dimanche 5 octobre 2014

Hommage à Yao Ngo Blaise


B. Yao N'Go
J’ai fait la connaissance de Blaise pendant l’été 1959, à l’époque de sa grande célébrité, quand il était le dynamique et populaire secrétaire général de l’UGTAN-Côte d’Ivoire. J’étais alors l’un des responsables de l’Union générale des étudiants de la Côte d’Ivoire (UGECI) chargés de l’organisation de son congrès d’Abidjan cette année-là, et c’est en cette qualité que Blaise nous avait reçus, à notre demande, dans son bureau de la Bourse du Travail. Voici en quelques mots extraits de mon journal l’impression que me fit Blaise lors de ce tout premier contact.
28/07 – Rencontres avec :
B. Dadié. Personnage secondaire du régime. Peut-être pas très orthodoxe. Impression d’un type qui en a vu d’autres… A revoir.
Yao Ngo Blaise. Forte personnalité de l’autre bord. Belle tête de mystique – une mystique un peu spéciale ! Je le vois pour la première fois, et on me l’avait décrit comme un vaniteux. Je comprends maintenant pourquoi. Ngo Blaise est un phénomène rare en ce pays où seuls quelques privilégiés pensent par eux-mêmes et respectent autre chose que des dogmes.
06/08 – J’ai pu prendre la parole au nom de l’UGECI [devant le congrès de l’Intersyndicat de la fonction publique]. Ai escamoté le problème politique pour ne parler que de notre souci de collaborer avec les travailleurs. En ville, on parle déjà de modération, et Yao Kouamé m’assure que c’est plus raisonnable d’avoir parlé ainsi avant notre congrès. Je le pense aussi. Ngo Blaise a été formidable… La CATC, Ngo Blaise et l’Intersyndicat de la fonction publique peuvent, ensemble, créer un style nouveau qui pourrait être à la base d’un syndicalisme efficace.
23/09 – Avons été reçus au ministère de l’Education par le ministre Joachym Bony, [Ibrahima] Koné, [Désiré] Tanoé et moi (Bissouma [Tapé] aurait déjà rejoint Dakar par des voies inconnues). Long baratin de Monsieur le ministre sur l’attitude de Laurent NGuessan-Zoukou lors de leur fameuse rencontre en privé ; attitude qu’il qualifie de ridicule et de je ne sais quoi encore : « On peut avoir des points de vue différents, mais il faut accepter la discussion. Etc.… » A part cela, nous avons parlé de l’entrevue souhaitée par le patron. Il paraît que c’est Koné seul qu’on veut voir spécialement. Nous avons répondu que nous aimerions mieux y aller tous ensemble. Réponse demain…
La situation est de plus en plus évolutive ; mais le bonhomme n’a pas encore perdu le contrôle. Au contraire, il vient encore de renforcer le dispositif de sécurité – après le coup d’Etat du 8 septembre – en nommant Moussa Sanon, capitaine de gendarmerie et Voltaïque de naissance, commandant de la Garde nationale qui préfigure la future armée ivoirienne. En outre, les syndicats sont prévenus qu’au moindre signe d’indiscipline, ils seront frappés de dissolution ! NGo Blaise et son UGTAN renaissante sont particulièrement visés. Reste à savoir s’ils se laisseront faire. Les travailleurs viennent par deux fois de signifier leur échec à Lambert Amon Tanoh et à son UNTCI où Gaston Fiankan essaie de se refaire un nom et une virginité. Tout le monde dit que ceux qui toucheront à Blaise « connaîtront la vérité » sur les véritables sentiments du peuple. Tout le monde dit… Mais tout le monde parle beaucoup dans cette ville, et personne ne fiche jamais rien !
Le 7 octobre 1959, le populaire syndicaliste fut arrêté et conduit jusqu’à la frontière de la Guinée indépendante. Les autorités de ce pays l’accueillirent en héros comme elles avaient accueilli le célèbre avocat Camille Assi Adam, qui avait été chassé du pays de la même façon au lendemain du référendum de 1958, parce qu’il avait appelé à voter « NON ». En Côte d’Ivoire, l’arrestation et l’exil de Blaise souleva l’indignation des travailleurs et de leurs organisations de lutte qui, oubliant leurs différences, réagirent en appelant ensemble à une grève générale illimitée. La mobilisation fut à la hauteur de l’événement et de la popularité du nouvel exilé. La réaction du gouvernement autonome constitua quant à elle, par son extrême violence, le deuxième signe majeur de la dérive dictatoriale d’un Houphouët déjà totalement inféodé à Jacques Foccart, le chargé des basses besognes du général de Gaulle. Le premier signe avait été l’éviction, un mois plus tôt, de Jean-Baptiste Mockey, secrétaire général du PDCI, vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, de toutes ses fonctions dans le gouvernement et dans le parti unique.

Marcel Amondji
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Dans son étude intitulée « Côte d’Ivoire, économie et société à la veille de l’indépendance (1940-1960) » L'Harmattan 1982 (pages 169-172), Laurent Gbagbo souligne l’importance historique de cet épisode :
« En 1959, sur les 310 000 salariés de Côte d'Ivoire, 186 000 sont syndiqués, soit 60 % du nombre total des sala­riés ; sur ces 186 000 syndiqués, 80 000 appartiennent au sec­teur agricole, soit 43 % du total des travailleurs syndiqués ou 25,80 % du total des salariés. Trois centrales syndicales se partagent cette clientèle : la section locale de l'U.G.T.A.N. (Union Générale des Travailleurs d'Afrique Noire) dont les positions sont connues pour être proches de celles des leaders de la Guinée et du Mali. Le responsable de la section ivoi­rienne de l'U.G.T.A.N. est Biaise Yao N'go. L'U.N.T.C.I. (Union Nationale des Travailleurs de Côte d'Ivoire) approuve la politique du P.D.C.I. Ses adversaires l'appellent "Syndicat de la Communauté" parce que sa création a été suscitée par le P.D.C.I.[1]. La C.A.T.C. (Centrale Africaine des Travail­leurs Croyants) est un "surgeon africain de la C.F.T.C."[2] ; cette centrale, dont le chef est Joseph Coffie, déclare s'en tenir aux problèmes purement professionnels et ne pas se mêler de politique.
Au moment où les responsables de ces différentes centra­les s'apprêtent à avoir une réunion afin d'étudier les problè­mes communs, le Premier ministre les met en garde et indi­que la voie que les syndicalistes devraient suivre :
"J'interdirai tout syndicat qui entretiendrait des rapports avec des pays hostiles à la Côte d'Ivoire. Je souhaite que s'établisse une étroite coopération entre tous les syndicats de la Communauté".[3]
Quelques jours plus tard, le 23 septembre 1959, une réu­nion a effectivement lieu à la Bourse du Travail entre res­ponsables syndicalistes ; au cours de cette réunion, Blaise Yao N'go, secrétaire général de la section ivoirienne de l'U.G.T.A.N., déclare :
"La présence de deux syndicalistes au Gouvernement et à l'Assemblée ne contribue pas à avancer les revendications syndi­cales en Côte d'Ivoire... La politique des grands ensembles est aussi valable pour les syndicats, une centrale de la Communauté ne nous intéresse pas. Ce que nous voulons c'est une grande Centrale syndicale africaine".[4]
Il n'en fallait pas plus pour déclencher la machine. Sous le titre : "YAO N'GO Blaise, Secrétaire Général de l'U.G.T.A.N. de Côte d'Ivoire expulsé de son pays" [5], le secrétariat général de l'U.G.T.A.N. à Dakar a publié une motion dans laquelle sont décrites avec beaucoup de détails l'arrestation puis l'expulsion du leader syndical. Le 7 octobre 1959, à treize heures, il est arrêté à sa permanence de la Bourse du Travail et aussitôt incarcéré. A quatorze heures trente, il est conduit clandestinement hors d'Abidjan avec des escales à Gagnoa, Man et Danané. Le lendemain 8 octobre, à onze heures, le commissaire français qui l'escortait le lâche, en pleine forêt, à la frontière guinéenne avec ces mots :
"Vous voilà chez vous. Allez-y. Je ne peux pas vous accom­pagner ni vous souhaiter une bonne chance. Vous savez pourquoi." [6]
Le jour même de l'arrestation, l'Intersyndicat des travail­leurs des Services Publics de Côte d'Ivoire qui croyait encore Blaise N'Go en prison à Abidjan lance pour le lendemain 8 octobre un mot d'ordre de grève de protestation de soixante-douze heures dans le secteur public en vue d'obtenir la libé­ration du leader syndicaliste. Le secrétariat général de l'U.G.T.A.N. assure que la grève a été suivie à 100 % et que "7 000 travailleurs ont défilé à travers la ville d'Abidjan." [7] Il est à noter que la C.A.T.C. suit le mot d'ordre de grève. Le gouvernement donne l'ordre à l'armée de disperser les manifestants. Le Premier ministre déclarera qu'il n'y a eu ni morts, ni blessés alors que le secrétariat général de l'U.G.T.A.N. affirme qu'il y a un mort et vingt-trois blessés dont cinq graves. Le soir même de la grève, c'est-à-dire le 8, le Premier ministre prend la parole à la radio :
"Nul n'a le droit de s'opposer aux décisions des pouvoirs publics. C'est ce que semblent ignorer certains syndicalistes. Le gouvernement de la République de Côte-d'Ivoire déclare cette grève illégale.
Le gouvernement décide donc de réquisitionner tous les fonc­tionnaires et agents de la Fonction Publique. Ils doivent se trouver tous à leurs postes, faute de quoi, ils seront révoqués." [8]
Il faut croire que l'appel du Premier ministre n'a pas été suivi par tous puisque, aux dires mêmes du Premier ministre le gouvernement va révoquer 213 fonctionnaires et en suspendre 319[9], chiffres correspondant à ceux donnés par le secrétariat général de L'U.G.T.A.N. qui parle de plus de 500 révocations et suspensions. Plusieurs personnes furent arrêtées dont Joseph Coffie, le secrétaire général de la C.A.T.C.. Aucune source ne nous permet de proposer une évaluation du nombre des prisonniers.
Le 15 octobre, le Bureau politique du P.D.C.I. se réunit et adresse au Premier ministre un message de soutien dans lequel sont dénoncées les "menées subversives" et approuvées "sans réserves les mesures prises par le gouvernement"[10]. Mais le jour même où se réunissait le Bureau politique du P.D.C.I., le C.N.L.C.I.[11] lisait sur les antennes de Radio Conakry un communiqué soutenant la lutte des travailleurs ivoiriens et condamnant les mesures prises par le gouvernement et faisant serment de lutter aux côtés du peuple ivoirien jusqu'à la "libération de la Nation".
Le 19 octobre, le secrétariat général de l'U.G.T.A.N adoptait une résolution dans laquelle, après avoir décrit les circonstances de l'arrestation et de l'expulsion de Blaise N'Go et décrit la grève elle-même, il lance l'appel suivant :
"Travailleurs africains et du monde entier, la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui la Côte-d'Ivoire est des plus dramatiques.
Les travailleurs de Côte d'Ivoire et leurs organisations syndicales luttent courageusement pour qu'elle change dans l'intérêt de l'émancipation et de la promotion des masses populaires.
La classe ouvrière africaine, les travailleurs du monde entier doivent soutenir leurs frères de Côte d'Ivoire dans leur juste lutte" [12].
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LE RÊVE D’UN SYNDICALISME INTRANSIGEANT 

Ce n’est pas sans une grande tristesse que nous avons constaté l’absence de toute référence au parcourt syndicaliste de notre ami et camarade disparu dans l’avis de décès publié par ses proches. Comme si c’était une honte d’avoir rêvé d’une vie meilleure pour celles et ceux qui, par leur travail, ont la plus grande part dans l’économie nationale, mais qui pourtant n’en sont guère payés de retour. Nous ne saurions conclure cet hommage sans évoquer le rêve qu’il fit à un moment crucial de sa vie de citoyen ivoirien. Ce rêve d’un syndicalisme intransigeant avait un nom : l’Union générale des travailleurs d’Afrique noire (U.G.T.A.N.), dont Blaise fut l’âme et le porte-voix en Côte d’Ivoire. 
M.A.

DÉFINITION ET BUTS DE L’U.G.T.A.N.[13] 

L'U.G.T.A.N. est l'organisation syndicale unitaire de la classe ouvrière et des masses travailleuses d'Afrique Noire. Elle est une Centrale Nationale authentiquement africaine, organiquement indépendante vis-à-vis de tou­tes les Centrales Internationales.
Son but demeure l'organisation des travailleurs dans l'Unité, la coordination de l'action de l'ensemble des organisations syndicales dans leur lutte contre le colo­nialisme, l'impérialisme, et toutes les formes d'oppres­sion et d'exploitation de l'homme par l'homme.
Ses objectifs demeurent la défense permanente des intérêts économiques et sociaux des travailleurs, la légi­time et pleine affirmation de leur dignité d'homme et l'émancipation complète des peuples africains.
C'est dire que son action s'insère d'une part dans la lutte des peuples des pays sous-développés pour leur libération nationale et leur promotion économique et sociale, et d'autre part, dans la lutte générale des tra­vailleurs du monde entier pour le Progrès, la Démocra­tie et la Paix.
L'U.G.T.A.N. est partant résolument anticolonialiste et anti-impérialiste et se place dans le camp du syndicalisme révolutionnaire. 

LES OBJECTIFS DE L'U.G.T.A.N. 

Pour mieux apprécier l'action du système d'exploi­tation colonialiste dans nos pays, sur les couches socia­les, il convient d'analyser brièvement le contenu de la Société Africaine dans ses rapports avec le système colonial.

La Société Africaine est composée par :

1°) la paysannerie qui forme les 90 % de la population, mais une paysannerie pauvre subissant pas­sivement dans la misère l'action directe ou indirecte du système colonial.
2°) la classe ouvrière qui constitue la partie de la Société la plus consciente de l'exploitation et de l'oppression colonialistes qu'elle subit directement. Elle se compose en majorité de travailleurs du Commerce et de l'Industrie sur lesquels repose l'économie d'exploi­tation capitaliste et des Fonctionnaires qui ont été pen­dant longtemps les agents inconscients de l'implantation et du renforcement du régime colonial ; les uns et les autres se révélant aujourd'hui comme des éléments dynamiques dans la lutte de libération nationale.
3°) les artisans, planteurs, commerçants et élé­ments exerçant des professions libérales qui sont tous plus ou moins victimes du colonialisme.
4°) les  couches  sociales  féodales  et traditionnelles parmi lesquelles le système colonial a toujours cherché des alliés.
Cette analyse sommaire dénote de façon objective que si nous pouvons détecter au sein de la Société Afri­caine une certaine bourgeoisie en développement dont les intérêts peuvent présenter un caractère de dualité à l'égard des intérêts du peuple, on ne peut dégager actuellement, dans le cadre des rapports de production l'existence d'une classe, d'une minorité bourgeoise, ou de propriétaires fonciers qui imposent leur domination à la majorité populaire.
Toutes les couches sociales africaines subissent à des degrés divers l'oppression et l'exploitation colonialiste et impérialiste. Cette oppression et cette exploitation colonialistes sont de ce fait la contradiction principale contre laquelle toutes les couches doivent être mobili­sées en vue de leur libération.
Les objectifs de l'U.G.T.A.N. sont déterminés en fonc­tion de cette situation concrète et des perspectives de son développement ; en fonction de l'évolution et des tâches de progrès économique et social en Afrique. 

1° — SUR LE PLAN SOCIAL. 

     Suppression de toutes formes d'oppression et d'exploitation.
     Création de conditions nouvelles tendant d'une part à l'élévation du niveau de vie des masses laborieu­ses, d'autre part, à la juste solution des contradictions qui se manifestent à l'intérieur de la Société Africaine, conformément à l'intérêt inséparable du peuple et de la classe ouvrière. 

2° — SUR LE PLAN ECONOMIQUE. 

     Mise en valeur de l'Afrique Noire dans l'intérêt supérieur de ses populations par la liquidation du sous-développement qui fait de l'Afrique Noire un réservoir de matières premières, et un marché d'écoulement des produits manufacturés.
La réalisation de tels objectifs suppose :
   la suppression de l'économie coloniale et l'édifi­cation d'une économie africaine dans l'intérêt et le seul intérêt des masses,
   la création et le développement d'une industrie africaine moderne, le développement de l'agriculture africaine par la mise en valeur des terres en friche, la mécanisation du travail et la revalorisation des sols en voie d'épui­sement,
   l'accroissement et l'amélioration du cheptel,
   l'intensification de la pêche maritime et fluviale, la réforme intégrale des circuits commerciaux et l'organisation d'échanges commerciaux avantageux,
   l'africanisation des cadres économico-sociaux et, administratifs. 

3° — SUR LE PLAN POLITIQUE. 

   La lutte pour la liquidation du régime colonial, pour la conquête et la consolidation de l'indépendance,
   l'action pour la sauvegarde et l'extension de liber­tés individuelles et publiques,
   l'U.G.T.A.N. est indépendante vis-à-vis de toutes les confessions, de toutes les formations politiques et des Gouvernements.
Cependant, dans le cadre de son autonomie organi­que, elle entend user pleinement de son droit impres­criptible de défendre ou de soutenir, de s'opposer ou de combattre toute position ou action politique qu'elle juge conforme ou contraire aux intérêts des travailleurs et des populations africaines. 

L'U.G.T.A.N. ET LA POLITIQUE 

L'U.G.T.A.N. rejette la conception hypocrite et colo­nialiste qui tend à l'enlisement du Mouvement Syndical Africain dans un corporatisme étroit et un réformisme préjudiciable aux intérêts vitaux des travailleurs et des populations africaines.
L'U.G.T.A.N. est un Mouvement d'engagement anti­colonialiste et anti-impérialiste.
Et, comme tel, elle estime que la lutte anticolonialiste et anti-impérialiste, pour l'abolition des privilèges du capitalisme colonial, la destruction de toute féodalité administrative, économique, sociale et culturelle exige impérieusement du Mouvement Syndical Africain une option politique qui détermine le sens de ses activités particulières.
Elle est contre le syndicalisme réformiste qui s'atta­que seulement aux effets du régime colonial, et se pro­nonce encore une fois de plus pour un syndicalisme révolutionnaire tendant à la suppression à la fois et des causes et des effets du colonialisme, source des misères du travailleur africain.
Dans ces conditions, la vocation de la Centrale est la conquête effective du pouvoir par les Africains pour la gestion démocratique de leurs propres affaires ; ce qui implique :
   la participation décisive de la Classe Ouvrière et de ses Organisations Syndicales aux luttes pour la libération nationale et pour l'édification d'une économie orientée dans l'unique intérêt des masses laborieuses et des populations ;
   la participation active des militants syndicalistes à tous organismes politiques, économiques, sociaux et administratifs où, fidèles aux aspirations du Peuple, ils œuvreront dans la ligne de l'U.G.T.A.N.
Dans ce cadre et s'agissant de la question du cumul qui dans le passé a provoqué des remous au sein de l'U.G.T.A.N. et suscité une campagne de division de la part des colonialistes à l'affût, il convient que la ques­tion soit posée en principe et solutionnée dans la pra­tique uniquement en fonction des intérêts bien compris des travailleurs et des populations africaines, en fonc­tion de la fidélité à la doctrine, à l'orientation et au programme de l'U.G.T.A.N., de l'efficacité et du dévoue­ment dans l'exercice des fonctions de dirigeant syndical à quelque échelon que ce soit. 

[…] 

L'U.G.T.A.N. ET LA LUTTE POUR L'INDÉPENDANCE
ET L'UNITÉ AFRICAINE
 

Avec le Référendum du 28 Septembre dernier, la lutte des travailleurs et des peuples d'Afrique Noire con­tre le colonialisme est entrée dans une phase nouvelle.
L'accession de la Guinée à l'indépendance est, en Afrique Noire, une grande brèche dans le système colo­nial de l'impérialisme français.
Et ce dernier tente aujourd'hui de s'adapter et s'efforce, sous des formes nouvelles, de maintenir sa domi­nation dans les pays africains de la Communauté. Mais en même temps, la volonté d'indépendance grandit et s'affirme avec force à l'échelle de toute l'Afrique. Pour atteindre ses propres effectifs, pour contribuer à faire aboutir rapidement cette volonté populaire, l'U.G.T.A.N. doit élever le niveau de son action.
Ses Organisations et ses militants dans les Etats de la Communauté doivent lutter fermement pour le triom­phe de la cause de l'indépendance nationale.
L'U.G.T.A.N. dénonce les manœuvres actuelles de l'impérialisme français qui s'ingénie à exploiter l'aspi­ration des masses africaines à l'Unité pour faire obstacle à l'indépendance des pays africains de la Communauté Française, pour les opposer aux Etats Africains indé­pendants — en premier lieu à la République de Guinée — pour empêcher la réalisation des Etats-Unis de l'Ouest Africain dont l'union Guinée-Ghana constitue e seul noyau véritable.
L'U.G.T.A.N. est convaincue qu'il n'est pas possible de reconstituer l'Unité de l'Afrique, d'affirmer pleine­ment la personnalité africaine, d'œuvrer positivement à la solution des problèmes économiques, sociaux et culturels africains sans l'accession à l'indépendance.
Elle est convaincue que la réalisation de l'Unité Afri­caine par les peuples africains et pour les peuples afri­cains passe obligatoirement par la conquête de l'Indé­pendance.
L'U.G.T.A.N. approuve les Résolutions et Décisions de la Conférence des Peuples Africains d'Accra qui a groupé les représentants qualifiés de plus de 200 mil­lions d'hommes des pays dépendants et indépendants d'Afrique et qui, unanimes, a déterminé des objectifs communs, des voies et moyens d'action en vue de la dis­parition rapide, complète sur le Continent Africain du colonialisme et de l'édification de la Confédération des ETATS-UNIS d'Afrique.
L'U.G.T.A.N. travaillera hardiment à l'application de ces résolutions et1 de ces décisions.
Elle prendra en particulier toutes initiatives néces­saires pour l'unification de toutes les Organisations syn­dicales africaines, contribution décisive à l'Unité Afri­caine.


[1] - La situation politique en Côte d'Ivoire et l'indépendance nationale, brochure éditée par le C.N.L.C.I., Conakry, 1959, p. 27.
[2] - Carta (Jean), Côte d'Ivoire : la bourgeoisie noire s'installe, in France-Observateur du 3 septembre 1959.
[3] - Abidjan Matin du 21 septembre 1959.
[4] - La situation politique en Côte d'Ivoire et l'Indépendance nationale, p. 27.
[5] - Idem, pp. 30 à 32.
[6] - Idem, p. 30.
[7] - Idem, p. 31.
[8] - Abidjan Matin du 9 octobre 1959.
[9] - Abidjan Matin du 19 octobre 1959.
[10] - Fraternité du 23 octobre 1959.
[11] - Comité national pour la libération de la Côte d’Ivoire, fondé en 1958 par l’avocat C. Assi Adam et basé à Conakry (ndlr).
[12] - Yao N'Go Blaise, secrétaire général de l'U.G.T.A.N., expulsé de son pays, in La situa­tion politique en Côte d'Ivoire et l'indépendance nationale, p. 32.
[13] - Extraits de : Sékou Touré, Congrès de l’Union générale des travailleurs de l’Afrique Noire (U.G.T.A.N.), Présence Africaine, Paris 1959 (pages 48-53 ; 55-57).

1 commentaire:

  1. Merci de nous remettre en mémoire cette figure de l'Histoire de la Côte d'Ivoire. Plus que jamais les Ivoiriens doivent découvrir leur histoire afin de bien apprécier le combat qui les attend sur le chemin de la vraie indépendance.

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