jeudi 16 octobre 2014

AU CENACLE AVEC MAMAN GADO

Elle était là, entourée de tous ses chers enfants
Tous disciples de son bien-aimé premier-né
Malgré le fardeau suranné et pénible des ans
Assise dans son siège garni d’infortunée exilée
Pour recevoir abondamment dans l’allégresse
Feue Marguerite Gado
mère de Laurent Gbagbo
L’effusion sacramentelle de leur amour filial
En cette journée bénie et pleine de tendresses
Consacrée aux mères dans un climat familial. 

Elle était là, joviale, le regard sain bien en place
Entretenu par de belles optiques transparentes
Elle était toute sereine pour cerner son espace
Avec une ouïe amusée mais que rien ne tente.
L’esprit étonnamment vif, elle saisissait les jeux
Rien nullement la surprenait, mais le sentiment
D’avoir la mesure de toute scène sous ses yeux
Lui permettait de tout transcender étrangement. 

D’elle, se dégageait le doux parfum des oints
On se sentait rassuré en sa présence apaisante
Aux lamentations, elle ne succombait point
Elle était remplie d’assurance et de joie vivante.
Émanation des sources prometteuses annoncées
Son contact, provoquait un flot de bénédictions
Comme au Cénacle, dans la chambre couronnée
Où Marie, la mère du Christ, fit éclore les dons. 

Consciente des attentes du grand peuple éburnéen
Elle parlait d’une voix à peine audible mais sûre
Elle consolait en des mots simples qui font du bien
Chapelet en mains, elle implorait d’un cœur pur
La pitié de Dieu pour le salut de tous en Éburnie.
Tout visiteur notera sans peine cette inclination
Chez elle, a s’émouvoir du sort de tous sans favoris
Dans son exil qu’elle vit comme une vraie prison. 

On l’admire comme la plus ancienne des patriotes,
Son sein a nourri celui de qui la libération viendra
Pour le bonheur de l’Afrique et de ses compatriotes.
Lorsqu’un ministre de Dieu vient à elle raviver sa foi
Elle pétille d’espérance, et sa vie, miraculeusement,
Régénère. Tout, en elle, brille d’une sublime clarté.
On ne peut la contempler sans frémir intérieurement
Car, son épreuve est vécue avec endurance et dignité. 

Bien que s’appuyant sur une canne pour marcher
Elle tient le coup, dominant, forte, le poids de l’âge
Elle vit son Cénacle avec le cœur pur des rachetés.
Lorsque le temps aura achevé de dérouler ses pages
Et qu’il aura brisé les barrières ainsi que les chaines
On espère la voir serrer sur son cœur son fils béni
Avec l’amour d’une mère animée de douceur saine
Et que la nation libérée, la célèbre et la magnifie. 

Lazare Koffi Koffi (en exil) 

BIBLIOGRAPHIE DE L. KOFFI KOFFI
La France contre la Côte d’Ivoire. Aux origines, la guerre contre le Sanwi (1843-1940), L’Harmattan, Paris, 2011
La France contre la Côte d’Ivoire. L’Affaire du Sanwi. Du malentendu politico-juridique à la tentative de sécession, L’Harmattan, Paris, 2013
Côte d’Ivoire, ma passion. Une expérience de foi en politique. L’Harmattan, Paris, 2014
Expressions de combat, L’Harmattan, Paris, 2014

mercredi 15 octobre 2014

15 octobre 1987-15 octobre 2014 : Il y a 27 ans, l’assassinat de Thomas Sankara.


LES BURKINABÈ SE SOUVIENNENT
 
T. Sankara, un révolutionnaire africain
[Mardi 14 octobre]. Pas d’affluence ce matin. Sans doute que les gens préfèrent venir le D-Day. A la veille de l’événement, l’on s’attelle plutôt aux préparatifs au cimetière de Dagnoen, lieu où reposent désormais le capitaine Thomas Sankara et ses 12 compagnons. Deux peintres s’activent surtout à rendre « nouvelles » ces différentes tombes qui survivent difficilement aux effets du temps. A côté, Barro Mamadou, étudiant en droit, venu, dit-il, apporter son aide. « Le 15 octobre, c’est un jour particulier pour moi, c’est un jour que je m’active à préparer comme les fêtes de fin d’année, mais avec moins de joie ». L’étudiant en droit affirme que Thomas a eu une influence sur son comportement de tous les jours : « L’image que j’ai gardée de Thomas Sankara, ce serait de reprendre ses propos en disant qu’il fut l’homme qui a mené une vie utile pour tous. On sent encore sa présence du fait que chaque année on se retrouve pour lui rendre hommage. Il y a certaines de ses idées que je continue d’exploiter et qui font qu’on m’apprécie : mener une vie à tous et faire prévaloir l’intérêt général en lieu et place des intérêts particuliers ». Un tour en ville et, interrogés, d’autres citoyens nous disent ce que représente la date du 15 octobre pour eux, l’image qu’ils ont de l’homme et les sentiments qui les animent 27 ans après sa mort. 
Moumouni Kafando, agent commercial : Le 15 octobre est une journée inoubliable pour moi. Cette date devrait être un jour férié. Sankara est un président qui s’est battu pour le bas peuple burkinabè et africain. On devait mieux commémorer cet anniversaire. 
M. Guira, dans le secteur informel : Pour moi la commémoration du 15 octobre ne devrait plus avoir lieu. On a connu Sankara, il est mort, c’est passé. Le reste, on cherche l’avenir du pays, faire avancer le pays. 
Grégoire, retraité : Il y a eu la révolution, après il y a eu la rectification, c’est un processus. Ça n’a pas vraiment varié depuis le 4 août 1983. Je garde de Thomas Sankara une bonne image, un homme intègre. S’il avait continué sur cette base, je crois que le pays aurait gagné en dignité. Ce qui n’est pas le cas actuellement. 
Mme Ouédraogo : Le 15 octobre nous rappelle la mort de Sankara. Les gens commémorent parce qu’ils veulent que ça aboutisse à quelque chose, à une justice. Jusqu’à présent, on n’a pas dit qui a tué Sankara. On a dit que c’est un assassinat, qu’on va faire des enquêtes, aucune enquête n’a abouti jusqu’à présent. Quand Thomas Sankara était au pouvoir, nous on était enfant et moi je n’étais même pas au Burkina. Je n’ai pas vraiment d’opinion sur lui mais je sais qu’il a travaillé. En mooré on dit que l’homme est 9, il n’est pas 10, ça veut dire qu’il n’a pas été parfait. Mais il a fait des choses aussi. Moi j’ai fait mon enfance en Côte d’Ivoire. A cause de lui, le nom du Burkina est sorti et les Burkinabè étaient respectés en son temps. Ce n’est pas comme maintenant où on ne nous respecte plus. Au temps de Sankara, le Burkinabè était respecté partout, ça je l’ai gardé même que j’étais enfant. J’étais en classe de quatrième quand Sankara était assassiné, ce jour-là, la Cote d’Ivoire était en émoi, je me rappelle bien. C’est un monsieur même s’il avait des défauts, il a eu ses qualités aussi. Il a fait évoluer le Burkina, il faut reconnaître cela. 
Serge Coulibaly, travailleur dans une société privée : Le 15 octobre est une date qui retient l’attention de beaucoup de Burkinabè, notamment ceux qui ont fréquenté, qui connaissent un peu l’histoire du Burkina. Il faut reconnaître que Thomas Sankara reste un grand homme pour le Burkina Faso. Au-delà même du Burkina, quand tu vas au Ghana, dans les autres pays de la sous-région, on retient de Thomas Sankara un homme qui a contribué au développement du Burkina Faso. 
M. Diarra, retraité : Le 15 octobre est une date que les Burkinabè ne peuvent pas oublier. Thomas Sankara était une idole pour moi et jusqu’à présent. Il incarnait la démocratie, l’intégrité, il était responsable de ce qu’il disait. Pendant la révolution, nous étions adultes. C’était quelque chose de nouveau pour les Burkinabè. Malheureusement on n’a pas eu le temps de s’adapter et il y’a eu le coup d’État en 1987. Beaucoup le regrettent aujourd’hui. Avec lui beaucoup de choses avaient changé. Il y’avait la liberté, la vraie démocratie, sauf que les CDR ont trop compris et ont saboté. On le regrette, on aurait voulu revivre les mêmes périodes encore, parce que maintenant il n’y a plus tellement la démocratie. 
Mme Zoungrana, restauratrice : Sankara est venu avec des idées innovatrices, s’il vivait toujours, nous ne serions pas ainsi, malheureux. On regrette la mort de Sankara. Il était un président fidèle, il ne négligeait pas quelqu’un. Si c’était au temps de Thomas Sankara, il pouvait même venir s’asseoir causer avec nous. De nos jours, les dirigeants se sont éloignés de nous, nous sommes délaissés. Nos conditions auraient été meilleures si Sankara n’était pas mort. Au temps de Sankara on ne pouvait se plaindre de problème de logement par exemple. 
M. Rouamba, maçon : La mort de Sankara a été une perte. De nos jours, les richesses sont dans les mains d’une minorité, nous nous subissons. Sankara n’aurait jamais accepté cela. En son temps, si tu es commerçant, tu es seulement commerçant. Tu es un travailleur de l’État, tu restes travailleur de l’État. Maintenant, ce sont les mêmes qui travaillent pour l’État qui sont les grands commerçants. 
Dominique : Le 15 octobre 1987, nous on était en province. On a juste entendu qu’à Ouagadougou, ça a chauffé et que malheureusement Thom Sank (Thomas Sankara ndlr) a été tué. Après on a suivi les infos, on a compris qu’il y’avait changement de régime. Pour moi, le 15 octobre est venu trop tôt, Pour des raisons personnelles, en rapport avec ma famille, je n’ai pas trop apprécié Thomas Sankara. Mais avec un peu de recul, je me rends compte que s’il était resté au pouvoir un peu plus longtemps que ça, notre pays serait meilleur qu’aujourd’hui. Le 15 octobre a mis fin à un élan de construction que Thomas Sankara avait pour le pays. On dit que même quand tu n’aimes pas le lièvre, il faut reconnaître qu’il court vite. Thomas Sankara était un grand travailleur ; s’il était resté, même si c’était deux ans seulement, je reste convaincu qu’on vivrait mieux au Burkina par rapport à aujourd’hui. Il a ouvert les yeux à plein de gens qui ne comprenaient rien. Tout ce qu’on voit construire aujourd’hui, en réalité, c’est lui qui a démarré tout ça. Le régime actuel est venu juste poursuivre parce qu’ils étaient dans le même mouvement. Avec lui on aurait été plus intègre qu’aujourd’hui et le Burkinabè serait très digne. Je ne suis pas content du régime qui est là aujourd’hui. Actuellement nous souffrons trop ; ceux qui travaillent ce sont eux qui n’ont même pas à manger. Nous sommes là, ce sont de grands chantiers qui appartiennent à on ne sait qui. On dit ça bouge, le Burkina se développe mais c’est une minorité de personnes qui en profitent. Tout ceci me fait dire que le 15 octobre a été une erreur, parce que si Thomas Sankara était là, peut être que le pays ne serait pas aussi construit comme aujourd’hui, mais le citoyen vivrait mieux parce que lui il faisait tout pour que le citoyen puisse être d’abord satisfait, avoir à manger, avant de penser à autre chose.
 
Amélie GUE  

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MESSAGES D’INTERNAUTES

 
08:48, par PAPA : Quand on parle de Sankara ma haine contre Blaise s´agrandit, mieux vaut ne pas en parler. 
10:21, par M. SANOU : Que dire ce jour de la commémoration du décès de Thomas SANKARA et ses compagnons, c’est demander à Dieu de leur accorder un repos éternel. Sinon un adage africain dit : « l’eau qui est déjà versée on ne peut plus la ramasser » ; je demande à tous ces partis qui disent qu’ils vivent l’idéologie de Thomas SANKARA de s’unir pour que leur combat puisse porter du fruit. Je vous remercie pour cette initiative. 
10:22, par aligator : Toujours respect à lui. 
10:41 : Pour le jour anniversaire de l’assassinat d’un Héros National, le régime aurait pu avoir un semblant de reconnaissance pour lui. L’armée aurait pu reconnaître en lui le combattant de la guerre de Noël en 1974. Si en 4 ans de pouvoir politique, Sankara est devenu autocrate et a été massacré entre autre pour cette raison, que dire de l’actuel président qui est à 27 ans de pouvoir sans partage. Super autocrate ? 
11:26, par l’Intègre : A plusieurs reprises Thomas Sankara avait prévenu que si « Blaise devait tenter quoique ce soit contre la révolution, c’était inutile de s’y opposer ». Effectivement, ce fut ainsi. Le 15 octobre à la surprise générale, Blaise réussissait un coup d’État que l’on croyait à priori impossible. Sauf évidemment pour ceux qui étaient dans les secrets de Dieu, et qui après coup, le démontrent par le menu. Mais ce qu’il n’avait pas dit et qui est aussi une vérité, c’est que Blaise a éliminé physiquement Thomas, mais ne réussira jamais à se défaire de son fantôme. Il suffit qu’il apparaisse pour que quelque chose rappelle Thomas SANKARA. Les années passant, le souvenir de Sankara héros patriote et intègre contribue à obscurcir l’image d’un Blaise, dinosaure politique, rappelant douloureusement le prototype de « président fondateur du Gondwana », que la conscience africaine ne supporte plus. Sankara, c’est une certaine « idée » du « meilleur » tel que notre subconscient collectif, l’imagine. Le Burkina Faso « pays des hommes intègres », c’est pour longtemps lui qui l’incarne le mieux. Il est, sans exagération aucune, aux burkinabè, ce que Mandela est aux Sud-africains. Exemple : Le 8 mars 1987 à Ouagadougou, soit sept (7) mois avant sa mort, Thomas Sankara disait ceci « Il n’y a de révolution sociale véritable que lorsque la femme est libérée. Que jamais mes yeux ne voient une société où la moitié du peuple est maintenue dans le silence. J’entends le vacarme de ce silence des femmes, je pressens le grondement de leur bourrasque, je sens la furie de leur révolte. J’attends et espère l’irruption féconde de la révolution dont elles traduiront la force et la rigoureuse justesse sorties de leurs entrailles d’opprimées ». Des propos qui traduisaient sa détermination à faire de la femme un levier du développement ; sont-elles reconnaissantes aujourd’hui ? Quel dommage ! J’ai des larmes aux yeux. SVP laissez passer. 
11:28, par Le prince : Tes bourreaux ont actuellement chaud. Ton ombre plane sur le Faso. La malédiction a atteint son paroxysme. Tôt ou tard le peuple te rendra justice. 
11:32, par Ivresse du Pouvoir : Camarade Président, voilà 27 ans que vous êtes parti, mais votre mémoire est toujours vivace ici au Faso et au-delàs des mers. Puisse le tout Puissant veiller sur votre sommeil .Votre lutte est loin d’avoir été vaine. Aujourd’hui, toute une génération que vous avez inspirée fait le serment que le Pays des Hommes Intègres viendra à bout de tous ces maux que vous avez dénoncés et combattus de votre vivant. 
12:24, par hitler : c’est regrettable, le vrai président assassiné = la misère des burkinabés. Que la terre lui soit légère ! En ce qui concerne son assassin, Dieu, les ancêtres, la terre l’attend, même si la justice sur terre est incompétente, on verra le finish de tous ces présumes. 
12:54, par Minute : Un souvenir pieux pour lui et que Dieu tout puissant éclaire le cœur des justes pour que justice lui soit rendue en permettant à ses parents et tout le peuple burkinabè et africain d’identifier sa tombe réelle afin de mieux célébrer son deuil. Toutes mes condoléances aux peuples épris de paix et de justice. 
12:57, par LE DIGNE : Le 15 octobre 1987 est une date qu’on ne peut jamais oublier jusqu’à la mort. Je salue la mémoire d’un DIGNE PRESIDENT qui, en quelques 4 ans, a pu transformer le Burkina Faso. Il avait montré aux BURKINABÈ que la dignité humaine, le travail sous le soleil brillant, la réussite au bout des efforts. Depuis que ceux qui l’ont tué se sont emparés du pouvoir, c’est un autre monde que le Burkina Faso vit. La perte de la dignité, le pays transformé en un champ de quelques personnes qui règnent sans partage, et qui veut toujours continuer sa sale besogne. Un passage en force est en vue d’être opéré mais malgré ce passage en force, nous avons besoin d’un Certain « SALIOU DJIBO prime » (du Niger) au Burkina Faso. Il n’y a pas de coup d’état démocratique mais celui-là sera entièrement salué par l’ensemble des Burkinabè. Malheureusement, nous n’avons pas de militaires dignes de ce nom. 
13:09, par Espoir : Aujourd’hui jour anniversaire de la mort du valeureux président Thom Sank, J’aimerais m’incliner. Que Dieu lui accorde sa grâce. Je me souviens encore de sa mort, j’étais au primaire, en Côte d’Ivoire. Un de nos instituteurs qui était en train d’écouter RFI a hurlé : « Ils ont tué Sankara », et tous les instituteurs sont accourus vers lui pour en savoir plus. Ce jour-là, les instituteurs ont mis fin aux cours un peu plus tôt, vers 16h-17h. Le découragement se lisait sur les visages de nos instituteurs. Paix à son âme. 
13:09, par RV : Repose en Paix Grand-homme ! Tu vivras à jamais dans nos cœurs. 
13:15, par Mr Nikiema : Sankara vivra éternellement dans nos cœurs. C’est aujourd’hui un repère, un modèle pour des milliers voir des millions de personnes au Burkina et à travers le monde. La lutte continue... 
13:22, par some : Je souhaite bon anniversaire à Thomas Sankara que son âme repose bien que DIEU lui pardonne en ce jour 15 octobre 2014. 
13:40, par JERE : Que la paix de JESUS CHRIST soit avec eux. 
13:57, par Palmarès : Même mille (1000) ans après votre disparition mon Président, Votre nom brillera comme le diamant à travers le monde entier parce que ce 15 octobre 1987, un DIGNE FILS de maman AFRICA est tombé les armes en mains. Vos assassins et leurs commanditaires ne pourront jamais atteindre la hauteur de Votre cheville, n’auront jamais votre renommée et ne connaîtront jamais la PAIX ÉTERNELLE que le TOUT PUISSANT Vous a accordée. COMBATTANT DE LA LIBERTÉ, REPOSE EN PAIX. 
14:00, par Tond la taaba : Tous l’acclament ; mais combien sont prêts pour vivre comme lui ? 
14:05, par Chef Bankolé : RIP Camarade Président, tes assassins ne dorment pas bien. 
14:05, par Anita Manour : C’est nous qui sommes pressés sur cette terre, tout un chacun payera de son âme le jour du jugement dernier. Sankara, à cause de ton nom, à cause de ton assassinat, le Burkinabè pue aujourd’hui aux yeux de beaucoup de pays africains. Que ce soit au Cameroun ou ailleurs dans certaines contrées d’Afrique, le Burkinabè n’est plus le bienvenu. Je sais que l’au-delà attend de pied ferme les charognards et hiboux aux yeux gluants qui ont fomenté ton « quintuple assassinat générationnel ». 
14:10, par Toxsidngannkom : Retenons si possible ceci : « on ne pleure pas un héros, on poursuit son œuvre avec abnégation et dépassement de soi ». Sans être nostalgique de la révolution de Sankara et par ricochet de Blaise, je pense qu’on ne va pas comparer l’âne au cheval sinon qu’on trahirait royalement la question de noblesse et de force que, l’un a et que l’autre n’en a pas. Sinon sous la révolution, des mots comme : intégrité, honnêteté, dévouement, patriotisme, civisme, et ...respect de la vie humaine avaient un sens propre. C’est à l’opinion publique de nous dire si ces mots actuellement ont toujours un sens propre ? Bien à vous. 
14:25, par SS 20 : Son nom est gravé à jamais dans l’histoire de ce pays, et dans la mémoire de l’Afrique et au-delà, sous d’autres cieux. Voilà un vrai patriote qui accepté assumer tous les déboires de la révolution démocratique et populaire du CNR malgré son intégrité, sa confiance à l’amitié, à la fraternité, son engagement pour l’épanouissement du peuple burkinabè et des autres peuples sous l’emprise de toute forme de domination qui, voyant que le complot ourdi contre la marche radieuse de la révolution et de sa propre existence étant consommé, a accepté dignement préférer la mort que de trahir. Cette commémoration de la vingt-septième année de sa disparition commande à chacun de nous qui a encore un brin d’intégrité et de bon sens d’avoir une pensée pieuse pour tous qui sont tombés avec lui en ce jour éhonté. Que sa mémoire galvanise d’avantage tous ceux qui se réclament de son idéologie pour les batailles à venir afin de que la victoire du peuple sur la férule humiliante soit certaine. 
14:43, par Ka : Oui un anniversaire douloureux du 21 e siècle pour le pays des hommes intègres causé par un président caméléon et complexe. Un anniversaire à ne pas oubliez de 93 crimes économique, 177 crimes politique y compris Le juge NEBIE selon le rapport déposé le 22 février 2000 pour un pardon bidon. OUI ! S’il y a un anniversaire à oublier, c’est ce 3 février 1951, à Ziniaré, un petit village perdu au nord-est de Ouaga, qui a vu naître un être complexe, qui va tuer sans remords, emprisonner sans pitié, faire disparaître et assumer pleinement ses actes pour le malheur d’un peuple meurtri. Un personnage sans états d’âme, qui ne peut même pas donner l’occasion aux enfants de son frère d’arme d’aller s’incliner sur la vraie tombe de leur père tuer lâchement, celui dont il a mis des balles sur le corps et deux dans la tête : pourtant il été accueilli dans la maison familiale des Sankara comme fils, il mangeait, rigolait s’amusait avec frères, mère, sœurs de son frère d’arme. La liste à ne pas évoquer est très longue, sauf l’alternance politique dans notre pays, qui sera de gré ou de force, et qui mettra fin à un règne sans partage et à la clé la corruption à ciel ouvert, pour que le Burkina s’y retrouve. 
15:30, par bintoa : De là où tu es, tu nous vois, tu es dans nos cœurs. Je vous avais prévenus ton ami et toi mais vous aviez confiance en l’amitié ! Hélas, mille fois hélas, l’amitié que tu accordais n était méritée. Tu avais dit « après moi ce serait le règne de la médiocratie ». Nous le constatons aujourd’hui. Dieu récompense les âmes pures. Repose en paix mon cher frère. Laissons dire, le temps viendra. 
15:37, par Alexio : Journée très mémorable pour ma personne. Puisque ce jour 15 Octobre est le jour de mon anniversaire. C’est ce jour que l’impérialisme en accord avec ses valets locaux nous ont repris notre dignité en la bafouant et remplacer avec un système dictatorial, corrompu, sanguinaire et lier a la mendicité internationale des pays qui contrôlent notre vie et développement par le biais des institutions financières telles la FMI et la banque mondiale. En nous vendant cette démocratie en herbe, le régime Compaoré une fois de plus à démontrer qu’il ne travaille pas pour une alternance apaisée, par contre pour un rallongement d’un régime d’appropriation de l’État pour ses fins mesquines. En occurrence, la patrimonisation du pouvoir appuyés par des opérateurs économiques locaux pour la sauvegarde des biens acquis frauduleusement. Sankara trahit et assassiner devrait est un cauchemar à chaque 15 Octobre. Tant que ce pouvoir pourri existera. 
15:50, par Lagnan T. : Ceux qui ont tué notre président ont sérieusement fait du mal à notre pays. SANKARA a été tué parce qu’il aimait son pays et son peuple. Mon président tu seras toujours dans mon cœur nous ne t’oublierons jamais.
 
Source : lefaso.net 15 octobre 2014
 

mardi 14 octobre 2014

"Aujourd'hui, nous sommes dignes. Plus jamais nous ne serons mendiants ni humiliés"*

Réélu largement dimanche, Evo Morales, premier président indigène de Bolivie, bénéficie d'un grand soutien populaire, fruit de ses succès en matière de lutte contre la pauvreté, dans le pays le plus démuni d'Amérique latine.
Selon des résultats encore non officiels, la majorité des six millions d'électeurs se sont montrés reconnaissants envers cet ancien berger de lamas, né dans la misère de l'Altiplano et forgé dans le syndicalisme, qui a su amener la Bolivie à une stabilité politique et économique sans précédent. « Aujourd'hui, nous sommes dignes. Plus jamais nous ne serons mendiants ni humiliés », aime-t-il à répéter après neuf ans à la tête de ce pays enclavé, aux finances dopées par la nationalisation des hydrocarbures. La construction du téléphérique urbain le plus haut et le plus long du monde, premier vrai transport public du pays, la mise en orbite d'un satellite, des résultats tangibles dans la lutte contre la pauvreté et la faim, salués au niveau international, ont transformé le quotidien des Boliviens. 

Washington pour principal ennemi 

À des années-lumière, l'histoire personnelle d'Evo Morales, dans l'aride et glaciale cordillère, montre à quel point il a su venir à bout de l'adversité. Dans une autobiographie récente, il raconte l'influence déterminante d'une famille unie et laborieuse vivant au rythme ancestral d'une communauté aymara de Oruro (Centre) coupée du monde, sans eau ni électricité. Sur ses sept frères et sœurs, quatre mourront de maladie et de malnutrition.
« Jusqu'à 14 ans, j'ignorais l'existence des sous-vêtements. Je dormais avec mes habits » que « ma mère m'enlevait seulement pour deux raisons : chercher les poux ou faire une reprise au coude ou au genou », raconte-t-il. Un bref passage dans un collège, des débuts prometteurs de trompettiste, l'émigration vers la région tropicale du Chaparé où il devient cultivateur de feuilles de coca, puis enfin le syndicalisme, feront son éducation. C'est à l'âge adulte, en devenant leader syndical des producteurs de coca puis député, qu'il découvre le monde, malgré sa timidité et sa difficulté à parler espagnol.
Evo Morales
Le 22 janvier 2006, Evo Morales Ayma, élu avec 54 % des voix, devient le premier président indigène de l'histoire du pays avec pour héros Tupac Katari, leader aymara d'une révolte indienne contre l'occupation coloniale espagnole, mais aussi Fidel Castro, le révolutionnaire cubain. Au pouvoir, il ne change pas de style : épais cheveux noirs et visage tanné, celui qui se décrit comme « l'Indien noir et laid au nez de perroquet » aime arborer des tenues andines chatoyantes. L'ancien « cocalero » plaide pour une dépénalisation internationale de la feuille de coca. Proche de Cuba et de l'ancien président vénézuélien Hugo Chávez, il fait de Washington son principal ennemi, nouant des alliances avec l'Iran, la Russie et la Chine. 

« Marié à la Bolivie » 

« Nous avons lutté et lutté contre l'Empire nord-américain. Le peuple est anticolonial, le peuple est anti-impérialiste, le peuple est anticapitaliste », clame-t-il, plaidant pour « la libération de tout le peuple bolivien ». Il est réélu en 2009 avec 64 % de votes. Âgé de 54 ans, il est le plus ancien président en exercice d'Amérique latine. Infatigable, il donne des rendez-vous de travail dès 5 heures du matin et sillonne constamment le pays, pouvant avoir en un jour jusqu'à cinq meetings en différents endroits. « Nous avons une énorme responsabilité, celle de continuer à améliorer l'économie, et continuer à réduire l'extrême pauvreté et la pauvreté », dit-il. Ce n'est pas sans satisfaction qu'il relevait récemment que « cette année, trois pays d'Amérique latine nous ont demandé qu'on leur prête de l'argent ». Sans les nommer, Evo Morales confiait sa « fierté » : « Avant, nous étions un pays de mendiants ».
Discret sur sa vie privée, on le sait père célibataire de deux grands enfants de mères différentes. « Je suis marié à la Bolivie », assure ce passionné de football, d'ailleurs recruté cette saison comme numéro 10 par le club local des Sport Boys. Ses adversaires l'accusent de ne pas être parvenu à endiguer l'insécurité, le trafic de drogue ou la corruption. Lui, qui pense qu'il ne faut pas rester au pouvoir après 60 ans, mais a bénéficié d'une interprétation contestée de la Constitution pour briguer un troisième mandat, rêve d'ouvrir un restaurant un jour. 

Source : Lepoint.fr 13-10-2014
(*) - Titre original : « Bolivie, Evo Morales réélu pour un troisième mandat »

samedi 11 octobre 2014

Quand Bédié rêvait à haute voix de « répression sévère » et de « mise au travail forcé » pour les « masses pau­périsées et marginalisées »...

 
La brusque décision de Bédié de transformer les militants et sympathisants du Pdci-Rda en bétail électoral d’Alassane Ouattara m’a remis en mémoire le discours qu’il prononça, le 4 octobre 1989, à l’occasion de l’ouverture de la 2e session ordinaire de l'Assemblée nationale. Ce discours aura moins marqué son époque que les cris hostiles au régime et à son chef qui se sont fait entendre moins de six mois plus tard. Il n’en est pas moins digne d’intérêt, et à plus d’un titre, mais surtout parce qu’il dévoilait une facette de la personnalité de Bédié, qu’ensuite il avait très bien su dérober aux yeux de l’opinion, mais qu’apparemment il n’éprouve plus le besoin de cacher. En relisant ce discours, on comprend qu’il prétende aujourd’hui disposer des bulletins de vote de ses électeurs selon son bon plaisir. Celui qui à cette époque présidait l’Assemblée nationale y étalait avec une odieuse désinvolture une conception des rapports du pouvoir et de la société (ou des gouvernants et des gouvernés) particulièrement cynique inspirée de ce qui se faisait contre les classes pauvres dans une Angleterre à peine sortie du moyen-âge.
Ce jour-là, alors qu’il pérorait devant un auditoire composé pour l'occasion, outre les députés, du représentant du chef de l'Etat, de ceux des autres institutions, ainsi que du corps diplomatique, Bédié était évidemment à cent lieues de se douter que ce qu'il appelait « l'opinion publique véritable et responsable » pouvait être autre chose que celle qui venait de s'exprimer aux Journée nationales du dialogue (JND), qui se sont tenues en septembre 1989 et qui s’étaient achevées en queue de poisson. De même, il ne pouvait pas deviner que seulement cinq mois plus tard, la direction politique du pays serait confrontée à un défi général de la société, en particulier des catégories qui n'étaient pas représentées aux JND, ou qui ne l’étaient que par des porte-parole tout dévoués au pouvoir. C’est sans doute cette inconscience  de l’imminence du danger qui explique le ton plein d’assurance de son discours, ainsi que l'impression qu'il fit, tandis qu'il parlait des Ivoiriens, d'un cavalier impatient, brutal et ingrat, cravachant et éperonnant jusqu'au sang une monture fourbue et récalcitrante.
Il paraît difficile d'imaginer qu'un homme comme lui ne fût pas capable de comprendre qu’il existe très certainement une relation directe de cause à effet entre le fameux « miracle ivoirien », dont il fut le chan­tre intarissable entre 1966 et 1977, et la déliquescence de la société ivoirienne qu'il déplorait ce jour-là. Et pourtant... « Est-il permis, feignait-il de s'interroger, de voir dans notre prospérité d'hier la source de nos malheurs d'aujourd'hui comme le banditisme, le vol, la corruption et la criminalité ? ». Puis il se répondait à lui-même par cette dénégation un peu ambiguë et tout à fait cocasse : « Le faire serait admettre que là où règne le bon Dieu règne aussi le Diable ». C'est l'un de ces cas où démentir vaut confirmation ! Car, c’est bien connu, toujours le bon Dieu et le Diable vont ensemble et, même, coopèrent ; sans quoi il n'y aurait pas besoin de baptême ni de confessionnaux. D’ailleurs Bédié le savait déjà fort bien quand il débuta sa carrière parlementaire. Dans l'un de ses premiers discours en tant que président de l'Assemblée nationale, après avoir énuméré les maux qui rongeaient déjà la société ivoirienne (« l'exode rural, le chômage, la délinquance juvénile, la criminalité »), il opinait avec gravité : «  On conçoit fort bien que le modèle traditionnel ne soit pas apte (...) à relever le défi du développement d'une communauté qui s'élargit si vite – c'est-à-dire à satisfaire les besoins fondamentaux des populations en matière d'aliments, de logements, d'éducation et de santé ». N'est-ce pas clairement affirmer l'existence d'un rapport de causalité entre le soi-disant « miracle ivoirien » et les fléaux en question ?
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N'ayant alors aucune raison de douter de la solidité de son perchoir ni de celle du trône qui l’attendait, Bédié pouvait s'offrir le luxe de rêver tout haut devant le monde entier d'une éventuelle mise en esclavage des Ivoiriens, en citant ce passage d'un livre qu'il venait de lire et qui l'avait apparemment transporté : « Depuis la fin du XVe siècle, l'Angleterre était confrontée aux difficultés croissantes de l'entretien et de l'emploi des pauvres. Le mouvement de création des exploitations agricoles fermées avaient multiplié le nombre des vagabonds et des mendiants. La montée de l'insécurité, les tensions et les violences sociales avaient conduit l'Etat à freiner ces mouvements et à mettre en place une répression sévère contre ces masses pau­périsées et marginalisées en prenant des mesures... de mise au travail forcé... Dès l'an 1520, les lois sur les pauvres jalonneront l'histoire de l'Angleterre jusqu'au cœur du XIXe siècle. Ce sont elles qui rendent socialement et politiquement possibles, d'une part, la transition d'une agriculture encore féodale à une agriculture capitaliste au XVIe siècle, puis à un secteur primaire employant de nombreux salariés au XVIIIe siècle, et enfin à une agriculture beaucoup plus mécanisée au XIXe siècle. Etc... »
Déjà on aurait pu s’étonner que l’homme qui était destiné à remplacer Houphouët à la tête de
l’Etat, fasse ainsi, devant lui, l’apologie du « travail forcé » dont la suppression est à peu près son seul vrai titre de gloire[1]. Mais le plus surprenant, c’est qu'avant de se livrer à cet exercice déjà ridicule en soi, Bédié n'eut pas pris l'élémentaire précaution de vérifier l'exactitude de cette vue cava­lière – c'est le mot ! – de près de cinq siècles d'histoire du développement du capita­lisme en Angleterre. Il se serait aperçu qu'il s'agissait d'un détournement tout à fait honteux de plusieurs chapitres du premier livre du « Capital » de Karl Marx, dont le chapitre 27, intitulé « L'Expropriation de la population campagnarde », dans lequel on peut lire des remarques dont un homme d'Etat ivoirien pouvait en effet faire avec profit les thèmes de sa réflexion : « En Angleterre la classe travailleuse (...) fut précipitée sans transition de son âge d'or dans son âge de fer. Ce bouleversement fit peur à la législature. Elle n'avait pas encore atteint ce haut degré de civilisation où la richesse nationale (wealth of the nation), c'est-à-dire l'enrichissement des capitalistes, l'appauvrissement et l'expropriation effrontée de la masse du peuple, passe pour l'ultima Thule de la sagesse d'Etat (...) Ce qu'il fallait à l'ordre de production capitaliste, c'était (...) la condition servile des masses, leur transformation en mercenaires et la conversion de leur moyen de travail en capital » ; et le chapitre 28 intitulé « La législation sanguinaire contre les expropriés à partir de la fin du XVe siècle. Les lois sur les salaires », qui commence ainsi : « La création du prolétariat sans feu ni lieu – licenciés des grands seigneurs féodaux et cultivateurs victimes d'expropriations violentes et répétées – allait néces­sairement plus vite que son absorption par les manufactures naissantes. D'autre part, ces hommes brusquement arrachés à leurs conditions de vie habituelles ne pouvaient se faire aussi subitement à la discipline du nouvel ordre social. Il en sortit donc une masse de mendiants, de voleurs, de vagabonds. De là, vers la fin du XVe siècle et pendant tout le XVIe, dans l'ouest de l'Europe, une législation sanguinaire contre le vagabondage. Les pères de la classe ouvrière actuelle furent châtiés d'avoir été réduits à l'état de vaga­bonds et de pauvres. La législation les traite en criminels volontaires ; elle suppose qu'il dépendait de leur libre arbitre de continuer à travailler comme par le passé et comme s'il n'était survenu aucun changement dans leur condition ».
Contrairement à ce que feignait de croire Bédié, les contemporains de ces tristes événements ne les jugèrent pas avec le même détachement olympien qu'il affectait ce 4 octobre 1989, quand aucun bruit irrespectueux ne se faisait encore entendre dans les rues environnantes. Les premières mesures royales en rapport avec la ruine de la paysan­nerie anglaise furent des lois pour la protéger contre les expropriations. Ces lois furent vaines, parce que les expropriateurs étaient les plus forts ; mais, au moins, on avait essayé cela avant de s'adonner au massacre légal des pauvres préalablement réduits à la condition d'ilotes. Car il faut savoir que la logique de la sorte de législation dont le président de l'Assemblée nationale de Côte d’Ivoire rêvait à haute voix devant le monde entier mène fatalement à l'emploi des moyens les plus expéditifs. Ainsi, d'après Tho­mas More, sous le règne d'Henri VIII « soixante-douze mille pauvres furent exécutés », parce qu'ils étaient des pauvres !
Il serait intéressant de savoir ce que l'élu de Daoukro, circonscription de quinze mille (15.000) électeurs, avait fait ou projetait de faire en tant que législateur pour protéger les Ivoiriens de la ruine et de la chute dans la délinquance, avant de les menacer d'un nouvel esclavage ! En outre, l'Angleterre de ces temps-là n'était pas, comme l’est notre Côte d'Ivoire, une quasi colonie dont la monnaie, l’économie, la politique intérieure et la diplomatie étaient totalement dépendantes d’intérêts politiques, commerciaux et financiers étrangers. Malgré leur men­talité esclavagiste, les grands propriétaires anglais étaient à leur propre compte. Des rois et des reines d'Angle­terre particulièrement jaloux de leur souveraineté ordonnèrent ces mesures et les firent exécuter. Peut-être Bédié, qui laisse parfois dire qu’il est fils de chef, s’imaginait-il que la Côte d’ivoire est sa principauté, pour évoquer ces faits du prince sans éprouver du dégoût ! On n’est pas étonné que le président de l'Assemblée nationale de ce régime parle des Ivoiriens comme s’il s’agissait d’un bétail ; mais de quel droit un fils de chef de Daoukro peut-il se prévaloir au-delà des limites de son village ?
« La bourgeoisie naissante, écrit encore Marx dans ce Chapitre 28, ne saurait se passer de l'intervention de l'Etat ; elle s'en sert pour "régler" le salaire, c'est-à-dire pour le déprimer au niveau convenable, pour prolonger la journée de travail et maintenir le travailleur lui-même au degré de dépendance voulu ». De ce point de vue, quand on considère les choix politiques et économiques d’Houphouët et de ses ministres, et quand on voit la manière dont ils les justifiaient, on est obligé de convenir qu'ils ont fait aussi bien en trente ans que les rois d'Angleterre pendant les cinq derniers siècles ! Mais pourquoi ne pas pousser les parallèles jusqu'au bout ? De ces rois, l'un a perdu sa tête, un autre son trône...
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Les interrogations de Bédié dont j’ai fait état en commençant sont d’autant plus bizarres que tous les textes lus aux JND faisaient la relation entre la crise et les orientations et les méthodes du pouvoir, même si cela n'apparaît pas toujours à l'évidence.
Prenons par exemple la contribution du porte-parole du Conseil économique et social (CES), qui  définissait son institution comme « l’une des formes de "l'écoute du peuple" qui serait un fondement » de la poli­tique d’Houphouët. On y lit que c'est de l’« époque de relatif bien-être [cor­respondant à "la vague d'exceptionnelle prospérité des années 1970"] que naquit l'inexo­rable déliquescence dont la progression devait nous conduire où nous sommes. Tout d'abord assommés par la frénésie des dépenses futiles qui étaient le fait de personnes dont l'aisance ne se justifiait ni par le passé, ni par les aptitudes, les Ivoiriens y ont répondu par leur étonnant sens de l'humour, puis par une résignation un peu boudeuse et à la fin chacun s'est dit qu'après tout pourquoi ne pas faire comme le voisin puisque cela semblait réussir à d'autres et comportait si peu de risque. Et pourquoi ne pas se servir si l'occasion s'y prêtait ? La notion de bien public, de civisme, de travail bien fait devenait floue, pour finir par s'effacer devant l'intérêt personnel. Etc. »...
On peut regretter le caractère simpliste et la timidité de ce constat. Car, en somme, le CES
considérait la décomposition de la société ivoirienne comme l'effet de comportements individuels a priori, ce qui revenait à occulter la responsabilité du pouvoir dans le processus qu'il décrivait. Or, ces comportements individuels eux-mêmes n’étaient que les conséquences de mauvais exemples venus d'en haut : la préfé­rence donnée par Houphouët, à partir de 1963, aux arrivistes de toutes origines et aux carriéristes sans scrupules ; le laxisme d'un pouvoir qui de tout temps préféra s'entourer d'éléments corrompus et corrup­teurs[2]. D’ailleurs, qui pouvait croire qu’un homme aussi puissant qu’Houphouët aurait laissé ce pillage se poursuivre impunément s'il était lui-même parfaitement intègre, s'il n'y trouvait pas son compte à un titre ou à un autre ? Mais, à l'instar des 22 autres porte-parole, l'orateur du CES aussi éluda le fond du problème, tout en fournissant d'ailleurs les bonnes clés pour le connaître.
Le porte-parole du SYNARES, le professeur Marcel Etté, fut le seul à lier la crise économique et sociale et la politique du régime, même s’il ne put pas se garder d'une certaine inconséquence. En effet, de manière insistante il demanda que le pouvoir obligeât ceux qui détenaient des capitaux à l'étranger à les rapatrier. Or, adresser une telle demande à Houphouët revenait à dire qu'on le mettait hors de cause alors que, de son propre aveu, il était l'Ivoirien qui possédait le plus de biens à l'étranger, mis à l'abri de « tous ces fous »… Il avait également tenu à dire qu'il ne fallait point compter sur un éventuel retour de tout cet argent, le sien et celui des autres exportateurs de capitaux, parce que les receleurs ne le permettraient jamais : « Hier il a été dit dans certaines interventions (parce que les orateurs ne savaient pas, ils se trompaien1 de bonne foi) de faire rentrer l'argent qui est parti à l’extérieur. D'abord, s'il y a de l'argent à l'extérieur à partir des Ivoiriens, il y a une réglementation internationale en la matière. Mais en général, l'argent fuit partout lorsqu'il n'y a pas de sécurité. Il s’en va dans les lieux sûrs. Quand l’argent se sent menacé par un régime, il le fuit. Allez demander à nos frères dont les régimes font peur à ceux qui possèdent : l'argent est parti, les possédants n'ont pas attendu les résultats des élections. Et ils ne peuvent pas faire rentrer cet argent. Le dirigeant d'un pays a demandé aux Etats-Unis de lui restituer les biens que son prédécesseur a placés dans des banques américaines ; peine perdue. Rien ne sera jamais remis à ce dirigeant, religieux intégriste. Car là-dessus il existe une législation internationale. Il faut que je vous le dise : si nos frères ont de l'argent qu’ils ont "planqué" quelque part, il me sera difficile de le faire venir ; là-dessus, je préfère vous dire la vérité. »[3] Encore heureux qu'il y ait eu tous ces jeunes, le 2 mars 1990, pour rappeler à nos élites qu’Houphouët n'était pas au-dessus de tout soupçon !
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Les interrogations faussement naïves de Bédié appellent quelques remarques encore sur une confu­sion qu'on entretient exprès pour détourner les Ivoiriens d'une saine réflexion sur les racines de cette crise et sur les moyens de la résoudre. On veut en effet faire croire que dire que le modèle de développement mis en œuvre en Côte d’Ivoire à partir des années 1960 sous la responsabilité du Français Raphaël Saller, est la principale cause des graves maladies sociales qui gangrénèrent la société ivoirienne, c’est refuser le progrès. Ce n’est pas vrai !  C’est seulement dire que les choix qui ont été faits alors par cet étranger, un ancien fonctionnaire colonial, et par un Houphouët qui s’était mis au service des affairistes coloniaux dès 1950, n’étaient pas précisément les choix qui convenaient pour servir et protéger les intérêts nationaux des peuples de la Côte d’Ivoire. Par « choix », il faut bien entendu comprendre les choix politiques, notamment institutionnels, et les choix économiques et financiers.
En 1960, ni Houphouët ni Saller n'étaient des gens qui débarquaient sur une terre inconnue et inhabitée. La Côte d'Ivoire avait déjà une certaine histoire. Il y avait une expérience et des projets qui, à la fois, tenaient compte de cette expérience et des aspirations des populations ; aspirations qu'elles avaient clairement exprimées à travers les vastes mouvements revendicatifs des années 1940-1950. Il y avait eu le fameux discours de Jean-Baptiste Mockey[4] devant l'Assemblée territoriale au nom de la majorité RDA. Il y avait eu la déclaration lue au procès du 6 Février par Jacob Williams au nom de ses coïnculpés du Comité directeur du Parti démocratique de la Côte d'Ivoire, dans laquelle il disait : « Nous luttons, nous lutterons contre toute politique d'expansion coloniale des trusts étrangers en Afrique noire française, parce que nous n'avons pas le droit d'aliéner l'avenir politique et économique de notre pays ».[5] Ainsi parlaient les dirigeants du PDCI en ce temps-là ! II est vrai que, après 1950, presque aucun d'eux ne sut garder sa fidélité à cette ligne, mais on sait qu'il n'y alla pas forcément de leur faute. En tout cas, et quoi qu'ils aient pu dire ou faire ensuite, une chose est sûre : les Ivoiriens, eux, n'ont pas choisi cette politique. C'est contre leur volonté manifeste que le pays fut engagé bille en tête dans cette voie désastreuse, quinze ans après le discours de Mockey, et treize ans après le procès de Grand-Bassam.
C'est en 1963 que ce choix fut définitivement fait, alors que tous ceux qui étaient restés assez lucides pour prévoir la catastrophe, et assez patriotes pour vouloir la prévenir, avaient été brutalement jetés en prison et suspendus, pour certains, au seuil d'une mort ignominieuse.
Dès lors, au moment où il s'agissait de réparer les conséquences de ce choix désas­treux sur l'état de la société, et pour autant qu'il ne s'agissait que de cela, avant de chercher le bon remède, il importait de bien savoir quelle était la véritable nature du mal. Et il n'était que raisonnable de situer clairement les responsabilités là où elles étaient vraiment. Quand un pays connaît une crise aussi grave et aussi complexe que celle à laquelle la Côte d'Ivoire était déjà en proie, c'est qu'il est mal gouverné, ou qu'il n'est pas gouverné du tout. Quoi qu’il en soit, la responsabilité de la crise de notre société se situe au plus haut niveau de l’Etat. Car, s’il y a une responsabilité de l'action, il y a aussi une responsabilité de l'inaction.
Ce qui était en cause, c'était précisément tout ce qui s'était fait non seulement sans le consentement des Ivoiriens, mais contre eux, qui plus est avec des méthodes qui ne laissaient aucun doute sur la finalité de l'entreprise. Car ce n'est certainement pas pour le bonheur des Ivoiriens qu'en 1949-1950, on jeta en prison toute la direction du jeune Parti démocratique de la Côte d'Ivoire, et des milliers d'hommes et de femmes de ce pays, après en avoir massacré des dizaines d'autres. Ce n'est certainement pas pour le bonheur des Ivoiriens qu’en 1963 et 1964, on écarta de la direction des affaires – et avec quelle violence ! – la presque totalité des Ivoiriens frais émoulus des universités françaises, et que, par cet odieux exemple, on ôta tout droit de regard et de parole à tous les autres sur les choix décisifs dont nous payons aujourd'hui les conséquences désastreuses.
Or, de tous ces malheurs, le responsable est connu : ce ne peut être que celui qui personnifiait le pouvoir dans notre pays ; celui qui gouvernait seul ou, pour mieux dire, étant donné l'organisation des pouvoirs dans notre pays, celui qui pendant trente ans couvrit de son nom et de son prestige la mise en dépendance et la mise en coupe réglée de notre patrie ; celui qui, y détenant théoriquement tous les pouvoirs, décidait de tout et disposait de tous, et qui bien qu'ayant le choix préféra toujours prendre des étrangers pour le « conseiller », en fait pour desservir directement les plus hautes fonctions de l'Etat.
N'en déplaise à Bédié, le banditisme sous ses différentes formes, n'est pas un phénomène en soi, qui surgit du néant indépendamment de toute cause et indépendamment des conditions de terrain. Quand on suit son développement depuis le début, on s'aperçoit facilement que la courbe de son évolution est parallèle à celle du prétendu essor écono­mique des années 1960-1970. Les premiers cambriolages furent signalés au tout début de la prétendue période de prospérité, lorsque les mirages et les tentations de l'argent facile, dont la religion s'instaurait dans le pays, avaient attiré un certain nombre d'épaves de la pègre française dont quelques-unes avaient, dit-on, leurs entrées au palais. Très précisément, depuis ce jour de 1969 où un gang d’Européens réalisa le premier holdup de l’histoire de la Côte d’Ivoire au détriment de la BIAO (Agence du boulevard de Marseille), et s’empara d’un butin de 50 millions de FCFA de l’époque, équivalant à 100 millions d’anciens francs.[6] C'est aussi vers la même époque que le pouvoir plaça un espion pratiquement derrière chaque Ivoirien pour peu qu'il ne fût pas d'accord avec les vues et les orientations d’Houphouët. Grâce à quoi celui-ci pouvait se vanter en avril 1983 d'être parfaitement renseigné sur les moindres faits et gestes de chaque Abidjanais. Nul doute que si on avait pu en faire le compte exact, on aurait trouvé plus de gens payés pour espionner les citoyens, que de policiers et de gendarmes chargés de les protéger. Si le régime d’Houphouët était tellement pourri, c'est aussi et surtout parce que dès son instauration on y avait mis le ver !
Et le ver, c’étaient (ce sont) aussi un certain nombre d’hommes totalement indignes des rôles qu’ils tinrent (tiennent) sur la scène politique nationale, et qui d’ailleurs ne leur avaient été (sont) confiés que pour cela même qu’ils en étaient (sont) indignes. Aussi bien, venant d’un Bédié tel qu’il s’est dévoilé depuis 2002, le soi-disant « Appel de Daoukro » n’est nullement pour étonner ; ne dit-on pas que le chien ne change jamais sa façon de s’asseoir ? Et il ne doit pas non plus nous scandaliser au risque de nous distraire. En ces temps où certaines ambitions veulent se donner libre cours en surfant sur les illusions d’un peuple loyal et généreux, mais tragiquement désinformé, la combine d’inspiration françafricaine de Bédié devrait plutôt nous inciter à bien réfléchir à qui confier, à l’avenir, les clés de la destinée de notre patrie. 

Marcel Amondji


[1] - Il est vrai  que l’intéressé lui-même avait tiré un trait sur cette loi qui portait son nom et à laquelle, pour l’essentiel, il avait dû son grand renom dans toute l’ancienne Afrique noire française au milieu des années 1960 : « Chose curieuse, M. Houphouët-Boigny, depuis son accession à la présidence de la République, ne s’est jamais référé, du moins à ma connaissance, à cet événement. Mieux, dans une lettre datée du 27 février 1966, je lui proposais de commémorer le 20e anniversaire de cette loi et d’en profiter pour revivifier l’Entente. Il s’y refusa. » Sans doute ne voulait-il pas fâcher les colons en exaltant ce qu’il leur avait arraché ! (Jacques Baulin, La Politique intérieure d’Houphouët-Boigny, p.38, note 47),
[2] - Cf. : J. Baulin, La Politique africaine d’Houphouët-Boigny, p.171 : « Je crois, naïvement, de mon devoir de porter ces faits [il s’agit du détournement, par quelques étudiants membres de la direction du MEECI, de l’argent destiné à leur association] à la connaissance du président Houphouët-Boigny et de demander des sanctions non seulement disciplinaires, mais pénales. Le chef de l’Etat ivoirien se contente de me répondre froidement : "Et après ? Vous croyez que je me fie à leur honnêteté ? Mais je préfère qu’ils prennent mon argent, plutôt que celui des autres. Comprenez, ils nous font gagner du temps, ils nous sont utiles…" ».
[3] - Déclaration d’Houphouët lors du Conseil national de novembre 1983, in Fraternité Matin 14/XI/1983.
[4] - Voir dans ce blog : Il y a 31 ans disparaissait J.-B. Mockey, posté le 29 janvier 2012.
[5] - B. Dadié, Carnet de prison ; p. 233-234.
[6] - Cf. : Philippe Haeringer, Abidjan : l’apprentissage de la violence, Le Monde diplomatique mai 1986 ; et Fraternité Matin 20 mars 1995.