samedi 14 avril 2018

Le communiqué Ado-Bédié sur le projet de parti unifié analysé par Jean Bonin.

un enfumage politico-médiatique et dramatico-comique
Contrairement à l'ancienne constitution de 2000 qui disposait clairement qu'un président de la République ne pouvait pas être président d'un parti politique (cf. Art 54), la nouvelle constitution a supprimé cette disposition (cf. art 61), reprenant in extenso l'article 25 de la constitution de 1960. 
Évidemment, c'est un recul démocratique (de 56 ans) car il n'est pas convenable que dans un environnement politique de multipartisme, le chef de l'Etat, qui incarne la nation dans toutes ses composantes et est donc censé être au-dessus des partis politiques, prenne des positions clairement partisanes.
Malheureusement, le président de l'Assemblée nationale, emboîtant le pas au Chef de l'Etat, s'est également laissé aller dans un communiqué où, en sa qualité de président de cette institution de la République, il se félicite de la signature de ce communiqué. Il est particulièrement préoccupant que ceux qui ont prêté le serment de respecter et de protéger notre constitution (cf. art 58) soient ceux-là même qui la piétinent avec autant d'insouciance alors que les temps du parti unique sont révolus. Mais ce n'est pas notre sujet du jour. On y reviendra. 
Pour l'heure, ce qui retient mon attention c'est la valeur juridique de la signature du président de la République apposée sur un document associatif. En effet, au terme de la loi N° 93-668 du 9 Août 1993 relative aux partis et groupements politiques, ceux-ci ont le statut d'associations (art 1) et sont des personnes privées (art 2). 
Quel est donc la nature juridique du document (communiqué) signé par le chef de l'Etat dans la mesure où ledit document n'a pas valeur juridique d'un acte présidentiel ou administratif (décision, décret ou ordonnance) ? 
La question est essentielle car le régime juridique des actes administratifs présidentiels est bien établi en droit public et nulle part il n'apparaît qu'un président de la République puisse engager la Côte d'Ivoire toute entière dans le cadre de ses activités politiques privées en signant un document qui, de fait, n'engage exclusivement que sa formation politique. C'est une hérésie juridique. 
Ce document ne peut naturellement pas faire l'objet d'un recours contentieux ou gracieux car n'ayant pas la nature juridique d'un acte administratif. En conséquence, d'un strict point de vue juridique, ce document est nul et de nul effet. Juridiquement il est considéré comme inexistant. 
Dès lors, ce document peut-il engager le RDR ? Manifestement non, vu que dans le principe seul le président du RDR devrait pouvoir engager la formation politique qu'il préside (les statuts du RDR sont curieusement introuvables sur le net). Or, à moins que je ne me trompe, le président du RDR se nomme Henriette Dagri Diabaté et je n'ai pas vu sa cosignature sous ce communiqué. 
D'autre part, M. Ouattara, en l'espèce n'ayant pas non plus signé « par délégation » ou « par ordre » de la présidente statutaire du RDR, il appert que la signature querellée n'engage que lui et non le RDR, encore moins l'Etat de Côte d'Ivoire qui n'est pas partie prenante dans les affaires internes et privée d'une coalition politique. 
Bédié est juriste. J'imagine donc qu'il n'ignore rien des règles fondamentales et élémentaires du droit. Il sait donc qu'une signature qui n'engage pas le RDR, réciproquement, ne l'engage pas non plus dès lors qu'en droit ce communiqué est nul et de nul effet. 
Au surplus, tout militant du PDCI pourrait, autant et en tant que de besoin, contester devant les instances statutaires de son parti ce communiqué en ce qu'il n'a produit aucun effet de droit à l'endroit de son parti. 
À cet effet, il pourrait s'appuyer sur la nullité absolue de ce communiqué, d'une part, mais également sur l'absence d'une résolution statutaire des instances du PDCI mandatant son président (art 33-2 des statuts du PDCI) à prendre un tel engagement, d'autre part ; sauf à prouver qu'au PDCI les instances (bureau politique...) n'ont qu'un rôle décoratif et sans aucun réel pouvoir et qu'en toute matière un blanc-seing est donné au président Bédié... ad vitam aeternam. Ce que je ne crois pas car il s'agit quand même du parti DÉMOCRATIQUE de Côte d'Ivoire. Quoique...
Au final, ce communiqué est un enfumage politico-médiatique et dramatico-comique qui fait l'affaire du PDCI, vu que, in fine, le président Bédié n'y a pris aucun engagement de nature juridique. Dès lors, c'était probablement le but de la manœuvre, lui et ses collaborateurs pourront continuer paisiblement à jouir de certains privilèges que leur confèrent leur présence au gouvernement, pardon au RHDP. 
Quand on voit comment récemment le droit a été violemment piétiné dans la mise en place du Sénat et quand on constate qu'il l'est encore dans ce communiqué, ne sommes-nous pas légitimement en droit de nous demander s'il y a des juristes au palais... présidentiel.

Jean Bonin, citoyen Ivoirien, Juriste.


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Source : www.lebanco.net 12 avril 2018

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