Déclaration de l’Union Républicaine pour la Démocratie (URD) sur l’impérieuse nécessité de sauver l’école ivoirienne.
Le gouvernement et les principales organisations syndicales
de fonctionnaires ont signé le jeudi 17 août 2017 deux protocoles d’accord qui
prévoyaient une trêve sociale de cinq ans en échange de la satisfaction de
certains points de revendications des agents de l’État, dont le principal était
le paiement des stocks des arriérés de salaires.
L’objectif visé par le gouvernement était d’obtenir
l’engagement des partenaires sociaux dans un processus participatif qui allait
privilégier la négociation, la discussion et le consensus en lieu et place des
rapports de force ou de défiance. Malgré cela, aujourd’hui, la situation est
grave et l’année blanche plane sur la tête de nos enfants comme un oiseau
maléfique. Quasiment tous les syndicats de l’Enseignement préscolaire et
primaire ainsi que ceux de l’Enseignement secondaire et des Universités publiques
de Côte d’Ivoire sont en rupture de ban avec le gouvernement. Ils mènent une
grève totale depuis plus d’un mois, plongeant ainsi tout le système éducatif et
universitaire dans une impasse totale.
Comment sommes-nous arrivés à une telle situation
de blocage et de démonstration de force de part et d’autre ? D’autant que
depuis le mois de décembre 2018, L’Intersyndicale de l’Enseignement préscolaire
et primaire (ISEPP-CI) avait entamé une grève du 10 au 14 décembre 2018 dans le
but d’amener le gouvernement à discuter sur leurs revendications dont : la
suppression des cours de mercredi, la revalorisation de l’indemnité de
logement, l’intégration et la réouverture du concours des IEP aux instituteurs
ayant 10 ans d’ancienneté et sept ans pour le titulaire d’une licence.
Idem pour le secondaire et le supérieur où les
revendications portaient essentiellement sur l’amélioration des conditions de
vie et surtout celles du travail des enseignants à savoir : la revalorisation
salariale et de l’indemnité de logement, le paiement des heures
complémentaires, la construction et l’équipement des bibliothèques, la
construction de bureaux et d’amphithéâtres, la disponibilité et l’accessibilité
de la connexion internet sur tout l’espace de cours à l’université.
Au lieu de mettre en action ce processus participatif
qui donnait force et droit à la négociation, à la discussion et au consensus en
lieu et place des rapports de force, le gouvernement a opté pour l’indifférence
puis pour l’utilisation de la force publique en arrêtant et en inculpant les
Professeurs Johnson Zamina Kouassi et Joël Dadé à la Maca pour
trouble à l’ordre public et politique, séquestration, menaces et injures.
Face à cette dérive autoritaire, l’URD voudrait
interroger le gouvernement. En quoi un enseignant qui participe à une réunion syndicale
pour demander une amélioration de ses conditions de vie et de travail constitue
un danger public qui autorise qu’il soit violenté, humilié et jeté en prison
comme un scélérat. Pourquoi un professeur qui marche pacifiquement en toge
verte pour exprimer son mécontentement face au manque de considération de
l’employeur à son égard, ne reçoit comme réponse à ses préoccupations que
l’utilisation de la brutalité policière qui le traite comme un bandit de grand
chemin ?
Comment comprendre que la Police et des Corps habillés
aient connu des revalorisations de salaires et celles de leur indemnité de
logement alors que les enseignants sont les grands oubliés. A titre d’exemple,
un sous-officier de la Police du niveau BEPC touche une indemnité de logement
revalorisée de 70 000 à 90 000 fr tandis que pour les enseignants,
elle stagne à 40 000 fr. C’est ce qui permet aux grévistes d’affirmer que
c’est le gouvernement qui a rompu la trêve sociale.
Faut-il porter des armes pour se faire entendre ? On a
tous en mémoire les mutineries de janvier 2017 où en 48 heures il a été
satisfait aux revendications des ex-rebelles. Pourquoi ce gouvernement est-il
passé maître dans l’art du deux poids et deux mesures ? Aujourd’hui la trêve
sociale a été rompue de part et d’autre. Comment le gouvernement peut-il
s’imaginer que pendant cinq années, les syndicats vont renoncer à user de leurs
moyens d’expression légaux, croiser les bras et applaudir des deux mains.
Comment les syndicats peuvent-ils croire que le gouvernement va leur offrir le
beurre, le pain et la carotte tout un quinquennat.
Mais il est vrai qu’on ne peut demander aux
fonctionnaires de consentir des sacrifices pendant que la corruption a atteint
un seuil critique au sommet de l’Etat. On assiste à l’émergence d’une
corruption endémique face à laquelle la frêle et inaudible Haute Autorité pour
la Bonne Gouvernance reste impuissante et donc totalement ignorée des
Ivoiriens. Cette grève soulève aussi la question de l’avenir politique
économique et social de notre pays. En effet, les élèves et étudiants
d’aujourd’hui sont ceux-là mêmes qui constituent la relève de demain.
Déjà, à cause de la crise, nous avons fait le lit de la
médiocrité en ouvrant les portes de notre administration à bon nombre de
personnes qui n’ont en réalité ni le niveau intellectuel requis, ni la compétence
et encore moins les aptitudes professionnelles. Pour la paix, nous avons
consenti beaucoup de sacrifices. Il est temps d’arrêter la saignée en
permettant aux enseignants de reprendre le chemin des temples du savoir afin de
rattraper le retard accumulé dans la formation académique de nos enfants.
Sinon, nous sacrifierons toute une génération d’ivoiriens sur l’autel de
l’échec.
Face à cette réalité, L’URD encourage vivement le
gouvernement à rouvrir des discussions avec tous les syndicats des enseignants
et non seulement avec ceux qu’il s’est choisis. L’URD demande au gouvernement
de respecter le droit à l’expression démocratique des syndicats et
associations. L’URD invite le gouvernement à prendre toutes les dispositions
utiles afin d’éviter que les grèves provenant des milieux scolaire et
universitaire ne constituent un facteur favorable à l’explosion du front
social.
L’URD rappelle au gouvernement qu’on
ne gère pas une telle situation comme s’il s’agissait d’un problème interne au
RHDP. Et l’invite à y associer toutes les forces vives de la nation. L’URD
encourage les enseignants à offrir une chance à la négociation, donc
à accepter de revenir à la table des négociations. L’URD demande au
gouvernement de mettre tout en œuvre pour le succès de ces négociations.
Fait à Abidjan le 28 Février 2019
Danièle
Boni-Claverie, présidente de
L’URD
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».
Source : IvoireSoir 1er
mars 2019
L'état du système éducatif ivoirien est en effet absolument déplorable ! Ce texte en est une belle illustration. Merci !
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