vendredi 21 septembre 2018

16 ans après, rien n’a changé ! par Félix D. Bony

Le "libérateur" Guillaume Soro paradant à la tête de son armée

Le temps a passé. Beaucoup d’eau semble avoir coulé sous le pont. Mais, elle n’aura pas effacé les souvenirs encore vivaces dans les esprits. Surtout que très peu d’effort est fait pour tourner cette page et faire oublier ce passé sombre. On se souvient comme si c’était hier. Le 19 septembre 2002. Ce jour où tout a basculé, pour la deuxième fois, en Côte d’Ivoire. Après le coup d’Etat de 1999. Le premier dans l’histoire du pays de feu Félix Houphouët-Boigny.
A l’origine de ce second soubresaut, qui va tout bouleverser dans ce pays, un autre coup d’Etat manqué, qui va se muer en rébellion. La raison avancée : un soulèvement contre les injustices, plus exactement une crise identitaire en Côte d’Ivoire. Conséquence d’un concept né quelques années plus tôt, l’ivoirité imaginée par Henri Konan Bédié, alors au pouvoir.
Pendant une décennie, les Ivoiriens ont fait l’amère expérience d’une rébellion sur leur sol. Une rébellion assimilable à une Révolution des œillets. Les acteurs étant composés en majorité de fils du Nord se sentant exclus, victimes de discrimination depuis le régime Bédié jusque dans le prolongement avec celui de Laurent Gbagbo.
Vingt et un mois après son arrivée au pouvoir dans un contexte qu’il décrit lui-même de « catastrophique » au pouvoir, l’ex-opposant historique à feu Félix Houphouët-Boigny aura le temps à peine de s’asseoir avant d’être secoué par la guerre des héritiers qui lui a profité pour son accès au fauteuil présidentiel. Les douze mois consacrés à un Forum de la réconciliation nationale, qui a mobilisé toutes les forces vives de la nation, n’auront pas empêché le régime de la Refondation de basculer dans la violence. Ce, 45 jours après la formation d’un gouvernement dit de réconciliation nationale qui, le 12 août 2002, était censé marquer le premier pas décisif dans la mise en œuvre des résolutions de paix des quatre grands d’alors. Ces acteurs politiques qui ont tenu la Côte d’Ivoire en haleine depuis le décès, en 1993, du Père des indépendances. A savoir, le président en exercice d’alors, Laurent Gbagbo, leader du Fpi, l’ex-président Henri Konan Bédié du Pdci-Rda, le chef de la Transition militaire, feu le général Robert Guéi, fondateur de l’Udpci et l’ancien et unique Premier ministre d’Houphouët-Boigny, Alassane Ouattara, président du Rdr.
Quand éclate la rébellion du 19 septembre 2002, les données vont changer avec la disparition de l’un de ces acteurs, le gal Robert Guéi, tombé dans les premières heures de ce soulèvement armé, et l’entrée en scène d’un nouveau grand, le Premier ministre Guillaume Soro, leader des ex-forces nouvelles. Quasiment dix ans durant, la vie en Côte d’Ivoire s’est arrêtée. Rythmée par la recherche de solution à cette crise qui a coupé le pays en deux : le Nord gouverné par une rébellion qui a fini par s’organiser et s’enraciner, et le Sud tenu par un régime aux abois, partagé entre une action militaire incertaine pour couper ce kyste et les négociations pour en sortir.
L'état de la résidence du président L. Gbagbo après les bombardements franco-onusiens
Dix ans de réflexions, d’actions, de ballets, de négociations et d’accords, qui vont aboutir à un décompte funeste de 3000 morts suite à la crise postélectorale de 2010-2011. Laquelle va exposer encore davantage la Côte d’Ivoire à la face du monde. Notamment avec les nombreux exilés occasionnés, les prisonniers enregistrés et surtout l’entrée en scène de la Cour pénale internationale où comparaissent l’un des quatre grands restants, l’ex-président Laurent Gbagbo et son dernier ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé.
On croyait des leçons tirées de toutes ces expériences. Mais, 16 ans après, rien n’a changé. Si le temps de la rébellion a eu le mérite de rapprocher deux ex-farouches ennemis qu’étaient l’ancien président Henri Konan Bédié et l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara, cette idylle n’aura duré que le temps de reconquérir le pouvoir entre les mains de Laurent Gbagbo, l’adversaire commun. Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), créé à cet effet, a montré aux yeux du monde qu’il n’était rien d’autre qu’une alliance de dupe. L’ex-coalition de l’opposition parvenue au pouvoir a volé en éclat sur l’autel des intérêts divergents tus à un moment donné pour résoudre un problème ponctuel. Elle n’aura pas résisté à l’épreuve des calculs et des rancunes étouffées qui refont surface.
Aujourd’hui, à 24 mois des prochaines échéances présidentielles, l’ambiance s’est à nouveau détériorée. Le contexte diffère à peine de celui de 1999 ou de 2010. A part le gal Guéi décédé, les acteurs restent les mêmes. Les mêmes héritiers de feu Félix Houphouët-Boigny. La même guerre des héritiers. Toujours avec un « larron » à l’affût. Certains n’y pensent pas encore éventuellement. Mais, plus que la probabilité pour que l’ex-Président Laurent Gbagbo recouvre sa liberté à la Cpi est quasi-indéniable. A une dizaine de jours de l’audience dite d’acquittement attendue sous réquisition du juge en charge du dossier. Laurent Gbagbo hors de prison, la boucle sera bouclée. Avec les mêmes quatre grands d’hier. Ouattara, Bédié, Soro et Gbagbo. Le puzzle reconstitué. Pour les jeux nouveaux de 2020. Au grand dam de la population qui assiste indifférente. Complice de son propre supplice. Une population très habile à la critique, mais passive quand il s’agit de prendre ses responsabilités. Ces martyrs absents sur les listes électorales qui se rendent victimes de leurs propres turpitudes.
Les soi-disant "Forces nouvelles" fêtant leur victoire
Seize ans après, point n’est besoin de le dire, la Côte d’Ivoire n’est pas moins désunies qu’elle ne l’était. A part que les donnes ont changé de camp. Un groupe a succédé à un autre pour reprendre les mêmes habitudes. Jeu de chaise musicale. Mais, le résultat reste le même. Avec un pays qui compte ses lendemains dans l’incertitude. Une population devenue stoïque, attendant qu’il advienne ce qu’il adviendra. Indifférente à tout. Même pour le choix de ses élus locaux. Pas évident qu’elle ne mobilise encore dans les urnes le 13 octobre prochains pour les scrutins municipaux ou régionaux. Ces joutes qui auront une incidence sur leurs quotidiens à venir. Beaucoup vont encore s’abstenir de voter. Peu intéressés par les élections. Ça s’appelle simplement, un peuple blasé ! Endurci par l’inconséquence de ses dirigeants politiques.

Félix D.BONY

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Source : http://www.linfodrome.com 20 septembre 2018

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