©Afp Patrick Kovarik
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Quelle est la place de la France dans le monde ? Les cinq principaux
candidats, invités de TF1, avaient quelques minutes pour convaincre, face à
l’Amérique de Trump et la Russie de Poutine. Mais c’est surtout cette dernière
qui a animé la fin de débat.
Devant une France insomniaque, les cinq « principaux » candidats à l'élection
présidentielle se sont rencontrés sur le plateau de TF1 lundi soir, pour un
premier grand échange. 10 millions de téléspectateurs ont vu défilé plusieurs
thèmes durant trois heures de débat, abordés plus ou moins longuement
(éducation, santé, laïcité, institutions, environnement), effleurés (défense,
sécurité, diplomatie) ou quasi oublié (Europe, culture).
Entre piques et saillis, que faut-il
retenir de cette première confrontation ? La dernière partie de l'émission
concernait la place de la France dans le monde « Entre l'Amérique de Donald Trump et la Russie de Vladimir Poutine »,
avec en ligne de mire la lutte « contre
Daech, en Syrie, en Irak et sur notre sol ».
Dans une course contre la montre, les
candidats ont, tant bien que mal, développé leurs propositions. Djordje
Kuzmanovic, en charge des questions de géostratégie et de défense pour la
France insoumise (FI) les décrypte avec nous.
Emmanuel Macron est le premier à
remarquer la grande absente des discussions : l'Europe, essayant de la replacer
dans le débat. D'emblée, il prône une «
France forte » dans une Europe « indépendante
mais responsable ». Évinçant l'idée d'un rapprochement avec la Russie, mais
évitant de parler des États-Unis.
« Ça ne veut rien dire du tout, comme
on lui a fait le reproche […]. Il continuera la politique de Sarkozy et de
Hollande, si d'aventure il était élu. Donc, plus de soumission à Washington et
plus d'intégration européenne, chose qui retire toute grandeur à la France.
C'est parfaitement incohérent ».
Le candidat d'En Marche ! envoie un tacle au passage à Benoît Hamon, qu'il accuse
d'être européen « quand ça l'arrange ».
Benoît Hamon est pour « une défense
européenne », mais pose le décor de manière plus virulente : « Nous avons une instabilité qui naît du
fait que Donald Trump est désormais Président. Nous ne pouvons pas ignorer ce
que sont les prétentions et le jeu de la Russie, en Syrie et aux frontières
orientales de l'Union européenne ». Il conclut, « moins d'Amérique, ce doit être plus d'Europe ».
« Macron et Hamon s'affrontent, mais
c'est plutôt une illusion. Dans la réalité, ils défendent la même chose. Hamon
ajoute qu'il propose une hausse du budget de la défense à 3 % du PIB, ce
qui veut dire une augmentation à 24 ou 25 milliards d'euros. On se demande
comment il va les utiliser et financer, vu qu'il ne veut pas sortir des traités
européens qui l'empêcheraient de faire une dépense de ce volume au profit des
armées ».
Il s'inscrit dans la continuité de
François Hollande, alors que plus à gauche, pour Jean-Luc Mélenchon qui se pose
en « président de la paix », « l'Europe de la défense, c'est l'Europe de
la guerre ». La première chose à faire, c'est organiser une conférence de
l'Atlantique à l'Oural, afin de «
négocier » des frontières, oubliées depuis la fin de l'Union soviétique. « Extrêmement dangereux ! », s'exclame
Benoît Hamon, notamment au vu du rattachement de la Crimée à la Russie.
« Il propose une conférence de sécurité,
dont le but est de réintroduire la discussion avec la Russie pour éviter
tout risque de guerre en Europe, vers lequel nous a entraîné un certain
aventurisme des États-Unis, en déployant les batteries de boucliers
anti-missile en Pologne et en Roumanie, qui a provoqué une réaction du même
ordre du côté russe […]. Une conférence de ce type est salutaire ».
Rediscuter des frontières, François
Fillon semblait acquiescer, qui rappelle que des frontières ont bougé en
Européen, prenant l'exemple du Kosovo : «
Il faut étudier la question-là au regard du droit internationale et du droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes ». Il déplore le fait que la France
n'ait plus son mot à dire dans le dossier syrien, et dans la lutte contre
l'État islamique. La France est trop «
intervenue », il faut « hiérarchiser
», et partager le « fardeau »
entre les européens.
« Il faut quand même rappeler que M.
François Fillon était Premier ministre de Nicolas Sarkozy, et était celui qui a
mis en œuvre la réintégration de la France dans l'Otan […]. Il est embarrassé
sur ce qu'il peut dire parfois, en reprenant des accents gaulliens sur la
grandeur de la France, et sa pratique concrète d'homme politique ».
Marine Le Pen se répète, « personne ne décide à notre place », il
faut « maitriser les frontières ».
Sur l'armée, pour 2018, elle veut consacrer 2 % du PIB, grimpant à
3 % à la fin du quinquennat. « Une
industrie militaire, c'est fondamentale », insiste-t-elle, tandis que
François Fillon lui rétorque que c'est irréaliste.
« Une fois qu'on a décidé du rôle à
faire jouer à la France dans le monde, on se dote des moyens nécessaires
pour mener à bien cette politique, 2 % ou 2,5 %, mais nous
on préfère cette manière-là, plutôt qu'une manière comptable qui ne dit
pas à quels objectifs seront alloués ces dépenses. Mme Le Pen se retrouve tout
à fait étonnamment avec Benoît Hamon, qui lui aussi souhaite un budget à
3 %, je crois que c'est pour complaire aux États-Unis du côté de M. Hamon
et renforcer les capacités de la France dans le cadre de l'Alliance atlantique
».
Sans surprise, les candidats se sont
divisés sur la question du dialogue avec la Russie de Vladimir Poutine, que
défendent François Fillon (« Il faut
faire la paix avec la Russie »), Marine Le Pen (quoique silence sur le
plateau de TF1 ce soir-là) mais aussi Jean-Luc Mélenchon (« Il ne sert à rien de se montrer armés jusqu'aux dents en face des
Russes, mieux vaut discuter »). Un
point sur lequel Emmanuel Macron est clair : « Aujourd'hui, je ne construirai pas mon indépendance, comme vous le
proposez Mme Le Pen, en allant me rapprocher de M. Poutine ». Benoît Hamon,
pointant ses arrières d'un pouce grave : «
Quand on discute avec M. Poutine, il vaut mieux arriver avec quelques
arguments ».
« Certains candidats, par automatisme, s'offusquent
quand on parle de la Russie. Nous avons une vision pragmatique. Nous ne
soutenons pas Vladimir Poutine […], nous ne sommes pas Russes et les autres
candidats non plus, ni ne sommes Américains. Et la Russie et les États-Unis,
comme tous les États, doivent être considérés pour ce qu'ils sont, des entités
géopolitiques, avec lesquelles la France discutent et défend ces intérêts », conclut Djordje Kuzmanovic.
Trop de généralités. Ce n'est ni aux États-Unis ni en Russie que la France tire son pétrole et entretient des armées. Si les candidats parlait de la poule aux œufs d'or de la France, ils parleraient du quotidien international des Français.
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