lundi 6 mars 2017

NOTRE HISTOIRE AVEC LE COLONIALISME FRANÇAIS (SUITE)

« …C’était la civilisation qui arrivait à Alger sous la forme d'une guillotine ». Victor Hugo*

Un article de Hassane Zerrouky

© Siné

Interviewée sur France 5 à propos d’Emmanuel Macron qualifiant la colonisation de crime contre l’Humanité, l’écrivaine Leïla Sebbar a eu cette réponse surprenante : « dans l’esprit de M. Macron, il s’agissait de faire plaisir aux algériens auxquels il rendait visite ! » Faire plaisir ? Un simple bouquet de fleurs accompagné de promesses de contrats juteux aurait suffi, non ? Or, il s’agit d’une reconnaissance, celle d’une période de domination et de soumission brutales qui a duré plus de 130 ans – ce qui n’est pas rien — avec ses lots de massacres à répétition, de destruction, de répression, de paysans dépossédés et chassés de leurs terres, voire de déportation, de misère, de pauvreté, sans compter l’analphabétisme (85% d’analphabètes recensés en 1960 par les autorités françaises). Tout cela, rétorquera-t-on, est connu, mais par ces temps de révisionnisme de l’histoire et sans faire dans le « trop de mémoire », il me semble utile de le rappeler. 
Dès lors, la colonisation est-elle un simple crime ou un crime contre l’humanité ? Henri Alleg y a répondu sans tergiversation et sans faire dans le juridisme suspect : « La seule chose que je voudrais, c’est qu’on n’attende pas cent cinquante ans comme dans le cas de l’esclavage : on n’a pas condamné les esclavagistes pour leurs crimes, mais l’esclavage en tant que tel. Je souhaite donc qu’on condamne la colonisation, en tant que système, comme un crime contre l’humanité » (in Politis octobre 2005). 
Avant de poursuivre, un mot sur la polémique suscitée par le livre « Si Bouaziz Bengana, dernier roi des Zibans », écrit par son arrière-petite-fille Ferial Furon. Tout ou presque a déjà été dit à ce sujet, notamment par notre ami Mohamed Balhi. En bref, l’histoire a déjà tranché. De plus, à ma connaissance, aucun écrit relatif au mouvement national n’a fait mention de l’assassinat par les autorités coloniales du bachagha Bengana le 17 juin 1945. Si cela avait été le cas, ça se serait su et le livre de Ferial Furon n’aurait sans doute pas suscité autant de réactions. 
Restons sur le terrain de la mémoire historique pour évoquer l’hommage rendu à Fernand Iveton (exécuté en février 1957) vendredi dernier à Paris, au siège du Parti communiste français (PCF), place du Colonel Fabien, hommage auquel j’ai pris part en qualité de modérateur d’une conférence-débat et à laquelle ont pris part l’ex-secrétaire général de l’ex-Pags, Sadek Hadjerès, qui a connu Iveton et qui fut un témoin et un acteur clé de cette période, l’historien et spécialiste de l’histoire coloniale Alain Ruscio et Frédéric Genevet, membre de la direction du PCF. 
Leurs interventions – Hadjerès a apporté de nombreuses clarifications sur les rapports FLN/PCA (Parti communiste algérien), la rencontre avec Abane Ramdane et les rapports PCA/PCF durant cette période. Ses propos, appréciés par une nombreuse assistance, étaient ponctués par des textes lus par la comédienne Sonia Maçon, comme cet écrit de Victor Hugo, datant de 1842, évoquant l’arrivée de la guillotine au port d’Alger à bord d’un bateau à vapeur : « Sur le débarcadère, des douaniers ouvraient les colis, et, à travers les ais des caisses entrebâillées, dans la paille à demi-écartée, sous les toiles d'emballage, on distinguait des objets étranges, deux longues solives peintes en rouge, une échelle peinte en rouge, un panier peint en rouge, une lourde traverse peinte en rouge, dans laquelle semblait emboîtée par un de ses côtés une lame épaisse et énorme de forme triangulaire (... ). C’était la civilisation qui arrivait à Alger sous la forme d'une guillotine »
Le 16 février 1843, Abdelkader Ben Zelouf sera le premier Algérien guillotiné en public pour meurtre, à Bab el Oued. Il y en aura plus de 300 entre 1843 et 1954 pour divers motifs, autant qu’en France sur la même période, nous dit Alain Ruscio. A quoi s’ajoutent les 222 militants du FLN/ALN guillotinés entre 1956 et 1962, soit une moyenne de 37 par an… 

H. Zerrouky


Source : http://www.lesoirdalgerie.com 02 mars 2017

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