B. Yao N'Go |
J’ai fait la connaissance de Blaise pendant
l’été 1959, à l’époque de sa grande célébrité, quand il était le dynamique et
populaire secrétaire général de l’UGTAN-Côte d’Ivoire. J’étais alors l’un des
responsables de l’Union générale des étudiants de la Côte d’Ivoire (UGECI)
chargés de l’organisation de son congrès d’Abidjan cette année-là, et c’est en
cette qualité que Blaise nous avait reçus, à notre demande, dans son bureau de
la Bourse du Travail. Voici en quelques mots extraits de mon journal
l’impression que me fit Blaise lors de ce tout premier contact.
28/07 – Rencontres avec :
B. Dadié. Personnage secondaire du régime.
Peut-être pas très orthodoxe. Impression d’un type qui en a vu d’autres… A
revoir.
Yao Ngo
Blaise. Forte personnalité de l’autre bord. Belle tête de mystique – une
mystique un peu spéciale ! Je le vois pour la première fois, et on me
l’avait décrit comme un vaniteux. Je comprends maintenant pourquoi. Ngo Blaise
est un phénomène rare en ce pays où seuls quelques privilégiés pensent par
eux-mêmes et respectent autre chose que des dogmes.
06/08 – J’ai
pu prendre la parole au nom de l’UGECI [devant le congrès de l’Intersyndicat de
la fonction publique]. Ai escamoté le problème politique pour ne parler que de
notre souci de collaborer avec les travailleurs. En ville, on parle déjà de
modération, et Yao Kouamé m’assure que c’est plus raisonnable d’avoir parlé
ainsi avant notre congrès. Je le pense aussi. Ngo Blaise a été formidable… La CATC, Ngo Blaise et l’Intersyndicat de
la fonction publique peuvent, ensemble, créer un style nouveau qui pourrait
être à la base d’un syndicalisme efficace.
23/09 – Avons
été reçus au ministère de l’Education par le ministre Joachym Bony, [Ibrahima] Koné,
[Désiré] Tanoé et moi (Bissouma [Tapé] aurait déjà rejoint Dakar par des voies
inconnues). Long baratin de Monsieur le ministre sur l’attitude de Laurent
NGuessan-Zoukou lors de leur fameuse rencontre en privé ; attitude qu’il
qualifie de ridicule et de je ne sais quoi encore : « On peut avoir
des points de vue différents, mais il faut accepter la discussion. Etc.… »
A part cela, nous avons parlé de l’entrevue souhaitée par le patron. Il paraît
que c’est Koné seul qu’on veut voir spécialement. Nous avons répondu que nous
aimerions mieux y aller tous ensemble. Réponse demain…
La situation
est de plus en plus évolutive ; mais le bonhomme n’a pas encore perdu le
contrôle. Au contraire, il vient encore de renforcer le dispositif de sécurité
– après le coup d’Etat du 8 septembre – en nommant Moussa Sanon, capitaine de
gendarmerie et Voltaïque de naissance, commandant de la Garde nationale qui
préfigure la future armée ivoirienne. En outre, les syndicats sont prévenus
qu’au moindre signe d’indiscipline, ils seront frappés de dissolution ! NGo Blaise et son UGTAN renaissante sont
particulièrement visés. Reste à savoir s’ils se laisseront faire. Les
travailleurs viennent par deux fois de signifier leur échec à Lambert Amon
Tanoh et à son UNTCI où Gaston Fiankan essaie de se refaire un nom et une
virginité. Tout le monde dit que ceux qui toucheront à Blaise
« connaîtront la vérité » sur les véritables sentiments du peuple.
Tout le monde dit… Mais tout le monde parle beaucoup dans cette ville, et
personne ne fiche jamais rien !
Le 7
octobre 1959, le populaire syndicaliste fut arrêté et conduit jusqu’à la
frontière de la Guinée indépendante. Les autorités de ce pays l’accueillirent
en héros comme elles avaient accueilli le célèbre avocat Camille Assi Adam, qui
avait été chassé du pays de la même façon au lendemain du référendum de 1958, parce
qu’il avait appelé à voter « NON ». En Côte d’Ivoire, l’arrestation
et l’exil de Blaise souleva l’indignation des travailleurs et de leurs
organisations de lutte qui, oubliant leurs différences, réagirent en appelant
ensemble à une grève générale illimitée. La mobilisation fut à la hauteur de
l’événement et de la popularité du nouvel exilé. La réaction du gouvernement autonome
constitua quant à elle, par son extrême violence, le deuxième signe majeur de la
dérive dictatoriale d’un Houphouët déjà totalement inféodé à Jacques Foccart, le
chargé des basses besognes du général de Gaulle. Le premier signe avait été
l’éviction, un mois plus tôt, de Jean-Baptiste Mockey, secrétaire général du
PDCI, vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, de toutes ses fonctions
dans le gouvernement et dans le parti unique.
Marcel Amondji
Marcel Amondji
g
Dans son
étude intitulée « Côte d’Ivoire, économie et société à la veille de l’indépendance
(1940-1960) » L'Harmattan 1982 (pages 169-172), Laurent Gbagbo souligne l’importance historique
de cet épisode :
« En
1959, sur les 310 000 salariés de Côte d'Ivoire, 186 000 sont syndiqués, soit
60 % du nombre total des salariés ; sur ces 186 000 syndiqués, 80 000
appartiennent au secteur agricole, soit 43 % du total des travailleurs
syndiqués ou 25,80 % du total des salariés. Trois centrales syndicales se
partagent cette clientèle : la section locale de l'U.G.T.A.N. (Union Générale
des Travailleurs d'Afrique Noire) dont les positions sont connues pour être
proches de celles des leaders de la Guinée et du Mali. Le responsable de la section
ivoirienne de l'U.G.T.A.N. est Biaise Yao N'go. L'U.N.T.C.I. (Union Nationale
des Travailleurs de Côte d'Ivoire) approuve la politique du P.D.C.I. Ses
adversaires l'appellent "Syndicat de la Communauté" parce que sa
création a été suscitée par le P.D.C.I.[1]. La
C.A.T.C. (Centrale Africaine des Travailleurs Croyants) est un "surgeon
africain de la C.F.T.C."[2] ; cette
centrale, dont le chef est Joseph Coffie, déclare s'en tenir aux problèmes
purement professionnels et ne pas se mêler de politique.
Au
moment où les responsables de ces différentes centrales s'apprêtent à avoir
une réunion afin d'étudier les problèmes communs, le Premier ministre les met
en garde et indique la voie que les syndicalistes devraient suivre :
"J'interdirai tout syndicat
qui entretiendrait des rapports avec des pays hostiles à la Côte d'Ivoire. Je
souhaite que s'établisse une étroite coopération entre tous les syndicats de la
Communauté".[3]
Quelques
jours plus tard, le 23 septembre 1959, une réunion a effectivement lieu à la
Bourse du Travail entre responsables syndicalistes ; au cours de cette
réunion, Blaise Yao N'go, secrétaire général de la section ivoirienne de
l'U.G.T.A.N., déclare :
"La présence de deux
syndicalistes au Gouvernement et à l'Assemblée ne contribue pas à avancer les
revendications syndicales en Côte d'Ivoire... La politique des grands
ensembles est aussi valable pour les syndicats, une centrale de la Communauté
ne nous intéresse pas. Ce que nous voulons c'est une grande Centrale syndicale
africaine".[4]
Il
n'en fallait pas plus pour déclencher la machine. Sous le titre : "YAO N'GO Blaise, Secrétaire Général de
l'U.G.T.A.N. de Côte d'Ivoire expulsé de son pays" [5],
le secrétariat général de l'U.G.T.A.N. à Dakar a publié une motion dans
laquelle sont décrites avec beaucoup de détails l'arrestation puis l'expulsion
du leader syndical. Le 7 octobre 1959, à treize heures, il est arrêté à sa
permanence de la Bourse du Travail et aussitôt incarcéré. A quatorze heures
trente, il est conduit clandestinement hors d'Abidjan avec des escales à
Gagnoa, Man et Danané. Le lendemain 8 octobre, à onze heures, le commissaire
français qui l'escortait le lâche, en pleine forêt, à la frontière guinéenne
avec ces mots :
"Vous voilà chez vous.
Allez-y. Je ne peux pas vous accompagner ni vous souhaiter une bonne chance.
Vous savez pourquoi." [6]
Le
jour même de l'arrestation, l'Intersyndicat des travailleurs des Services
Publics de Côte d'Ivoire qui croyait encore Blaise N'Go en prison à Abidjan
lance pour le lendemain 8 octobre un mot d'ordre de grève de protestation de
soixante-douze heures dans le secteur public en vue d'obtenir la libération du
leader syndicaliste. Le secrétariat général de l'U.G.T.A.N. assure que la grève
a été suivie à 100 % et que "7 000
travailleurs ont défilé à travers la ville d'Abidjan." [7] Il est à
noter que la C.A.T.C. suit le mot d'ordre de grève. Le gouvernement donne
l'ordre à l'armée de disperser les manifestants. Le Premier ministre déclarera
qu'il n'y a eu ni morts, ni blessés alors que le secrétariat général de
l'U.G.T.A.N. affirme qu'il y a un mort et vingt-trois blessés dont cinq graves.
Le soir même de la grève, c'est-à-dire le 8, le Premier ministre prend la
parole à la radio :
"Nul n'a le droit de s'opposer
aux décisions des pouvoirs publics. C'est ce que semblent ignorer certains
syndicalistes. Le gouvernement de la République de Côte-d'Ivoire déclare cette
grève illégale.
Le gouvernement décide donc de
réquisitionner tous les fonctionnaires et agents de la Fonction Publique. Ils doivent
se trouver tous à leurs postes, faute de quoi, ils seront révoqués." [8]
Il
faut croire que l'appel du Premier ministre n'a pas été suivi par tous puisque,
aux dires mêmes du Premier ministre le gouvernement va révoquer 213
fonctionnaires et en suspendre 319[9],
chiffres correspondant à ceux donnés par le secrétariat général de L'U.G.T.A.N.
qui parle de plus de 500 révocations et suspensions. Plusieurs personnes furent
arrêtées dont Joseph Coffie, le secrétaire général de la C.A.T.C.. Aucune source ne
nous permet de proposer une évaluation du nombre des prisonniers.
Le
15 octobre, le Bureau politique du P.D.C.I. se réunit et adresse au Premier
ministre un message de soutien dans lequel sont dénoncées les "menées
subversives" et approuvées "sans réserves les mesures prises par le
gouvernement"[10]. Mais
le jour même où se réunissait le Bureau politique du P.D.C.I., le C.N.L.C.I.[11] lisait
sur les antennes de Radio Conakry un communiqué soutenant la lutte des
travailleurs ivoiriens et condamnant les mesures prises par le gouvernement et
faisant serment de lutter aux côtés du peuple ivoirien jusqu'à la "libération
de la Nation".
Le
19 octobre, le secrétariat général de l'U.G.T.A.N adoptait une résolution dans
laquelle, après avoir décrit les circonstances de l'arrestation et de
l'expulsion de Blaise N'Go et décrit la grève elle-même, il lance l'appel
suivant :
"Travailleurs africains et du
monde entier, la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui la Côte-d'Ivoire
est des plus dramatiques.
Les travailleurs de Côte d'Ivoire
et leurs organisations syndicales luttent courageusement pour qu'elle change
dans l'intérêt de l'émancipation et de la promotion des masses populaires.
La classe ouvrière africaine, les
travailleurs du monde entier doivent soutenir leurs frères de Côte d'Ivoire
dans leur juste lutte" [12].
g
LE RÊVE D’UN SYNDICALISME INTRANSIGEANT
Ce n’est pas sans
une grande tristesse que nous avons constaté l’absence de toute référence au parcourt
syndicaliste de notre ami et camarade disparu dans l’avis de décès publié par ses
proches. Comme si c’était une honte d’avoir rêvé d’une vie meilleure pour
celles et ceux qui, par leur travail, ont la plus grande part dans l’économie
nationale, mais qui pourtant n’en sont guère payés de retour. Nous ne saurions
conclure cet hommage sans évoquer le rêve qu’il fit à un moment crucial de sa
vie de citoyen ivoirien. Ce rêve d’un syndicalisme intransigeant avait un nom :
l’Union générale des travailleurs d’Afrique noire (U.G.T.A.N.), dont Blaise fut
l’âme et le porte-voix en Côte d’Ivoire.
M.A.
L'U.G.T.A.N.
est l'organisation syndicale unitaire de la classe ouvrière et des masses
travailleuses d'Afrique Noire. Elle est une Centrale Nationale authentiquement
africaine, organiquement indépendante vis-à-vis de toutes les Centrales
Internationales.
Son
but demeure l'organisation des travailleurs dans l'Unité, la coordination de
l'action de l'ensemble des organisations syndicales dans leur lutte contre le
colonialisme, l'impérialisme, et toutes les formes d'oppression et
d'exploitation de l'homme par l'homme.
Ses
objectifs demeurent la défense permanente des intérêts économiques et sociaux
des travailleurs, la légitime et pleine affirmation de leur dignité d'homme et
l'émancipation complète des peuples africains.
C'est
dire que son action s'insère d'une part dans la lutte des peuples des pays
sous-développés pour leur libération nationale et leur promotion économique et
sociale, et d'autre part, dans la lutte générale des travailleurs du monde
entier pour le Progrès, la Démocratie et la Paix.
L'U.G.T.A.N.
est partant résolument anticolonialiste et anti-impérialiste et se place dans
le camp du syndicalisme révolutionnaire.
LES OBJECTIFS DE L'U.G.T.A.N.
Pour
mieux apprécier l'action du système d'exploitation colonialiste dans nos pays,
sur les couches sociales, il convient d'analyser brièvement le contenu de la
Société Africaine dans ses rapports avec le système colonial.
La
Société Africaine est composée par :
1°)
la paysannerie qui forme les 90 % de la population, mais une paysannerie pauvre
subissant passivement dans la misère l'action directe ou indirecte du système
colonial.
2°)
la classe ouvrière qui constitue la partie de la Société la plus consciente de
l'exploitation et de l'oppression colonialistes qu'elle subit directement. Elle
se compose en majorité de travailleurs du Commerce et de l'Industrie sur
lesquels repose l'économie d'exploitation capitaliste et des Fonctionnaires
qui ont été pendant longtemps les agents inconscients de l'implantation et du
renforcement du régime colonial ; les uns et les autres se révélant aujourd'hui
comme des éléments dynamiques dans la lutte de libération nationale.
3°)
les artisans, planteurs, commerçants et éléments exerçant des professions
libérales qui sont tous plus ou moins victimes du colonialisme.
4°)
les couches sociales
féodales et traditionnelles parmi
lesquelles le système colonial a toujours cherché des alliés.
Cette
analyse sommaire dénote de façon objective que si nous pouvons détecter au sein
de la Société Africaine une certaine bourgeoisie en développement dont les
intérêts peuvent présenter un caractère de dualité à l'égard des intérêts du
peuple, on ne peut dégager actuellement, dans le cadre des rapports de
production l'existence d'une classe, d'une minorité bourgeoise, ou de
propriétaires fonciers qui imposent leur domination à la majorité populaire.
Toutes
les couches sociales africaines subissent à des degrés divers l'oppression et
l'exploitation colonialiste et impérialiste. Cette oppression et cette
exploitation colonialistes sont de ce fait la contradiction principale contre
laquelle toutes les couches doivent être mobilisées en vue de leur libération.
Les
objectifs de l'U.G.T.A.N. sont déterminés en fonction de cette situation
concrète et des perspectives de son développement ; en fonction de l'évolution
et des tâches de progrès économique et social en Afrique.
1°
— SUR LE PLAN SOCIAL.
— Suppression de toutes formes d'oppression
et d'exploitation.
— Création de conditions nouvelles tendant
d'une part à l'élévation du niveau de vie des masses laborieuses, d'autre
part, à la juste solution des contradictions qui se manifestent à l'intérieur
de la Société Africaine, conformément à l'intérêt inséparable du peuple et de
la classe ouvrière.
2°
— SUR LE PLAN ECONOMIQUE.
—
Mise
en valeur de l'Afrique Noire dans l'intérêt supérieur de ses populations par la
liquidation du sous-développement qui fait de l'Afrique Noire un réservoir de
matières premières, et un marché d'écoulement des produits manufacturés.
La
réalisation de tels objectifs suppose :
— la suppression de l'économie coloniale et
l'édification d'une économie africaine dans l'intérêt et le seul intérêt des
masses,
— la création et le développement d'une
industrie africaine moderne, le développement de l'agriculture africaine par la
mise en valeur des terres en friche, la mécanisation du travail et la
revalorisation des sols en voie d'épuisement,
— l'accroissement et l'amélioration du
cheptel,
— l'intensification de la pêche maritime et
fluviale, la réforme intégrale des circuits commerciaux et l'organisation
d'échanges commerciaux avantageux,
— l'africanisation des cadres
économico-sociaux et, administratifs.
3°
— SUR LE PLAN POLITIQUE.
— La lutte pour la liquidation du régime
colonial, pour la conquête et la consolidation de l'indépendance,
— l'action pour la sauvegarde et l'extension
de libertés individuelles et publiques,
— l'U.G.T.A.N. est indépendante vis-à-vis de
toutes les confessions, de toutes les formations politiques et des Gouvernements.
Cependant,
dans le cadre de son autonomie organique, elle entend user pleinement de son
droit imprescriptible de défendre ou de soutenir, de s'opposer ou de combattre
toute position ou action politique qu'elle juge conforme ou contraire aux
intérêts des travailleurs et des populations africaines.
L'U.G.T.A.N. ET LA POLITIQUE
L'U.G.T.A.N.
rejette la conception hypocrite et colonialiste qui tend à l'enlisement du
Mouvement Syndical Africain dans un corporatisme étroit et un réformisme préjudiciable
aux intérêts vitaux des travailleurs et des populations africaines.
L'U.G.T.A.N.
est un Mouvement d'engagement anticolonialiste et anti-impérialiste.
Et,
comme tel, elle estime que la lutte anticolonialiste et anti-impérialiste, pour
l'abolition des privilèges du capitalisme colonial, la destruction de toute
féodalité administrative, économique, sociale et culturelle exige
impérieusement du Mouvement Syndical Africain une option politique qui
détermine le sens de ses activités particulières.
Elle
est contre le syndicalisme réformiste qui s'attaque seulement aux effets du
régime colonial, et se prononce encore une fois de plus pour un syndicalisme
révolutionnaire tendant à la suppression à la fois et des causes et des effets
du colonialisme, source des misères du travailleur africain.
Dans
ces conditions, la vocation de la Centrale est la conquête effective du pouvoir
par les Africains pour la gestion démocratique de leurs propres affaires ; ce
qui implique :
— la participation décisive de la Classe
Ouvrière et de ses Organisations Syndicales aux luttes pour la libération
nationale et pour l'édification d'une économie orientée dans l'unique intérêt
des masses laborieuses et des populations ;
— la participation active des militants syndicalistes
à tous organismes politiques, économiques, sociaux et administratifs où,
fidèles aux aspirations du Peuple, ils œuvreront dans la ligne de l'U.G.T.A.N.
Dans
ce cadre et s'agissant de la question du cumul qui dans le passé a provoqué des
remous au sein de l'U.G.T.A.N. et suscité une campagne de division de la part
des colonialistes à l'affût, il convient que la question soit posée en
principe et solutionnée dans la pratique uniquement en fonction des intérêts
bien compris des travailleurs et des populations africaines, en fonction de la
fidélité à la doctrine, à l'orientation et au programme de l'U.G.T.A.N., de
l'efficacité et du dévouement dans l'exercice des fonctions de dirigeant
syndical à quelque échelon que ce soit.
[…]
L'U.G.T.A.N. ET LA LUTTE POUR L'INDÉPENDANCE
ET L'UNITÉ AFRICAINE
ET L'UNITÉ AFRICAINE
Avec
le Référendum du 28 Septembre dernier, la lutte des travailleurs et des peuples
d'Afrique Noire contre le colonialisme est entrée dans une phase nouvelle.
L'accession
de la Guinée à l'indépendance est, en Afrique Noire, une grande brèche dans le
système colonial de l'impérialisme français.
Et
ce dernier tente aujourd'hui de s'adapter et s'efforce, sous des formes
nouvelles, de maintenir sa domination dans les pays africains de la
Communauté. Mais en même temps, la volonté d'indépendance grandit et s'affirme
avec force à l'échelle de toute l'Afrique. Pour atteindre ses propres
effectifs, pour contribuer à faire aboutir rapidement cette volonté populaire,
l'U.G.T.A.N. doit élever le niveau de son action.
Ses
Organisations et ses militants dans les Etats de la Communauté doivent lutter
fermement pour le triomphe de la cause de l'indépendance nationale.
L'U.G.T.A.N.
dénonce les manœuvres actuelles de l'impérialisme français qui s'ingénie à
exploiter l'aspiration des masses africaines à l'Unité pour faire obstacle à
l'indépendance des pays africains de la Communauté Française, pour les opposer
aux Etats Africains indépendants — en premier lieu à la République de Guinée —
pour empêcher la réalisation des Etats-Unis de l'Ouest Africain dont l'union Guinée-Ghana
constitue e seul noyau véritable.
L'U.G.T.A.N.
est convaincue qu'il n'est pas possible de reconstituer l'Unité de l'Afrique,
d'affirmer pleinement la personnalité africaine, d'œuvrer positivement à la
solution des problèmes économiques, sociaux et culturels africains sans
l'accession à l'indépendance.
Elle
est convaincue que la réalisation de l'Unité Africaine par les peuples
africains et pour les peuples africains passe obligatoirement par la conquête
de l'Indépendance.
L'U.G.T.A.N.
approuve les Résolutions et Décisions de la Conférence des Peuples Africains d'Accra
qui a groupé les représentants qualifiés de plus de 200 millions d'hommes des
pays dépendants et indépendants d'Afrique et qui, unanimes, a déterminé des
objectifs communs, des voies et moyens d'action en vue de la disparition
rapide, complète sur le Continent Africain du colonialisme et de l'édification
de la Confédération des ETATS-UNIS d'Afrique.
L'U.G.T.A.N.
travaillera hardiment à l'application de ces résolutions et1 de ces décisions.
Elle
prendra en particulier toutes initiatives nécessaires pour l'unification de
toutes les Organisations syndicales africaines, contribution décisive à l'Unité
Africaine.
[1] - La situation politique en Côte d'Ivoire
et l'indépendance nationale, brochure éditée par le C.N.L.C.I., Conakry,
1959, p. 27.
[2] - Carta (Jean), Côte d'Ivoire : la bourgeoisie noire
s'installe, in France-Observateur du 3 septembre 1959.
[3] - Abidjan Matin du 21 septembre 1959.
[4] - La situation politique en Côte d'Ivoire
et l'Indépendance nationale, p. 27.
[5] - Idem, pp. 30 à 32.
[6] - Idem, p. 30.
[7] - Idem, p. 31.
[8] - Abidjan Matin du 9 octobre 1959.
[9] - Abidjan Matin du 19 octobre 1959.
[10] - Fraternité
du
23 octobre 1959.
[11] - Comité national pour la
libération de la Côte d’Ivoire, fondé en 1958 par l’avocat C. Assi Adam et basé
à Conakry (ndlr).
[12] - Yao N'Go Blaise, secrétaire
général de l'U.G.T.A.N., expulsé de son pays, in
La situation politique en Côte d'Ivoire et
l'indépendance nationale, p. 32.
[13] - Extraits de : Sékou
Touré, Congrès de l’Union générale des
travailleurs de l’Afrique Noire (U.G.T.A.N.), Présence Africaine, Paris
1959 (pages 48-53 ; 55-57).
Merci de nous remettre en mémoire cette figure de l'Histoire de la Côte d'Ivoire. Plus que jamais les Ivoiriens doivent découvrir leur histoire afin de bien apprécier le combat qui les attend sur le chemin de la vraie indépendance.
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