Rappelez-vous ! En décembre 1999, la mutinerie
de soldats qui devait conduire au renversement de Bédié avait pour prétexte le
non versement des primes qui leur étaient dues au titre de leur participation à
une mission de L’ONU en République Centrafricaine. Ces soldats accusaient leurs
supérieurs de retenir des parts importantes des sommes qui leur étaient
destinées. Ce que ces derniers démentaient, sans toutefois réussir à
convaincre, tant le traitement médiatique très hostile à Bédié brouillait comme
à dessein les tenants et les aboutissants de l’affaire. Cette confusion fit
beaucoup pour la réussite de ce qui n’était qu’un complot savamment monté en
vue de déstabiliser le régime de Bédié. Un tel scenario n’est évidemment pas pensable
en ce qui concerne le Sénégal. Pour de nombreuses raisons :
1 - Le mouvement d’humeur des 200 soldats
sénégalais est, de toute évidence, un mouvement spontané dont l’objectif
correspond sans doute très exactement à ce qu’eux-mêmes en disent. Il n’y a
aucune arrière-pensée politique. Personne, sinon peut-être quelques officiers
subalternes, ne se tient derrière eux pour les pousser à exiger toujours plus
jusqu’à ce que le pouvoir n’en puisse plus. Ils n’appartiennent pas à un corps
d’élite rapidement monté en vue de coups politiques tordus, comme l’était la
fameuse Firpac au sein de laquelle la plupart des mutins de 1999 et futurs
rebelles de 2002 avaient fait leurs classes avant d’aller se perfectionner dans
le cadre de la mission de l’ONU pour la République Centrafricaine, d’où ils
revinrent fin prêts pour ce qu’on attendait d’eux, et avec ce prétexte en
or : les autorités ne leur avaient reversé qu’une infime partie de ce
qu’ils avaient théoriquement gagné au service des Nations Unies !
2 - L’armée sénégalaise est une vraie armée dans
laquelle une situation comme celle qui a conduit au renversement de Bédié ou
comme celle qui a permis, à partir du 19 septembre 2002, de miner
méthodiquement le régime de Gbagbo jusqu’à sa chute finale le 11 avril 2011, ne
prospérerait pas comme cela fut possible dans une Côte d’Ivoire qui n’a jamais
eu une armée digne de ce nom.
3 - Personne, en dehors des opposants sénégalais,
ne souhaite vraiment la chute du président Wade. Surtout pas la France sans
l’accord et l’assistance de laquelle tout changement est impossible dans son
pré carré.
La présente affaire des 200 Sénégalais montre que
les mutins ivoiriens de 1999 avaient probablement raison sur ce point, même
s’ils avaient évidemment tort d’en faire grief à leur hiérarchie qui, en
l’occurrence, aura seulement péché par inexpérience. Car des contingents de
nombreux autres pays participant à des missions de l’Onu, connaissent sans
doute les mêmes problèmes en ce qui concerne la différence entre les primes
effectivement perçues individuellement par chaque homme et les sommes versées à
ce titre par l’Onu à leurs pays respectifs sans qu’on y observe des mouvements
comme celui qui entraîna la chute de Bédié ou comme celui qui affecte cette
unité sénégalaise de l’Onuci. Ou peut-être y en eut-il. Car tout est toujours
possible. Mais on ne peut pas le savoir, parce que de tels mouvements n’ont
aucune chance de prospérer dans des pays possédant une armée digne de ce nom,
c'est-à-dire un corps professionnel solidement organisé et encadré et
soumis à une discipline stricte, la discipline étant la première des qualités que leur état exige
d’eux pour être véritablement et constamment à la hauteur de leur tâche.
Cette affaire nous enseigne pourtant une grande
leçon. Mais avant de dire laquelle, rappelons ce qui s’est passé récemment au
Burkina Faso. Des soldats burkinabés, retour eux aussi d’une des missions de
maintien de la paix de l’Onu, se sont mutinés pour les mêmes raisons que nos
mutins de 1999 et que les 200 sénégalais de l’Onuci. Blaise Compaoré n’avait
certainement rien à craindre d’eux, car il bénéficie d’une assurance en
béton contre cette sorte de risques : la protection que la France lui
accorde sans mesure depuis 1987 pour les immenses services qu’il lui a déjà rendu
et qu’il est toujours prêt à lui rendre. Aussi, le fait lui-même est sans
importance. Mais là où il devient tout à fait intéressant, c’est quand on nous
apprend que la plupart des soldats mutinés étaient des natifs de la Côte
d’Ivoire qui étaient revenus dans le pays de leurs parents pour y faire
carrière. Il me plaît assez d’imaginer que ces jeunes binationaux
ivoiro-burkinabés se sont révolté parce qu’ils étaient scandalisés par la
manière dont la France instrumentalisait l’une de leurs deux patries dans sa
volonté d’asservir l’autre.
C’est un peu la même leçon que je tire du cas des
200 Sénégalais de l’Onuci. Comme le Burkina Faso de Blaise Compaoré, le Sénégal
d’Abdoulaye Wade a été très en pointe dans ce qu’on appelle « la crise
postélectorale ».
Juste retour des choses…
Marcel Amondji
Affaire « 200 soldats
refusent d’embarquer pour Dakar »
Hamadoun Touré (Onuci) :
« C'est au gouvernement sénégalais de s'en
occuper »
''C'est une affaire qui regarde
le gouvernement sénégalais. L'Onuci ne traite pas directement avec les soldats,
nous traitons avec le pays. C'est au pays concerné de s'occuper de ses
soldats''. Telle est la réaction du porte-parole de l'Onuci Hamadoun Touré, le
17 octobre 2011 au téléphone, sur le problème relatif aux 200 soldats sénégalais
de l'Onuci en fin de mission qui refusent d’embarquer pour Dakar.
Le
porte-parole militaire de l'Onuci, le Colonel Raïs pour sa part nous a confié
hier que ''c'était une incompréhension au sein des troupes. L'officier
responsable a réglé le problème. Mais, je précise que c'est une affaire
nationale. Ils partiront au plus tard le 18 octobre 2011''. En réponse à cette
sortie, des soldats sénégalais, l’état-major des armées du Sénégal a publié un
communiqué en fin de semaine dernière, donnant des précisions sur les règles
des primes onusiennes. Ainsi, en plus d’une prise en charge totale pendant la
mission, ''la prime (en liquide) est payable au Sénégal, le jour même de
l’arrivée du contingent depuis la plate forme de l’aéroport militaire de Yoff
ou l’accueil est organisé'', selon un communiqué repris par l’Agence de Presse
Sénégalaise (Aps). L’état major relève au passage que la prime en question
''fait l’objet de revendications irréalistes et sans fondement légal de la part
de certains militaires'' et signale que les membres de contingents précédents
ayant servi dans les mêmes conditions sont rentrés dans leurs droits suivant
les mêmes règles. Rappelons que les Commandos spéciaux de 200 soldats
sénégalais, qui ont fini de boucler une année de mission en Côte d’Ivoire, ont
refusé le 15 octobre 2011, de quitter Yamoussoukro pour Abidjan et ensuite pour
Dakar. Ces casques bleus sénégalais exigent le versement intégral de leurs
primes journalières d’intervention, après une année de mission «spéciale» en
Côte d’Ivoire. Selon le quotidien sénégalais ''lequotidien.sn'', l’Onu rétribue
les soldats à 100 000 francs CFA par jour. Durant tout le temps de la crise
postélectorale, ils ont assuré la sécurité de l’hôtel du Golf où vivaient le
Président Alassane Ouattara et le Premier ministre Guillaume Soro. Ce dernier
avait d’ailleurs refusé le départ des Sénégalais pour la capitale politique. A
travers ce redéploiement, l’état-major général des armées sénégalaises a voulu
les traiter au même titre que les camarades du contingent sénégalais qui
participe à la Mission d’intervention de l’Onu en Côte d’Ivoire (Onuci). Selon
cette source, au lieu de 36 millions de francs Cfa d’indemnités annuelles, le
Sénégal veut honorer le soldat de première classe à 4,5 millions de francs Cfa.
Soutenus par un groupe d’officiers subalternes, ces militaires avaient adressé
une missive d’alerte au Président de la République, Abdoulaye Wade. Dans cette
lettre, ils avaient marqué leur détermination à rentrer dans l’intégralité de
leurs fonds à l’instar de leurs frères d’armes, casques bleus, avec qui ils ont
opéré en Côte d'Ivoire.
K.A.Parfait
(source : SOIR INFO 18 octobre 2011)
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