La CPI s’est discréditée lorsque les pays comme la France, craignant la
perte de leur emprise sur les économies de l'Afrique de l'Ouest, la manipulent.
Je me suis récemment retrouvée assise dans un café en plein air à Kigali,
dans la capitale du Rwanda, sirotant du vin sud-africain en ressassant les
problèmes du continent. Mon compagnon de déjeuner est un haut fonctionnaire de
la MONUSCO, la force de l'ONU pour le maintien de la paix dans l'Est de la RDC.
Il a passé la plus grande partie de sa carrière en mission de maintien de la
paix en Afrique centrale. Après avoir combattu le viol quotidien des femmes
dans le Kivu pendant des années et ayant réalisé l'incapacité de l'ONU à mettre
fin à ce fléau, mon collègue de l'ONU s'est donné la mission de faire en sorte
que les auteurs de violations des droits de l'Homme sur le continent répondent
de leurs crimes.
Mais nous savions tous les deux que dans quelques jours le Sommet de l'UA
rallierait ses Etats membres à prendre des mesures concrètes pour se retirer de
la Cour Pénale Internationale (CPI). C'est ce qui s'est exactement passé le 30
Janvier par la voix du président kényan Uhuru Kenyatta, lui-même visé par la
CPI, qui engagea la bataille. Bien que mon collègue de l'ONU et moi déplorons
le contournement de la justice par la CPI, nous restons convaincus du fait que
cette institution ayant ainsi perdu sa crédibilité, les Africains n'ont plus
foi en sa capacité de rendre justice de façon impartiale.
Il ne s'agit pas seulement de ce que seuls les Africains sont ciblés par
cette institution, mais aussi du fait que les grandes puissances, la France en
particulier, ont sérieusement réussi à manipuler la CPI et à l'utiliser pour
leurs propres intérêts stratégiques sur le continent.
L'ouverture à la Haye du procès de l'ancien président Ivoirien, Laurent
Gbagbo, le mois dernier, après cinq ans d'incarcération, a mis à nu cette
manipulation de la CPI par la France. Mon collègue de l'ONU et moi avons
discuté de toute la manigance que la France avait mise en place dans le but de
neutraliser Gbagbo qui est pourtant venu au pouvoir par des élections
démocratiques en 2000, mais qui a cherché à réduire le contrôle de la France
sur son ancienne colonie. Gbagbo est ainsi devenu la plus grande menace pour la
domination de la France, non seulement sur la Côte-d'Ivoire, mais sur toute la
région, étant donné que sa lutte pour le déliement de l'emprise des sociétés
françaises sur l'économie de son pays pourrait faire tâche d'huile dans toute
la sous-région ouest africaine.
La France aurait planifié cinq coups contre Gbagbo qui ont tous échoué.
Elle a finalement procédé par le bombardement de sa résidence présidentielle en
utilisant les forces spéciales françaises qui ont par la suite capturé le
président, sa femme et son fils pour les remettre à « leur homme », Alassane
Ouattara; soutenu par les rebelles qui sont formés et armés par la France.
L'ancien président français Nicolas Sarkozy aurait fait pression pour que
Gbagbo soit transféré à La Haye en 2011. Pendant cinq ans, les procureurs de la
CPI enquêtent sur les accusations portées contre lui. Certains éléments de
preuve retenus contre lui par l'accusation dans les audiences préliminaires ont
été prouvés fabriqués donc irrecevables. Une des vidéos diffusées et tenues
comme preuves des massacres perpétrés par ses partisans serait en réalité une
scène filmée d'un homme brulé vif au Kenya. Mon compagnon de déjeuner m'a
informée qu'il n'est de secret pour personne que George Soros, un important
bailleur de fonds de la CPI, est un ami proche de Ouattara et que la France a
financé en grande partie les enquêtes de la CPI contre Gbagbo.
Un candidat à la présidence de la République centrafricaine, Pascal Bida
Koyagbele, m'a dit qu'il avait rencontré le procureur en chef de la CPI, Fatou
Bensouda en octobre de l'année dernière lors d'un dîner de remise de prix aux
Pays-Bas, cérémonie au cours de laquelle Pascal Bida lui-même recevait le prix
de leadership africain. A cette occasion donc, M. Koyagbele a demandé à Fatou
Bensouda son avis sur le cas Gbagbo. Selon Koyagblele toujours, elle a donné la
réponse suivante : « Il n'y a rien
de sérieux contre Gbagbo, c'est juste une pression politique venant de la
France et je ne peux rien faire ».
Koyagbele soutient que Bensouda avait sollicité le soutien de la France
pour sa nomination comme procureure en chef de la CPI.
La raison de la nécessité pour la France de neutraliser la force politique
qu'est Gbagbo est qu'il était déterminé à défaire l'emprise de la France sur la
banque, l'assurance, le transport, le commerce de cacao et sur la politique de
l'énergie en Côte-d'Ivoire. Durant le court laps de temps de son régime, il
avait invité des entreprises d'autres pays à participer aux appels d'offres
pour les projets du gouvernement. Gbagbo était dépassé par les coûts très
élevés des projets exécutés par les entreprises françaises. Par exemple, pour
la construction d'un pont, les Français demandaient 200 milliards de francs
Cfa. Gbagbo s'est donc détourné des Français au profit des Chinois qui ne
demandaient que 60 milliards de francs Cfa et ceci en 2002.
Plus important encore, jusqu'à ce jour, la France maintient son pacte
colonial avec ses anciennes colonies. Selon les termes de ce pacte, le Trésor
français a le contrôle de leur monnaie, des réserves de capitaux et des
politiques commerciales et d'investissement. Selon l'accord entre la France et
ses anciennes colonies sur la création du franc CFA, les banques centrales de
ses anciennes colonies sont obligées de garder 80 pour cent de leurs réserves
de change dans un compte d'opérations tenue au trésor français. Cela a rendu
impossible pour ces pays africains la mise en place de leurs propres politiques
monétaires.
Le défi que Gbagbo a opposé à cette situation d'esclavage a été en fait le
plus grand défi qu'a connu la domination française dans cette région depuis la
période postcoloniale. Son incarcération à La Haye est donc une solution de
dernier recours, quand tous les autres moyens pour le neutraliser ont échoué.
Telle est la mission assignée à la CPI dans la dispensation de la justice
en ce qui concerne le cas Gbagbo.
(Traduction d’Athanase
Sessegnon, porte-parole de la représentation du FPI en Afrique du Sud).
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Source : Page Facebook
de Lazare Koffi Koffi
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