A. Fadiga (1935-1988) et son épouse Matiéni Doukouré
(1943-2009)
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Dieu m’a accordé la grâce et le privilège
d’appartenir à la génération des premiers cadres africains de la Banque
centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), appelés à
accompagner le gouverneur Abdoulaye Fadiga dans sa mission de réinvention de
l’Institution.
Sa prise de fonction, le 10
février 1975, en qualité de premier gouverneur de la BCEAO, a coïncidé avec la
fin de mes études au Centre de formation de cette banque centrale. Mon diplôme
de fin de stage a été signé par le gouverneur Fadiga lui-même. Il avait une
signature atypique, je dirai hiéroglyphique, qui contrastait avec celle de
Robert Julienne, le dernier directeur français de la BCEAO.
Cette signature en disait long
sur la personnalité de l’homme. Enfin, en tant qu’épouse de l’un de ses proches
collaborateurs lorsqu’il présidait aux destinées de la Caisse de stabilisation
et de soutien des prix des productions agricoles (CSSPPA), le gouverneur Fadiga m’honorait de son estime
fraternelle et de son amitié. Ces circonstances me permettent donc de témoigner
sur la portée historique de son œuvre.
A la BCEAO, le gouverneur Fadiga
avait pour mission de moderniser la structure, l’organisation, le
fonctionnement, la vision et les objectifs d’une institution déjà vieille de 20
ans, héritière de l’Institut d’émission de l’Afrique occidentale et du Togo
créé en 1955 pendant la période coloniale. Il devait traduire, dans les faits,
la vision des Chefs d’Etat de l’Union monétaire Ouest-africaine de faire
participer plus activement l’institution au développement harmonieux et
solidaire des Etats membres.
Une mort inexpliquée
La politique monétaire mise en
œuvre dans ce but par le gouverneur fut un véritable succès. La banque centrale
lui doit les bases de ses fondements. Malheureusement, le gouverneur Abdoulaye
Fadiga fut brusquement arraché à notre affection le 11 octobre 1988, à 53
ans ! Sa mort inexpliquée a provoqué, en Côte d’Ivoire et en Afrique, une
onde de choc insoutenable qui nous a hanté durant de longues années, à travers
le regard éteint, le visage fermé et tourmenté de la jolie Maty, son épouse,
demeurée elle aussi en état de choc jusqu’à la fin de sa vie, le 17 avril 2009.
De son vivant, le
président Félix Houphouët-Boigny disait :
« Le vrai bonheur, on ne l’apprécie
que lorsqu’on l’a perdu ». Pour
la BCEAO, ces paroles ont trouvé une illustration après le décès du gouverneur
Fadiga, tant les vents contraires ont soufflé, avec acharnement, sur son
héritage pour le détruire.
Le 11 mai 1989, sept mois après
le décès du gouverneur Fadiga, le dispositif de gestion monétaire et les règles
d’intervention de la BCEAO axés sur le développement des Etats membres de
l’UMOA ont été abandonnés au profit, a-t-on prétendu, de nouvelles orientations
visant à adapter la politique monétaire aux mutations de l’environnement
international. En juin 1989, la CSSPPA, cet autre instrument de développement
dont le gouverneur était l’architecte, a été démantelée.
Les raisons du démantèlement de
la CSSPPA
Victime des fameux plans d’ajustement
structurel (PAS) dénoncés et indexés comme « responsables
de la persistance et de l’accentuation de la pauvreté sur le continent africain » (Alpha Oumar Konaré, devenu président de la Commission de l’Union africaine de
2003 à 2008 après avoir été président du Mali). La CSSPPA a été démolie, en
réalité, à titre de représailles contre la Côte d’Ivoire. Le président Houphouët-Boigny ayant osé exprimer son ras-le-bol en s’appuyant sur
sa déclaration historique « On nous a trop volé ! », pour
refuser de brader le cacao ivoirien à des « spéculateurs
sans visage ».
Cette guerre économique,
véritable œuvre de destruction massive menée de tous temps contre l’Afrique, a
fait dire au Pape François que « l’Afrique est confrontée à une nouvelle
forme de colonialisme ». Marie
de Béthanie, évoquant la mémoire de son frère Lazare, a dit à Jésus : « Rabbi, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » (Jean
11. 21). En évoquant la mémoire du gouverneur, je ne peux m’empêcher de lancer
ce cri de résilience : « Gouverneur Fadiga, si tu avais été là, la
CSSPA, véritable moteur de l’économie ivoirienne, artisan du miracle
ivoirien magnifié à travers le slogan, "le succès de ce pays repose sur
l’agriculture", n’aurait pas été démantelée ; La dévaluation
du Franc CFA intervenue un mois seulement après le décès du président Félix
Houphouët-Boigny, n’aurait pas été possible ».
Le Vieux s’opposait à cette
opération injustifiée, imposée par la France et effectuée sans base juridique,
en violation des articles 18-51 et 52 des statuts de la BCEAO (articles 17–76
et 77 des statuts modifiés) qui prévoient, en cas de baisse des avoirs
extérieurs, une panoplie de mesures, notamment « le ratissage des ressources », avant
toute mise en œuvre de la mesure extrême que constitue la dévaluation de la
monnaie.
Oui, « Gouverneur Fadiga, si tu avais été là », le
débat artificiel créé sur la problématique du Franc CFA n’aurait pas existé.
Sous ta haute autorité, le processus engagé pour l’avènement de notre propre
monnaie était irréversible, les études des experts étaient bouclées, le cahier
des charges adopté par toutes les parties et sa date de mise en
circulation était annoncée pour le 1er janvier 2003.
Déjà en 1966, suite à la
création de l’Union monétaire Ouest-africaine (UMOA) en 1962, les chefs d’Etat
membres avaient demandé au président Hamani Diori du Niger d’assurer
la coordination des travaux nécessaires à l’aboutissement du projet. A sa
demande, l’éminent économiste Samir Amin, qui a théorisé la relation de
domination Nord-Sud et préconisé la suppression du FMI, avait accompli un
excellent travail qui a abouti à l’acte fondateur du projet de création de la
monnaie unique des Etats membres de l’UMOA en 1983…
« Gouverneur Fadiga, si tu avais été là », la BCEAO n’aurait pas
délibérément piétiné les principes et les valeurs cardinales qui fondent sa
crédibilité pour se transformer, ces dernières années, en déstabilisateur du
système par la désorganisation du fonctionnement et de la sécurité
des paiements (compensation interbancaire), la demande inconcevable de
fermeture de ses agences et par les fermetures intempestives des banques, la
perturbation des opérations financières des banques et de la clientèle, la mise
à mal de la bancarisation de l’économie.
« Gouverneur Fadiga, si tu avais été là », les perspectives qu’offre le niveau record des avoirs
extérieurs des pays membres de l’UMOA auraient été exploitées, les techniques
de l’« assouplissement quantitatif ou hélicoptère
monétaire » auraient été appliquées pour injecter
dans nos économies une partie de nos avoirs extérieurs bloqués dans le Compte
d’opération au profit du Trésor français et qui se chiffraient à 14 000
milliards de FCFA en 2015 ;
Ces avoirs auraient permis à
l’argent de « circuler en travaillant »
pour éviter le piège du surendettement et l’humiliation que nous fait subir
l’Occident, en nous faisant passer pour d’éternels mendiants. Une perversion
qualifiée par le président Thabo M’Beki de « Système mondial de domination du plus grand nombre par quelques-uns
disposant de la prééminence du pouvoir politique, économique, militaire et
médiatique ».
Le gouverneur Abdoulaye Fadiga a partagé ses choix moraux et
éthiques avec des milliers de cadres africains. C’est pourquoi j’en appelle à
la conscience de tous ces milliers de cadres de « l’aventure
Fadiga » qui, comme Tiémoko
Marc Garango, Intendant militaire, ministre burkinabé des Finances et
coordonnateur de toute la réforme à l’époque, doivent réagir : Il nous faut,
contre vents et marées, pérenniser l’héritage du gouverneur Fadiga,
puisque « les choses semblent toujours impossibles jusqu’à ce qu’on les
réalise », selon le président Nelson
Mandela.
B. Ipou Honga
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nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en
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que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la
compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne
».
Source :
IvoireSoir.net 28 octobre
2018
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