Winnie, tu viens de déposer les armes qui t’ont servi à
lutter contre le système politique le plus odieux de notre époque: l’apartheid.
Les Blancs, 20% de la population sud-africaine avaient réduit en esclavage les Noirs
qui en constituaient 80%.
Tu as osé affronter le monstre de l’apartheid, toi, pauvre
femme, sans soutien. Tu as dit que « la
femme noire souffre d’une triple oppression liée à son sexe, la couleur de sa
peau et sa classe sociale ». Tu combattis cette triple oppression.
Quand les leaders de l’ANC ont été, soit emprisonnés, soit
contraints à l’exil, tu es restée sur le terrain, avec ton peuple et surtout
avec les jeunes aux mains nues, pour mener un combat inégal avec les racistes
armés jusqu’aux dents et soutenus par l’impérialisme occidental et ses valets.
Tes ennemis ont cru qu’ils pouvaient facilement et
rapidement réduire une faible femme sans défense. Mal leur en prit. Les
intimidations, les poursuites, les emprisonnements, les tortures et les
bannissements n’ont pas eu raison de toi.
De 1958 à 2018, c’est-à-dire pendant 60 ans, tu t’es battue
sans relâche, pour la libération de Nelson Mandela, ton mari. C’est à travers
toi que ce dernier a été connu à travers le monde entier.
Mais WINNIE, tu n’as pas seulement été une femme qui a lutté
pour la libération de son mari emprisonné. Tu as sacrifié ta vie au peuple et
surtout aux jeunes Sud-Africains. Pour toi, la lutte pour la libération du
peuple sud-africain ne prenait pas fin avec la libération de Nelson Mandela et
la participation des Noirs au pouvoir politique. Au cours de ces soixante ans
de lutte, tu t’es forgé une vision de la nouvelle Afrique du Sud où les torts
faits aux Noirs seraient réparés.
Winnie, pour toi, la lutte devait continuer tant que les
Blancs continueraient à conserver les terres confisquées aux Noirs et tant
qu’ils garderaient, en propriétés privées, les ressources du sous-sol. Pour
toi, le combat pour la liberté devait se poursuivre tant que le pouvoir réel,
c’est-à-dire le pouvoir économique, demeurerait aux mains des seuls Blancs et
d’une minorité noire. Le combat devait continuer jusqu’à la récupération les
industries construites grâce à la sueur et au sang des Noirs.
Le monde occidental, qui a rarement dénoncé la violence
inouïe du pouvoir raciste en Afrique du Sud, parle aujourd’hui de la violence
d’une femme qui se battait contre un monstre. Devant la confiscation des terres
aux Noirs, la délocalisation des populations noires et leur regroupement sur
des terres infertiles et dans les townships, les arrestations arbitraires, les
exécutions sommaires, Les occidentaux ont non seulement gardé le silence mais
ils ont participé à l’exploitation et à l’oppression des Noirs en commerçant
avec le pouvoir raciste.
Tu aurais détourné des fonds ? Etait-ce pour garnir tes
comptes dans des banques étrangères ? Que non ! Tu ravitaillais en armes et en
moyens les combattants au front.
Beaucoup de pays, en admiration devant ton courage, que
dis-je ?, devant ton audace, ont proposé de t’accueillir. Tu aurais eu un
exil doré en attendant les beaux jours de la libération. Tu as préféré rester,
brave Winnie, à SOWETO où battait le cœur de ton peuple, meurtri par de
multiples souffrances.
Même après la victoire, quand beaucoup de tes compagnons de
lutte quittaient SOWETO pour les beaux quartiers de Johannesburg, tu as
volontairement choisi de rester dans ce quartier, symbole de la lutte héroïque
du peuple sud-africain.
On te reproche d’avoir éliminé des traitres infiltrés dans
les rangs de l’ANC. Mais combien de combattants ou de simples civils noirs ont
été massacrés par les escadrons de la mort du pouvoir raciste ? Pourquoi
voulait-on que tu caresses ceux qui te torturaient ? Parce que tu es une femme
? Non ! Winnie, tu as mené le combat farouche d’une mère dont les enfants étaient
attaqués. Tu as accepté tous les sacrifices pour tes enfants, pour ton peuple.
Winnie ! Par ton courage, ta persévérance, la fidélité à
ton engagement et la durée de ton combat, tu as battu tous les records. Tu
mérites bien le titre de « MERE DE LA NATION SUD-AFRICAINE » et même de « MERE
DE LA NATION AFRICAINE ».
La jeunesse que tu as tant aimée et défendue fera revivre
ton combat jusqu’à la libération complète de l’Afrique du Sud et de l’Afrique
tout entière.
Adieu Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela-Mandela !!!
Emma YOUKELI[*]
Accra, le 10 avril 2018
[*] Emma
Youkéli est une patriote ivoirienne actuellement en exil au Ghana suite aux
événements d’avril 2011.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire