour construire un plus grand pays qui fera la fierté de leurs progénitures. Nous devons faire preuve de responsabilité en capitalisant sur toutes les richesses dont notre pays a si gracieusement été doté en amenant nos filles et fils à se tenir la main sans aucune considération d’ethnie, de religion ou politique.
Que chacun de nous se remémore et médite cette pensée de mahatma Ghandi : « Dès que quelqu’un comprend qu’il est contraire à sa dignité d’homme d’obéir à des lois injustes, aucune tyrannie ne peut l’asservir ».
Levons-nous donc pour notre Dignité, afin de travailler à une Côte-d’Ivoire où il fait bon vivre, une Côte-d’Ivoire où les droits humains sont respectés. C’est de cette Côte-d’Ivoire dont nous rêvons. Que Dieu nous aide à réaliser ce vœu si cher à chacun de nous.
Je vous remercie.

Pour l’ARDH, La Coordonnatrice : Pulchérie Gbalet


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La Rédaction


Source : http://www.afriquessor.com 3 Octobre 2018

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