N'Datien Séverin Guibessongui |
L’avenir politique de la Côte d’Ivoire semble graviter autour du personnage
d’Houphouët-Boigny. Lapalissade pour certains, erreur pour d’autres. Les
premiers, qui prennent pour vérité absolue l’houphouétisme comme étant le sens
de l’histoire, considèrent que les idées d’Houphouët sont vivantes, actuelles
et futuristes. Selon ces derniers, l’houphouétisme seraient un facteur de
rassemblement politique de nature à constituer un socle intemporel de stabilité
politique et institutionnelle nécessaire pour assurer un développement durable
de la Côte d’Ivoire. Dans ce sens, les disciples de « l’apôtre du dialogue et
de la paix » pensent que les idées houphouétistes sont cohérentes et
suffisantes pour être érigées au rang d’idéologie politique.
Les seconds considèrent que l’houphouétisme est un ensemble d’idées mortes,
anachroniques ou qui encourent la caducité. Pour eux, il est temps que la messe
de requiem de l’houphouétisme ou du système houphouétiste soit dite pour que
s’ouvre une nouvelle ère plus adaptée à la sociologie politique et à
l’évolution du temps.
Cette tribune n’a pas vocation à faire une incursion même furtive dans « la
famille des houphouétistes ». Elle vise à observer les péripéties idéologiques
de l’extérieur et non de l’intérieur et à regarder dans les entrailles de la
société ivoirienne, les lignes idéologiques latentes ou patentes, naissantes ou
en gestation.
Au-delà de l’élan de rassemblement des « enfants spirituels d’Houphouët »,
on peut observer des prémisses de voies idéologiques embryonnaires parallèles à
l’houphouétisme. Ce bouillonnement politique est-il idéologique, doctrinal ou
générationnel ?
On peut observer que les idées houphouétistes ont un terreau plus favorable
dans le cercle des sexagénaires, septuagénaires et octogénaires. Les membres de
ce cercle ont en commun d’être nés avant ou pendant l’indépendance de la Côte
d’Ivoire. Dans ce cercle, l’houphouétisme est concentré ou exacerbé. Une maxime
pourrait le résumer : « Point de salut hors de l’houphouétisme ». Selon eux,
l’houphouétisme serait le seul chemin qui mène au paradis politique. Ici,
l’idéologie houphouétiste aurait son berceau au sein d’une génération. On peut
donc percevoir le lien étroit entre l’idéologie et la génération.
On peut toutefois observer dans cette génération des fêlures idéologiques
apparues dès les années 90. Les tenants de ces lignes idéologiques aux
antipodes de l’houphouétisme ou qui étaient les maîtres à penser d’une
alternative idéologique de gauche, avaient pour leaders Laurent Gbagbo, Bernard
Zadi Zahourou, Francis Wodié et bien d’autres. Tous ont par la suite connu des
fortunes politiques diverses dont la tiédeur contrastait avec la vigueur de
leur idées politiques.
Par ailleurs, les années 90 ont pu faire apparaître une autre mouvance
politique nourrie au syndicalisme et pétrie d’un syncrétisme idéologique.
Élèves ou étudiants à cette époque, ce qu’il convient d’appeler la génération
du multipartisme n’a pas été nourrie aux idées houphouétistes. Cette
génération, à peine sortie de l’adolescence a, dans un élan juvénile ou
s’entremêlait insouciance et désir de se forger un esprit politique, combattu
Houphouët en rejetant en cœur ses idées. On observe d’ailleurs que cette
génération, devenue quadragénaire et quinquagénaire, ne soit pas appâtée par
l’houphouétisme ou soit de marbre face à l’houphouétisme. Si l’houphouétisme
est introuvable dans cette génération des années 90, dite génération zouglou,
peut-on en conclure à une absence d’idéologie ? À l’analyse, on peut observer à
travers les affinités politiques et générationnelles qu’il se susurre une
idéologie en gestation aux contours non définis. Vous aurez encore perçu le
lien entre idéologique et génération.
Enfin, quid de la génération née après la mort d’Houphouët-Boigny ? Cette
génération des moins de trente ans qui constitue soixante-cinq pour cent (65%)
de la population ivoirienne semble avoir décroché de la politique pour se
réfugier dans la virtualité du numérique. Sans doute veut-elle développer une
idéologie numérique. Qu’elle soit une génération numérique parce que vivant
dans le tout connecté ou une génération « coupé-décalé » parce qu’ayant eu son
enfance ou son adolescence bercée par ce rythme musical, il semble qu’elle n’a
pas pris la pleine mesure de son poids démographique et politique.
On peut observer toutefois que s’il y a
« quelque chose » d’Houphouët-Boigny, même dilué, dans la « génération du
multipartisme », il n’y a rien d’Houphouët-Boigny dans la « génération
coupé-décalé ». On aurait donc trois cercles : celui de l’houphouétisme
concentré ou exacerbé, celui de l’houphouétisme dilué et celui de l’houphouétisme
inexistant ou introuvable. Mais ces trois cercles, qui ne sont pas entourés de
cloisons étanches, peuvent s’interpénétrer et se féconder idéologiquement. Dans
ce contexte, l’idéologie triomphante qui devra orienter le devenir de la Côte
d’Ivoire peut-elle demeurer l’Houphouetisme ? Ou, quelle serait l’offre
idéologique concurrente ?
N’Datien Séverin Guibessonui, Docteur en Droit, Avocat.
Titre original : « Héritage
de l’houphouétisme. L’honorable Guibessongui prend position ».
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Source :
https://news.abidjan.net 3 mai 2018
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