UN LIVRE MAUDIT ?
Il y a quelques années
– je ne sais plus en quelle année exactement, mais je sais au moins qu’il y a
plus de dix (10) ans – j’ai vu sur le Net l’annonce suivante, émanant des
éditions Karthala et concernant mon premier livre, « Félix Houphouët et la
Côte d’ivoire. L’envers d’une légende », édité par cette maison en
1984 : « nous ne diffusons plus ce livre ». Intrigué, j’appelai
Robert Ageneau, le directeur, et lui demandai quelle différence il y avait
entre « nous ne diffusons plus ce livre » et « ce livre est
épuisé » ? Apparemment aussi surpris par ma question que je l’avais
été moi-même en découvrant, par hasard, cette annonce, R. Ageneau me répondit
qu’il allait se renseigner et qu’il me rappellerait ensuite. À ce jour,
j’attends toujours la réponse. Mais les éditions Karthala m’ont fourni,
toujours par hasard, une nouvelle raison de m’interroger : ce livre
qu’elles avaient pour ainsi dire expulsé de leur catalogue, apparemment sans
raison avouable, elles continuaient en douce à le proposer à la vente en
version ebook sur leur site.
Ô pirates
déhontés ! Ô pillards impénitents !!!
Heureusement qu’il y a
Anibwe !
Grâce à cette petite
maison parisienne créée par un compatriote, 36 ans après sa première parution, « Félix
Houphouët et la Côte d’Ivoire. L’Envers d’une légende », a commencé une
nouvelle vie depuis l’été dernier. C’est l’occasion de se rappeler ce que fut
sa première vie.
Vous allez voir, en
lisant ci-après le récit de mon ami Georges Toualy qui donne une idée de la
façon peu amène, pour dire le moins, dont mon livre fut reçu à Abidjan par une
« Madame Kethi Lina Laubhouet, alors directrice
générale des Nouvelles Éditions Africaines (NEA) ». Cette dame
n’agissait pas ainsi de sa propre initiative. Elle avait dû recevoir des consignes
de la « présidence », c’est-à-dire, en fait, de Guy Nairay et/ou
d’Alain Belkiri, qui, sous le masque d’Houphouët, gouvernaient alors la Côte d’Ivoire.
Bien avant de faire la
connaissance de Georges et d’apprendre par lui le sort que la DG des NEA fit à
mon livre, je savais déjà, de source sûre, qu’il avait suprêmement déplu à ces
messieurs. Voici comment. Peu après la sortie du livre, je suis venu à Paris
pour en faire la promotion, une promo qui se révéla d’ailleurs un bide, Robert
Ageneau et Dominique Mataillet – à qui surtout je dois, je crois, d’avoir été
publié alors qu’en France même on sentait déjà qu’un tel livre n’était rien
moins que désiré – m’ont convié à déjeuner dans un petit restaurant voisin de
leur maison. Ils rentraient juste d’un court séjour à Abidjan où ils étaient
allés présenter d’autres livres de leur catalogue. Là-bas, me racontèrent-ils,
ils furent approchés par Nairay et Belkiri, qui leur tinrent à peu près ce
langage : « Ici, en principe nous n’interdisons aucun livre ; seulement,
ce livre-ci, nous ne voulons pas qu’il soit diffusé ». Donc, dès l’été
1984 je savais quel sort les vrais maîtres de mon pays réservaient à mon livre.
Mais il ne s’agissait alors que d’intentions ; ce ne sera que 20 ans plus
tard que, lors d’une conférence de Geneviève Bro-Grébé à la Librairie Anibwe, et
après avoir fait connaissance avec Georges Toualy, que je sus que ces gens ne
s’en tinrent pas qu’aux menaces verbales.
Ceux qui reliront cet
ouvrage ou qui le découvriront grâce à nos amis d’Anibwe verront qu'il n'a (presque)
rien perdu de son actualité.
Espérons que la nouvelle vie de ce livre sera moins tourmentée que la première.
Marcel Amondji
*
* *
Une anecdote de Georges
Toualy à propos de « Félix Houphouët et la Côte d’Ivoire. L’envers d’une
légende » de Marcel Amondji.
Ce
sont des souvenirs lointains que je m’efforce de restituer à l’occasion de la
nouvelle édition de cet essai de M. Marcel Amondji.
Nous
sommes au milieu des années 1980, période où le régime de parti unique du
Président Houphouët-Boigny a commencé à donner des signes d’essoufflement. Les
causes sont diverses, toutefois pour aller plus vite, je dirai que les recettes
des principaux produits de rente (le café et le cacao) qui servaient à
entretenir le vieux régime de prébendes baissent de manière drastique. Le
climat politique devient plus délétère qu’à l’accoutumée. Tous ceux qui
profitent du système sont davantage frileux et suspicieux. C’est dans cette
atmosphère que parait l’essai de Marcel Amondji.
C’est en avril 2004, au cours de la dédicace du livre de Madame
Geneviève Bro-Grégbé, dans une librairie-café, au 54 rue Greneta, Paris 2ème,
que nous faisons connaissance, Marcel et moi : c’est en effet, Geneviève
Bro-Grégbé qui me présenta à Marcel Amondji. Ce fut tout de suite un déclic en
entendant ce nom. J’ai donc solennellement expliqué à l’auditoire combien ce
nom d’Amondji Marcel avait été associé aux prétendues tentatives de subversion
en Côte d’Ivoire du temps du règne d’Houphouët-Boigny. Dès cet instant Marcel
et moi nous ne nous sommes plus quittés.
Georges Toualy
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