Discours du président Faustin-Archange Touadéra.
La grave et douloureuse crise militaro-politique que
traverse notre pays depuis quelques années a causé la mort de milliers de nos
concitoyens, des personnels des Nations Unies et des travailleurs humanitaires.
Par respect pour la mémoire des victimes innocentes, je vous invite à observer
avec moi une minute de silence.
Je vous remercie.
Mes chers compatriotes ;
Chers partenaires,
Au lendemain de mon accession à la magistrature suprême de
l’Etat, j’ai fait une place de premier choix au retour de la paix, de la sécurité
et de la réconciliation nationale comme pilier fondamental de notre nouvel Etat
démocratique, qui doit demeurer Un et Indivisible.
Mon engagement politique en faveur d’un processus de paix
durable est toujours resté prioritaire et permanent depuis ma profession de foi
jusqu’à ce jour.
J’ai dit que la longue période de crise caractérisée par
de multiples conflits armés doit être désormais révolue, car ces conflits armés
n’ont jamais apporté de résultat positif dans le développement de notre nation
en devenir.
En revanche, ils n’ont apporté que le deuil et le désarroi
dans nos foyers, ébranlé les fondements de la Nation, déshumanisé l’homme
centrafricain, détruit l’économie du pays et bradé l’intégrité du territoire.
Nous avons nous-mêmes plongé notre pays dans le fond du
gouffre, en voulant utiliser des voies non démocratiques pour satisfaire nos
ambitions égoïstes et diaboliques ; le pouvoir pour le pouvoir, rien que le
pouvoir.
Face à cette tragédie, j’ai estimé que l’unique voie dans
notre nouveau contexte démocratique, et je ne le répèterai jamais assez, reste
la voie de la paix et de la réconciliation nationale, et il n’y a pas d’autre
alternative possible.
Aussi, dès ma prise de fonction, j’ai appelé toutes les
forces vives de la Nation, les leaders politiques et les organisations de la
société civile, les femmes et les hommes de bonne volonté, à une « union sacrée
» pour relever cet immense défi qui est le retour à la paix définitive pour un
développement harmonieux de notre pays.
Aujourd’hui encore, je ne cesse de rencontrer à tout
instant tous mes compatriotes et être à leur écoute pour qu’ensemble, la main
dans la main, nous puissions trouver les voies et moyens de sortir de ce
mauvais pas.
De même, ceux qui persistaient sur le chemin de la
violence et de la division, je les ai toujours considérés comme des compatriotes
égarés avec lesquels un dialogue franc doit être engagé afin de leur faire
prendre conscience qu’ils sont dans l’erreur et de tout faire pour les ramener
dans la République, afin qu’eux aussi contribuent de manière efficace et
positive à la reconstruction de notre pays et à la préservation de son unité.
Ma conviction profonde est que rien de durable et de positif ne peut se faire sans un consensus national, sans un nouveau pacte social autour des valeurs cardinales contenues dans la trilogie de notre devise nationale : l’Unité dans la Dignité du centrafricain pour un Travail déterminant.
Ma conviction profonde est que rien de durable et de positif ne peut se faire sans un consensus national, sans un nouveau pacte social autour des valeurs cardinales contenues dans la trilogie de notre devise nationale : l’Unité dans la Dignité du centrafricain pour un Travail déterminant.
C’est ainsi que la nécessité d’organiser un dialogue
direct et franc entre le gouvernement et les groupes armés est devenue une
réalité.
Sous l’observation des forces vives
de la nation centrafricaine et des facilitateurs internationaux, des
négociations de haut niveau ont abouti au paraphe, à Khartoum le 5 février
2019, d’un projet d’accord contenant principalement des réponses aux
revendications des groupes armés tout en veillant à ce que les principes de
justice et le refus de l’impunité soient observés.
Mes chers compatriotes ;
Le 6 février 2019 à Bangui, dans cette même salle, nous
tous, parties prenantes, c’est-à-dire le gouvernement représenté par moi-même,
les 14 groupes armés et les garants et facilitateurs, avons procédé à la
signature de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en
Centrafrique.
Cet accord, porteur d’espoir pour nos populations
meurtries par des violences aveugles, avait été salué par la nation toute
entière ainsi que par nos partenaires de la communauté internationale parce
qu’il a ouvert une perspective inédite pour la résolution de la crise
centrafricaine et constitué un réel espoir pour la sortie de crise, la
réconciliation nationale et la reconstruction de notre pays.
Il faut admettre, pour le déplorer, que certaines voix
discordantes, au patriotisme fluctuant, mues par une vision négationniste et
des intérêts égoïstes à l’encontre de cette patiente marche vers la paix qui
allait mettre un terme au chaos organisé depuis longtemps par ceux-là mêmes qui
freinent l’élan et le génie du peuple centrafricain, n’ont cessé de considérer
cet accord comme une compromission, voire une haute trahison.
D’autres esprits malintentionnés ont cru pouvoir déceler
dans les termes de cet accord l’ombre d’une sinistre conspiration avec les
groupes armés pour me permettre de me maintenir au pouvoir en organisant ma
propre victoire aux prochaines élections.
Mes chers compatriotes, il n’en est rien de tout cela.
Mais il faut savoir que dans tout accord de paix, il
existe des défis à relever dans sa mise en œuvre.
C’est une négociation et une remise à l’ordre permanentes.
A l’issue de la première année de signature de l’APPR-RCA,
un regard rétrospectif pourra nous permettre de mesurer les avancées réalisées,
d’apprécier les méthodes et les pratiques des acteurs et parties prenantes,
mais aussi de comptabiliser les manquements en vue de réajustements conséquents
ou de nouvelles orientations.
Un tel travail ne pourra se réaliser sans référence au
chronogramme établi.
Il est venu le moment de récapituler les résultats
atteints et ceux non-atteints en vue de se projeter en toute objectivité dans
le second cycle correspondant à l’année en cours qui, nous le savons, aboutira
à la consultation du peuple souverain.
Sur le plan institutionnel et politique, il n’est pas vain
de rappeler que le gouvernement, pour sa part, a procédé à l’exécution des
engagements au nombre de 21 contenus dans l’article 4 et les annexes 1 et 2 de
l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en Centrafrique.
Après avoir créé et rendu opérationnel le mécanisme de
mise en œuvre de l’APPR-RCA, un gouvernement inclusif a été mis en place et les
représentants des groupes armés nommés aux postes de haute responsabilité dans
les cabinets de la Primature et de la Présidence de la République.
En partenariat avec la MINUSCA et avec la participation
active de tous les garants et facilitateurs, de la société civile et de
certaines Institutions de la République, nous avons adopté et mis en route une
stratégie de sensibilisation et de vulgarisation de l’APPR-RCA.
Le processus de mise en place de la Commission Vérité,
Justice, Réparation et Réconciliation est déjà achevé.
Les lois réclamées par l’accord, notamment celles sur la décentralisation,
le statut des anciens chefs d’Etat, celle régissant les partis et groupements
politiques sont au niveau de l’Assemblée nationale et attendent d’être
programmées pour la prochaine session.
Certes, des efforts ont été accomplis en matière de DDRR à
l’Ouest, de restauration progressive de l’autorité de l’Etat, du lancement des
Unités spéciales mixtes de sécurité.
Ces premières unités ont vu le jour à Bouar, grâce à
l’appui de nos partenaires de l’Union Européenne, que je tiens particulièrement
à saluer ici.
C’est une expérience qui est en bonne voie et crée une
cohésion et une fraternité entre les éléments des forces dirigés par l’état-major
général de l’Armée centrafricaine.
La mise en œuvre de l’accord a commencé à produire des
résultats probants sur le terrain des faits, tels que l’accalmie observée dans
certaines régions, le retour volontaire et massif des déplacés et réfugiés dans
leurs localités et le changement d’attitude de certains anciens groupes armés que
je voudrais ici rappeler au passage.
Sur le plan macroéconomique, une
certaine embellie des résultats est déjà observée.
Mes chers compatriotes,
Notre pays revient de loin. En effet, après la crise de
2013, la situation était plus qu’alarmante : les infrastructures économiques et
sociales étaient détruites, les rapports sociaux déstructurés, le fiel amer de
la méchanceté et de la haine a inondé les cœurs. Nous étions dans une situation
d’Etat failli.
Pour y faire face, j’ai engagé le gouvernement dans un
processus de relèvement en élaborant et en mettant en œuvre le Plan national de
relèvement et de consolidation de la paix (RCPCA).
La mise en œuvre de ce plan depuis 2017 a permis d’amorcer
un démarrage progressif des activités socioéconomiques et d’apaisement du
climat politique et social, propice au développement.
C’est dans cet élan que l’Accord politique pour la paix et
la réconciliation du 6 février 2019 est intervenu.
L’APPR-RCA a donc permis de donner un coup d’accélérateur
à la mise en œuvre des actions convenues dans le RCPCA avec une adéquation
entre les engagements du gouvernement pris non seulement sur les aspects
politiques que sont la sécurité et la justice, mais aussi bien sur les aspects
socioéconomiques, la livraison des biens et services dans une dynamique
participative et inclusive.
L’impact positif de la mise en œuvre de l’APPR commence à
se faire sentir dans les actions en cours. Il a facilité l’obtention et la
consolidation des résultats de ces interventions qui représentent les dividendes
de la paix auxquels aspire toute la population centrafricaine.
Les dividendes de la paix sont observables à travers les
actions en cours liées au relèvement en tant que moteur pour garantir le retour
à la paix, la protection civile, l’élargissement de la zone de stabilité, la
présence de l’autorité de l’Etat, l’accès aux services sociaux de base (école,
santé, eau et assainissement) ou la création des activités économiques.
L’APPR a permis aussi et surtout de faire un recadrage et
un recentrage en mettant un accent particulier sur les actions prioritaires et
concrètes en exécution ou identifiées actuellement dans le cadre de la
prolongation du RCPCA, c’est-à-dire ceux qui concourent directement et le plus,
à la réalisation des interventions à impact rapide sur la population en termes
de « dividende de la paix ».
Grâce à cet Accord, nous avons réactivé les grandes
commissions mixtes bilatérales entre notre pays et le Cameroun, la République
du Congo et le Tchad, et cela se poursuivra avec les autres pays voisins et de
la sous-région, tous déterminés à nous aider à sortir de la crise.
Malheureusement, je dois relever pour le regretter, qu’un
an après la signature de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation
en Centrafrique, les mauvaises habitudes, qui ont la peau dure, persistent
encore : violences contre les civils et les ONG, taxations illégales,
restrictions de mouvements par les barrières non démantelées et occupation des
bâtiments administratifs et sites miniers, continuent.
Ces violations graves des droits de l’homme, continuent à
être enregistrées, accentuant les souffrances des populations locales et
mettant en mal les actions de la communauté internationale pour le retour à la paix.
A tout ce sombre tableau se sont ajoutés de nouveaux
affrontements meurtriers endeuillant davantage nos populations à Birao,
Alindao, Bria, ainsi que l’occupation de la ville de Bambouti par certains
groupes armés.
Il est grand temps que tous les groupes armés signataires
assument également leur responsabilité en sensibilisant leurs hommes dans les
différentes préfectures sur le contenu de l’APPR-RCA et surtout la nécessité de
son strict respect pour le retour à la paix véritable.
Je sais qu’un accord de paix reste un long processus qui
requiert patience et ténacité, car le chemin est sinueux et jalonné d’embuches.
Mais il faut aller vite et plus loin dans la réponse aux
multiples attentes de la population qui continue à faire face à d’importants
problèmes d’existence en termes d’accès aux services sociaux essentiels et
surtout à la sécurité.
Les résultats actuels sont réels et effectifs, mais ils
doivent être renforcés et développés.
C’est pourquoi, j’en appelle aussi aux garants et facilitateurs.
En effet, un an après la signature de l’accord, force est
de constater que la période d’observation est dépassée et qu’il est venu le
moment d’emprunter la voie de la fermeté pour que l’accord soit véritablement
respecté.
Il est venu le moment de clarifier, non seulement le
contenu de l’article 35 de l’APPR-RCA, mais encore d’appliquer le régime de
sanctions applicables retenu à titre de mesures préventives ou coercitives pour
sécuriser nos campagnes et nos villes et permettre au processus électoral de se
mettre progressivement en place.
En termes clairs, je veux que les signataires de l’accord
qui continueraient de commettre des actes de violences contre les populations
civiles, les personnels des Nations Unies et les travailleurs humanitaires,
soient tenus pour responsables et répondent de leurs actes devant la justice.
Je dois rappeler que l’accord de paix n’a pas garanti une
certaine impunité aux auteurs des crimes ni éludé les droits des victimes.
L’heure n’est plus aux simples condamnations de principe
des violations délibérées et flagrantes de l’accord.
Ces condamnations, ainsi que les appels à la cessation des
violences, vous le savez, sont compris par certains groupes armés réfractaires
comme une compréhension ou une tolérance de leurs crimes et, par les
populations victimes, comme une indifférence du gouvernement et de la
communauté internationale vis-à-vis de leurs souffrances.
C’est pourquoi je salue l’engagement
des garants et facilitateurs à s’opposer à toute atteinte au processus de paix
et à l’Accord politique pour la paix et la réconciliation, réaffirmé à la
veille de ce premier anniversaire.
Mes chers compatriotes,
Chers partenaires,
Le peuple qui m’a déjà fait confiance, attend de se
prononcer librement et de manière souveraine sur celui à qui confier sa
destinée pour les prochaines années à venir, à travers des élections non
seulement libres et transparentes, mais surtout apaisées et sans contestations,
sources de nouvelles tensions.
C’est dans cette optique que j’ai reçu les anciens chefs
d’Etat ainsi que les anciens présidents de l’Assemblée nationale et les anciens
Premiers ministres pour les impliquer davantage dans la recherche de la paix et
de la réconciliation nationale.
Aussi, je me tourne une fois de plus vers nos amis et
partenaires, qui nous accompagnent dans ce long cheminement vers la paix, pour
demander leur appui pour la levée totale de l’embargo qui pénalise nos Forces de
défense et de sécurité dans leur mission de sécurisation du territoire
national.
Il est important que nos FACA déjà formées par l’EUTM et
entraînées par les experts militaires russes, puissent appuyer les forces
onusiennes dans cette voie.
Je ne saurais terminer mon propos en ce jour anniversaire
de la signature de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en
République Centrafricaine sans remercier l’ensemble des partenaires qui
appuient le processus de paix dans notre pays.
Je lance à nouveau un appel à l’unité nationale, à la
réconciliation et au vivre ensemble, car la paix dans nos foyers reste le point
de départ pour la conquête de notre souveraineté et du développement de notre
cher et beau pays, la République Centrafricaine.
Vive la paix et la réconciliation en République
Centrafricaine !
Que Dieu bénisse la République Centrafricaine et son peuple
!
Je vous remercie.
Bangui, le 6 février 2020
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