vendredi 17 juin 2016

Venance Konan, de la vacuité des idées au naufrage de l’âme… ou les turpitudes d’un « petit marquis ».


Le 28 novembre 2010 s’est tenue, en Côte d’Ivoire, le deuxième tour de l’élection présidentielle qui devait permettre de sortir, démocratiquement, d’une épreuve douloureuse imposée au pays depuis le coup d’Etat manqué du 19 septembre 2002 et qui avait conduit à sa partition de fait.
Dans le strict respect de la Loi ivoirienne, Laurent Gbagbo avait été proclamé vainqueur du scrutin par le Conseil constitutionnel en application de l’Article 94, alinéa 3, de la Constitution : « le Conseil Constitutionnel proclame les résultats définitifs des élections présidentielles ».
On connaît la suite. Dans un déchaînement de fureur médiatisée ad nauseam et parachevée militairement le 11 avril 2011, le pouvoir français de l’époque, sous couvert d’une hypothétique « communauté internationale », régulièrement convoquée dans ce genre de circonstances, a fini par sortir Laurent Gbagbo et installer Alassane Ouattara, pour reprendre les termes du président français Nicolas Sarkozy.
Fin de l’épisode, mais pas fin de l’Histoire. Depuis cette triste date, le combat pour dire la Vérité sur cette forfaiture dont a été victime le peuple ivoirien n’a jamais cessé. Pendant que le régime installé brutalement se consolidait dans la répression, contraignant des dizaines de milliers d’Ivoiriens à l’exil, et poussait l’infamie jusqu’à déporter le président Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPI), les vrais démocrates ne se sont jamais résolus à accepter cette imposture.
Apparemment inaudibles face au tsunami politico-médiatique sensé « protéger » le régime de Ouattara, leur message a fini par ébranler les certitudes et à ramener la Côte d’Ivoire dans l’actualité. Acteur, parmi des milliers d’autres, de cette lutte improbable, je peux témoigner de la lente, mais inexorable, évolution des esprits sur la réalité de la crise ivoirienne.
On connaît l’adage : « Cela va sans dire mais cela va mieux en le disant et encore mieux en l’écrivant ». Le 27 mai dernier, dans une chronique sur le site internet du journal Le Monde, le diplomate français Laurent Bigot a fini par « casser le canari » et poser la question : « Côte d’Ivoire : mais qui a gagné la présidentielle de 2010 ? ». Au terme d’un article essentiellement factuel, il concluait ainsi : « Je ne sais pas qui a réellement remporté l’élection de 2010 mais une chose est certaine, les résultats certifiés par les Nations-Unies ne sont pas les bons ».
Laurent Bigot était, lors de la crise ivoirienne, sous-directeur pour l’Afrique de l’Ouest au Quai d’Orsay. Il sera brusquement limogé par Laurent Fabius fin février 2013. Le 11 mars 2013, dans un article au titre révélateur (« Le Mali fait tomber des têtes au Quai d’Orsay ») le journaliste du Figaro Alain Barluet décrit Laurent Bigot comme un « très bon connaisseur du terrain » qui dénonçait l’effondrement de l’Etat malien et prévenait que le Burkina-Faso serait « le prochain sur la liste ». On peut imaginer facilement les sentiments qui ont dû animer Laurent Bigot le 31 octobre 2014 quand le président burkinabè Blaise Compaoré a fui son pays dans un hélicoptère français pour trouver refuge chez son obligé Alassane Ouattara.
Cet article illustrait la pertinence d’analyse du sous-directeur pour la situation qui prévalait dans sa zone de compétence.
Depuis son départ du Quai d’Orsay cette expertise lui donne régulièrement l’opportunité de publier des chroniques, en particulier dans Le Monde Afrique. D’ailleurs dans le chapeau de son texte du 27 mai dernier, Le Monde Afrique le présente comme « notre » chroniqueur.
Observateur attentif de la situation qui prévaut en Afrique de l’Ouest, je suis un lecteur assidu de ce journal et je découvre avec beaucoup d’intérêt les textes de Laurent Bigot quand ils sont mis en ligne.
Sa chronique sur la problématique de l’élection présidentielle ivoirienne de 2010 a, cependant, été un choc pour moi. En effet, confronté depuis cinq ans au « mur » de la doxa officielle qui, au nom de cette hypothétique « communauté internationale », avait décidé une fois pour toutes du résultat en Côte d’Ivoire, je lisais, pour la première fois, une remise en cause argumentée de ce résultat. La suite ne s’est pas fait attendre : la chronique s’est propagée comme un feu de brousse dans les réseaux sociaux, confortant les convaincus et ranimant l’espérance des désabusés.
Le régime d’Abidjan était, dès lors, face à un dilemme : se taire et risquer de voir le storytelling de la crise ivoirienne s’effondrer à terme ou réagir. C’est la seconde voie qu’il a empruntée. Mais il l’a fait dans l’urgence et la précipitation en « mandatant » pour cette mission un personnage polymorphe dont la probité morale a subi, en maintes occasions, l’épreuve de la réalité.
Cet homme, le journaliste Venance Konan, est bien connu des Ivoiriens et a été propulsé à la direction du groupe de presse Fraternité-Matin (qui, historiquement en Côte d’Ivoire, « s’aligne » sur la politique gouvernementale) grâce à une a-moralité sans faille qui lui a valu une carrière bien remplie à défaut d’être brillante.
Je laisse le soin à Monsieur Laurent Bigot de lui répondre, ce qui, compte tenu du niveau d’indigence de l’argumentaire développé par ce monsieur, ne sera sans doute pas une tâche insurmontable.
Cependant Venance Konan m’ayant fait l’honneur de me « convoquer » deux fois dans son « point de vue », une fois nominativement et l’autre fois comme l’un des « deux Français » ayant publié des livres pour défendre la thèse de la victoire de Laurent Gbagbo en 2010, je vais me permettre de lui rafraîchir la mémoire en lui rappelant le proverbe cher à Gbagbo : « Quand tu danses avec un aveugle, marche lui sur les pieds de temps en temps pour lui rappeler qu’il n’est pas seul dans la pièce ! »
Effectivement, j’ai publié, en septembre 2015, un livre intitulé « Les Ouattara, une imposture ivoirienne » (Editions du Moment) et je le remercie de l’avoir évoqué, car, dans cet ouvrage, je lui consacre un paragraphe (page 247 et suivantes) que je me fais un plaisir de lui rappeler in extenso :
(…) Le débat soulevé en Côte d’Ivoire sur le cas Ouattara a conduit nombre d’Ivoiriens à adopter des comportements éloignés de tout sens moral, obérant considérablement leur engagement. Cette déviance est symbolisée par un personnage que son ambition dévorante a transformé en thuriféraire à « géométrie variable », emblématique du système Ouattara.
Venance Konan est aujourd’hui le directeur du quotidien Fraternité-Matin, le journal quasi-officiel du pouvoir. Son allégeance à Ouattara transpire à chaque page dans un esprit de soumission sans retenue. J’ai connu Venance Konan quand nous déjeunions régulièrement le dimanche avec quelques amis, dont Tiburce Koffi. C’était dans les années 2003-2004 et, à cette époque, il ne jurait que par Laurent Gbagbo. Il faut dire qu’il était depuis longtemps un farouche opposant à Alassane Ouattara. Journaliste-écrivain, il avait publié une tribune, le 29 novembre 1994, dans ce même Fraternité-Matin où il indexait férocement son mentor du moment.
A propos du code électoral en discussion dans le cadre de l’élection présidentielle de 1995 et dont certains pensaient qu’il était destiné à barrer la route à Ouattara, Venance Konan écrivait ainsi : « Les gens du PDCI s’en défendent. Pour ma part, je pense que si le code électoral était dirigé contre monsieur Alassane Ouattara, ce serait une bonne chose. » Au sujet de la nationalité fluctuante de Ouattara, il ajoutait : « Pourquoi les Ivoiriens devraient-ils prendre le risque de confier leur destin à un homme dont le nationalisme varie selon l’air du temps ? Au nom de quels principes ? » Puis il enfonçait le clou : « Est-ce être raciste ou xénophobe que de prendre un minimum de précautions pour que notre pays ne tombe pas entre les mains d’aventuriers ? Est-ce aller trop loin que d’exiger que le père et la mère soient au moins Ivoiriens pour être sûr que celui qui dirigera notre pays n’aura pas un cœur qui balance ailleurs (…) ? » Enfin, il donnait le coup de grâce avec des mots qui, aujourd’hui, semblent plus actuels que jamais : « On dit aussi qu’Alassane Ouattara fut Premier ministre. Et que cela lui donne une légitimité pour briguer la présidence. D’abord, il n’a pas été élu Premier ministre. Et le débat actuel porte sur la présidence (…). Mais tout cela était une autre époque, celle où les Ivoiriens toléraient beaucoup de choses. Il y en a une autre qui commence où les Ivoiriens veulent conduire leurs affaires eux-mêmes ».
Voilà comment je dépeignais ce monsieur dans mon livre. Pour tenter de masquer sa turpitude ancienne, il se mue désormais en « bouffon du roi ». Ainsi, dans un précédent « point de vue » dans le même Monde Afrique daté, sans pudeur, du 11 avril 2016 (le 11 avril est aujourd’hui pour tous les Ivoiriens épris de liberté et de justice une date à jamais sombre) et au titre provocateur « Laurent Gbagbo n’est pas une victime de la Françafrique », il va, au cœur d’une « analyse » truffée de contrevérités ahurissantes, atteindre le point de non-retour dans l’ignominie qui le discrédite à jamais dans la conscience collective des Ivoiriens : « Personnellement je ne remercierai jamais assez la France d’avoir décidé, après avoir obtenu un mandat de l’ONU, de détruire les armes lourdes de Laurent Gbagbo, et de contribuer ainsi à son arrestation ».
Monsieur Venance Konan, je vais vous décevoir : la France n’a pas détruit les armes lourdes de Laurent Gbagbo car ces « armes lourdes » s’appellent Liberté, Justice, Démocratie, des concepts et des valeurs qui vous sont étrangers. Et, c’est grâce à ces « armes lourdes » que Laurent Gbagbo, au-delà de l’inqualifiable procès qu’il subit à la CPI, demeure dans le cœur de l’immense majorité des Ivoiriens, et au-delà, dans toute l’Afrique, comme le symbole de tous ceux qui aspirent à la dignité et à la souveraineté.
Le tribunal de l’Histoire nous convoque tous, un jour où l’autre. Je crains que pour vous le verdict soit sans appel.
Vous et vos semblables, vous n’hésitez pas à vous draper dans les habits de l’houphouétisme qui, sur vous, se transforment en vulgaires oripeaux. Mais, puisque vous invoquez les mânes du président-fondateur de la Côte d’Ivoire, je vais vous remémorer un de ses conseils qu’il ne manquait pas de rappeler aux ambitieux et aux vaniteux : « Quand on t’envoie, il faut savoir t’envoyer toi-même ! »
A bon entendeur, …
Bernard Houdin (Paris), le 7 juin 2016 

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 Source : eburnienews.net 14 juin 2016

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