un enfumage politico-médiatique et dramatico-comique |
Contrairement
à l'ancienne constitution de 2000 qui disposait clairement qu'un président de
la République ne pouvait pas être président d'un parti politique (cf. Art 54),
la nouvelle constitution a supprimé cette disposition (cf. art 61), reprenant
in extenso l'article 25 de la constitution de 1960.
Évidemment,
c'est un recul démocratique (de 56 ans) car il n'est pas convenable que dans un
environnement politique de multipartisme, le chef de l'Etat, qui incarne la
nation dans toutes ses composantes et est donc censé être au-dessus des partis
politiques, prenne des positions clairement partisanes.
Malheureusement,
le président de l'Assemblée nationale, emboîtant le pas au Chef de l'Etat,
s'est également laissé aller dans un communiqué où, en sa qualité de président
de cette institution de la République, il se félicite de la signature de ce
communiqué. Il est particulièrement préoccupant que ceux qui ont prêté le
serment de respecter et de protéger notre constitution (cf. art 58) soient
ceux-là même qui la piétinent avec autant d'insouciance alors que les temps du
parti unique sont révolus. Mais ce n'est pas notre sujet du jour. On y
reviendra.
Pour
l'heure, ce qui retient mon attention c'est la valeur juridique de la signature
du président de la République apposée sur un document associatif. En effet, au
terme de la loi N° 93-668 du 9 Août 1993 relative aux partis et groupements
politiques, ceux-ci ont le statut d'associations (art 1) et sont des personnes
privées (art 2).
Quel est
donc la nature juridique du document (communiqué) signé par le chef de l'Etat
dans la mesure où ledit document n'a pas valeur juridique d'un acte
présidentiel ou administratif (décision, décret ou ordonnance) ?
La question
est essentielle car le régime juridique des actes administratifs présidentiels
est bien établi en droit public et nulle part il n'apparaît qu'un président de
la République puisse engager la Côte d'Ivoire toute entière dans le cadre de
ses activités politiques privées en signant un document qui, de fait, n'engage
exclusivement que sa formation politique. C'est une hérésie juridique.
Ce document
ne peut naturellement pas faire l'objet d'un recours contentieux ou gracieux
car n'ayant pas la nature juridique d'un acte administratif. En conséquence,
d'un strict point de vue juridique, ce document est nul et de nul effet.
Juridiquement il est considéré comme inexistant.
Dès lors, ce
document peut-il engager le RDR ? Manifestement non, vu que dans le principe
seul le président du RDR devrait pouvoir engager la formation politique qu'il
préside (les statuts du RDR sont curieusement introuvables sur le net). Or, à
moins que je ne me trompe, le président du RDR se nomme Henriette Dagri Diabaté
et je n'ai pas vu sa cosignature sous ce communiqué.
D'autre
part, M. Ouattara, en l'espèce n'ayant pas non plus signé « par délégation » ou
« par ordre » de la présidente statutaire du RDR, il appert que la signature
querellée n'engage que lui et non le RDR, encore moins l'Etat de Côte d'Ivoire
qui n'est pas partie prenante dans les affaires internes et privée d'une
coalition politique.
Bédié est
juriste. J'imagine donc qu'il n'ignore rien des règles fondamentales et
élémentaires du droit. Il sait donc qu'une signature qui n'engage pas le RDR,
réciproquement, ne l'engage pas non plus dès lors qu'en droit ce communiqué est
nul et de nul effet.
Au surplus,
tout militant du PDCI pourrait, autant et en tant que de besoin, contester
devant les instances statutaires de son parti ce communiqué en ce qu'il n'a
produit aucun effet de droit à l'endroit de son parti.
À cet effet,
il pourrait s'appuyer sur la nullité absolue de ce communiqué, d'une part, mais
également sur l'absence d'une résolution statutaire des instances du PDCI
mandatant son président (art 33-2 des statuts du PDCI) à prendre un tel
engagement, d'autre part ; sauf à prouver qu'au PDCI les instances (bureau politique...)
n'ont qu'un rôle décoratif et sans aucun réel pouvoir et qu'en toute matière un
blanc-seing est donné au président Bédié... ad vitam aeternam. Ce que je ne
crois pas car il s'agit quand même du parti DÉMOCRATIQUE de Côte d'Ivoire.
Quoique...
Au final, ce
communiqué est un enfumage politico-médiatique et dramatico-comique qui fait
l'affaire du PDCI, vu que, in fine, le président Bédié n'y a pris aucun
engagement de nature juridique. Dès lors, c'était probablement le but de la manœuvre,
lui et ses collaborateurs pourront continuer paisiblement à jouir de certains
privilèges que leur confèrent leur présence au gouvernement, pardon au RHDP.
Quand on
voit comment récemment le droit a été violemment piétiné dans la mise en place
du Sénat et quand on constate qu'il l'est encore dans ce communiqué, ne
sommes-nous pas légitimement en droit de nous demander s'il y a des juristes au
palais... présidentiel.
Jean Bonin, citoyen Ivoirien, Juriste.
EN
MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons
des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à
l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec
l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par
leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des
causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source :
www.lebanco.net
12 avril 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire