mercredi 26 octobre 2011

ÇA N’ARRIVE PAS QU’AUX AUTRES…

Et si cette histoire de soldats sénégalais refusant de retourner dans leur patrie avant d’avoir perçu l’intégralité de leurs primes était l’une des retombées du rôle éminent que le président Abdoulaye Wade a joué dans le renversement de Laurent Gbagbo ?
Rappelez-vous ! En décembre 1999, la mutinerie de soldats qui devait conduire au renversement de Bédié avait pour prétexte le non versement des primes qui leur étaient dues au titre de leur participation à une mission de L’ONU en République Centrafricaine. Ces soldats accusaient leurs supérieurs de retenir des parts importantes des sommes qui leur étaient destinées. Ce que ces derniers démentaient, sans toutefois réussir à convaincre, tant le traitement médiatique très hostile à Bédié brouillait comme à dessein les tenants et les aboutissants de l’affaire. Cette confusion fit beaucoup pour la réussite de ce qui n’était qu’un complot savamment monté en vue de déstabiliser le régime de Bédié. Un tel scenario n’est évidemment pas pensable en ce qui concerne le Sénégal. Pour de nombreuses raisons :

1 - Le mouvement d’humeur des 200 soldats sénégalais est, de toute évidence, un mouvement spontané dont l’objectif correspond sans doute très exactement à ce qu’eux-mêmes en disent. Il n’y a aucune arrière-pensée politique. Personne, sinon peut-être quelques officiers subalternes, ne se tient derrière eux pour les pousser à exiger toujours plus jusqu’à ce que le pouvoir n’en puisse plus. Ils n’appartiennent pas à un corps d’élite rapidement monté en vue de coups politiques tordus, comme l’était la fameuse Firpac au sein de laquelle la plupart des mutins de 1999 et futurs rebelles de 2002 avaient fait leurs classes avant d’aller se perfectionner dans le cadre de la mission de l’ONU pour la République Centrafricaine, d’où ils revinrent fin prêts pour ce qu’on attendait d’eux, et avec ce prétexte en or : les autorités ne leur avaient reversé qu’une infime partie de ce qu’ils avaient théoriquement gagné au service des Nations Unies !

2 - L’armée sénégalaise est une vraie armée dans laquelle une situation comme celle qui a conduit au renversement de Bédié ou comme celle qui a permis, à partir du 19 septembre 2002, de miner méthodiquement le régime de Gbagbo jusqu’à sa chute finale le 11 avril 2011, ne prospérerait pas comme cela fut possible dans une Côte d’Ivoire qui n’a jamais eu une armée digne de ce nom.

3 - Personne, en dehors des opposants sénégalais, ne souhaite vraiment la chute du président Wade. Surtout pas la France sans l’accord et l’assistance de laquelle tout changement est impossible dans son pré carré.

La présente affaire des 200 Sénégalais montre que les mutins ivoiriens de 1999 avaient probablement raison sur ce point, même s’ils avaient évidemment tort d’en faire grief à leur hiérarchie qui, en l’occurrence, aura seulement péché par inexpérience. Car des contingents de nombreux autres pays participant à des missions de l’Onu, connaissent sans doute les mêmes problèmes en ce qui concerne la différence entre les primes effectivement perçues individuellement par chaque homme et les sommes versées à ce titre par l’Onu à leurs pays respectifs sans qu’on y observe des mouvements comme celui qui entraîna la chute de Bédié ou comme celui qui affecte cette unité sénégalaise de l’Onuci. Ou peut-être y en eut-il. Car tout est toujours possible. Mais on ne peut pas le savoir, parce que de tels mouvements n’ont aucune chance de prospérer dans des pays possédant une armée digne de ce nom, c'est-à-dire un corps professionnel solidement organisé et encadré et soumis à une discipline stricte, la discipline étant la première des qualités que leur état exige d’eux pour être véritablement et constamment à la hauteur de leur tâche.

Cette affaire nous enseigne pourtant une grande leçon. Mais avant de dire laquelle, rappelons ce qui s’est passé récemment au Burkina Faso. Des soldats burkinabés, retour eux aussi d’une des missions de maintien de la paix de l’Onu, se sont mutinés pour les mêmes raisons que nos mutins de 1999 et que les 200 sénégalais de l’Onuci. Blaise Compaoré n’avait certainement rien à craindre d’eux, car il bénéficie d’une assurance en béton contre cette sorte de risques : la protection que la France lui accorde sans mesure depuis 1987 pour les immenses services qu’il lui a déjà rendu et qu’il est toujours prêt à lui rendre. Aussi, le fait lui-même est sans importance. Mais là où il devient tout à fait intéressant, c’est quand on nous apprend que la plupart des soldats mutinés étaient des natifs de la Côte d’Ivoire qui étaient revenus dans le pays de leurs parents pour y faire carrière. Il me plaît assez d’imaginer que ces jeunes binationaux ivoiro-burkinabés se sont révolté parce qu’ils étaient scandalisés par la manière dont la France instrumentalisait l’une de leurs deux patries dans sa volonté d’asservir l’autre.

C’est un peu la même leçon que je tire du cas des 200 Sénégalais de l’Onuci. Comme le Burkina Faso de Blaise Compaoré, le Sénégal d’Abdoulaye Wade a été très en pointe dans ce qu’on appelle « la crise postélectorale ».

Juste retour des choses…

Marcel Amondji



Affaire « 200 soldats refusent d’embarquer pour Dakar »
Hamadoun Touré (Onuci) :
« C'est au gouvernement sénégalais de s'en occuper »
 
''C'est une affaire qui regarde le gouvernement sénégalais. L'Onuci ne traite pas directement avec les soldats, nous traitons avec le pays. C'est au pays concerné de s'occuper de ses soldats''. Telle est la réaction du porte-parole de l'Onuci Hamadoun Touré, le 17 octobre 2011 au téléphone, sur le problème relatif aux 200 soldats sénégalais de l'Onuci en fin de mission qui refusent d’embarquer pour Dakar.
Le porte-parole militaire de l'Onuci, le Colonel Raïs pour sa part nous a confié hier que ''c'était une incompréhension au sein des troupes. L'officier responsable a réglé le problème. Mais, je précise que c'est une affaire nationale. Ils partiront au plus tard le 18 octobre 2011''. En réponse à cette sortie, des soldats sénégalais, l’état-major des armées du Sénégal a publié un communiqué en fin de semaine dernière, donnant des précisions sur les règles des primes onusiennes. Ainsi, en plus d’une prise en charge totale pendant la mission, ''la prime (en liquide) est payable au Sénégal, le jour même de l’arrivée du contingent depuis la plate forme de l’aéroport militaire de Yoff ou l’accueil est organisé'', selon un communiqué repris par l’Agence de Presse Sénégalaise (Aps). L’état major relève au passage que la prime en question ''fait l’objet de revendications irréalistes et sans fondement légal de la part de certains militaires'' et signale que les membres de contingents précédents ayant servi dans les mêmes conditions sont rentrés dans leurs droits suivant les mêmes règles. Rappelons que les Commandos spéciaux de 200 soldats sénégalais, qui ont fini de boucler une année de mission en Côte d’Ivoire, ont refusé le 15 octobre 2011, de quitter Yamoussoukro pour Abidjan et ensuite pour Dakar. Ces casques bleus sénégalais exigent le versement intégral de leurs primes journalières d’intervention, après une année de mission «spéciale» en Côte d’Ivoire. Selon le quotidien sénégalais ''lequotidien.sn'', l’Onu rétribue les soldats à 100 000 francs CFA par jour. Durant tout le temps de la crise postélectorale, ils ont assuré la sécurité de l’hôtel du Golf où vivaient le Président Alassane Ouattara et le Premier ministre Guillaume Soro. Ce dernier avait d’ailleurs refusé le départ des Sénégalais pour la capitale politique. A travers ce redéploiement, l’état-major général des armées sénégalaises a voulu les traiter au même titre que les camarades du contingent sénégalais qui participe à la Mission d’intervention de l’Onu en Côte d’Ivoire (Onuci). Selon cette source, au lieu de 36 millions de francs Cfa d’indemnités annuelles, le Sénégal veut honorer le soldat de première classe à 4,5 millions de francs Cfa. Soutenus par un groupe d’officiers subalternes, ces militaires avaient adressé une missive d’alerte au Président de la République, Abdoulaye Wade. Dans cette lettre, ils avaient marqué leur détermination à rentrer dans l’intégralité de leurs fonds à l’instar de leurs frères d’armes, casques bleus, avec qui ils ont opéré en Côte d'Ivoire.

K.A.Parfait

(source : SOIR INFO 18 octobre 2011)

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