E. Macron accueillant son
homologue rwandais P. Kagame le 23 mai 2018
© Ludovic MARIN
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Quand le chef d’un Etat libre et souverain sachant se faire respecter est reçu à l’Elysée, cela se voit et cela s’entend aussi. Ce n’est pas comme lorsque Nicolas Sarkozy ou Emmanuel Macron reçoivent leur petit Alassane Ouattara…
Pour aller plus loin, voir
sur ce blog le post auquel renvoie le lien suivant :
https://cerclevictorbiakaboda.blogspot.fr/2017/09/apologie-du-fantochisme-eloge-de_2.html
La « visite de travail » du président rwandais Paul Kagame à Paris
consacre le réchauffement des relations franco-rwandaises particulièrement
tumultueuses depuis le génocide de 1994 au Rwanda, dans lequel Paris est
soupçonné d'avoir joué un rôle nocif.
C’est donc officiel : la France soutient la
candidature de Louise Mushikigwabo, actuelle ministre des Affaires étrangères
au Rwanda, pour remplacer Michaëlle Jean à la tête de l’Organisation
Internationale de la Francophonie (OIF), lors de l’élection qui aura lieu en
octobre à Erevan en Arménie. « Elle a
toutes les compétences et les titres pour assurer cette fonction », a
déclaré sans détour Emmanuel Macron à l’issue de sa rencontre ce mercredi avec
le président rwandais Paul Kagame. L’annonce n’a rien d’anodin et la conférence
de presse commune des deux Chefs d’Etats ne l’était guère plus.
On se frottait parfois les yeux en observant les leaders de
deux pays aux relations si conflictuelles depuis un quart de siècle, réunis
côte à côte dans cette salle de l’Elysée, où Kagame n’était pas revenu depuis
2011, lors d’une brève embellie sous Sarkozy. On tendait également une oreille
guère habituée à entendre de tels échanges d’amabilités entre les représentants
officiels de la France et du Rwanda. Kagame se félicitant d’un « nouveau partenariat », Macron
renchérissant sur « le rôle essentiel
du Rwanda » notamment dans la gestion des crises du continent et sur « les priorités partagées »
avec le chef de l’Etat rwandais qui est également depuis janvier le Président
en exercice de l’Union Africaine (UA). Visiblement les deux hommes s’apprécient
et ils l’ont encore manifesté lors de cette troisième rencontre en tête à tête
depuis un an.
Réactions passionnelles
Pourtant une partie de la classe politique française, et
surtout la vieille garde mitterrandienne, mais aussi une partie de l’armée,
voue à Kagame une haine tenace. Et aucun pays africain ne suscite en France,
encore aujourd’hui, autant de réactions passionnelles, voire hystériques, que
le Rwanda.
Pourquoi un tel déchainement, et en particulier contre Paul
Kagame ? Le malaise remonte à 1994, l’année du génocide des Tutsis du Rwanda.
Un million de morts en trois mois. Un massacre orchestré sous les yeux de la
communauté internationale, par les alliés de Paris, qui aura bien du mal à
prendre ses distances.
A la tête d’un mouvement rebelle crée dans l’Ouganda
voisin, pays anglophone de surcroît, où de nombreux Tutsis s’étaient réfugiés
lors des premiers pogroms après l’indépendance du Rwanda, Kagame va alors
reprendre le contrôle du pays et faire fuir les forces génocidaires. Mettant
également en déroute, les manœuvres de ceux qui à Paris ont jusqu’au bout
espéré préserver l’influence de la France dans ce petit pays de l’Afrique des
Grands Lacs. Depuis, Kagame a plusieurs fois rappelé la complicité de Paris
dans la préparation et le déroulement du génocide. Provoquant à chaque fois des
réactions indignées chez ceux qui refusent toute évocation d’une complicité
française dans les évènements de 1994. Et n’ont eu de cesse d’attribuer à
Kagame la responsabilité de l’événement déclencheur du génocide :
l’assassinat du président Juvénal Habyarimana. Une accusation formulée par le
juge Jean-Louis Bruguière qui provoquera la rupture des relations diplomatiques
avec le Rwanda en 2006 puis sera largement démentie par le successeur de
Bruguière, le juge Marc Trévidic. L’instruction désormais achevée après de
multiples rebondissements, devrait être en principe clôturée par un non-lieu
prochainement. Il y a donc bien des fantômes dans les placards des relations
franco-rwandaises.
Déclassification des archives
Ce mercredi cependant, on était très loin de ces
polémiques. « Il faut avancer de
manière pragmatique sans rien enlever à la complexité des histoires du passé »,
a déclaré Emmanuel Macron qui a refusé cependant de se prononcer sur le retour
d’un ambassadeur français à Kigali, poste vacant depuis 2015. « L’essentiel c’est de reprendre notre
coopération », a martelé le président français qui a promis de
poursuivre la déclassification des archives françaises sur le génocide. Alors
que Kagame, lui, singulièrement évasif, s’est refusé à s’exprimer sur ce passé
qui hante toujours les relations entre les deux pays.
Certains se réjouiront de ce réchauffement évident des
relations franco-rwandaises : après tout, le Rwanda est aujourd’hui un
pays qui s’est miraculeusement redressé et fait même figure de pôle de
stabilité dans une région tourmentée. Certains déploreront qu’on tende ainsi la
main à un homme qui a certes réussi à faire renaître son pays de ses cendres,
mais ne donne pour l’instant aucun signe de vouloir quitter le pouvoir, après
avoir modifié la Constitution pour se représenter aux élections. La France est-elle
cependant la mieux placée pour donner [de telles] leçons ?
En invitant le président rwandais à l’inauguration d’un
salon consacré aux start-up, Viva Technology, qui ouvre ses portes ce jeudi
avec pour la première fois un coup de projecteur porté aux entreprises
africaines, Emmanuel Macron impose un nouveau virage aux relations
franco-rwandaises.
Il est encore
trop tôt pour savoir s’il sera définitif. Et s’il se fera, en réalité, en
enterrant le passé, comme le craint l’association Survie qui déclarait ce
mercredi soir : « Comme avec
Nicolas Sarkozy, on assiste à un rapprochement stratégique entre Paris et
Kigali dont pourrait pâtir la vérité sur le soutien de l’Etat français au camp
génocidaire. (…) C’est le "en même temps" macronien : il évoque
la place du génocide des Tutsis dans notre mémoire collective pour suggérer une
forme de reconnaissance de la tragédie, mais laisse aussitôt entendre qu’on
manquerait d’informations sur le rôle des uns et des autres. C’est oublier que
l’implication française est déjà documentée, et qu’il a la clé de la plupart
des secrets restants ! ».
Maria Malagardis
(*) - Titre original : « France-Rwanda : A Paris, Macron et
Kagame enterrent la hache de guerre ».
Source : France
24, 25 mai 2018
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