mardi 31 janvier 2017

« Ce fut douloureux de nous asseoir, dans la même pièce, face à des Syriens associés à des agendas étrangers, travaillant pour des puissances étrangères… ».

Conférence de presse du Dr Bachar al-Jaafari, chef de la délégation du gouvernement syrien, suite à la Déclaration finale d’Astana
Dr Bachar al-Jaafari pendant sa conférencee


Mesdames et Messieurs,

Ces deux derniers jours, nous avons travaillé dur, jour et nuit, pour le succès de cette réunion et avons fait tout notre possible pour surmonter les obstacles. C’est pourquoi, nous croyons que la réunion d’Astana a réussi à atteindre « l’objectif de cessation des hostilités pour une période déterminée » qui ouvre au dialogue politique, en cours, entre Syriens.
À cette occasion, comme je l’ai déjà fait, nous remercions la Direction du Kazakhstan de toutes les facilités qu’elle nous a accordées pour le succès de nos réunions et de nos travaux.
Nous remercions, tout particulièrement, nos amis russes et iraniens pour les énormes efforts consentis, lesquels ont efficacement contribué à cette réussite. Et cela, dans le but de stopper l’effusion du sang syrien et de travailler avec ces groupes [armés] afin de vaincre, ensemble, le terrorisme et de reconstruire la Syrie.
Et nous disons aux États de la région connus pour leur soutien aux terroristes : c’est assez. Assez ! Vous avez dilapidé les richesses de vos peuples, amené le terrorisme dans vos pays, pris la responsabilité de faire couler le sang syrien. Le temps est venu de reconsidérer les erreurs de vos politiques pour le bien de votre peuple et le bien des peuples de la région.
C’est ce que j’avais à dire pour commencer. Vous pouvez poser vos questions.

Question 1 [Hosni Mourtada, Al-Alam] : Vous avez dit que des États régionaux devaient cesser de faire couler le sang syrien, pouvez-vous les nommer ? Ensuite, les groupes armés présents à cette réunion ont-ils accepté de combattre Daech et le Front al-Nosra ?
Bachar al-Jaafari : Je commencerai par la deuxième partie de votre question. Je pense que vous avez écouté le ministre des Affaires étrangères du Kazakhstan lire le texte de la Déclaration finale émanant des trois États garants. Dans ce communiqué, ils réitèrent leur détermination à combattre conjointement l’EIIL et le Front al-Nosra. Daech et le Front al-Nosra sont donc nommément cités et c’est un article qui les engage tous les trois, y compris la Turquie qui l’a signé. Nous pouvons supposer qu’elle le respectera. Nous pouvons le supposer.
Quant à la première partie de votre question, tout le monde sait de quels États régionaux il s’agit. La Turquie est l’un de ces États, avec des États du Golfe, comme l’Arabie saoudite et le Qatar. Naturellement, ce discours s’applique à tous ceux qui ont contribué directement ou indirectement à l’effusion du sang syrien. À tous.
Le temps est venu pour ces États de modifier leurs politiques sanguinaires à l’égard du peuple syrien, de la Syrie, et de leur propre peuple. Assez de ces jeux avec le feu et de ces paris perdants. Tout le monde est perdant, y compris les États qui soutiennent le terrorisme rendu au cœur de leurs maisons. Terrorisme contre lequel nous n’avons cessé de les mettre en garde depuis le début.
Question 2 [Ahmad Hadj Ali ; Al-Manar] : Le chef de la délégation des factions armées a déclaré que la Russie est passée du rôle de soutien au régime à celui de garant du règlement et qu’elle tente de surmonter les obstacles. Autrement dit, les groupes armés parlent d’un changement du positionnement russe. D’autres informations parlent de tentatives consistant à négocier la séparation entre groupes armés et groupes terroristes, tel le Front al-Nosra, contre la sortie des alliés de la Syrie ; ce qui, comme vous le savez, laisserait l’Armée syrienne seule sur le terrain. Que veulent-ils dire et quel est, actuellement, le rôle de la Russie ?
Bachar al-Jaafari : Nous ne faisons pas de commentaires sur de telles informations. Nous sommes un État responsable qui évalue la situation à partir des déclarations officielles de telle ou telle capitale, de telle ou telle partie. Par conséquent, permettez-moi de ne pas les commenter. Ceci dit et globalement parlant, cette réunion d’Astana s’est tenue dans un but précis : consolider l’accord de cessation des combats et trouver ensemble les mécanismes nécessaires à cet effet. Tel est le but. La réunion d’Astana n’est pas un bazar pour troquer, acheter ou vendre. Des États importants se sont réunis et sont arrivés à une Déclaration finale, lue par le ministre du Kazakhstan. Je crois que cette image, colportée par certains, est exagérée ou trop simplifiée.
Question 3 [Vitaly Varounine de Saint-Petersbourg ; Canal 5] : Que ressentiez-vous face à ces représentants de l’opposition armée syrienne ?
Bachar al-Jaafari : Ce fut douloureux de nous asseoir, dans la même pièce, face à des Syriens associés à des agendas étrangers, travaillant pour des puissances étrangères, certains d’entre eux s’étant engagés dans des groupes terroristes. Ce n’est pas la première fois. Ce fut le cas lors des première et deuxième consultations à Moscou, ainsi qu’aux réunions de Genève. Mais quoi que cela nous coûte, nous le referons dans le cadre des prochaines rencontres, prévues et programmées, afin de sauver notre État et notre peuple. Nous ferons tout pour arrêter la guerre terroriste menée contre les Syriens, quel qu’en soit le prix.
Question 4 [Assaf Aboud ; BBC] : La Déclaration finale parle d’un mécanisme trilatéral de surveillance de la cessation des combats. Étant donné que votre délégation comportait des officiers des forces gouvernementales, les modalités de ce mécanisme ont-elles été discutées ? Un agenda a-t-il été fixé ?
Bachar al-Jaafari : La clause correspondant à votre question dit et je cite en anglais : « The Russian, Iranian and Turkish sides have decided to establish a trilateral mechanism to observe and ensure full compliance with the ceasefire, prevent any provocations and determine all modalities of the ceasefire » [Les parties russe, iranienne et turque ont décidé d’établir un mécanisme trilatéral pour observer et assurer le plein respect du cessez-le-feu, prévenir toute provocation et déterminer toutes les modalités du cessez-le-feu]. Par conséquent, ces modalités seront étudiées prochainement en concertation avec le gouvernement syrien.
Question 5 [Agence Reuters] : Premièrement, est-il possible que cette réunion mène directement aux négociations de Genève ou bien faudra-il une deuxième rencontre ? Deuxièmement, les participants de l’opposition ayant exprimé leur refus et leur colère quant au rôle iranien, qu’en diriez-vous ?
Bachar al-Jaafari : Lorsque vous traitez d’affaires politiques, vous ne devez pas tenir compte de vos émotions mais garder votre sang froid et faire de votre mieux conformément aux intérêts nationaux. Ici, la question n’est pas de savoir qui est heureux ou en colère, mais du fait que nous avons abouti à un « document de négociation », qui est cette Déclaration finale sur laquelle tous se sont mis d’accord. C’est cela l’essentiel et c’est de cela que nous devons nous occuper avant tout.
Ceux qui disent qu’ils ne sont pas heureux du rôle négatif de telle ou telle partie cherchent à geler la situation. L’Iran, comme la Russie et la Turquie, est garant de ces négociations et a joué un rôle positif pour qu’elles aboutissent à la formulation finale, exprimée dans une déclaration tripartite. Je n’ai pas entendu ces critiques et il est pitoyable que certains membres de la délégation de l’opposition armée, ou des groupes terroristes, puissent critiquer l’une des trois parties ayant travaillé à ce résultat, alors qu’ils ont accepté l’accord tripartite signé le 29 décembre 2016.
De notre côté, nous pourrions dire que le rôle de la Turquie est négatif ; ce qu’il est. Mais nous ne le disons pas parce que nous sommes des diplomates conscients de nos responsabilités et que nous représentons un gouvernement légitime et responsable. Et si nous n’agissons pas comme ils le font, c’est parce qu’en matière de politique, vous devez traiter avec vos adversaires pour sauver votre pays et votre peuple. Ce à quoi nous nous employons ici et maintenant.
En ce qui concerne les pourparlers de Genève, je répète que le but de cette réunion d’Astana est la consolidation du cessez-le feu en Syrie. Elle fait partie de l’opération Genève, mais c’est une opération différente. Elle pourrait la faciliter, ce qui nous conviendrait.
Question 6 [Dima Nassif ; Al-Mayadeen] : Concernant le Front al-Nosra, quelle sorte de coordination a été prévue entre l’Armée syrienne et les factions armées ayant signé l’accord tripartite ? Devrons-nous attendre longtemps des éclaircissements sur les mécanismes de soutien au cessez-le-feu ? Quel prix politique devra payer Damas contre l’intégration de ces factions armées au sein d’un front plus large, pour combattre leurs alliés d’hier ?
Bachar al-Jaafari : La déclaration conjointe des États garants répond à votre question. Premièrement, cette Déclaration finale oblige les factions armées qui ont participé à la réunion d’Astana et ont accepté l’accord tripartite. Le garant de ces factions étant la Turquie pour la bonne raison qu’elle les parraine, la question concernant la coordination avec l’Armée syrienne est à poser au gouvernement turc.
Quand à votre question sur le mécanisme trilatéral de soutien à la cessation des hostilités, nous avons convenu qu’il sera limité dans le temps, le gouvernement syrien estimant qu’il ne devra pas dépasser une année. Délai pendant lequel les mesures techniques seront décidées par les experts militaires des participants à la réunion d’Astana.
Il n’y a pas de prix politique à payer. S’il y en avait un, ce serait le succès de ce qui a été déclaré suite à cette réunion. Un succès dont nous serions heureux, car tout ce qui peut être utile pour arrêter cette guerre terroriste, injuste et folle, contre notre peuple est bienvenu dans le cadre de la poursuite de notre combat contre le terrorisme de Daesh, du Front al-Nosra et des groupes associés.
Question 7  [Ramez al-Kadi ; Al-Jadid] : Il est vrai que ce n’est pas la première fois que vous vous asseyez avec des opposants, mais c’est la première fois que vous vous asseyez avec les factions terroristes. Est-ce que cela signifie que, désormais, le gouvernement syrien cessera de qualifier ces factions d’organisations terroristes ?
Bachar al-Jaafari : Ces groupes terroristes armés ont décidé de se joindre à un processus précis, mettant fin à leurs pratiques terroristes, les intégrant dans une nouvelle opération intitulée « Accord de cessation des hostilités garanti par la Russie, l’Iran et la Turquie ». Ce qui signifie que, suite à la libération d’Alep et aux importantes victoires militaires de l’Armée syrienne sur tous les fronts, ces groupes terroristes ont acquis la conviction qu’ils n’ont aucun avantage à poursuivre leurs pratiques terroristes pour atteindre des objectifs politiques. Ils ont donc choisi de rejoindre l’opération d’Astana. Par ce choix, ils rejetteraient la violence et le terrorisme. C’est pourquoi nous avons accepté de nous asseoir avec eux.
Intervention du journaliste : Qu’en serait-il si le Front al-Nosra décidait de rejoindre le processus politique ? 
Daech et le Front al-Nosra sont deux organisations classées terroristes par le Conseil de sécurité. Là-dessus, il y a consensus dans la Déclaration finale d’Astana, comme dans toutes les Résolutions du Conseil de sécurité en rapport avec la lutte contre le terrorisme.
Intervention du journaliste : Est-il vrai que vous avez exigé la fermeture de la frontière avec la Turquie et que la Déclaration finale n’en a pas tenu compte ?
Bachar al-Jaafari : Nous exigeons la fermeture de la frontière avec la Turquie depuis six ans et non seulement depuis cette réunion d’Astana.
Question 8 [Imad Sara ; Télévision arabe syrienne] : Quelles sont les régions concernées par l’accord de cessation des combats ? S’étendront-elles à Wadi Barada et, par conséquent, mettront-elles fin aux coupures d’eau à Damas ? S’étendront-elles à Deir ez-Zor et d’autres régions ?
Bachar al-Jaafari : Concernant Wadi Barada, les neuf villes ou villages qui s’y trouvent ont été complètement libérés, reste le seul problème d’Aïn al-Fijeh, ville où jaillit la source principale alimentant en eau potable Damas, qui compte aujourd’hui sept millions d’habitants. Le groupe terroriste sévissant dans cette ville, usant de l’eau comme arme de pression sur la population et le gouvernement, est le Front al-Nosra. C’est pourquoi les opérations militaires se poursuivent contre le Front al-Nosra à Aïn al-Fijeh.
Quant à l’identification des régions concernées par l’accord de cessation des hostilités, elle revient aux experts militaires qui en établiront la cartographie prochainement, après échange d’informations entre les garants et l’Armée arabe syrienne, afin de localiser avec précision Daech, le Front al-Nosra et les groupes qui leur sont liés, et les combattre.
Question 9 [Jaafar Ahmad ; Télévision syrienne] : La Déclaration commune finale de la réunion d’Astana a affirmé son attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne en tant qu’État multiethnique, multi-religieux, non confessionnel et démocratique. Pourquoi n’est-il pas fait mention de son caractère laïc ?  Existerait-il un doute à ce sujet ? D’autre part, il est question du retour à Genève le 8 février. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Bachar al-Jaafari : La suppression de la référence au caractère laïc de la Syrie a été faite à la demande de la délégation turque et des groupes armés participant à la réunion d’Astana. C’est curieux et étrange qu’un gouvernement qui prétend que la Turquie est un État laïc, se prononce contre ce terme quand il s’agit des options du peuple syrien pour la Syrie. En soi, cela témoigne de la grande contradiction entre les paroles et les actes du côté turc.
Nous avons insisté pour que la laïcité fasse partie des caractéristiques du futur État syrien sur lequel les Syriens devront s’entendre. Nos amis iraniens et russes l’ont admis, mais la délégation turque et la délégation des groupes armés l’ont refusé, alors que la Turquie a assisté à la réunion de Vienne 2, laquelle a intégré ce terme dans sa déclaration finale. La Turquie est d’accord à Vienne, mais vient de se contredire à Astana.
Question 10 [Firas Mardini, canal Sama, Al-Fadaiya] : Avez-vous signé la Déclaration finale ou bien a-t-elle été signée par les États garants seulement ? Quant à Genève, la délégation de l’opposition armée rejoindra-t-elle les délégués des autres plates-formes de l’opposition, ou seuls les participants à la conférence d’Astana se retrouveront à Genève ?
Bachar al-Jaafari : Avons-nous signé le communiqué ? Non, parce qu’il exprime l’engagement des trois États garants. Évidemment, nous avons été consultés en permanence et mis au courant à toutes les étapes de son élaboration. Il n’est donc pas publié au nom de tous ceux qui ont participé à cette conférence, mais au nom des trois États garants de la cessation des hostilités. Quant à Genève, c’est l’Envoyé spécial, M. de Mistura, qui doit mener les consultations afin de décider quels seront les participants.
Intervention du journaliste : À quelle date ?
Bachar al-Jaafari : Nous ne le savons pas. La date sera fixée par les canaux diplomatiques.
Question 11 [Mohammad Khorchali, Canal Kurdistan] : Les Kurdes de Syrie ont joué un rôle important dans la lutte contre Daech. Qu’en pensez-vous ? Quel sera leur sort dans la Syrie à l’avenir ?
Bachar al-Jaafari : Je suis heureux que vous ayez parlé des Kurdes en tant que Syriens. Disant cela, vous avez répondu partiellement à votre question. Pour nous, que nous parlions d’Arabes, de Chaldéens, de Kurdes ou de toute autre composante du peuple syrien, ce sont tous des Syriens, sans aucune distinction. Nous sommes fiers de nos frères kurdes syriens, comme nous serions fiers de nous-mêmes, parce que les Kurdes de Syrie ont joué un rôle important dans notre Histoire et non seulement dans la lutte contre Daech.
Nous vivons ensemble depuis des milliers d’années et nous ne cherchons pas à tester la fidélité des uns et des autres, parce que nous sommes fidèles. Il se trouve que certains qui n’ont pas foi en la Syrie, mais en d’autres agendas planifiés par des forces étrangères, ont choisi une autre voie. Ici, une remarque s’impose : il y a aussi des Arabes syriens qui travaillent contre leur propre pays. Nous avons des traîtres qui rendent visite à Israël et combattent à ses côtés contre leur pays. Il ne faut donc pas généraliser en parlant de telle ou telle composante, car la plupart des Syriens sont fiers d’être syriens et c’est ainsi que nous les considérons.
Question 12 [journaliste de la BBC] : L’opposition a déclaré que l’opération Astana est terminée. Partant de là, votre gouvernement cessera-t-il ses attaques contre Wadi Barada ?
Bachar al-jaafari : Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, permettez que je rectifie votre question. Premièrement, j’ai déjà dit qu’il n’y a rien qui puisse être qualifié d’« attaque contre Wadi Barada », mais un problème à Aïn al-Fijeh où se trouve la source d’eau potable qui alimente les sept millions d’habitants de la capitale, Damas, depuis 41 jours. Je vous prie de répéter ce que je viens de dire. Depuis combien de jours ? M’avez-vous entendu ? Combien de jours ?
Journaliste de la BBC : Vous avez dit 41 jours.
Bachar al-Jaafari : Imaginez que je vous prive d’eau pendant deux jours, puis reposez-moi votre question. Quoi que dise ladite opposition armée, vous devriez vérifier une, deux, puis trois fois, avant de soutenir ses propos, parce que l’Armée syrienne libère des villes capturées par les terroristes. Telle est la vérité. Telle est la réalité. Nous ne combattons pas un pays étranger. Nous ne lançons pas une guerre contre nos voisins. Nous combattons des terroristes sévissant à l’intérieur de nos frontières et sur notre territoire, afin de protéger notre population. Il ne s’agit donc pas de « la chute » d’une ville ou d’un village aux mains de l’Armée syrienne, mais de « la libération » de la source d’eau potable alimentant sept millions d’habitants privés de cette eau depuis 41 jours ! Tant qu’il en sera ainsi, l’Armée syrienne poursuivra ses opérations.
Question 13 [identité de l’intervenant inaudible] : Lors d’un congrès à Genève, je vous ai interrogé sur les exigences des Kurdes syriens. Vous m’aviez répondu que ceux qui songent au fédéralisme ou à la partition de la Syrie prennent du Panadol. Or les Kurdes, avec d’autres composantes, ont annoncé la fédéralisation, notamment au Nord de la Syrie. Quel est votre avis à ce propos ?
Bachar al-Jaafari : Il existe un médicament encore plus efficace que le Panadol et c’est l’advil. Quel que soit le régime qui pourrait être adopté par la Syrie, la décision revient au peuple syrien, lui-même, et non à l’une de ses composantes qui en déciderait de manière unilatérale. Celui qui a des idées sur le sujet n’a qu’à les soumettre démocratiquement au Parlement syrien, aussi folles soient-elles, telle celle du fédéralisme ; une idée folle qui ne se réalisera pas en Syrie. Il n’empêche qu’un parti ou un autre peut soumettre n’importe quelle idée de manière démocratique. Au cas où elle obtiendrait l’unanimité, nous pourrons en reparler. 
Mais qu’un groupe de personnes parle de créer un petit État désigné comme « fédéral » et de diviser le pays au profit d’agendas étrangers, c’est un discours en tout point inacceptable, d’autant plus qu’il ne correspond pas à celui de tous les Syriens kurdes. Très nombreux sont les Syriens kurdes patriotes, par excellence, et contre le fédéralisme.
Merci Mesdames et Messieurs.

Dr Bachar al-Jaafari, Délégué permanent de la Syrie auprès des Nations Unies
Titre original : « Syrie : Les non-dits de la Déclaration finale d’Astana ».
Source : https://www.algerie1.com/ 24/01/2017
httperie1.com/  28 Janvier 2017

Transcription et traduction par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca
Avec l’espoir, mêlé de certitude, que les violences perfides cachées sous la signature du gouvernement turc et de ses factions terroristes seront contrées, le moment venu, par la volonté farouche du peuple syrien de ne pas céder à leur odieux sectarisme en affirmant que la Syrie est, et restera, un pays laïc.

Source : Vidéos / Al-Fadaiya (Syrie)

lundi 30 janvier 2017

LA CRISE DU FPI VUE DE L'INTÉRIEUR (SUITE)

Aux militants du FPI et aux Ivoiriens, la vérité sur le fameux courrier de Laurent Gbagbo s’impose, par Louis Séverin Anouma

Le Président Laurent Gbagbo est en détention au centre pénitencier de Scheveningen. En tant que prisonnier, il subit des contraintes liées à sa condition ; il a des droits et des devoirs. C’est pourquoi les révélations sur ses conditions de détention interpellent et apportent des éclaircissements sur la crise du FPI, notamment sur le courrier en date du 25 Novembre 2014 attribué au Président Laurent Gbagbo.
Deux éléments fondent notre réflexion. L’un est un entretien audio entre un journaliste ivoirien et le porte-parole de la Cpi, Monsieur Fadi El Abdallah, et l’autre un courrier de Demba Traoré, militant FPI, relatant les astreintes de tout visiteur de Laurent Gbagbo.

1. Sur les possibilités de communiquer avec l’extérieur
Lors de l’émission « Au cœur du débat » de la diaspolitik du 17 décembre 2014 consacrée aux droits et devoirs d’un prisonnier de la Cour pénale Internationale, le journaliste ivoirien Matt Bouabré questionne Monsieur El Abdallah sur la possibilité de Monsieur Laurent Gbagbo de communiquer téléphoniquement avec l’extérieur.
Le porte-parole répond sans ambages qu’il est impossible de joindre le détenu de l’extérieur. Par contre, il revient au détenu de soumettre au greffier une demande de contacts téléphoniques qui, après vérification de la nature des liens entre les personnes concernées, sera approuvée ou non.
Ainsi la question récurrente de certains militants Pourquoi Affi N’Guessan ne téléphone-t-il pas à Laurent Gbagbo pour savoir s’il est ou non candidat ? vient d’avoir sa réponse : le contact téléphonique entre les deux ne peut s’établir qu’à la demande du célèbre prisonnier. Pourquoi ne le fait-il pas ?

2. Sur les conditions d’accès à Laurent Gbagbo
L’extrait de la révélation de Demba Traoré, paru au journal Le Temps N° 3394 du 20/01/2015, décrit un aspect de l’environnement carcéral de Laurent Gbagbo. Ce visiteur régulier de cette prison trouve les mots appropriés pour faire comprendre les conditions drastiques d’accès à notre cher président.
« 7 janvier 2015, période de présentation de vœux traditionnels du Nouvel An. Parti de Paris et après avoir parcouru 500km, je me retrouve devant le centre pénitencier de Scheveningen situé à 32 Pompstationsweg. Une bâtisse intimidante. Après le contrôle d'identité, une première porte blindée s'ouvre pour donner accès aux casiers de rangement. Ici on laisse tout objet électronique et autres objets non autorisés. C'est aussi dans cette salle que l'on subit le même traitement que dans les aéroports les plus sécurisés du monde. Tout est passé au peigne fin, pas de chaussures, pas de ceinture, tant pis si votre pantalon flotte, Les dames avec du fer dans les soutiens gorge, subiront une fouille corporelle dans une salle à côté.
Lorsque vous passez le détecteur de métal ultra précis et vos affaires passées au scanneur, vous poussez un ouf de soulagement. Une autre porte s'ouvre et, sous surveillance vidéo, vous prenez place dans une salle d'attente froide à tout moment de l'année. De là vous ne pouvez sortir que si l'on vous autorise ou si un garde bien bâti vient vous chercher. De cette salle d'attente, escorté par un garde, vous passerez à travers deux autres portes blindées l'une après authentification de votre escorte grâce à son badge, l'autre après activation à distance, comme pour vous prévenir que même l'escorte ne contrôle pas tous les accès. Dans un froid glacial, vous êtes contraint de faire une centaine de pas pour vous retrouver devant une autre forteresse dont le mur fait environ un immeuble de deux étages.
Une autre porte blindée s'ouvre. Après une dizaine de pas, vous vous retrouvez devant un deuxième poste de contrôle plus rigoureux que le premier, alors que vous avez tout laissé dans les casiers, êtes passé par un détecteur de métal et un scanneur, avez été escorté sous surveillance vidéo tout le long du chemin ! Ici encore votre identité est vérifiée, et vous reprenez à zéro le contrôle (détecteur de métaux, sans ceinture et chaussures, scanneur). Une autre porte blindée s'ouvre et vous êtes enfin dans le bâtiment qui abrite les détenus. C'est vraiment à ce moment-là qu'il faut dire ouf ! L'escorte vous installe dans une salle de 10m2 sous surveillance vidéo et va chercher votre hôte. Au total c'est une dizaine de portes blindées, deux détecteurs de métaux et deux scanneurs que vous traversez sous escorte et sous surveillance vidéo avant de vous asseoir dans cette salle. Tout ce parcours fait d'humiliation imposée pour rendre visite à un innocent !
Si votre rendez-vous est à midi, l'illustre hôte descendra du 3ème étage muni d'un plateau de nourriture préparé par lui ou par un codétenu, mais porté par lui-même, afin que vous partagiez le déjeuner. Si vous le voyez porter son colis, votre réflexe sera de vouloir l'en décharger, mais vous serez rappelé à l'ordre car il doit porter lui-même son colis, tout comme faire son lit, et laver son linge !
Mes visites durent généralement 4 heures, mais celle de ce 7 janvier 2015 n'a duré que 2 heures, j'étais là pour lui présenter mes vœux après avoir passé mon anniversaire avec lui à quelques jours de Noel et y être passé la veille du nouvel an. En deux ans et demi, c'était la 21e visite. J’avais promis de ne plus les compter mais la tentation est forte car j'ai toujours souhaité ne pas avoir à revenir dans cet enfer froid, donc j’ai espéré que chaque visite fût la dernière. Le but de ma première visite de l'année 2015 était de formuler un vœu : « M. le Président, que cette année 2015 soit l'année où vous recouvrirez la liberté ». Cela se réalisera Inch Allah.
Avec le Président Gbagbo, on ne s'ennuie pas, le temps passe vite, trop vite d'ailleurs, la causerie se fait autour de tasses de café, de chocolat chaud et de cannettes de sucrerie payées dans un distributeur automatique. Comme d'habitude, moi, je suis au Coca Light à défaut de Coca Zéro et lui à l'Aquarius, une limonade locale. Toujours, un garde vous sortira de votre conversation pour vous rappeler que vous n'êtes pas au palais, encore moins en train de faire les cents pas dans les jardins de la résidence des hôtes à Yamoussoukro, ou de faire une pause Aloco à l'Hôtel Président dans la suite présidentielle, mais plutôt dans un centre de détention et que l'heure de la séparation est arrivée. A ce moment-là, le plus dur commence pour beaucoup, car comment s'empêcher d'avoir des larmes aux yeux quand, sous vos yeux, le Chef est à nouveau escorté tenant en main son plateau de plats vides. Pire, vous avez sali des assiettes qu'il reviendra à Laurent Gbagbo de laver dans la cellule ! De quoi vous faire vomir ce que vous venez de savourer…
Fatou ! Est-il utile d'imposer un tel traitement à un chef d'Etat, un père de famille, qui, à ce jour, n'est coupable de rien devant les siens ? N'est-on pas innocent jusqu'à ce qu'il soit prouvé qu'on est coupable ? Jusqu'à ce qu'il soit prouvé que Laurent Gbagbo est coupable, est-ce trop demander qu'il soit mieux traité, à défaut de le mettre en liberté provisoire ? ».
Les conditions d’accès à Laurent Gbagbo, telles que décrites, illustrent ses difficultés à rédiger un courrier et encore moins signer un document sans que les autorités du Centre de détention ne le visent. En effet, tout visiteur accède en sa présence sans feuille ni stylo et la rencontre au parloir se déroule sous le regard vigilant d’un garde.
Et même si la Cour accorde une attention spéciale aux visites de la famille et aux visites du conjoint ou du partenaire de la personne détenue, la première visite de Nady Bamba et de son fils Koudou Ismaël, le 25 septembre 2011, s’effectue dans les mêmes conditions et en présence de Me Altit. C’est également en compagnie de Me Habiba Touré que KKB rencontre le Président Laurent Gbagbo le 24 octobre 2014. Les apartés sont donc proscrits.
De plus, le visiteur doit parler dans une langue que le surveillant peut comprendre donc soit français ou anglais.
En ce qui concerne la correspondance du détenu, pour des raisons de sécurité, tout courrier expédié et reçu est contrôlé par le Greffe. Et tout courrier affranchi portant obligatoirement le nom de l’expéditeur est mentionné dans les registres du Greffe. Demeure réservé le droit du détenu de correspondre librement avec son avocat.

3. Le devoir de vérité
De ce qui précède, un courrier a-t-il pu sortir du centre pénitencier en dehors de la procédure susmentionnée ?
Répondre par l’affirmative aurait certainement des conséquences sur le dossier du président Laurent Gbagbo. Son avocat, Me Altit, dont la stratégie de défense repose essentiellement sur la probité de son client, aura du mal à justifier ce contournement des règles ; tandis que Bensouda disposera d’un argument supplémentaire prouvant la prédisposition de l’accusé à enfreindre ou biaiser tout règlement et, in extenso, toute loi.
C’est fort de ces conditions strictes qu’il revenait au Président Gbagbo de suivre la voie officielle, qui ne souffrirait d’aucune ambiguïté, s’il avait l’intention de briguer la présidence du FPI. Ainsi une cohérence entre ses dires et le courrier entrainerait un consensus au niveau du parti et mettrait fin à toute supputation.
Convaincu de la fourberie qui entoure ce courrier, il revient à ses commanditaires de faire amende honorable et reconnaître leur forfaiture. Sinon il faudra bien qu’une demande officielle soit faite au centre pénitencier de Scheveningen afin de tirer au clair cette affaire et envisager, si besoin est, des poursuites pour faux.
Car il s’agit ni plus ni moins d’un abus. Or abuser les militants en leur faisant croire que Laurent Gbagbo est candidat ou qu’il a donné son accord à la proposition de 4 fédéraux, ne peut, au nom de la morale et de l’éthique politique, rester impuni.
Qui a donc désigné Assoa Adou en qualité de Directeur de campagne de Laurent Gbagbo ? S’est-il autoproclamé ? Quel est le rôle exact de Me Tapi, avocat au barreau de Bruxelles, non membre du collectif des avocats de Laurent Gbagbo et non accrédité à la CPI ? Comment a-t-il donc pu avoir accès à Laurent Gbagbo ? Toute cette cabale est-elle le fait de Madame Nadiani Bamba ? A-t-elle agi sans l’assentiment de Laurent Gbagbo ?
La politique est une question de crédibilité. Crédibilité de la personne politique et certainement des moyens qu’elle utilise pour arriver à ses fins. Il importe donc de savoir jusqu’où ceux qui se réclament de la candidature de Laurent Gbagbo sont impliqués dans cette intoxication ?
Laurent Gbagbo nous coûte cher. Son nom ne saurait donc être associé à du faux. Par conséquent le devoir de vérité s’impose.
Pour l’histoire, que prospère donc la plainte pour faux et usage de faux afin que les mains obscures soient dévoilées.

Louis Sévérin Anouma 


EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».


Source : Page Facebook de L. S. Anouma 30 janvier 2017

dimanche 29 janvier 2017

FRAGILE CÔTE D'IVOIRE


« Un pays profondément divisé, qui ne tient que par un appui militaire [français] renforcé et une débauche d'aide financière sans grand contrôle ».

Michel Galy
Plus de cinq ans après l'intervention franco-onusienne en Côte d'ivoire (avril 2011), la mutinerie militaire vient rappeler à quel point le pays est divisé et fragile. Coup d’État, mouvement corporatiste, mutinerie ? Un peu de tout cela à la fois, à ceci près que comme des récentes émeutes de Bouaké – à caractère plus civil et plus social (mouvement contre la cherté de la vie, notamment la hausse exponentielle des factures d’électricité) –, tout se passe à l’intérieur du camp Ouattara, l'actuel chef de l’État.
Les mutins, qui ont pris sans coup férir et sans mort d'hommes les principales villes du pays, y compris une partie d'Abidjan, réclament beaucoup, sans doute pour avoir moins : une villa et une « prime Ecomog » de 5 millions de francs CFA pour chaque soldat, soit en tout 45 milliards de francs CFA... pour le moment ! Et quelques avantages annexes : des loyers gratuits, un grade d'adjudant pour tous... Cette armée mexicaine est en principe dirigée par les ex « com-zones » de la rébellion pro-Ouattara, souvent analphabètes et toujours plus intéressés par les prébendes et les trafics (à tel point que jusqu'ici la partie nord du pays est rackettée par eux et non soumise à l'autorité de l'Etat) que par le bien-être de leur soldatesque.
Le secret de polichinelle sécuritaire est hélas bien connu : la Côte d’Ivoire n'a plus d’armée. Ceux qui ont été formés (les ex-FDS de l'armée officielle jusqu'en 2011) sont désarmés, ainsi d’ailleurs que les policiers et les gendarmes, dont le régime se méfie, en fonction de leur fidélité supposée au président Laurent Gbagbo (aujourd’hui incarcéré à La Haye, et se défendant dans un interminable et controversé procès à la CPI).
On l'a bien vu pendant la mutinerie de Bouaké : à la fois dans l'expression et dans les pratiques, les anciens rebelles sont bien issus du lumpen proletariat à la fois urbain, du Nord ivoirien et des pays sahéliens, en particulier du Burkina. Cette « mouvance mandingue » vient à la fois des déshérités urbains de la capitale, des sans terre du Nord, de jeunes aventureux sahéliens, parfois de délinquants ou marginaux de la sous-région : rien ne les incite, de par leurs itinéraires chaotiques, une fois les coups de feu interrompus, à former une armée régulière et disciplinée.
L’intervention militaire française, en 2011, a été facilitée par un consensus mou, en France, entre une droite interventionniste et une gauche mollétiste se reflétant dans de nombreux médias « embarqués », comme disait Daniel Schneidermann dès 2004, dans un soutien à nos armes sans grand recul critique, et sans remise en cause rétrospective, comme cela a été le cas sur d'autres champs de bataille, comme l'Irak ou la Libye.
Or les différentes « élections », aussi partielles que partiales, auraient dû alerter de longue date sur la fragilité d'un régime, d'un pays profondément divisé, qui ne tient que par un appui militaire renforcé et une débauche d'aide financière sans grand contrôle. « Gbagbo kafissa ! » disent ainsi spontanément les vendeuses d'Adjamé, quartier d'Abidjan pro Ouattara : « c'était mieux » sous le régime précédent, tellement le petit peuple s'est appauvri. Car quelle autre explication qu'une corruption massive de la Famille et des affidés, entre une croissance à deux chiffres basée sur l'appui extérieur ou un endettement faramineux, et le niveau de vie dégradé des populations dont les mutins, ex rebelles, ne sont au fond qu'un exemple militaire ?
« Qui t'a fait Roi ? » demandent explicitement les mutins ? Les 8500 ex-rebelles ne sont qu'une partie émergée des 12500 combattants, dont des chômeurs et des démobilisés précités qui, partis du Burkina et du Nord de la Côte d'Ivoire, ont porté le « pouvoir dyoula » (Malinkés de Ouattara qui, en guise de « rattrapage ethnique » (sic), trustent l'appareil d'Etat, accessoirement Sénoufo de son chef de guerre, Guillaume Soro). Ils ont été 20000 à demander les primes de démobilisation, et non formés, quelque part extérieurs à la nation ivoirienne, ils attendent du pouvoir actuel le bénéfice de l'insurrection : leur solde, en tous sens, de leur mercenariat.
Mais d’autres éléments permettent à l'observateur impartial de déconstruire aisément l'image d'« éléphant d'Afrique » d'une Côte d'Ivoire pacifiée et en pleine croissance, qu'entretient à grands frais le régime, via de grandes agences de communication africaines et françaises, comme la fameuse « Image7 » à Paris.
Que font les 300 prisonniers politiques dans ce tableau à la Potemkine, pourrissant à petit feu, depuis plus de 5 ans sans jugement ? Amnesty international a aussi dénombré 200 « disparus », dont on se doute qu'ils ne réapparaîtront pas vivants de l'enfer des geôles et camps du régime... D'anciens ministres comme Assoa Adou ou le professeur de droit Hubert Oulaye subissent un emprisonnement sans cause, prisonniers politiques dans une situation indigne de leur condition et de leur âge. Rappelons que le fils de l'ancien président, Michel Gbagbo, né à Lyon et de nationalité française se voit interdire de revenir sur le territoire national, sans que l'ambassade à Abidjan ou le gouvernement depuis Paris fassent grand-chose pour le défendre...
Dans l’intérêt même du régime, ces graves atteintes aux droits de l'Homme auraient dû être réglées depuis longtemps. C'est cette conduite de rancœur – voire de vengeance ad hominem qui surprend certains diplomates français qui n'hésitent pas à user de la métaphore de la « marionnette qui a échappé à son créateur » – et qui sans plus de contrôle, mène le pays à l'abîme...
Qui peut prétendre encore voir M. Affi N'Guesssan, même s'il a récupéré le sigle FPI grâce au pouvoir actuel comme « chef de l'opposition de Sa Majesté » ? Tous les observateurs ont vu l'ancien président du FPI et ancien premier ministre de Gbagbo se rallier au régime, « retourné » lors de la visite de François Hollande en juillet 2014... mais laissant derrière lui l'essentiel des cadres et des électeurs d'un FPI retourné à une existence semi officielle ; réalisant à peine 9% des 15% d’électeurs s'étant déplacés aux dernières élections, « M. 1% », ainsi qu'il a été cruellement brocardé ne représente en rien opposition et encore moins le « Front populaire ivoirien » !
Et qui peut d'ailleurs parler d'élections libres et de légitimité constitutionnelle ? Que ce soit au moment des présidentielles ou des législatives récentes, le taux d'abstention a tourné en réalité, au-delà des palinodies d'une CEI (qui est tout sauf « indépendante »), entre 80 et 85%... Ouattara et son parti, le RDR, pourrait espérer maîtriser, en fonction de la composition socio-ethnique du pays, environ un tiers de l'électorat, virtuellement plus en s'appuyant sur le PDCI de son allié, Henri Konan Bédié.
La réalité est tout autre : traumatisés par la guerre civile de 2011, nombre d'électeurs se réfugient dans une prudente abstention ; d'autres sont des « déçus du ouattarisme » : dans son électorat « dyoula », les plus défavorisés subissent de plein fouet le renchérissement de la vie, qui expliquent les émeutes civiles de Bouaké (juillet 2016), fief de la rébellion.
Mais beaucoup plus suivent les consignes d'abstention du FPI « canal historique » qui a élu (2015) Laurent Gbagbo président in abstentia et qui est dirigé au quotidien par le fidèle des fidèles, Aboudramane Sangaré : on peut considérer que ce parti mobilise aujourd'hui bien plus de la majorité des citoyens, peut être en cas d'élections libres et de par ses alliances politiques, près des deux tiers. Pourtant ce puissant parti d'opposition politique semble parfois déconnecté des luttes sociales et bien plus des revendications miliciennes ou militaires, d'autant que les unes et les autres touchent davantage l'électorat naturel de M. Ouattara et que la répression des militants et de la presse est impitoyable.
Ainsi faute d’alternance possible par la voie des urnes, la rivalité sous-jacente entre Ouattara et Soro mène-t-elle le pays vers des rives dangereuses, rappelant la mutinerie anti Bédié de décembre 1999 qui a porté le général Guéi au pouvoir, puis à sa triste fin. Que le régime paie à prix d'or le « prix du sang » (15000 Ivoiriens civils tués au bas mot par les forces pro-Ouattara selon les fuites de la commission Dialogue, vérité et réconciliation), les mutins qui l'ont menée au pouvoir – alors les démobilisés – et les autres « corps habillés », les fonctionnaires récemment en grève et les nordistes appauvris voudront aussi leur part de gâteau...
Mais peut être va-ton vers une sorte de « nuit des longs couteaux », un règlement de comptes internes écartant les contestataires pro-Soro, violences où le corps expéditionnaire français aurait une position délicate, mais sans doute militairement décisive ?
Pendant les quatre mois de fin de présidence française, une sorte de « fenêtre » de transition s'est ouverte : mais si on voit mal Hollande faire tirer sur les mutins ou civils, on sait bien que sans le soutien perinde ad cadaver des fameuses « Forces françaises de Côte d’Ivoire » (FFCI, sic !), le régime Ouattara ne tiendrait pas longtemps ; la capitale et le sud lui étant majoritairement hostile.
Le pays est bien encore cette « poudrière » latente, comme pendant la décennie précédente. Ainsi le problème des 30% d'étrangers et de leur droit aux terres ou au vote est loin d'être réglé et toujours explosif. Seules les apparences sont sauves : celles d'un régime « as if »..., « comme si », diraient les psychologues. Un « Simulacre » de pouvoir, pour les disciples de Baudrillard qui ne tient que par la force militaire, aujourd’hui bien divisée, et par la violence symbolique de la Françafrique s'exerçant notamment par des illusions médiatiques savamment entretenues.
Certes, pour reprendre une terminologie fonctionnaliste et modérée, il y a bien d’autres « Etats fragiles » en Afrique subsaharienne... Pour autant, la fragile Côte d'Ivoire pourrait dramatiquement se révéler un archétype d'« Etat fantoche », au risque de ses soutiens extérieurs.

Michel Galy

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Source : Mediapart 28 Janvier 2017

mercredi 25 janvier 2017

VENANCE KONAN AUX IVOIRIENS QUI REVENDIQUENT LEURS DROITS : « HÉ, VOUS TOUS-LÀ, SILENCE HEIN, ON DÉVELOPPE ! »*

Venance Konan dans son rôle de griot de luxe,
pas toujours réellement bien inspiré...
Bien sûr qu’ils en rêvent ! Qui n’en rêverait pas dans une situation pareille ? Ils rêvent donc de ce grand jour où le pouvoir tomberait comme un fruit mûr, sous les coups de boutoir des soldats mutinés, des fonctionnaires en colère, et peut-être bientôt de toute la population qui se joindrait à eux.
Sous les tropiques, tous les opposants qui n’ont pas pu avoir les faveurs des électeurs lors des scrutins rêvent toujours de ce mouvement qui emporterait les tenants du pouvoir, lequel leur tomberait tout naturellement entre les mains. Aussi sont-ils aux aguets, attendant le moindre mouvement d’humeur d’une partie de la population pour essayer de récupérer la mise. Cela a marché au Burkina Faso, où l’on a profité d’une manifestation contre la modification de la Constitution pour faire tomber le régime de Blaise Compaoré. Avant le Burkina Faso, il y eut la Tunisie de Ben Ali et l’Égypte d’Hosni Moubarak. Un peu plus loin dans l’histoire, Henri Konan Bédié tomba à la suite d’une manifestation de soldats, et au Mali, Moussa Traoré, perdit lui aussi ainsi le pouvoir.
Oui, chez nous, il y a ceux qui rêvent de transformer la grogne actuelle des fonctionnaires et de quelques éléments des forces armées en manifestation de contestation du pouvoir politique. L’on a donc réactivé la bonne vieille Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), spécialiste de l’agit-prop en milieu estudiantin, pour semer la chienlit dans les écoles, talon d’Achille de tous les pouvoirs. L’on a saturé les réseaux sociaux de fausses informations, de calomnies contre de hautes personnalités et leurs proches, et l’on tente par tous les moyens de discréditer tous ceux qui parmi les syndicalistes appellent à l’apaisement et cherchent vraiment à négocier avec les autorités.
Il est important de ne pas se tromper de combat, et surtout de ne pas se laisser utiliser par des personnes aux desseins inavoués et tapies dans l’ombre. Que les fonctionnaires manifestent pour réclamer de meilleures conditions de vie et de retraite est quelque chose de normal dans un État démocratique, tant que cela se fait dans le cadre de la loi. Cette grève n’est pas la première que l’on vit dans ce pays, et elle ne sera certainement pas la dernière.
Les activités syndicales font partie des droits des travailleurs dans tous les pays du monde et elles ont contribué à améliorer leur sort. Mais, encore une fois, il ne faut guère se tromper de combat. L’on se souvient de Blé Goudé, avouant à la télévision ivoirienne que la Fesci n’aura en réalité été que le bras armé de l’opposition dans sa lutte pour la conquête du pouvoir. Le résultat en est la mort de notre système éducatif, ce qui représente un gros handicap dans notre marche vers l’émergence.
Des propos entendus ici et là, des pancartes aperçues sur les réseaux sociaux, nous font penser que certains hommes et femmes politiques chercheraient, par tous les moyens, soit à récupérer la grogne, soit à la manipuler, s’ils n’en sont pas directement les instigateurs. Il est, dès lors, très important que les vrais syndicalistes, ceux qui ne sont animés que par la volonté d’obtenir des avantages pour les fonctionnaires, soient vigilants et ne se laissent pas déborder par les politiciens qui marchent à leurs côtés. Que l’on se souvienne des tournures prises par les évènements dans tous les pays qui sont passés par les insurrections populaires, pour comprendre qu’il s’agit d’aventures aux issues toujours décevantes. Nos révolutions sont presque toujours suivies de violentes gueules de bois. Notre pays est déjà passé par là. Pour l’heure, nous n’en sommes pas là et nous osons croire en la bonne foi des fonctionnaires qui manifestent. Que l’on arrête donc de rêver et que l’on laisse les autorités discuter sereinement avec les différents groupes sociaux qui revendiquent, afin que solution soit trouvée aux problèmes qu’ils posent et qui ne sont pas tous illégitimes, même si certains moyens utilisés le sont indubitablement.
Il est important que l’on garde en tête le chemin parcouru en cinq ans, pour éviter certains débordements. Quoique l’on en pense, ce pouvoir a réalisé en cinq ans des prouesses jamais égalées ailleurs. Les revenus des fonctionnaires et des paysans ont augmenté, et les infrastructures économiques sont en voie de réhabilitation afin d’attirer les investissements partout dans le pays. Il suffit de sortir d’Abidjan pour s’en rendre compte. Malgré nos motifs d’insatisfaction, nous sommes redevenus le poumon de la zone Uemoa et le pays leader de l’Afrique de l’Ouest. Ce que nous trouvons insuffisant fait rêver dans tous les autres pays.
Oui, certes, il existe encore de nombreux problèmes à régler, de nombreuses poches de pauvreté dans notre pays à faire disparaître, et même des inégalités criantes à combler. Ce n’est pas exonérer les autorités de leurs responsabilités que de dire que c’est le propre de tous les pays du monde, quels que soient leurs régimes et leurs richesses. Même aux États-Unis ou en Chine, il existe des poches de pauvreté insoutenables et de très grosses inégalités.
Nous devons faire en sorte que le partage soit un peu mieux équilibré dans notre pays, même si le juste équilibre est toujours difficile à trouver. Gardons-nous cependant de lâcher la proie pour l’ombre. Gardons-nous surtout de faire en sorte qu’il n’y ait plus rien à partager, en voulant tout, tout de suite.
Venance Konan

Titre original : « Éviter la récupération politicienne ».


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 Source : Fraternité Matin 25 janvier 2017

lundi 23 janvier 2017

« Certains de nos compatriotes sont encore injustement détenus en prison et d’autres vivent en exil… »

Les évêques lors de leur Assemblée plénière du 3 juin 2014
L’APPEL DES ÉVÊQUES IVOIRIENS À L’ISSUE DE LEUR 105e ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE (22 janvier 2017)

Message au peuple de Dieu et à tous les citoyens ivoiriens

Chers frères et sœurs, hommes et femmes de bonne volonté, A l’occasion de notre 105ème Assemblée plénière dans le diocèse de Katiola, nous, évêques catholiques de Côte d’Ivoire, marquons notre inquiétude devant les évènements sociaux qui secouent notre pays : mécontentements des militaires, grèves des fonctionnaires et agents de l’Etat.
En effet, force est de reconnaître qu’un malaise social persiste au sein de la population.
Des sentiments de frustration et de révolte habitent encore les cœurs de nombre d’Ivoiriens.
Les procès en cours, loin d’apaiser les esprits, suscitent des passions et des inquiétudes. Certains de nos compatriotes sont encore injustement détenus en prison et d’autres vivent en exil, loin du pays.
Beaucoup de combattants et militaires impliqués dans les crises successives qui ont secoué notre pays ne sont pas sereins, quant à leur avenir.
De nombreux jeunes qui avaient espéré une vie meilleure en s’engageant aux côtés des politiciens, expriment de plus en plus leur déception et leur amertume. Tout ce climat délétère, si nous n’y prenons garde, risque de compromettre gravement tous les acquis enregistrés, fruits de nos efforts.
C’est pourquoi nous invitons instamment toutes les composantes de la société ivoirienne à se retrouver autour d’une même table pour débattre de toutes les questions relatives à la sécurité, à la cherté de la vie, au chômage des jeunes, aux conditions de travail, à la situation salariale, etc.
A vous, nos gouvernants, nous vous remercions pour tout ce que vous faites pour le développement de notre pays, mais nous demandons qu’un effort de plus soit fait en vue de la redistribution des fruits de la croissance, d’une justice équitable et de la facilitation du retour des exilés, avec des garanties de sécurité pour tous.
Nous vous exhortons à travailler sans relâche à la paix véritable par une réconciliation sincère de tous les fils et de toutes les filles de la Côte d’Ivoire.
Vous avez certes permis la libération de prisonniers et le retour au pays de plusieurs exilés, mais nous vous encourageons à faire davantage pour parvenir à la mise en liberté de tous les détenus des crises militaro-politiques qui se sont succédées dans notre pays.
A vous, nos compatriotes, nous comprenons et nous partageons vos souffrances et vos angoisses.
En effet, depuis de nombreuses années, vous espérez légitimement pour vous-mêmes et vos progénitures, une vie meilleure et vous ne voyez rien poindre à l’horizon. D’où le front social en ébullition.
Devant cet état de fait, nous vous demandons de ne pas céder à la tentation de la violence comme moyen de revendication, mais d’accueillir le dialogue dans la justice et la vérité comme voies de règlement des problèmes sociaux et économiques.
Ainsi vous pourrez offrir à la Côte d’Ivoire, la chance d’avancer sur le chemin de la prospérité pour tous. Nous, vos pères évêques, nous nous rendons disponibles pour accompagner ce processus de dialogue et de réconciliation et le soutenir dans la prière.
A vous chers fils et filles en Christ, comme vous le savez, Dieu est le principe de toute paix et de toute réconciliation.
Nous vous recommandons d’observer avec nous trois jours de jeûne et de prière à partir du mercredi 25 janvier pour la paix sociale.
Une messe sera célébrée le dimanche 29 janvier 2017 dans toutes nos paroisses, à l’issue de ce triduum de jeûne et de prière.
Puisse la Vierge Marie, Notre Dame de la Paix, accorder la grâce de la paix à notre pays.

Fait à Katiola, le 22 janvier 2017.
Vos pères archevêques et évêques de Côte d’Ivoire.
Titre original : « Les évêques de Côte d’Ivoire appellent à "libérer tous les détenus des crises militaro-politiques" ». 

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Source : connectionivoirienne.net 23 Jan 2017