samedi 14 avril 2012

L’art ivoirien de la décoration…

Le 5 avril, toute la presse abidjanaise rendait compte d’une cérémonie solennelle qui avait eu lieu la veille dans la salle de conférence du ministère des Affaires étrangères. Cérémonie au cours de laquelle notre très charismatique coprésident de la République Henri Konan Bédié fut élevé (?) au rang et à la qualité d’« ambassadeur de la paix "Peace Award" » par un certain Emmanuel Gbocho, se disant président de la Fédération pour la paix universelle (Fpu), section Côte d’Ivoire, en présence d’un certain Tajeddine Amad (ou Hamad) se disant, lui, tantôt secrétaire général exécutif mondial de la Fpu, tantôt son représentant pour l’Afrique de l’Ouest. Laquelle Fpu a son siège à New York. Et c’est dans cette ville, assure Tajeddine Amad, que sont désignés les heureux lauréats. Il a précisé que «Ce prix a été déjà décerné à plusieurs présidents en activité et anciens présidents, à des leaders religieux. On peut citer, entre autres, Margaret Thatcher, ancien Premier ministre britannique et Raïla Odinga, actuel Premier ministre kenyan ». Dans son allocution, Tajeddine Amad « a salué le président Bédié pour ses qualités en matière de leadership et de bonne gouvernance (…) ».
Hé, Dieu ! Donc, Bédié est un génie politique depuis toujours, et nous l’avions méconnu jusqu’à cette révélation des sieurs Emmanuel Gbocho et Tajeddine Amad ! Ou bien, sommes-nous encore une fois seulement victimes de cette illusion d’optique typiquement ivoirienne que le regretté Diégou Bailly brocardait dans son fameux article : « Une république de faux et usage de faux » ? « On le voit mieux maintenant, écrivait-il avec humeur, la première république avait été entièrement bâtie sur du faux, (…). C’est une des raisons de cette crise que subit actuellement le pays ». Car cette histoire de prix décerné par d’illustres inconnus dont on ignore d’où ils tirent les pouvoirs dont ils se prévalent n’est pas sans rappeler un précédent qui défraya la chronique durant la dernière années du règne de …Bédié, avec pour officiants un certain Jean Bosco Djibré et ses deux complices. Cette affaire-là avait été promptement étouffée une fois l’escroc découvert et mis à l’ombre, car elle risquait d’éclabousser beaucoup de beaux linges. La petite fête que les sieurs Gbocho et Tajeddine se sont offerte aux dépens de la vaniteuse suffisance de Bédié est une excellente occasion de la rappeler au bon souvenir de nos concitoyens.
Vous trouverez ci-après deux articles relatifs à ce précédent de 1998.
 

Marcel Amondji 
H. Konan Bédié exhibant sa décoration


Djibré : faux ordres, fausses décorations
Une chronique judiciaire de Landry Kohon (septembre 1998)

Il était un « généreux » dispensateur de médailles. Il distribuait sans rechigner des distinctions honorifiques. Et bien des personnalités (dont nous taisons les noms) se sont trouvées honorées de se voir épingler des distinctions de la part de Djibré Jean Bosco, au nom d'un puissant ordre mondial dont il était le représentant pour l'Afrique : l'Ordre international de la non-violence.
Au nom de cet ordre Djibré Jean Bosco a décoré des PDG, des fondateurs d'établissements scolaires, des religieux, de grands commerçants, des rois de chez nous. Plusieurs de ces décorations ont été relatées dans les journaux…
Et bien, cet homme, beau parleur de 55 ans, est un… usurpateur, voire un escroc. Son ordre au nom duquel il décore à tour de main est pour ainsi dire fictif. C'est une ingénieuse couverture qui lui permet d'escroquer de l'argent. Djibré Jean Bosco le grand maître de l'ordre de la non-violence est aujourd'hui... à l'ombre et attend de répondre de ses méfaits lorsque l'instruction de son dossier qui est en cours aura révélé tous ses méfaits. D'ores et déjà celui qui distribuait des médailles honorifiques s'est révélé être un repris de justice ayant déjà séjourné en prison pour escroquerie.
C'est une plainte de sa principale assistante qui a permis de l'arrêter, Mme Zabahi Madeleine a porté plainte contre lui à la police économique, l'accusant de lui avoir pris successivement les sommes de 2 millions 100 mille francs et 770 mille francs. Elle était pourtant sa précieuse collaboratrice et a aussi vécu maritalement avec lui. Aussi a-t-elle pu donner des renseignement très sérieux sur l'homme.
Selon la plaignante, c'est en 1991 qu'ils se sont rencontrés. M. Djibré Jean Bosco venait de purger 3 ans de prison pour avoir détourné 20 millions de Francs à la société immobilière qui l'employait. C'était à Daloa. Djibré lui a fait savoir que des Européens venaient de créer l'Ordre international de la non-violence et qu’il était nommé par les fondateurs président de cet ordre pour la division Afrique.
A part Mme Zabahi, sa femme et secrétaire chargée de mission, Djibré Jean Bosco va recruter autour de lui plusieurs personnes considérées comme membres de l'ordre. Il s'agit de Diallo Tahirou. enseignant à la retraite proclamé chancelier général de l'Ordre et de Gnabra Jean Claude, protocole, secrétaire, envoyé spécial et homme à tout faire.
Pour rendre crédible son personnage, il a, avec l’aide de ces trois complices, fait une mise en scène montrant qu’il revenait d’être triomphalement désigné à Dakar pour assumer sa haute charge. « Il nous a dit d’aller l’accueillir en fanfare à l’aéroport d’Abidjan. Nous l’avons fait alors qu’il n’arrivait pas de Dakar », s’est dit Mme Zabahi.
En fait, c’est à son prétendu retour du Sénégal en 1992 que Djibré se fait passer pour le président mondial de l’0rdre universel de non-violence. Il dit à qui veut l'entendre s'être fait élire à ce poste à Dakar par les délégués de tous les continents. L'homme a vite fait de convaincre beaucoup de personnes dont des cadres supérieurs qui, faisant foi en la mission telle que définie pour l'ONG, y ont massivement adhéré en s'acquittant des cotisations dont le montant est fixé à la tête du candidat. Les adhérents qui, eux, ont à cœur de servir et d’œuvrer pour une cause noble ne se doutent de rien. Djibré Jean Bosco et ses acolytes ne vont pas s'arrêter en si bon chemin. Ils ont l'idée de décerner des décorations à des gens qu'ils choisissent en fonction de leur rang social, leur fonction et activité et surtout en fonction de leur pouvoir financier.
Quand la victime est ciblée, on lui fait parvenir une correspondance soit par voie postale sort par te chargé de protocole Gnabra Jean Claude. Dans la lettre adressée à la personne choisie, Djibré Jean Bosco, en tant que président de l'Ordre, annonce que le destinataire a été choisi depuis te siège à Paris pour être décoré par l'Ordre universel de non-violence. Une distinction qui, selon la lettre, est la reconnaissance universelle des actions que mène l'élu en faveur de la paix, la lettre de Djibré précise que ta personne décorée fart partie désormais de l'ONG et bénéficie de ce fait du. respect et de la considération de toutes tes autorités à l'échelon mondial. La lettre annonce aussi que l'élu bénéficie pour toujours de la protection de l'Ordre qui se charge de le faire assister dans toute sa vie tant professionnelle que privée, d'avocats internationaux dont Me Verges. Les privilèges et autres faveurs faites aux personnes choisies sont tellement alléchantes que celles-ci perdent tout discernement, ii ne leur vient même pas a l’idée clé se demander ce qu'êtes ont fait pour mériter des médailles de non-violence. Ah, l'aveuglement de la vanité ! Et c'est ainsi que beaucoup de PDG. chefs coutumiers, élus, etc... sont tombés dans le panneau. Et se sont fait gruger. Car la médaille n'est pas gratuite. Et chaque élu, avant de recevoir sa décoration, doit payer entre deux et trois millions de francs pour les dossiers à confectionner.
Savez-vous l'origine exacte de la fameuse médaille que Djibré Jean Bosco a épinglé devant tambours battants sur la poitrine des gens à travers la Côte d'Ivoire ? Eh bien, il s'agit des médailles que fabrique un forgeron de nationalité burkinabé à la solde de Djibré et qui vit dans une cour commune située derrière le centre culturel de Treichville. Cet homme en fuite depuis l’arrestation de son patron, fabrique les médailles à partir du moule de fabrication de médailles que lui a remis le commanditaire Djibré. Et c’est un autre artiste, un Ghanéen à Abobo qui se charge de polir la médaille et de la faire briller. Le jour de la remise officielle de la médaille, Djibré Jean Bosco incite le candidat à en faire une très grande cérémonie en invitant le maximum de personnes. Du monde pour la raison fondamentale qu'au cours de ta cérémonie protocolaire des contributions financières sont demandées a tout le monde pour aider l'Ordre universel de non-violence à poursuivre ses actions dans le monde.
Telle est l’histoire étonnante de Djibré le faux maître et sa fausse décoration. Mais l'affaire n'est pas finie. Elle est aux mains de la justice qui situera la responsabilité de tous les autres...




Ordre universel de la Non Violence
DES VICTIMES EN COLÈRE
Ivoir’Soir 16 septembre 1998




Djibré Jean Bosco, se disant président de l'ordre universel de la non-violence a, sous le couvert de cette organisation fictive, fait beaucoup de victimes, au nombre desquelles le sous-préfet de Koro et les populations de cette ville et de Borotou qui viennent de le découvrir grâce à un article de faits divers publié par le quotidien Ivoir'Soir.
En effet, le 7 septembre 1996 à Borotou, le sous-préfet de Koro a été fait membre de l'ordre universel de la non violence au cours d'une cérémonie présidée par le ministre Emile Constant Bombet. Les frais de ce type de manifestation sont supportés par les récipiendaires. A cette occasion, les invités du récipiendaires sont tenus de faire des dons en espèces pour la caisse de l'ordre, a-t-on appris. Le sous-préfet et ses invités n'ont pas échappé à cette règle.
C'est ce côté pécuniaire, véritable escroquerie, que dénoncent les populations de Koro, de Borotou avec à leur tête leur sous-préfet. L'on se demande comment un imposteur peut, sous le couvert d'une organisation imaginaire, gruger d'honnêtes citoyens.
Personne ne semble s'être soucié de vérifier l'existence effective de cette organisation avant de lui accorder le crédit que l'on sait. Et si M. Djibré Jean-Bosco n'avait pas été dénoncé par sa complice et épouse, sûrement qu'il sévirait encore.

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