samedi 5 juillet 2014

CAUSES ET ENJEUX DE LA CRISE IVOIRIENNE

Pendant les 20 premières années de son indépendance, la Côte-d’Ivoire a connu une croissance économique exceptionnelle. On a même parlé du « miracle ivoirien ». Puis, dès le début des années 1980, le pays  est entré dans une crise économique qui s’est par la suite muée en crise politique. Le 19 septembre 2002, des soldats
Les dirigeants de la faction ouattariste
Financée et entraînée par la France au Burkina Faso 

déserteurs de l’armée ivoirienne, refugiés au Burkina Faso, aidés par des mercenaires, ont envahi la Côte-d’Ivoire. Ils sont arrivés jusqu’à Abidjan avant d’être repoussés. Ces hommes armés, occupèrent le nord, le centre et l’ouest du pays, soit 60% du territoire national. Il a fallu huit ans de combats, de tractations et de négociations sous l’égide de la « Communauté internationale » conduite par la France, pour aboutir à l’organisation de l’élection présidentielle d’octobre et de novembre 2010.
Cette élection présidentielle qui était censée mettre fin au conflit a, au contraire, exacerbé les passions et plongé le pays dans de terribles massacres. La « communauté internationale » a fini par installer Alassane Ouattara, après avoir renversé, par les armes, le régime du Président Laurent Gbagbo. Ce dernier fut capturé le 11 avril 2011.
Le président Laurent Gbagbo, livré à Alassane Ouattara fut emprisonné à Korhogo, puis transféré, en novembre 2011, à la CPI, afin d’y être jugé pour crime contre l’humanité. Des centaines de militaires et de civiles sont en prison, des dizaines de milliers d’autres sont en exil.
Le nouveau régime, après trois ans de pouvoir, n’arrive pas à maitriser le pays. L’insécurité est toujours permanente dans les villes, sur les routes et surtout à l’ouest du pays où les dozo règnent en maîtres. La Commission Dialogue Vérité et Réconciliation piétine. Aucune solution ne semble paraitre à l’horizon et le peuple de Côte d’Ivoire continue de souffrir.
Comment trouver une bonne thérapie si le mal n’est pas diagnostiqué ? C’est pourquoi, il nous parait nécessaire de déceler les véritables origines de  ce conflit meurtrier ?
Pour certains, il s’agit d’un conflit ethnique entre les populations du nord et celles du sud de la Côte d’Ivoire. Pour d’autres, il s’agit d’une guerre de religions entre musulmans du nord et chrétiens du sud. Enfin certains politologues parlent d’un conflit de personnes. Qu’en est-il exactement ?
Pour bien comprendre la situation socio politique de la Côte d’Ivoire, il faut partir de la colonisation de ce pays.

La Côte-d’Ivoire prospère 

Quand, à la fin du XIXème siècle, les colons français traçaient les limites du territoire qui prendra le nom de colonie française de Côte-d’Ivoire, une soixantaine d’ethnies vivaient déjà sur ce territoire. Une fois que toutes les populations furent soumises, par les armes, l’exploitation de la colonie, véritable objectif de la colonisation, pouvait commencer.
L’exploitation forestière fut une des premières activités économiques organisées. Ensuite, les colons  commencèrent à créer des plantations de café et de cacao. Un impôt de capitation fut instauré. Les chefs de famille qui n’avaient pas les moyens de s’acquitter de cet impôt pour tous ceux qui dépendaient d’eux, étaient arrêtés et mis en prison.  Le seul moyen, pour les populations indigènes, de se procurer de quoi honorer cet impôt, était la vente du café et du cacao et le salariat dans les entreprises françaises.
L'objet de toutes les convoitises...
La culture du café et du cacao, l’exploitation forestière et la construction des routes exigeaient une forte main d’œuvre. Il y eut donc un vaste mouvement migratoire de toute la sous région vers la Côte-d’Ivoire. C’est ainsi que de fortes communautés venues de Haute Volta  (actuel Burkina Faso), du Soudan (actuel Mali), de Guinée et du Niger, s’installèrent en Côte-d’Ivoire.
Le développement de la colonie d’abord, de l’Etat indépendant de Côte-d’Ivoire à partir de 1960 est favorisé par la montée du prix du cacao, du café et du bois ; les capitaux affluèrent dans le pays. « Le miracle ivoirien » qui a marqué les deux premières décennies de l’indépendance de la Côte-d’Ivoire s’est accompagné d’une immigration de plus en plus forte. En plus des communautés des pays voisins cités plus haut, les Sénégalais, les Français, les Libanais, les Syriens et les Mauritaniens, pour ne citer que ceux-là, vinrent grossir le lot des étrangers en Côte-d’Ivoire.
Malgré l’afflux massif d’étrangers en Côte-d’Ivoire, la classe

Mercenaires burkinabè occupant la forêt classée du mont Péko
dirigeante, sous la conduite d’Houphouët-Boigny, a su maintenir la cohésion entre toutes les ethnies, celles de Côte-d’Ivoire et celles venues d’ailleurs. En effet, la forêt était abondante, les terres cultivables aussi. La conjoncture internationale était favorable à l’économie ivoirienne, de 1960 à 1980. Le prix des principaux produits d’exportation (café, cacao et bois) était au plus haut niveau. Le fort taux d’investissement favorisait la création d’emplois. Dans toutes les régions se construisaient des routes, des écoles et des hôpitaux.
L’intégration des Ivoiriens et des non Ivoiriens au sein du parti unique, le PDCI-RDA, a permis une cohabitation harmonieuse  entre toutes les ethnies vivant sur le territoire national. Cela d’autant plus qu’il y avait de la place pour tout le monde. Houphouët-Boigny encourageait l’enrichissement, même illicite. Certaines communautés étrangères avaient pu s’approprier des secteurs entiers de production,  d’exportation et d’importation, sans que les Ivoiriens ne réagissent.
L’expansion économique a permis aux colons, aux Libano-Syriens, à la petite bourgeoisie ivoirienne et africaine de s’enrichir rapidement. Les différents entrepreneurs pouvaient ainsi  concéder aux travailleurs une partie des avantages qu’ils tiraient des surprofits de l’exploitation de leur travail. Tant que l’abondance était au rendez-vous, les uns et les autres n’étaient préoccupés que de leur propre enrichissement. Toutes les ethnies ont, ainsi, vécu en bonne entente et ont participé au développement du pays. Les étrangers étaient autorisés à rapatrier leurs bénéfice sans restriction.
Mais nos gouvernants, en complicité avec la France, n’ont pas  cherché à transformer nos produits, ils se sont contentés de les vendre à l’état brut à l’ancienne métropole. Au lieu de construire des usines et d’améliorer la qualification des travailleurs, le régime d’Houphouët-Boigny a utilisé les  capitaux issus du commerce à construire quelques infrastructures : routes, écoles, hôpitaux. Mais le fruit du labeur des Ivoirien a aussi servi à construire des demeures luxueuses et  des édifices religieux. Une bonne partie a servi  à organiser des fêtes grandioses. « Généreux », le président Houphouët-Boigny payait même les fonctionnaires de certains pays voisins qui lui étaient fidèles. Et, bien sûr, les riches déposaient une partie de leur argent, souvent gagné de façon illicite, dans les banques européennes.
Cette embellie ne dura pas, une crise économique intervint. 

La crise économique 

A partir des années quatre-vingt, le système économique, basé sur  l’exportation des produits bruts agricoles, fait apparaître ses limites.
Le prix du café et du cacao connurent une baisse drastique. Le retournement de la conjoncture économique internationale plongea la Côte-d’Ivoire dans des difficultés de tous ordres.  Le  poids de la dette devint insupportable et, du coup, les investissements baissèrent. Les emplois commencèrent à se raréfier.
La demande sociale grandissait, sous la pression démographique, tandis que les terres cultivables se réduisaient. L’immigration, quant à elle, se poursuivait à un rythme non maitrisé, les populations étant toujours attirées par l’eldorado que représentait la Côte-d’Ivoire pour la sous-région. Les immigrés grossissaient ainsi le lot des sans travail, surtout à Abidjan.
Comme l’abondance avait déserté la Côte d’Ivoire, le régime ne pouvait plus assurer des conditions décentes aux travailleurs qui vont alors entrer en contradiction avec lui. Concomitamment, la lutte pour le partage des revenus va créer des oppositions au sein de la bourgeoisie. Une rivalité  va se faire jour entre la bourgeoisie nationale et la bourgeoisie d’origine étrangère.
Quand l’expansion économique s’est essoufflée, au lieu de chercher à relever les nouveaux défis, en faisant preuve d’innovation et de créativité, la classe politique mit le destin du pays entre les mains de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International. Ces  derniers lui appliquèrent un remède de cheval qui, au lieu de le guérir, aggrava le mal. Les institutions de Bretton Woods imposèrent l’ajustement structurel, c'est-à-dire la privatisation des sociétés d’Etat, le dégraissage de la fonction publique, l’arrêt des investissements sociaux, la diminution et le blocage  des salaires.
Quant aux paysans, non seulement leurs produits étaient achetés à vil prix, mais  dans certaines régions, au Sud-Ouest en particulier, leurs terres étaient achetées à vil prix par des gens venus d’ailleurs. Cette politique était encouragée par le président Houphouët-Boigny qui prônait que « la terre appartient à celui qui la met en valeur ».
Les frustrations étaient donc au sein de toutes les couches sociales. Seuls se tiraient d’affaire ceux qui avaient profité de leurs positions dans la haute administration et dans la politique pour s’enrichir, souvent de façon illicite. La pauvreté grandissante va détruire la solidarité qui fondait le désir de vivre ensemble. Or, là où sévit la pauvreté, le désordre et la violence sont inévitables.
Quand Houphouët-Boigny sera affaibli par la maladie, les  rivalités économiques vont se doubler de rivalités politiques. La disparition du leader charismatique va exacerber les différents antagonismes. La lutte pour le pouvoir aboutit au coup d’Etat de décembre 1999, puis à la rébellion de septembre 2002.
Quelles sont les origines de la grave crise qui a secoué et continue de secouer la Côte d’Ivoire ? 

Les causes de la crise ivoirienne 

Nous distinguons trois séries de causes : le tribalisme, la religion et la dépendance de la Côte-d’Ivoire vis-à-vis de l’extérieur. 

Le peuplement de la Côte d'Ivoire
Guerre tribale ou guerre de religions 

Le tribalisme est la cause la plus apparente. A la disparition d’Houphouët-Boigny, plusieurs prétendants vont s’affronter : Konan Bédié, l’héritier constitutionnel, Alassane Dramane Ouattara, le Premier ministre qui a assuré l’intérim du président malade et Gbagbo Laurent, le principal opposant à la politique d’Houphouët-Boigny.
Konan Bédié est un fidèle d’Houphouët-Boigny depuis l’indépendance. Il fut ambassadeur, ministre, représentant de la Côte-d’Ivoire aux Fonds Monétaire International, député et président de l’Assemblée Nationale. Cette dernière fonction fait de lui le dauphin constitutionnel. Il est, comme Houphouët-Boigny, Baoulé, branche du groupe akan. Il est donc celui qui pourrait  perpétuer le pouvoir Baoulé.
Alassane Dramane Ouattara est né à Dimbokro, qu’il a quitté  à l’âge de 7 ans, suivant son père promu chef traditionnel dans son village d’origine, en Haute Volta, aujourd’hui Burkina Faso. C’est de la direction de la BCEAO que Ouattara arrive en Côte-d’Ivoire en 1989, conseillé par la France au Président Houphouët-Boigny afin de l’aider à redresser l’économie du pays. Il dirige, dans un premier temps, un comité interministériel, puis rapidement, en 1990, Ouattara devient premier ministre et membre du PDCI. La France voit en lui le remplaçant d’Houphouët-Boigny. A la mort de ce dernier, Ouattara tente donc de prendre le pouvoir.
Alassane Dramane Ouattara dit être un descendant de l’empereur Sékou Ouattara, fondateur de l’empire de Kong. Il revendique le pouvoir  au nom des populations du nord de la Côte-d’Ivoire, (Gur et Malinké).
Laurent Gbagbo est connu comme le principal opposant à la politique de Houphouët-Boigny, depuis les années 1970. Il a crée, en 1982, dans la clandestinité, un parti socialiste : le Front Populaire Ivoirien (FPI). Ce parti fut officialisé en 1990, à l’avènement du multipartisme. Laurent Gbagbo est Bété ; il appartient donc au groupe Krou (Bété, Wè, Godié, Dida…) situé au sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Les populations Krou se reconnaissent dans le combat de Laurent Gbagbo à cause des injustices qu’elles ont subi sous la colonisation et le régime d’Houphouët-Boigny.
C’est ainsi que les populations qui n’avaient pas de formation politique, ont choisi, le plus souvent, de soutenir le leader de leur région, de leur ethnie. Bédié est le mentor des Baoulé (centre), Alassane Dramane Ouattara celui des Mandé et Gur (nord), et Gbagbo celui des Krou (ouest).
Le tribalisme a donc joué un rôle effectif dans la crise, surtout que les colons, pour mieux régner, avaient pratiqué une politique de division des ethnies. Cependant, le tribalisme n’est pas la cause principale du conflit. En effet, depuis près d’un siècle, il y a eu un véritable brassage des populations en Côte-d’Ivoire. Très rares sont les Ivoiriens qui n’ont pas de parents dans les autres ethnies de Côte d’Ivoire ou des pays de la sous-région.
Les populations du nord, en particulier les Malinké qui sont des commerçants, sont très nombreux au sud et tout particulièrement dans les villes où ils sont quelquefois majoritaires.
Au plus fort de la guerre des rebelles (2002-2004), les populations du Nord habitant le Sud n’ont pas rejoint le nord. Au contraire, la majorité des cadres et des élus ainsi que ceux qui avaient les moyens ont fui le Nord, l’Ouest et le centre, occupés par la rébellion. Ils ont choisi de s’installer au Sud, dans la Côte-d’Ivoire loyaliste.
Le tribalisme, issu des problèmes fonciers, n’est qu’une conséquence de la crise économique.
On a aussi avancé que le conflit ivoirien opposait le Nord musulman au Sud chrétien. Il est vrai que des hommes politiques ont voulu utiliser la religion pour soutenir leur cause. Au début de sa lutte pour le pouvoir, Alassane Dramane Ouattara a déclaré qu’on ne voulait pas de sa candidature parce qu’il était musulman. Heureusement, les hommes de Dieu, musulmans comme chrétiens, ont créé un forum pour apporter un démenti à cette allégation.
Il faut donc rechercher ailleurs les véritables causes de la longue et grave crise ivoirienne. 

La domination de la France en Côte d’Ivoire 

Depuis qu’ils ont eu la maitrise des mers, les Européens n’ont eu qu’une préoccupation, voire un objectif : la recherche des matières premières et des débouchés pour leurs produits industriels. Tous les moyens, y compris la guerre, ont été utilisés pour atteindre  cet objectif dans le monde entier. La compétition pour les matières premières et les débouchés a donné naissance à la colonisation et est, en partie,  responsable des deux guerres mondiales du XXème siècle.
A la fin de la deuxième guerre mondiale, Houphouët-Boigny avait pris la tête du mouvement d’émancipation de l’Afrique Noire en créant, avec d’autres leaders africains, le Rassemblement Démocratique Africain (RDA). A l’Assemblée Nationale  française, le RDA s’était apparenté au Parti Communiste Français. C’est avec l’aide de ce parti que Houphouët a obtenu l’abolition du travail forcé en Afrique. Cela déclencha la colère de la France coloniale. Elle entra alors en guerre contre le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), section ivoirienne du RDA. Avec le gouverneur Péchoux, une grande répression fut organisée en Côte d’Ivoire, entre 1949 et 1950.
La France mit tout en œuvre pour détourner Houphouët-Boigny de la lutte pour les intérêts de l’Afrique. Elle associa le mensonge et la menace à la force. Elle a réussi. Houphouët-Boigny a désaparenté le RDA du groupe communiste à l’Assemblée nationale française. Il se réconcilia avec les colons qui avaient voulu sa peau en 1949-1950.
Par la loi-cadre Defferre, en 1956, Houphouët-Boigny donne sa caution à la dislocation des fédérations de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et de l’Afrique Equatoriale Française (AEF). Ce qui rend plus facile la domination de la France sur chaque petit pays.
Le masque de Foccart...
 Houphouët-Boigny est récompensé. Il entre dans le gouvernement français. La France va désormais se servir de lui pour empêcher toute véritable indépendance et perpétuer sa politique de domination sur ses anciennes colonies.
Houphouët dans son rôle d'homme de la France (avec Foccart et Chirac)
Au milieu du XXe siècle, la fin de la colonisation, ne mit pas un terme à la domination de l’Afrique par ses anciens colonisateurs.
Les anciennes puissances coloniales, et tout particulièrement la France, ont mis tout en œuvre pour continuer l’exploitation des anciennes colonies. Avec les indépendances, la France change de méthode dans ses rapports avec ses anciennes colonies. Elle va passer de l’exploitation imposée, directe et brutale à une exploitation indirecte, consentie, en apparence, par les victimes. La France trouvera chez certains Africains, dont Houphouët-Boigny, des serviteurs zélés pour se charger de défendre ses intérêts en Afrique.
En effet, moins d’un an après leur indépendance, la France signe avec la Côte-d’Ivoire, le Niger et le Dahomey (actuel Bénin) des accords de coopération. Ces accords définissent les rapports privilégiés d’aide et de coopération dans les domaines économique, monétaire, financier, judiciaire, culturel, technique, militaire et politique. Il s’agit, en réalité, d’une vaste entreprise d’embrigadement de l’indépendance que ces pays viennent d’acquérir. Ces accords donnent aux autorités françaises le pouvoir de contrôler les activités politiques, économiques, monétaires, militaires, culturelles et politiques de ces Etats.
Prenons l’exemple du système monétaire. C’est en 1945 que la France crée le franc des Colonies Françaises d’Afrique, (CFA). En 1958, quand le général De Gaulle mit sur pied la communauté française, cette monnaie  devient le franc de la Communauté Financière d’Afrique (CFA). Après les indépendances, elle devient le franc de la Communauté Financière d’Afrique (CFA) pour l’Afrique de l’ouest, de la Coopération financière d’Afrique (CFA) pour l’Afrique centrale.
Ce système monétaire qui a survécu à la décolonisation permet à la France de mettre l’Afrique au service des intérêts économiques français.
Sylvanus Olympio s’était élevé contre ce système et il envisageait de sortir de la zone franc dès 1963. C’est au début de cette année-là qu’il perdit et le pouvoir et sa tête. Il fut assassiné.
En vue de faire fonctionner sa politique d’exploitation afin de conserver sa place de grande puissance, au plan international, la France avait détaché des hommes auprès  des chefs d’Etat africains. Sous la Vème République française, Jacques Foccart a été le champion de cette politique, connue sous le nom de « Françafrique ».
Parmi les chefs d’Etat africains, Houphouët-Boigny était le pilier de la « Françafrique ». La France lui donnait les Français qu’il fallait pour l’assister. Il gardera certains, auprès de lui, jusqu’à sa mort (1993). Les plus connus sont Guy Nairay et Belkiri ; l’un comme directeur de cabinet, l’autre comme secrétaire général de gouvernement.
Houphouët-Boigny, principal allié de la France en Afrique,  a participé à tous les complots impérialistes contre l’Afrique, que ce soit en Guinée Conakry, au Congo Kinshasa, au Togo, au Nigéria (Biafra), au Libéria, au Bénin, au Ghana, en Angola ou au Burkina Faso. Il a aidé la France à déstabiliser des régimes africains qui refusaient de faire allégeance à l’ancienne métropole. Il a par contre contribué à maintenir au pouvoir lui obéissaient. Cela explique les longs règnes des uns (Houphouët-Boigny et Omar Bongo) et les chutes précipitées des autres (Sylvanus Olympio, Modibo Kéita, Sankara…).
Quand Houphouët-Boigny fut affaibli par l’âge et la maladie, la France ne trouva pas en Côte-d’Ivoire un homme capable de lui succéder dans le rôle qu’il jouait auprès d’elle. C’est ainsi que son choix se porta sur Alassane Dramane Ouattara pour assurer l’intérim du vieux leader et lui succéder, le moment venu.
A la mort d’Houphouët-Boigny, en 1993, la France avait donc son homme, Alassane Dramane Ouattara. Elle voulut l’imposer. Ce fut un échec parce que les Ivoiriens ont préféré appliquer la Constitution du pays qui faisait de Konan Bédié le dauphin d’Houphouët-Boigny. Le système d’Houphouët-Boigny aurait pu s’effondrer si Konan Bédié s’était entouré d’une équipe de nationalistes afin de prendre en main le destin de la Côte d’Ivoire. Il n’a pas cherché à murir la prise de conscience populaire sans laquelle il ne peut y avoir de décolonisation. Il a continué la pratique de la politique du culte de la personnalité, comme son prédécesseur. Comme Houphouët-Boigny, il a développé le tribalisme, le népotisme et la corruption.
Pendant la période de flottement où la France était à la recherche d’un autre Houphouët, la classe politique ivoirienne  a étalé ses carences dans des querelles mesquines sur la nationalité d’Alassane Dramane Ouattara et les problèmes électoraux.
C’est à ce moment qu’Henri Konan Bédié, va, pour ainsi dire, provoquer l’ancienne puissance coloniale en prononçant le 22 décembre 1999 un discours nationaliste des plus menaçants :
"L’intégration à la communauté nationale est un processus et non pas le résultat d’un coup de baguette magique à effet instantané. A fortiori est-il concevable, et même convenable, quoi qu’on puisse juridiquement le faire, de chercher à tirer parti, de façon la plus intéressée, d’une éventuelle appartenance à plusieurs nationalités ? Quelles sont ces personnes qui se disent Ivoiriennes les jours pairs et non Ivoiriennes les jours impairs ? N’y a-t-il donc pas, dans nos formations politiques, assez de personnalités ivoiriennes présentant les qualités requises pour être des candidats valables à l’élection présidentielle ? Oserais-je ajouter que dans les pays où certains se donnent volontiers en modèles, voire en censeurs, il existe des dispositions légales semblables aux nôtres et qui s’appliquent aux conditions de l’éligibilité à la magistrature suprême. C’est ce lien fort entre nationalité et citoyenneté qui fonde la souveraineté et l’indépendance de la Nation. Aujourd’hui, cette souveraineté et cette indépendance sont grossièrement mises en cause par des personnes et des organisations qui s’arrogent la faculté de décider de ce qui est bon pour les Ivoiriens. Nos aînés n’ont pas lutté pour l’indépendance pour que nous acceptions aujourd’hui de nouvelles soumissions. La nationalité, la citoyenneté, la démocratie et la souveraineté nationale sont les quatre côtés d’un carré magique qu’il nous faut défendre avec calme et détermination devant ces
Mais, apparemment, l'imposture se supporte mieux à 2 !
ingérences inacceptables. C’est aux Ivoiriens de décider par eux-mêmes, pour eux-mêmes, et de choisir librement l’un d’entre eux pour conduire le destin de la Nation en refusant les aventures hasardeuses et l'imposture insupportable."
Le 23 décembre 1999, un jour seulement après ce discours du président ivoirien, la France remit donc le couvert. Un coup d’Etat éjecte  Henri Konan Bédié de son fauteuil présidentiel. Le général Robert Guéi prend le pouvoir. Alassane Dramane Ouattara qui était en exil, sous le coup d’un mandat d’arrêt international lancé par Henri Konan Bédié, rentre en Côte d’Ivoire, presque triomphalement. Ce coup d’Etat a été, en réalité, fomenté afin qu’Alassane Dramane Ouattara accède enfin au pouvoir.
La Côte d’Ivoire a connu son premier coup d’Etat parce que le Président Henri Konan Bédié a touché verbalement aux intérêts de la France.
Là encore, monsieur Alassane Ouattara ne réussit pas à récupérer le pouvoir. Quelques mois seulement après la formation du gouvernement du général Guéi, les ministres du RDR (parti dont Ouattara est le président) sont éjectés du gouvernement.
La nouvelle constitution de la Côte d’Ivoire, votée en août 2000, ne permet pas à Alassane Dramane Ouattara de se présenter aux élections présidentielles de 2000. Elle stipulait, en effet, que ne pouvaient être candidats que les citoyens de mère et de père Ivoiriens. La candidature d’Henri Konan Bédié fut, elle aussi, rejetée par la cour suprême, le dossier de candidature étant déclaré incomplet.
Au scrutin présidentiel d’octobre 2000, Gbagbo est déclaré vainqueur, après des combats meurtriers entre les partisans du général Guéi, ceux de Laurent Gbagbo et ceux d’Alassane Dramane Ouattara. Le général Guéi fuit et se réfugie dans son village à l’ouest du pays. 

La déclaration de guerre 

Camp d'Agban, le lendemain du putsch manqué
Le 19 septembre 2002, un an et demi après l’avènement de Laurent Gbagbo, des militaires déserteurs de l’armée ivoirienne, aidés de miliciens ont envahi la Côte-d’Ivoire à partir du Burkina Faso. La préparation, au Burkina Faso de Blaise Compaoré et l’exécution de cette attaque n’a pas pu échapper à la France. Elle y a certainement participé au vu des moyens utilisés (l’armement, la médiatisation, les moyens de transport et de communication). Pendant près de 10 ans qu’a duré la résistance du peuple ivoirien, la France a été fortement impliquée dans les négociations (Marcoussis) comme sur les champs de bataille (la destruction des aéronefs ivoiriens et le massacre des jeunes patriotes par la Licorne en 2004 devant l’hôtel Ivoire).
Tous les accords liés à la crise ivoirienne et tout particulièrement celui de Ouagadougou avaient prévu  le désarmement, la réunification du pays et la mise sur pied d’une nouvelle armée nationale, avant l’élection présidentielle. Mais la France a pesé de tout son poids sur l’Union Européenne et l’ONU pour que l’élection présidentielle ait lieu sans que ces conditions soient remplies. Les « forces nouvelles », nom donné aux rebelles à la conférence de Marcoussis, avaient pour rôle d’aider Alassane
Lendemains de la table ronde de Marcoussis
Dramane Ouattara à arracher le pouvoir à Laurent Gbagbo. Mais la bataille fut longue et, pour terminer le travail, la force Licorne, le corps expéditionnaire français, dut intervenir directement. C’est l’armée française qui, après plusieurs jours de bombardement des camps militaires, de certains quartiers d’Abidjan et surtout de la résidence du président Laurent Gbagbo, à Cocody, a fini par capturer le président et le livrer à Alassane Dramane Ouattara, à son QG de l’hôtel du Golf.
La crise que connait la Côte d’Ivoire n’est ni ethnique ni  religieuse. Il s’agit bel et bien d’une guerre de reconquête coloniale. En effet, la lutte pour les matières premières est de plus en plus âpre, car de nouvelles puissances ont émergé. Ces pays dits émergents, non seulement, ne livrent plus leurs propres matières premières aux puissances occidentales, mais ils sont, eux-mêmes, à la recherche de matières premières pour leurs industries naissantes et de débouchés pour leurs produits industriels.
De nombreux exemples montrent que ce sont les ressources des pays africains qui intéressent les occidentaux et non la démocratie et la protection des populations civiles, comme ils le prétendent. Leurs interventions en République Démocratique du Congo (ex-Zaïre), en Côte-d’Ivoire, en Lybie le démontrent bien. Il y a de plus en plus de morts depuis leurs interventions.
L’impérialisme occidental, en général, et l’impérialisme français, en particulier, sont à l’origine de la crise que connait la Côte-d’Ivoire.
Au moment de la colonisation, les Africains avaient été surpris. Les rapports de force étaient largement en faveur des Européens. Ces derniers  avaient imposé leur domination par la ruse en faisant signer des traités de commerce et de protectorat aux rois et chefs traditionnels. Mais les Africains avaient été essentiellement réduits par la force malgré des résistances héroïques ici et là.
Les Africains en général et les Ivoiriens en particulier, avaient été placés dans des situations qui ne leur ont pas permis de se défendre, encore moins d’en sortir victorieux. Les impérialistes avaient les stratégies et les moyens de prendre toujours le dessus. Ils étaient techniquement plus forts (armement, moyens de transport, produits alléchants) et disposaient de stratégies appropriées (diplomatie, mensonge, ruse, corruption). Ils étaient surtout guidés par les intérêts de leurs nations.  Ils ont réussi à faire signer aux Africains des accords iniques qui les ont liés à la France et à l’Europe.
Si, dans cette crise, l’implication des Français et de leurs alliés


Jean-Marc Simon, l'ambassadeur de France, convoyait
personnellement les vivres nécessaires à l'entretien
de ses troupes auxiliaires cantonnées à l'hôtel du Golf

 
occidentaux est évidente, les Ivoiriens ont aussi leur part de responsabilité. Il s’agit bien évidemment des Ivoiriens qui ont participé au pouvoir politique, depuis Houphouët-Boigny jusqu’à Laurent Gbagbo. Les dirigeants ivoiriens ont livré la Côte d’Ivoire aux intérêts français. Ils n’ont pas pu profiter des occasions, quand elles se sont présentées, pour se libérer de la tutelle impérialiste. Par exemple, pendant la période de flottement qui a suivi le coup d’Etat de 1999, quand la France était à la recherche d’un autre « Houphouët-Boigny », la classe politique a étalé ses carences dans des querelles mesquines. Au lieu de mener une réflexion sur les systèmes politique et économique qui ont conduit à la crise, les politiques se sont focalisés dans des débats stériles autour de la nationalité d’Alassane Dramane Ouattara et des problèmes électoraux.
Depuis bientôt 10 ans, le débat politique s’est focalisé autour de quatre personnalités politiques que sont : Henri Konan Bédié, Alassane Dramane Ouattara, Laurent Gbagbo et Le général Guéi Robert ; Ce qui a donné à la France la possibilité de préparer la reprise en main de la Côte d’Ivoire, « sa vitrine » en Afrique occidentale.
Jeunes patriotes prisonniers de la milice ouattariste
 L’élection présidentielle,  précipitée, a été organisée avec les forces rebelles, dites nouvelles, en armes, pour assurer la victoire d’Alassane Dramane Ouattara. La force Licorne et l’ONUCI y ont grandement participé. Enfin, Alassane Dramane Ouattara a été installé. Dans les mêmes conditions les élections législatives ont suivi, sans la participation de l’opposition.
Jeunes patriotes massacrés
par l'aviation française et onusienne
La France voulait s’accaparer de la Côte d’Ivoire. C’est chose faite aujourd’hui. Avec Alassane Dramane Ouattara, elle a trouvé un Houphouët bis, et nous voici revenus à l’époque des années 1980. La Côte d’Ivoire va  être de nouveau livrée aux institutions de Brettons Woods, qui vont la soumettre à un nouvel ajustement structurel. La France va s’emparer du reste des entreprises stratégiques de Côte d’Ivoire.
Ce qu'il reste de la résidence officielle du chef de l'Etat
ivoirien après les bombardements franco-onusiens 
Nous venons de démontrer que la domination française en Côte d’Ivoire est la principale cause de la crise économique qui s’est muée en crise politique. Pour parvenir à leurs fins, Chirac puis Sarkozy ont d’abord menacé Laurent Gbagbo. Comme ce dernier n’a pas voulu se soumettre à leur diktat, ils lui ont fait la guerre. C’est certainement sous la pression de ces deux présidents français que Henri Konan Bédié a dû accepter la réconciliation avec Alassane Dramane Ouattara afin d’abattre Laurent Gbagbo. En effet, c’est à Paris qu’est né le RHDP en 2005.
Une fois Henri Konan Bédié réduit au silence, une campagne de diabolisation de Gbagbo a commencé. La presse française le traite de tribaliste, de dictateur, de criminel et surtout d’ennemi de la France. Le prétexte de l’intervention française en Côte d’Ivoire est le même que celui des Etats Unis en Irak : la défense des droits de l’homme et de la démocratie. La Côte-d’Ivoire de Laurent Gbagbo serait-elle moins démocratique que le Burkina-Faso de Blaise Compaoré, le Togo des Gnassingbé père et fils ou le Gabon des Bongo, père et fils ? Les occidentaux ont toujours diabolisé ceux qu’ils veulent perdre.
La France a bel et bien organisé la rébellion à partir du Burkina Faso et lui a fourni les moyens financiers et logistiques pour soutenir un conflit de près de dix ans. Avec l’aide des Etats Unis, de l’ONU et de l’Union Européenne, elle a gagné la guerre. Alassane Dramane Ouattara a été imposé à la Côte d’Ivoire par la force et il sera soutenu parce que comme Houphouët-Boigny, il est le garant des intérêts français.
Les Ivoiriens accepteront-ils cet état de fait ? Il semble que non, car malgré les campagnes mensongères, la fabrication de fausses preuves et la répression, le peuple de Côte d’Ivoire, soutenu par les démocrates du monde entier, organise la résistance à l’impérialisme français et à ses valets. Le combat engagé n’aura pas pour but le remplacement d’un homme par un autre mais le renversement d’un système de domination et d’oppression.  

Youkeli (01/07/2014)

vendredi 4 juillet 2014

Blaise Compaoré, ou le pyromane camouflé en pompier…


"Quelle crise a-t-il résolue ?"
Blaise Compaoré président du Burkina Faso qui, pour accéder au pouvoir, a assassiné l'emblématique Président Thomas Sankara et ses fidèles compagnons avant de tuer les Jean Baptiste Lingani et plusieurs autres indésirables pour conserver ce pouvoir durant 29 ans maintenant. Pour avoir été hier, le plus intime « ami» de Thomas Sankara avant de devenir le plus grand confident des dirigeants français, sarcastiquement Blaise biaise les maliens aujourd'hui.
Quelle crise Blaise a résolu en Afrique de l'Ouest ? Essayons de les énumérer. La crise Togolaise ? Le problème demeure toujours. La crise ivoirienne ? Elle s'est finalement terminée par une guerre faisant plus 3000 victimes. La crise Guinéenne ? […].
Les Maliens doivent cesser de croire au médiateur de la CEDAO. Blaise a tenté de résoudre le problème touareg en 1990, il resurgit avec sa complicité. Vous revenez le voir pour une solution 26 ans après son échec ! « On ne résout pas le problème avec ceux qui l'ont créé ». Blaise connait bien AQMI et ANSAR DINE pour les avoir comme amis. La preuve est qu'ils acceptent de lui donner leurs otages comme en témoigne les 3 otages de Mai 2012, après la remise de la vieille Suissesse.
En ce qui concerne le MNLA, Blaise les connait parfaitement pour avoir été leur parrain. La preuve est qu'il a envoyé un hélicoptère récupérer le chef du MNLA en juin 2012, en violant l'espace aérien Malien. Les rebelles du MNLA sont nourris et logés dans des hôtels luxueux, notamment l'hôtel Laico de Ouagadougou, et sous bonne escorte.
Nous disons haut et fort : le président Blaise Compaoré, médiateur de la CEDEAO dans la crise malienne, est le chef suprême du MNLA. Blaise Compaoré a quelle leçon à donner au peuple Malien ? Ceux qui ont été mal élus et qui ont tripatouillé leur propre constitution et qui tentent de la remodifier, n'ont aucune leçon à donner au peuple Malien.
Aujourd'hui plus que jamais, le sursaut national interpelle chacun de nous pour déjouer le complot international en cours contre le Mali.
Quant au régime d'IBK, il est temps d'arrêter la spirale du mensonge et de l'imposture pour parler vrai et agir vrai pour le Mali : « Penser ce que l'on dit, dire ce que l'on pense et faire ce que l'on dit ». Nous exigeons la construction d'un État Fort, et cela passe par la bonne gouvernance !
Quant au peuple malien, il est temps de nous assumer en fils de nos dignes ancêtres, en héritiers d'un peuple débout et fier, sans défaitisme et sans peur. Parce qu'un peuple qui a peur est un peuple qui est dominé. Et terminons par ces propos du président Modibo KEITA dans son dernier discours avant d'être arrêté : « Jeunes du Mali, le Mali ne sera que ce que vous voudrez ».

Souleymane Diarra, enseignant-chercheur à la faculté de Droit privé de l'Université de Bamako
Titre original : « Le salut malien ne passera jamais avec à sa tête un Blaise Compaoré » 

 
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
 

Source : Lebanco.net 30 Juin 2014

jeudi 3 juillet 2014

« Nous devons sortir de la position molle pour passer à une certaine forme d'offensive »

C. Guigui
Interview de Claudel Guigui, 1er vice-président du courant « FPI plus social et humaniste »* 

Bonjour Claudel Guigui. Vous êtes le 1er vice-président du courant né il n'y a pas longtemps au sein du FPI, dénommé FPI Social plus humaniste. Depuis le 11 avril 2011, le parti de Laurent Gbagbo a survécu à une tentative de décapitation par le nouveau régime. Et avec la libération du président Affi N'Guessan, l'on constate que ce parti est en train de retrouver son souffle d'antan. Etait-ce le moment de créer  au sein de votre parti un Courant politique ?
Claudel Guigui: Merci pour la question. Merci aussi pour l'opportunité que vous m'offrez de parler du Courant FPI plus Social et humaniste. L'occasion m'est donnée, en tant que coordinateur  principal de l’extérieur, de parler un peu de ce courant. Je pense que créer un courant au sein du FPI n'est pas quelque chose de sorcier. C'est un principe fondamental inscrit dans nos textes. C'est simplement une manifestation de la liberté d'expression. C'est quand même ce parti qui se bat pour la démocratie dans notre pays. Il n'y a rien d'anormal qu'au sein de notre parti où est inscrite la création de Courants, qu'on mette cela en place. Le Courant est  un cadre d'expression démocratique au sein du FPI.
Je pose, moi, le problème de l'opportunité de la création de ce Courant...
Je dirais qu'on ne peut pas parler d'opportunité. Je dirais que c'est d'ailleurs dans les moments difficiles que plusieurs voix peuvent se lever pour trouver des voies et moyens à la politique qui est menée par notre parti. On ne peut pas me parler d'opportunité d'autant plus qu'il n'est dit clairement ou inscrit dans nos textes qu'il y a un moment propice pour créer un Courant. Voilà c'est un peu ce que je peux répondre. L'opportunité y est, parce que c'est en ce moment précis que chacun, dans sa pensée, peut apporter un plus à la direction du parti pour mener à  bien la libération du président Gbagbo.
Le courant que vous représentez en Europe se nomme  « FPI plus social et humaniste ». Cela voudrait-il dire que le FPI n'est pas un parti humaniste ?
Non !, pas du tout. Il ne faut pas prendre les choses de cette façon. Cela n'a rien à avoir. Je pense que l'être humain, l'homme, par essence, est un humain. On peut rappeler à un être humain d'être plus humain. Donc il ne faut pas prendre le problème de la sorte. Nous estimons qu'il est certainement temps de nous occuper réellement du peuple. C'est un cadre qu'on choisit pour réellement penser que nous devons mener des actions qui sont au centre du peuple, du militant de base. Donc on n'est pas en train de critiquer le FPI en le traitant de parti non humaniste. Je vais même donner l'image de la Côte d'ivoire qui est regorgé de lagunes cependant les paysans ont besoin que la pluie tombe en abondance dans les champs. Même s'il est vrai que cette pluie peut détruire, elle est quand même  à 90%, je pense, la bienvenue. Donc dénommer le « Courant FPI, plus social et humaniste », c’est, dans une certaine mesure,  interpeller. Nous pensons que ce parti, qui est de gauche, doit plus concentrer ses actions sur le peuple, mettre l'homme au centre de ses actions. Je pense donc qu'on peut demander au FPI qui est un parti de gauche d'être plus à gauche. Ce n'est pas une injure.
Il n'y pas longtemps vous posiez plus ou moins le problème de la légitimité du président Affi N'Guessan, dont le
Le président Affi N'Guessan et d'autres dirigeants FPI
devisant avec des membres du gouvernement fantoche
mandat est statutairement arrivé à son terme depuis 2004 et qui malgré cela continue de diriger le parti. Peut-on dire que la création de ce courant rentre dans cette même ligne de contestation ? Autrement dit, votre courant entre-t-il dans le cadre de la  libre expression au sein du FPI ou est-il un signe de rébellion interne au parti ?
Je l'ai précisé tantôt ! Notre Courant est un cadre de libre expression à l'intérieur du parti, c'est d'un. De deux, nous ne sommes pas dans une position de rébellion. Il faut que les uns et les autres comprennent la démocratie au sein du FPI. Nous avons des principes fondamentaux, nous avons des textes que nous appliquons,  qui prévoient, autorisent la création des Courants. Ces Courants sont des cadres  d'expressions démocratiques au sein du parti. Nous l'avons mis en place pour interpeller. Ce n'est pas un parti politique bis qu'on a créé. Mais c'est un Courant qui est là pour essentiellement interpeller notre parti sur sa ligne. S'il y a une déviance lui dire : « attention, il ne faut pas aller trop loin ! » Il faut mener des actions qui sont principalement orientées vers les militants.
Secundo, je pense que c'est vrai, en son temps j'avais dénoncé, en tant que militant du FPI, le fait que le président Affi continue de présider le parti après la fin de son mandat. Ce n'est pas quelque chose que j'ai improvisé. Le président Affi, je le rappelle, a été élu au Congrès du 22 juillet 2001 au palais des sports de Treichville. J'ai donc dû rappeler simplement que dans nos textes le président qui est élu est là pour trois ans.
Aujourd’hui qu'il continue de diriger le parti, je dirais que c'est par arrangement, c'est un consensus trouvé au sein du parti qui permet à la direction actuelle de continuer de diriger le parti sans avoir recours à un autre Congrès. C'est aussi cela que je dénonce. Mais bon !, je ne dis pas que l'arrangement qui a été fait n'est pas un bon arrangement. Mais moi je dirais que pour la démocratie même, il faudrait qu'on y réfléchisse pour penser à faire un autre Congrès. Que les instances se réunissent pour accorder par cet arrangement que la direction continue à diriger, je n'y trouve pas d’inconvénient. Mais je dis que pour la démocratie interne il va falloir réfléchir plus sérieusement à cette question.
Concrètement que proposez-vous pour que le FPI soit plus social et humaniste ?
Écoutez, Je voudrais tout de suite dire que nos propositions sont réservées exclusivement à la direction du parti, parce que le Courant dans ses propositions s'adresse à travers des motions à la direction du parti. Nous pensons qu’à l'heure actuelle les militants qui ont été meurtris. Il faut se rappeler qu'il y a des militants qui ont perdu dans cette crise qui a commencé depuis 2002, je le rappelle, et qui a connu son apothéose en 2011. Ce que je demande c'est qu'il y ait plus d'écoute, d'attention à l'endroit des militants du FPI d'abord et travers les militants s’intéresser aussi aux ivoiriens. Il faut savoir réellement qu'elles sont leurs préoccupations. Dans nos villages, il est bien de tenir des discours intellectuels, étant donné qu'il faut un monde éclairé pour pouvoir diriger une masse, mais le peuple qui est au village, c'est par les actions concrètes qu'il sait que le parti fait des actions, travaille pour lui. Et c'est cela, nous l'avons constaté sur le terrain. On pense, à travers les critiques venues de la base, que nos dirigeants ne vont pas assez vers les militants. Or c'est ce qu'on demande. Donc essentiellement si on a appelé notre Courant FPI plus social et humaniste, c'est réellement pour continuer de demander qu'il faut avoir un regard vraiment très social envers les militants qui ont payé un très lourd tribu dans cette histoire.
Peut-on savoir les personnes initiatrices de ce Courant ? Comptez-vous de grosses têtes du parti en son sein ?
Nous sommes des grosses ! Chacun d'entre nous qui représente le courant avons la tête assez grosse ! (rire) Non, il ne faut pas voir les choses en ces termes. Le courant est né à l'initiative de militants convaincus du FPI, qui ont estimé à un moment donné qu'il fallait créer ce cadre-là pour s'exprimer, pour interpeller le parti.  Le président du Courant est en Côte d'Ivoire, c'est le Docteur Nando. Je rappelle au passage qu'il a été reçu par toute la direction du parti. Je réponds un peu à ceux qui par-ci par-là avaient dit : « ils ne sont pas autorisés, c'est pas statutaire.... » Je rappelle à ces gens que le Docteur Nando a été reçu par la haute direction du parti pour échanger ! Cela c'est très bien passé. Donc je dirais que tous les militants épris de social, de démocratie, de débat interne sont les bienvenus.
Vous venez de dire que le président du Courant, le Docteur Nando, a été reçu par la haute direction du Parti. Voulez-vous dire que cette haute direction approuve le principe de la création de ce courant ?
Oui, elle l'approuve ! Si elle ne l'approuvait pas, elle n'aurait pas reçu le président du courant. Je pense que les dirigeants du FPI sont suffisamment intelligents. Nous n'avons qu'appliqué les textes de notre parti. C'est l'article 5, je le rappelle, qui est bien inscrit dans nos textes ; S'ils ont reçu le président Nando, c'est pour échanger.  Ils n'ont pas à approuver la création de ce Courant, étant donné que cela est déjà approuvé dans nos textes datant de 2001. La direction est très intelligente, elle ne pouvait pas dire qu'elle n'approuve pas. C'est un principe élémentaire que nous avons appliqué.
Votre Courant, sans doute, est chargé de propositions à l'endroit de la direction du parti. Si ces propositions ne sont pas prises en compte, que comptez-vous faire ?
Écoutez, c'est cela le débat interne. Nous  devons nous battre pour que la politique soit plus sociale et plus humaniste. C'est un  débat démocratique. Si ces propositions que nous allons faire régulièrement à la direction du parti ne sont pas prises en compte, nous continuerons de nous battre pour qu'elles le soient. Car ça y va aussi de la crédibilité de notre parti de pouvoir écouter la base ! Nous ne sommes pas là pour faire changer les choses sur le coup d'une baguette magique. Mais nous sommes là pour régulièrement proposer à la direction. Sur certains évènements, sur certaines positions du parti, nous pouvons à travers des échanges, à travers des courriers donner notre position, en lui faisant connaitre ce que nous pensons être utile pour le combat que nous menons. S'il arrive que les propositions que nous ferons ne soient pas prises en compte, nous aviserons. Mais nous ne ferons aucune dissidence par rapport à ce qui nous sera refusé. Mais nous allons nous battre pour que le militant de base soit au centre de tout. C'est quelque chose qui nous tient très à cœur.
Peut-on voir dans la création de ce courant une arme contre la présidence même d'Affi ?
Non, pas du tout ! Il n'y a pas d'arme. Nous n'avons que la parole. Nous ne sommes pas des adversaires. Nous sommes tous des militants du FPI. Il se trouve qu’aujourd’hui c'est le président Affi qui dirige le FPI ce n'est pas un adversaire, c'est notre président. Je comprends un peu votre question, parce que je sais que certains se sont levés suite à la création de ce Courant. Mais nul part nous n'avons l'intention de l'utiliser contre un quelconque responsable du FPI.
Votre courant n'est donc pas une menace pour la présidence d'Affi ?
Pas du tout ! Ce n'est pas une menace ! C'est un plus que nous apportons au président Affi pour l'amener, avec sa direction, à prendre en compte les propositions d'un certain nombre de militants de base qui pensent qu'on doit faire plus dans cette situation que nous traversons. Ce n'est vraiment pas une menace à l'encontre de la direction. Nous sommes là pour travailler. Et nous estimons que nous pouvons apporter une voix contradictoire mais constructive. C'est ce que nous voulons faire! Et nous espérons qu'en face ils le comprendront. Mais en recevant le président Nando, la direction l'avait déjà compris.
...Il n'y a pas de problèmes, vous faites des tournées...
Comment percevez-vous la position de votre parti vis à vis des prisonniers politique ? Pensez-vous que la direction de votre parti agit suffisamment pour la libération des prisonniers politiques ?
Je dirais que notre parti fait le minimum. Et je pense que notre parti peut faire plus. Le président Gbagbo nous a enseigné une arme qui est l'arme de la contestation pacifique à travers les marches. Je pense que nous devons sortir de la position molle pour passer à une certaine forme d'offensive. Il faut une véritable offensive, parce que le pouvoir qui est en place ne pourra nous écouter qu'après une démonstration de force. On me répondra qu'on fait déjà des tournées. Mais les tournées ne sont pas des marches. D'ailleurs je voudrais rappeler au passage qu'il y a un double message que véhiculent les tournées. Quand la communauté dite internationale voit ces images de tournées, elle se dit « l'opposition s'exprime bien,  il n'y a pas de problème, vous faites des tournées ». Or c'est faux. C'est ce message négatif que véhiculent ces tournées. Mais je crois que la direction a pris lors de son dernier Secrétariat général une décision importante qui est de mettre les marches en première place. Nous attendons donc ce que cela va donner. (...) Ceux qui disent que Ouattara ne fait pas de politique, mentent. C'est faux ! Ce monsieur est en train de faire la politique. Nous pouvons le contraindre à travers les marches. C'est pourquoi je dis que notre parti doit plus corser le discours. Aujourd'hui, personnellement, je ne vois pas, en tant que militant, pas en tant que représentant du Courant,  de lisibilité dans la ligne actuelle du parti, parce que je ne comprends pas : tantôt on arrête le principe de faire les marches, après on rompt le dialogue de façon unilatérale, après on rentre dans une alliance avec des partis politiques qui étaient, je le rappelle, dans le CNRD, cette histoire je ne la comprends pas du tout. Et aujourd'hui, il suffit de deux ou trois visites de l'ONU pour dire qu'on peut reprendre le dialogue. Je ne comprends pas cela en tant que militant.
Comment évolue au sein de cette diaspora ivoirienne d'Europe le Courant que vous représentez ?
D'abord, dans le premier temps, nous avons le 19 avril dernier présenté le Courant. D'aucuns ont pensé qu'on créait le courant ici en France à cette date-là. Ce n'était pas le cas. Il s'agissait de présenter le Courant créé, je le rappelle, depuis le 30 mars 2014 en Côte d'Ivoire, à la diaspora, surtout aux militants du FPI, vu qu'ils sont d'abord les premiers concernés. Il s'agissait de leur faire prendre conscience de la création de ce cadre de discussions dans lequel on peut exprimer ces points de vue clairement sans être taxé de rebelle ou de quoique ce soit. Après cela nous mettrons en place dans les différents pays des délégations qui représenteront le courant. Il faut à ce sujet rappeler que les courants peuvent exister dans une section du FPI. Et cela, beaucoup ne le savent pas. C'est pourquoi je regrette que certains ne se soient pas déplacés le 19 avril à cette conférence qui avait pour thème : « Courant de pensée, droit et devoir ». Je pense que les gens qui, à travers Facebook, ont la critique facile,  auraient dû venir pour savoir quels sont les devoirs et les droits d'un Courant de pensée. En tout cas c'est le travail que nous avons à faire. Nous serons dans les sections du parti pour exprimer cela. Et nous mettrons en place une délégation dans chaque pays. Je rappelle au passage que bientôt nous installerons une délégation en Italie, une autre en Angleterre pour petit à petit prendre en compte les gens qui ont la même pensée que nous pour qu'ils rejoignent le Courant, afin que nous apportions un plus à notre parti.
A vous entendre, ce Courant né n'aura pas la durée d'un feu de paille... 
Ah non ! Pas du tout ! Je vous le promets. Cela a été bien réfléchi, longuement réfléchi, et ce n'est pas en une journée qu'on a mis sur pied ce courant. Nous avons quand même longuement réfléchi, nous avons beaucoup travaillé. Cela fait qu'on a mis pratiquement 11 mois pour réfléchir au manifeste, à son contenu, comment on comptait travailler, comment on comptait mettre le militant du FPI au centre des discussions, comment nous comptions interpeller notre direction, comment nous pouvons compter, à travers nos prises de positions dans notre parti... Tout cela a été pensé durant une longue période ; cela a vu le jour, heureusement pour nous. C'est un travail qui commence, je voudrais rassurer les uns et les autres (...)
Nous avons malheureusement ici à Paris ou en France des donneurs de droit : quand vous faites quelque chose, tout de suite on vous dit que vous n'avez pas le droit. Et je dirais même que, ce n'est même pas une boutade, qu'il y a certaines personnes qui peuvent vous dénier le fait que vous aimiez Gbagbo : elles vous diront : « De quel droit vous aimez Gbagbo ? »(rire) Donc notre courant a un bon chemin à faire, et je vous promets, croyez-moi, que nous avons du boulot, mais du boulot intéressant à faire pour faire perdurer nos idées.
Le 12 juin, la chambre préliminaire I de la Cour Pénale internationale a rendu publique sa décision de confirmation des charges contre le Président Gbagbo. Pensez-vous que le FPI a suffisamment œuvré pour qu'il soit libéré mais sans avoir été entendu. Ou que pensez-vous que le FPI doit mener comme action pour espérer obtenir sa libération ?
Tous les analystes et spécialistes politiques le disent à qui veut l'entendre, la détention et le maintien en prison du Président Gbagbo est d'ordre politique et non judiciaire. Cela est un fait. Dès lors que la CPI confirme les charges pourtant insuffisantes, pour moi notre parti le FPI n'a pas œuvré suffisamment sur le plan politique pour inverser les choses. Quelles missions diplomatiques à l'extérieur, depuis deux ans maintenant, le FPI a-t-il mené concrètement dans ce sens ? Moi je n'en connais pas. La direction se contente de tournées à Abidjan, tantôt elle rencontre la représentante de l'ONU, tantôt elle rencontre quelques ambassadeurs. On vient de constater que c'est pas suffisant. Cela  n'est pas de la diplomatie ; et puis sur le terrain en Côte d'Ivoire, on assiste à quoi ? A des tournées de réconciliation menées par le FPI, à la place de Ouattara et son gouvernement. Mais on rêve ! C'est à Ouattara de rassurer les Ivoiriens en libérant tous les prisonniers politiques qui croupissent injustement en prison et dans d'autres camps de concentration inconnus du public. Le FPI doit avoir un seul mot d'ordre comme revendication : « GBAGBO OU RIEN ! ». C'est tout ! Il ne faut pas chercher à dribbler et faire douter le peuple en multipliant les lignes.  
Quel commentaire faites-vous de la création par le président Affi N'guessan d'un Secrétariat national chargé de la libération du Président Gbagbo ?
On peut certainement saluer cette idée, mais pour moi tout ça est inutile. Le FPI dispose dans ses instances d'une vice-présidence chargée de l'extérieur, des représentations ; quels rôles joue-t-elle ? Je crois que ces structures-là devraient s'occuper de la diplomatie. Moi, j'attends de savoir quelles seront les missions du énième Secrétariat après celui créé de toutes pièces appelé Secrétariat chargé des Représentations et de la diaspora. 

Interview réalisée par Zéka Togui (Aujourd’hui 1er Juillet 2014)

(*) - Le courant « FPI, plus social et humaniste » a vu le jour le 30 mars 2014. Claudel Guigui en est le 1er vice-président chargé des coordinations à l'extérieur et le principal coordinateur Europe.  


 
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Source : CIVOX. NET 2 Juillet 2014

mercredi 2 juillet 2014

LE PAYS OÙ TOUT EST PERMIS…

SAUF AUX AUTOCHTONES D’ÊTRE LES MAÎTRES CHEZ EUX 


Notre avenir à vau-l'eau ?
La Côte d'Ivoire est un pays où tout ou presque est permis. On construit partout et n'importe comment, surtout quand on a ses entrées au ministère de la Construction. On bouche les canaux d'évacuation des eaux usées avec nos ordures. Les garages poussent comme des champignons dans nos quartiers, les rendant populeux parfois à proximité des bouches d’égout. Ce qui facilite la tâche aux mécaniciens qui font tranquillement les vidanges des véhicules dans ces égouts. Les inondations à Abidjan sont l'expression achevée de cette indiscipline qui caractérise les populations. Ici en Côte d'Ivoire, on aime tellement l'argent qu'on est prêt à vendre notre âme pour devenir riche. On s'en fout des conséquences de nos actes. Certes, un orage assez dense peut provoquer des inondations, même avec un meilleur système d'évacuation des eaux usées. Cela se voit aux USA, en France, comme dans d'autres pays dits développés. Dans ce cas, on admettra que la norme a été franchie. Mais dans nos pays, ce n'est pas souvent le cas. C'est après les dégâts qu'on constate que le pire aurait pu être évité, si tel immeuble ou ouvrage n'avait pas été là. Et c'est maintenant qu'on sollicite les caméras pour des opérations de charme. Ivoiriens, yako ! car tant que nous aurons des personnes qui ne vivent pas nos réalités, qui ne dorment pas dans nos quartiers populaires et qui ne vont pas dans nos marchés, nous serons toujours victimes de leurs agissements. Regardons dans nos communes. Combien sont-ils, nos maires qui vivent avec nous ? C'est sûr qu'étant habitants d'une autre commune (Cocody, c'est l'endroit qu'ils aiment tous), ils sont coupés de nos réalités. Bruits intempestifs de klaxon de woro-woro à toute heure, prolifération anarchique de lieux de cultes aux allures de boîtes de nuit crachant des décibels à rendre fou les riverains. Installation anarchique de maquis au mépris du droit à la tranquillité des populations. Nos communes sont leur aire de jeu. Ils y réalisent leur désir. Et les perdants, c'est toujours nous. N'allez surtout pas vous plaindre dans une mairie en Côte d'Ivoire, sinon elle vous demandera de faire une pétition. Ce qu'elle ne vous dira pas, c'est qu'elle perçoit des taxes sur l'objet de la plainte. Imaginez un peu votre malheur. Pauvre de nous ! Ainsi va la vie en Côte d'Ivoire, le pays où tout ou presque est permis. 

Y.DOUMBIA
Titre original : « On s'en fout ! »  

 
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Source : L’inter 1er Juillet 2014