Le "libérateur" Guillaume Soro paradant à la tête de son armée |
Le temps a passé. Beaucoup d’eau semble avoir coulé
sous le pont. Mais, elle n’aura pas effacé les souvenirs encore vivaces dans
les esprits. Surtout que très peu d’effort est fait pour tourner cette page et
faire oublier ce passé sombre. On se souvient comme si c’était hier. Le 19
septembre 2002. Ce jour où tout a basculé, pour la deuxième fois, en Côte
d’Ivoire. Après le coup d’Etat de 1999. Le premier dans l’histoire du pays de feu
Félix Houphouët-Boigny.
A l’origine de ce second soubresaut, qui va tout
bouleverser dans ce pays, un autre coup d’Etat manqué, qui va se muer en
rébellion. La raison avancée : un soulèvement contre les injustices, plus
exactement une crise identitaire en Côte d’Ivoire. Conséquence d’un concept né
quelques années plus tôt, l’ivoirité imaginée par Henri Konan Bédié, alors au
pouvoir.
Pendant une décennie, les Ivoiriens ont fait l’amère
expérience d’une rébellion sur leur sol. Une rébellion assimilable à une Révolution des œillets. Les acteurs
étant composés en majorité de fils du Nord se sentant exclus, victimes de
discrimination depuis le régime Bédié jusque dans le prolongement avec celui de
Laurent Gbagbo.
Vingt et un mois après son arrivée au pouvoir dans un
contexte qu’il décrit lui-même de « catastrophique » au pouvoir,
l’ex-opposant historique à feu Félix Houphouët-Boigny aura le temps à peine de
s’asseoir avant d’être secoué par la guerre des héritiers qui lui a profité
pour son accès au fauteuil présidentiel. Les douze mois consacrés à un Forum de
la réconciliation nationale, qui a mobilisé toutes les forces vives de la
nation, n’auront pas empêché le régime de la Refondation de basculer dans la
violence. Ce, 45 jours après la formation d’un gouvernement dit de
réconciliation nationale qui, le 12 août 2002, était censé marquer le premier
pas décisif dans la mise en œuvre des résolutions de paix des quatre grands
d’alors. Ces acteurs politiques qui ont tenu la Côte d’Ivoire en haleine depuis
le décès, en 1993, du Père des
indépendances. A savoir, le président en exercice d’alors, Laurent Gbagbo,
leader du Fpi, l’ex-président Henri Konan Bédié du Pdci-Rda, le chef de la
Transition militaire, feu le général Robert Guéi, fondateur de l’Udpci et
l’ancien et unique Premier ministre d’Houphouët-Boigny, Alassane Ouattara,
président du Rdr.
Quand éclate la rébellion du 19 septembre 2002, les
données vont changer avec la disparition de l’un de ces acteurs, le gal Robert
Guéi, tombé dans les premières heures de ce soulèvement armé, et l’entrée en
scène d’un nouveau grand, le Premier ministre Guillaume Soro, leader des
ex-forces nouvelles. Quasiment dix ans durant, la vie en Côte d’Ivoire s’est
arrêtée. Rythmée par la recherche de solution à cette crise qui a coupé le pays
en deux : le Nord gouverné par une rébellion qui a fini par s’organiser et
s’enraciner, et le Sud tenu par un régime aux abois, partagé entre une action
militaire incertaine pour couper ce kyste et les négociations pour en sortir.
L'état de la résidence du président L. Gbagbo après les bombardements franco-onusiens |
Dix ans de réflexions, d’actions, de ballets, de
négociations et d’accords, qui vont aboutir à un décompte funeste de 3000 morts
suite à la crise postélectorale de 2010-2011. Laquelle va exposer encore
davantage la Côte d’Ivoire à la face du monde. Notamment avec les nombreux
exilés occasionnés, les prisonniers enregistrés et surtout l’entrée en scène de
la Cour pénale internationale où comparaissent l’un des quatre grands restants,
l’ex-président Laurent Gbagbo et son dernier ministre de la Jeunesse, Charles
Blé Goudé.
On croyait des leçons tirées de toutes ces
expériences. Mais, 16 ans après, rien n’a changé. Si le temps de la rébellion a
eu le mérite de rapprocher deux ex-farouches ennemis qu’étaient l’ancien
président Henri Konan Bédié et l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara,
cette idylle n’aura duré que le temps de reconquérir le pouvoir entre les mains
de Laurent Gbagbo, l’adversaire commun. Le Rassemblement des houphouétistes
pour la démocratie et la paix (Rhdp), créé à cet effet, a montré aux yeux du
monde qu’il n’était rien d’autre qu’une alliance de dupe. L’ex-coalition de
l’opposition parvenue au pouvoir a volé en éclat sur l’autel des intérêts
divergents tus à un moment donné pour résoudre un problème ponctuel. Elle
n’aura pas résisté à l’épreuve des calculs et des rancunes étouffées qui refont
surface.
Aujourd’hui, à 24 mois des prochaines échéances
présidentielles, l’ambiance s’est à nouveau détériorée. Le contexte diffère à
peine de celui de 1999 ou de 2010. A part le gal Guéi décédé, les acteurs
restent les mêmes. Les mêmes héritiers de feu Félix Houphouët-Boigny. La même
guerre des héritiers. Toujours avec un « larron » à l’affût. Certains
n’y pensent pas encore éventuellement. Mais, plus que la probabilité pour que
l’ex-Président Laurent Gbagbo recouvre sa liberté à la Cpi est
quasi-indéniable. A une dizaine de jours de l’audience dite d’acquittement
attendue sous réquisition du juge en charge du dossier. Laurent Gbagbo hors de
prison, la boucle sera bouclée. Avec les mêmes quatre grands d’hier. Ouattara,
Bédié, Soro et Gbagbo. Le puzzle reconstitué. Pour les jeux nouveaux de 2020.
Au grand dam de la population qui assiste indifférente. Complice de son
propre supplice. Une population très habile à la critique, mais passive quand
il s’agit de prendre ses responsabilités. Ces martyrs absents sur les listes
électorales qui se rendent victimes de leurs propres turpitudes.
Les soi-disant "Forces nouvelles" fêtant leur victoire |
Seize ans après, point n’est besoin de le dire, la
Côte d’Ivoire n’est pas moins désunies qu’elle ne l’était. A part que les
donnes ont changé de camp. Un groupe a succédé à un autre pour reprendre les
mêmes habitudes. Jeu de chaise musicale. Mais, le résultat reste le même. Avec
un pays qui compte ses lendemains dans l’incertitude. Une population devenue
stoïque, attendant qu’il advienne ce qu’il adviendra. Indifférente à tout. Même
pour le choix de ses élus locaux. Pas évident qu’elle ne mobilise encore dans
les urnes le 13 octobre prochains pour les scrutins municipaux ou régionaux.
Ces joutes qui auront une incidence sur leurs quotidiens à venir. Beaucoup vont
encore s’abstenir de voter. Peu intéressés par les élections. Ça s’appelle
simplement, un peuple blasé ! Endurci par l’inconséquence de ses
dirigeants politiques.
Félix D.BONY
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des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à
l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec
l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par
leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des
causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
Source : http://www.linfodrome.com 20 septembre 2018
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