samedi 17 décembre 2011

Qui a remporté les élections en Côte d’Ivoire ?

Sur les cendres encore chaudes de l'élection présidentielle de 2010, des élections législatives viennent de se dérouler en Côte d'Ivoire. Un fait, a cependant sauté aux yeux de tous. Les Ivoiriens ne se sont pas bousculés aux portes des bureaux de vote. Pour tout dire, nombreux parmi ceux qui ont pris part à l'élection présidentielle de décembre 2010, ne se sont pas senti concerné par ce vote. Au regard de ce flagrant manque d'engouement, certains ont parlé de « désert électoral », quand d'autres ironisaient : « Bureaux de vote cherchent électeurs ». Soulignons aussi, le mot d'ordre de boycotte lancé par le FPI, principal parti d'opposition crée par Laurent Gbagbo. Ce parti avait appelé ses militants et sympathisants à « rester chez eux », de sorte à ne pas prendre part à ces législatives. Ceci, expliquerait cela.
Nonobstant toutes les agitations de l'opposition autour du taux de participation, le pouvoir Ouattara pouvait dormir sur ses deux oreilles, sûr de détenir l'arme sécrète : Monsieur CEI, l'expert dans l'art des résultats mystérieux. Cet homme n'avait pas encore dit son dernier mot. Mais c'est maintenant chose faite. Car des méandres du laboratoire si sophistiqué de la CEI, la nouvelle vient de tomber : 36,56% de taux de participation à ces législatives de 2011. Là où certains ne donnaient pas plus de 20%. Formidable Youssouf Bakayoko, tu ne cesseras jamais de nous dribbler !
Ces élections législatives feront couler beaucoup d'encre et de salives. Pas plus. Ouvrons ici une petite parenthèse : Les perdants du PDCI, peuvent crier, ou même pleurer. Faire toutes les acrobaties les plus burlesques. Tant pis pour eux ! Car, tant que le sphinx de Daoukro, président du PDCI, convole en noces mielleuses avec Alassane Ouattara, président du RDR, ces frustrés peuvent « aller voir ailleurs ». Refermons très vite cette parenthèse sur les sanglots et les lamentations honteuses du PDCI. Ces gens sont assez grands pour assumer leur alliance de « dupeur-dupé ».
Vous avez dit élections législatives ? Alors que le pays est loin d'avoir dépassé les terribles répercussions de cette guerre inique. Des législatives dans un tel contexte, c'est un joli pansement qu'on tente ainsi d'appliquer sur des plaies purulentes et auxquelles l'ont s'est bien gardé d'apporter des soins appropriés.
Les plaies dont souffre la Côte d'Ivoire sont là, béantes et pas du tout jolies. Ce pays souffre des ses fils et filles portés disparus ou en exil. De ses enfants emprisonnés ou déportés. De ses femmes, de ses jeunes et de ses hommes victimes de la barbarie et de l'injustice des sbires du nouveau régime. Ce pays souffre de ne pas connaitre la vérité. Cette vérité qui libèrera et soulagera à la fois les cœurs et les esprits : « Qui a remporté l'élection présidentielle de 2010 en Côte d'Ivoire ? ». Ce jour où des preuves ne souffrant d'aucun doute répondront à cette question, ce jour et ce jour là seulement la Côte d'Ivoire pourra enfin pousser un profond soupir de soulagement. Elle pourra alors appeler ses fils et filles autour d'une vraie cohésion sociale, au-delà de simples et vains mots. Or, tant que le souvenir des bombes françaises hantera nos nuits les plus profondes, ce pays continuera de souffrir de ses cauchemars.
Les Ivoiriens ont été appelés à choisir. Aujourd'hui encore. Mais quel choix y a-t-il à faire lorsque le choix de la communauté dite internationale s'impose, depuis avril 2011, aux Ivoiriens ? Quel choix y a-t-il faire lorsque l'un des principaux protagonistes du jeu démocratique ivoirien et son parti politique sont absents, voire exclus ? Il eut fallu que celui qui tire sa légitimité de « la communauté internationale », s'en réfère justement à cette communauté pour choisir ses députés. Au lieu d'ennuyer les Ivoiriens plus préoccupés par leur sort quotidien dans la nouvelle république RHDP.
Cela aurait été juste et convenable au regard de l'historique [contentieux] électoral qui a cours depuis 2010. Toute tentative contraire reste et ne sera que mascarade.
Les Ivoiriens, ont refusé d'aller à ces législatives. Par ce désaveu cinglant, ils ont renvoyé Monsieur Alassane Ouattara à « sa communauté internationale ». Car le peuple est et reste le dernier recours. Beaucoup de chefs d'Etat l'ont appris, ces derniers temps, à leurs dépens.
N'empêche, Hamed Bakayoko, ministre de l'intérieur d'Alassane Ouattara, interrogé sur la question de l'enjeu de ces législatives, répond : « L'enjeu de cette élection n`était pas le taux de participation, c`était d`abord d`organiser une élection apaisée ». En d'autres termes, que les Ivoiriens aient participé ou non à ces élections, cela leur est égal. « La communauté internationale a constaté qu'il n'y a eu aucun incident lors de ces élections ». Hamed Bakayoko peut dire ce qu'il veut pour sauver la face à son patron. Youssouf Bakayoko peut annoncer les chiffres qui font plaisir à ses employeurs, avec à la clé des promesses de séjours dorés en France. Les Ivoiriens ont fait usage de leur droit. Le droit d'exprimer leur désapprobation : « Non, nous ne voulons pas de ces élections wouya wouya (sans aucune valeur) ».
Et la démocratie dans cette histoire ? Alassane Ouattara n'a, en effet qu'une volonté factice d'ouvrir le jeu démocratique en Côte d'Ivoire. Et montre qu'il se souci peut de ce que les Ivoiriens pensent ou ressentent. Qu'ils croupissent en prison, qu'ils meurent en exil, qu'ils subissent les exactions de tous genres ou la justice des vainqueurs, il n'en a rien à cirer. Le plus important, pour lui, c'est de montrer à la « communauté internationale », que « tout va très bien en Côte d'Ivoire » et de surtout s'offrir une législature taillée sur mesure. Une assemblée nationale où l'on pourrait facilement conduire les débats en dioula, du fait de sa très forte coloration nordique.
Alors les Ivoiriens, qui ont très vite comprit cela, ne se sont pas fait prier pour refuser de prendre part à ces législatives. On n'entend d'ici, certains caciques du pouvoir s'évertuer à minimiser le faible taux de participation : « le scrutin a été libre et transparent » ; « la légitimité du prochain parlement n'est pas liée au taux de participation », et patati et patata… Quoi qu'il en soit, l'arrière goût amer de ce refus leur restera longtemps encore en travers de la gorge.
En l'absence des Ivoiriens, dans leur large majorité, de qui Ouattara tient-il donc sa légitimité ? Répondre à cette question revient à répondre aussi à celle-ci : « Qui a remporté l'élection présidentielle de 2010 en Côte d'Ivoire ? ».
Marc Micael
(Source : Ivorian.Net 16 décembre 2011)

 
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