État des lieux des défis sécuritaires en Côte d’Ivoire
- Contexte historique
A la
proclamation de son indépendance, le 7 août 1960, la Côte d’Ivoire entreprend
de construire une armée républicaine, en signant notamment des accords de
défense avec la France. Des accords dans lesquels la France s’engageait à
apporter l’aide nécessaire à la constitution des forces armées ivoiriennes.
C’est dans ce cadre que l’Etat ivoirien a envoyé les cadres de l’armée se
former dans les grandes écoles de guerre françaises, notamment à Saint-Cyr.
L’Etat
ivoirien va également créer des écoles de formation sur le territoire ivoirien
pour donner à ceux qui veulent embrasser le métier des armes les rudiments
nécessaires à l’exercice de ce métier. Ont ainsi vu le jour, l’école militaire
préparatoire et technique de Bingerville (EMPT), les écoles nationales de
Police et de Gendarmerie, l’école des Forces armées (EFA), l’école nationale
des sous-officiers d’active (ENSOA). Ces différents efforts en matière de
formation des hommes ont permis de donner à l’armée ivoirienne d’asseoir une
organisation et une cohésion en son sein.
Mais la fin
de ce que l’on a qualifié de « miracle ivoirien » et la sévère
crise économique des années 80, ainsi que les bouleversements survenus dans le
paysage sociopolitique et la succession des crises militaro-politiques de la
fin des années 90 aux années 2000, ont fortement ébranlé les fondements de la
société ivoirienne dans son ensemble et de l’armée en particulier. Une armée
qui, dès lors, devait faire face en son sein aux maux qui traversaient la
société ivoirienne, en l’occurrence, les divisions ethno-politiques et le
clanisme, entre autres.
- Des défis sécuritaires
L’après-crise
de 2002 à 2011
Pour tenter
de résoudre la crise politico-militaire et la partition de fait du pays
consécutives à la rébellion armée de septembre 2002, les différents accords de
paix qui s’en sont suivis ont préconisé l’intégration dans l’armée de
contingents d’ex-forces nouvelles.
Après la
crise postélectorale et la réunification des deux armées, les soldats des ex-Forces
Armées des Forces Nouvelles (FAFN) ont été intégrés à la nouvelle armée
baptisée FRCI. Au sein de cette armée la plupart des anciens chefs de guerre et
des Com-zones ont été promus à des grades supérieurs et ont intégré le haut
commandement des FRCI. Certains d’entre eux ont été placés à la tête des
unités et des corps d’élites. Certains de ces chefs ont maintenu les contacts
avec leurs anciens éléments afin de garder une certaine influence sur cette
armée en reconstruction, favorisant ainsi une chaîne de commandement parallèle.
La
reconstruction d’une armée républicaine
La
reconstruction de l’armée a connu bien des difficultés, et occasionné des
frustrations ainsi qu’un déficit de cohésion au sein des troupes recomposées.
En effet, l’armée actuelle est le fruit de la fusion entre les Forces armées
régulière de Côte d’Ivoire (ex-FDS) et les Forces armées des Forces nouvelles
(ex-FAFN), l’ex-rébellion. Créant un profond malaise dû à la division et à la
méfiance au sein de l’armée, rebaptisée quelques années plus tard, à la faveur
de la Réforme du secteur de la sécurité (RSS), Forces Armées de Côte d’Ivoire
(FACI). Cela, pour, d’une part, tenter de créer un sentiment d’appartenance à
un même corps. L’appellation FRCI (créées en pleine crise postélectorale) étant
en effet perçue par les ex-FDS et une partie de la population comme étant le
prolongement de l’ex-rébellion. Et d’autre part, tenter de redresser l’image
d’une armée assimilée à des maux tels que la division, le clanisme,
l’indiscipline, l’impunité...
La RSS
Pour
remédier de manière plus globale et durable à tous ces maux, le gouvernement a
initié en 2012 une réforme du secteur de la sécurité, mise en œuvre à travers
le Conseil National de Sécurité (CNS), présidé par le Président de la
République. La RSS a été couplée au processus de désarmement, démobilisation,
réintégration (DDR), mis en œuvre par une Autorité créée à cet effet, l’ADDR.
Au terme de
sa mission et de trois années d’activités, le 30 juin 2015, l’ADDR a dressé le
bilan suivant : sur 74 028 ex-combattants inscrits dans la base de donnée
de 2012, ce sont 57 791 qui ont effectivement été réintégrés ou en cours de
l’être, soit 90% de la base de données réactualisée. L’ADDR a toutefois indiqué
que 10 000 ex-combattants ne se sont pas manifestés, parce que pas intéressés
par le processus. Toutefois, une Cellule de Coordination, de Suivi et Réinsertion
(CCSR) a été créée à la fermeture de l’ADDR, pour gérer ces ex-combattants
résiduels. La CCSR a depuis lors réorienté ses missions vers la prise en charge
et la resocialisation des « enfants en conflit avec la loi »
communément appelés « microbes ».
Le DDR
Concernant
le processus de désarmement, de 2012 à 2015, l’ADDR a indiqué avoir collecté 12
474 fusils d’assaut (Kalachnikov) dont 76,6% fonctionnels, 9 695 grenades, 1051
roquettes, 2018 obus, 2 667 741 munitions de petit calibre, 12 492 armes marquées
au niveau des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) qui ont été collectées
par l’ADDR et 2958 armements collectés par l’Opération des Nations unies en
Côte d’Ivoire (ONUCI), soit un total de 37 942 armements collectés.
La
Commission nationale de lutte contre les armes légères et de petit calibre
(ComNat-ALPC), a 2012 à 2017, le bilan suivant : 12 913 armes collectées,
39 975 armes marquées, 18 216 armes détruites, dont 1526 mines
anti-personnel.
- Un bilan mitigé
Cinq années
après le lancement de la RSS et deux ans après la fin officielle du DDR, la
résolution des défis qui ont sous-tendu la mise en œuvre de ces processus
interrogent quant à leur efficacité. Car la RSS, qui intégrait le DDR, se
voulait holistique, et ambitionnait d’impulser l’émergence d’une Côte d’Ivoire
nouvelle. Par la mise en œuvre, à court, moyen et long terme, de 108 réformes
axées autour de six piliers que sont : la Sécurité nationale; la
Reconstruction post-crise ; l’Etat de droit et les relations internationales ;
le Contrôle démocratique; la Gouvernance économique ; la Dimension humaine et
sociale.
Malgré les
nombreux efforts fournis par le gouvernement au sortir de la crise postélectorale
de 2011 pour normaliser la situation au niveau sécuritaire, politique, économique
et social. Avec de nombreux voyants au vert au niveau macro-économique
notamment, avec des taux de croissance tournant autour de 8%. Et un indice
général de sécurité qui est passé de 3,8% en janvier 2012 à 1,2 en décembre
2016. Force est de constater que de nombreux défis perdurent avec acuité, créant
un sentiment de confusion et de grande incertitude alimentées notamment par les
mutineries et mouvement d’humeur à répétition des soldats et des ex-combattants
en mal de resocialisation. En effet, les mutineries de janvier et de mai 2017
du contingent des 8400, et la tentative réprimée du contingent des 2600, sont
venues mettre en lumière la délicatesse du processus de sortie de crise en Côte
d’Ivoire.
D’autant que
les défis auxquels la Côte d’Ivoire doit faire face sont nombreux. Ce sont,
pêle-mêle : Le déficit de contrôle des armes ; la redistribution
inéquitable des richesses ; la question de la terre ; les rivalités
politiques au sommet de l’Etat ; l’immigration ; la question
identitaire ; la réconciliation nationale ; la corruption
endémique ; la défaillance du système judiciaire ; la question des
dozos ; le phénomène des « microbes » ; le phénomène des
coupeurs de route ; le chômage des jeunes avec plus de 6.000.000 de jeunes en
situation de sous-emploi ou de non-emploi ; les processus électoraux qui
sont sources de tensions et de violences ; la violence comme moyen
d’expression ; le délitement de l’autorité de l’Etat…
- Conclusion
A ces défis,
qui s’apparentent à de véritables périls, la réponse doit résider dans la
justice sociale, le respect de la diversité ethnique, culturelle, politique et
religieuse. Dans une gouvernance politique, sociale, économique, sécuritaire
inclusive et responsable.
Michèle Pépé
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons
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l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec
l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par
leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des
causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
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