J. Katinan Koné |
Le samedi 11 mai, à l’occasion de la journée d’hommage rendu à Monsieur
Abdoulaye Diallo, un fidèle immuable de feu le président Félix
Houphouët-Boigny, le chef de l’Etat a, dans son discours, fait une révélation
importante.
En effet, il a promis d’écrire ses mémoires. C’est une
information de taille parce que les mémoires d’un ancien chef d’Etat font
partie, à l’évidence, de la mémoire de la nation elle-même.
Ceux de Monsieur Ouattara sont encore plus attendus puisqu’ils
seront sa première et certainement sa dernière publication. Il est donc aisé
d’imaginer la somme d’informations infaillibles que cette publication
contiendra.
Nul doute, également, qu’elle fournira des réponses aux
nombreuses questions portant, notamment, sur sa vie publique qui a commencé
véritablement le 18 avril 1990, le jour où il a été nommé président du
« Comité interministériel de la coordination du programme de stabilisation
et de relance économique ».
Or, voici que le jour même qu’il annonce publiquement la
rédaction de ses très attendus mémoires, la mémoire du président Ouattara
présente quelques trous concernant des sujets qu’il dit avoir vécus lui-même et
qu’il entend rapporter dans lesdits mémoires.
En effet, au cours de son discours du samedi 11 mai à Djékanou,
il dit ceci : « Le 2ème témoignage que je
voulais faire et tout à l’heure, nous avons vu les
témoignages au cours de la projection qui a été faite, effectivement, au retour
de Laurent Gbagbo, le président Houphouët m’a appelé et il m’a demandé de
venir. Il m’a dit qu’il reçoit Laurent Gbagbo. Laurent Gbagbo est arrivé avec
Dakoury-Tabley. Le président m’a demandé d’être présent avec Abdoulaye Diallo.
Nous avons fait l’entretien que j’ai transcrit. Cet
entretien sera publié dans mes mémoires le moment venu ».
Ainsi donc, le chef de l’Etat affirme avoir été témoin de la
rencontre que le président Félix Houphouët-Boigny a eue avec le président
Laurent Gbagbo, alors son opposant, qui venait d’entrer d’exil. Or cette
rencontre au sommet entre les deux acteurs politiques majeurs de la période
s’est tenue dans la foulée du retour d’exil de l’opposant Laurent Gbagbo. Ce
retour a eu lieu le mardi 13 septembre 1988.
Le mercredi 14 septembre 1988, le journal télévisé de la
télévision nationale, dans son édition de 20H, a rendu compte d’une audience
que le président de la République avait accordée, le même jour, à Monsieur
Laurent Gbagbo rentré d’exil.
L’élément vidéo tiré des archives de la RTI, lisible sur YouTube[i], présente 3 personnalités
présentes à cette rencontre.
Le président Houphouët-Boigny, habillé en costume de couleur
beige, et en face de lui, de façon oblique à sa droite, Monsieur Laurent
Gbagbo, habillé en costume gris sombre et portant des lunettes et, à la gauche
du président Houphouët, le ministre Balla Kéita portant un costume gris clair.
Les images montrent clairement le président Houphouët se tourner
vers Balla Kéita à qui il semblait s’adresser au moment de répondre aux propos introductifs
de son opposant fraîchement rentré d’exil. A l’évidence, l’actuel chef de
l’Etat n’était pas présent à cette rencontre. Rien d’étonnant puisqu’à cette
date, il n’occupait aucune fonction, ni politique ni administrative, au plan
national.
En revanche, en Aout 1992, après sa sortie de prison où l’avait
envoyé Ouattara, Laurent Gbagbo avait été reçu en audience par Houphouët. Pour
la circonstance, Sangaré Aboudramane et André Dacoury-Tabley avaient accompagné
Laurent Gbagbo à cette audience.
Du côté de la présidence de la République, était présent à côté
du président de la République, entre autre, Monsieur Alassane Dramane Ouattara,
alors Premier ministre. L’on se souvient que c’est en cette qualité qu’il avait
fait prendre précipitamment une loi (loi anticasseurs) pour envoyer en prison
le président Laurent Gbagbo ainsi que toute sa famille à la suite de la marche
du 18 février 1992. Il y a manifestement une confusion des deux rencontres dans
la mémoire du chef de l’Etat ivoirien.
La question est maintenant de savoir si cette confusion procède
d’un simple oubli, cela lui arrive parfois (l’attribution à John Kennedy d’une
phrase de Martin Luther King), ou d’une mémoire volontairement sélective pour
s’attirer les faveurs de l’histoire. Peu en importe la réponse, chacun doit
veiller à l’intégrité de l’histoire de la Côte d’Ivoire.
C’est pourquoi, je
me suis donné l’agréable devoir citoyen de restituer les faits selon la vérité
historique afin que les mémoires, très attendus du chef de l’Etat, ne soient susceptibles
d’aucune corruptibilité. Car une telle corruptibilité causerait un grand tort à
l’histoire de la Côte d’Ivoire.
J. Katinan Koné
Titre original : « Mémoires annoncés de Ouattara : Katinan dénonce "ses trous de
mémoire" sur le retour d’exil de Gbagbo sous Houphouët ».
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Source : Ivoirebusiness 16 Mai
2019.
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