jeudi 28 août 2014

FPI. Prévenir la propagation de l’ébolassane*

Jeunes patriotes prisonniers des ouattaristes
L’ébolassane se caractérise par le refus des textes, normes et autres balises démocratiques. Celui qui en est atteint fait toujours le choix des raccourcis qui généralement oblitèrent l’avis dissident. Cette maladie fait signe et nourrit l’autocratie dans ce qu’elle a d’abject.  Quel terreau au sein du FPI a fait le lit de ce mal ?
Examinons. Porté à bout de bras par des militants généralement peu portés sur la main tendue, le FPI était bien parti pour structurer ses objectifs autour d’une éthique politique consistante. Nous avons vu des frères et sœurs très engagés sur le front qui, avec régularité se dépouillaient de tout pour faire face aux exigences primaires du parti dans leurs localités respectives. Le parti n’était pas au pouvoir et avait peu de moyens pour faire face aux exigences financières des différentes structures. De la reconnaissance officielle du FPI jusqu’en 2000, tous se saignèrent abondamment  pour consolider le front. De récurrentes déstabilisations se produisaient çà et là, avant chaque élection locale : certains dirigeants imposaient sans états d’âme des candidats qui n’étaient pas nécessairement le choix des bases. On finissait toujours par accepter ces intrusions malsaines ; il ne fallait pas fragiliser l’édifice FPI disait-on.
Cette rengaine a été constamment servie aux militants. Reléguant aux calendes grecques le filtre des cadres. Ceux qui osaient s’en offusquer sans voile étaient férocement indexés. Ils pouvaient quitter le parti s’ils n’étaient pas d’accord. La porte est ouverte, voici le slogan aseptisant que maniait avec dextérité la racaille ambitieuse. La redoutable efficacité d’une telle énonciation repose sur le fait qu’il est difficile pour tout militant honnête de quitter effectivement son parti pour des désaccords locaux peu épais au regard des enjeux essentiels. Mais la multiplication de ces désaccords finit par faire le berceau de la médiocrité. En effet, confinant au silence des cadres honnêtes et efficaces, ces incantations finissent  par remettre le gouvernail du parti à des individus à intégrité fissurée. Pire, elles discréditent à terme toute œuvre de construction.
Par couches successives, le FPI a lui-même sapé la fondation de l’édifice, brouillant insidieusement les balises de la refondation. Les choses n’ont pas fondamentalement changé après l’élection de 2000 qui pourtant a vu un engagement sans précédent des militants : ils ont poussé le général président à lâcher prise. Cette accession à la magistrature suprême aurait pu pousser le parti à fortifier ses assises au plan moral. Le respect du militant n’était toujours pas à l’ordre du jour : Affi était fermement au guidon. Le pouvoir acquis a le plus souvent donné du pouvoir à certains roitelets locaux qui ont davantage écrasé les dignes militants. Une situation qui, à la base, a littéralement neutralisé la voix du parti. Certains penchants et surtout la connexion absurde et manifeste avec des membres de la rébellion ont fini par mettre en évidence les failles morales de certains camarades.
La situation était si désespérée que le Président Gbagbo a tenté de colmater les brèches en mettant sur pied CNRD et LMP : des structures hors parti, hors Affi. Il l’a fait parce qu’il avait une lecture précise des signaux émanant du terrain. En effet, de hauts cadres avaient profité de la décentralisation ou autres postures pour détourner massivement les deniers publics. Il suffit, pour s’en convaincre, de faire le point des différentes régions gérées par les nôtres. Des présidents de conseils généraux sont loin d’avoir fait ce que prescrivait la doctrine du FPI. Avant les présidentielles de 2010, certains, pour malversations avérées, fuyaient la furie des militants : ils ne pouvaient faire la campagne en toute quiétude.
Pour avoir juste avant cette période fait le tour d’un nombre élastique de bases, nous confirmons : presque partout la nervosité de la base était réelle. Aussi, LMP et CNRD étaient incontournables qui mobilisaient au-delà du parti. L’engouement était perceptible. Mais malgré tous ces signaux explicites, il est évident que les leçons de défiance de la base sont restées sans lendemain. La crise récente réitère avec éloquence ce mépris de la base et de la démocratie interne. On ne peut engager un parti sur des sentiers tortueux en piétinant allègrement le souhait du plus grand nombre qui, en l’occurrence, refuse une participation à une quelconque élection tant que l’essentiel prescrit n’est pas fait.
Qu’est-ce qui a donc piqué Affi ? L’ébolassane. Sommes-nous certains qu’il est désormais à
Affi N'Guessan et consort... à Canossa-Daoukro
l’abri de toute contagion ? L’absence actuelle de sérum efficient ne rassure pas. En faisant prêter serment à Alain Dogou dans l’espace indigne où sévit l’ébolassane,  il a en toute hâte pris sur lui d’inoculer ce virus au FPI et le mettre à la disposition de la pharmaceutique ennemie.
La Côte d’Ivoire est plus que jamais dans la tourmente et il n’est pas acceptable qu’Affi, visiblement agonisant, continue à piloter le navire FPI. Il est complètement tétanisé par ce mal venu des officines occidentales. Aussi, ne peut-il être l’adéquate boussole. Le front a besoin d’un authentique porteur de doctrine, celle qui matinalement a fait rêver les Ivoiriens. Attendre un congrès pour mettre fin à son règne, c’est à n’en pas douter consolider la prostitution politique dans laquelle lui et ses «  hommes  » tentent de confiner le plus grand parti de Côte d’ivoire. Démettez-le, nos légitimes aspirations le commandent.  Il a en toute « responsabilité » refusé d’être le garant de nos dignes attentes.

Dr Oyissé (depuis la Suisse)

(*) Titre original : « FPI-Affi : Traiter rapidement l’ébolassane » 


 
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
 

Source : CIVOX. NET 25 Août 2014

mercredi 27 août 2014

LES DADIÉ, de GABRIEL à BERNARD. HISTOIRE D’UNE FIDÉLITÉ (3/4)

La formation de l’écrivain Bernard Dadié s’est développée sur trois grandes périodes et dans deux pays fort différents, sa Côte d’Ivoire natale et le Sénégal. On pourrait même dire : trois pays, car la Côte d’Ivoire relativement paisible qu’il avait quittée vers l’âge de vingt ans était, de ce point de vue, passablement changée quand il y revint treize ans plus tard.
B. Dadié "groupéen" (debout)
La première période, celle de l’apprentissage, commence réellement à l’EPS de Bingerville, alors capitale de la Côte d’Ivoire, et s’achève six ans plus tard à l’Ecole William Ponty de Gorée, au Sénégal.
Après une scolarité plus ou moins contrariée au début, Bernard Dadié fut admis en 1930, 2e sur 50, au Groupe scolaire central, qui deviendra plus tard l’Ecole primaire supérieure, de Bingerville. C’est là que, en 1934, avec Les Villes, se révéla sa passion pour la création littéraire. Première œuvre littéraire ivoirienne et première œuvre théâtrale africaine d’expression française, cette saynète se présentait comme un dialogue entre Assinie, Bassam, Bingerville, les trois anciennes capitales successives, Abidjan qui venait juste de le devenir, et Bouaké, la ville-ombilic de la colonie, qui pouvait logiquement espérer le devenir aussi un jour dans cette histoire où les villes jouaient au jeu des chaises musicales, l’une remplaçant l’autre dès qu’elle avait pris une certaine importance.
Avant Bernard Dadié, les élèves du Groupe scolaire central faisaient déjà du théâtre, mais ils se contentaient d’improviser quand ils étaient sur scène. Dadié fut le premier qui eut l’idée d’écrire une pièce. Laquelle, jouée à Abidjan, en 1933, à l’occasion de la Fête des enfants, remporta un grand succès.
Cette même année, Dadié fut reçu à l’Ecole William Ponty de Gorée, au Sénégal. C’est à Gorée que quatre ans après Les Villes, il écrivit sa 2e œuvre théâtrale, Assémien Déhylé, roi du Sanwi qui, jouée à Dakar et à Saint-Louis par les élèves de l’école, fut suffisamment appréciée par le public pour que la troupe soit invitée à la rejouer à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées, pendant l'Exposition internationale de 1937. Dadié ne fut pas du voyage ; il était déjà sorti de Ponty et, ayant choisi de rester au Sénégal plutôt que de retourner en Côte d’Ivoire, il occupait un poste de commis d’administration à Dakar.
S’il est heureux d’être au Sénégal, Dadié n’en conserve pas moins la nostalgie du pays natal : « J’ai toujours aimé ma Côte d’Ivoire, confie-t-il dans une lettre à un ami resté au pays, et je l’aime encore plus depuis que je suis au Sénégal et je voudrais (…) que nous placions notre pays plus haut en cédant la place à nos enfants, c’est-à-dire que nous fassions de ce pays plein d’avenir autre chose qu’il n’est présentement ».[1]
La deuxième période englobe les épisodes du Front populaire, de la deuxième guerre mondiale, de la libération et des débuts de l’Union française, le nouvel avatar de l’Empire de même nom. Elle a pour champ Dakar justement, la capitale de l’AOF. Bernard Dadié travaille à l’IFAN au contact d’hommes comme l’historien et archiviste André Villard ou l’ethnologue Théodore Monod. « J’ai la chance, confie-t-il à Bernard Magnier, d’avoir commencé mon travail avec des jeunes Européens issus du Front populaire. J’écrivais depuis Ponty, avec Béart, en 1932-1936. Et puis Villard qui était archiviste m’a dit : "Pour dominer ton travail, il faut que tu lises". Il m’achetait des livres. Il me disait : "Ecris, écris !" ».
Dakar, c’est aussi une société « mélangée » où les sentiments d’appartenance raciale, si prégnants en Côte d’Ivoire, et les comportements qu’ils induisent chez les uns et les autres semblent inexistants.
Dakar, c’est enfin une fenêtre grande ouverte sur un monde encore inconnu, voire insoupçonné. En 1937, Dadié assiste à une conférence de Léopold Senghor et c’est l’occasion pour lui de découvrir les écrivains noirs ou métis des deux Amériques et des Caraïbes. Il lit Richard Wright, Jean Price-Mars, Jorge Amado, Claude MacKay. Il peut ainsi, écrit N. Vincileoni, se faire « une culture historique et socio-politique remarquable sur l’Afrique et la diaspora noire. Ses notes de lecture, les copies qu’il fait des documents qu’il ordonne aux archives remplissent un nombre impressionnant de carnets, où il puisera pour ses articles et ses œuvres à venir ».[2]
Dans Commandant Taureault et ses nègres, qu’il publiera en 1980, Dadié nous dit sa fierté lorsqu’il fit cette découverte : « (…) Un autre journal fut fondé par des nègres : La Dépêche africaine. Les quelques numéros qui purent franchir les lignes douanières (…) nous montrèrent les photos de nègres avocats, écrivains, professeurs, artistes, poètes, industriels. Nous n’avions pas besoin de les connaître ; les regarder était la preuve que nous pouvions nous réaliser, nous aussi ».
Nombre de titres que Dadié publiera à partir du milieu des années 1950 datent en fait des années dakaroises. C’est le cas de son tout premier poème, intitulé Mon cœur, qu’il a écrit en 1938 mais qu’il ne publiera qu’en 1956. Il en fut de même pour la nouvelle intitulée Mémoire d’une rue dont N. Vincileoni parle comme d’« Une belle page de littérature où l’Egalité, la Justice et l’Amour rencontrent Eros, où le discours canaille (…) est ému par le discours noble, un peu à l’image de l’univers littéraire de Dadié qui privilégie le mélange des tons ». Dans cette nouvelle, Dadié donne la parole à « Raffenel », du nom d’une rue célèbre et mal famée de Dakar. Certains de ses premiers essais littéraires paraissent néanmoins dans la presse locale. Ainsi, En 1942-1943, il collabore à « Dakar Jeune », organe semi-officiel, ou il fait paraître La Légende de la fumée ; Nénuphar, reine des eaux et Araignée, mauvais père.
B. Dadié (à gauche) et A. Diop
En 1945, Tam tam aux arènes, son 2e poème, paraît dans la revue « Genèse ». C’est aussi l’année de sa rencontre avec Alioune Diop, le futur animateur de la revue et des éditions « Présence africaine ». Diop était un Saint-Louisien musulman converti au catholicisme ; Bernard Dadié, lui, est depuis toujours un fervent catholique. Cette circonstance fit sans doute autant pour leur amitié que leur commun amour de la littérature africaine ou nègre.
Le 15 sept 1945, Dadié devient le secrétaire général de la section dakaroise du « Comité d’études franco-africaines » (CEFA), la première association ou Africains et Européens militent ensemble.
En 1947, avec Alioune Diop, il participe à la fondation de la revue « Présence africaine » dans laquelle il publie deux poésies : Réveil et Chérie. Diop lui propose de poursuivre cette aventure à Paris, mais il préfère rester en Afrique.
L’année 1947 est aussi l’année où son « exil » sénégalais prend fin après 13 années bien remplies. La troisième et la dernière phase de son apprentissage de la vie qui débute alors sera aussi la plus douloureuse. Mais ni lui ni personne ne le savent encore.
Le 20 avril 1947, répondant à un appel pressant de son père, le voici de retour au pays natal. Il a été rappelé dans un but précis : « Tu te bats au Sénégal, lui avait écrit le vieux lutteur, c’est bien. Mais ici, il y a bien plus à faire pour recouvrer notre dignité et pour faire accepter aux colons le respect de nos droits les plus élémentaires. J’ai besoin de toi ici, pour que nous nous battions ensemble. »
Au Sénégal, Bernard Dadié avait adhéré à l’Union démocratique sénégalaise (UDS), la section sénégalaise du Rassemblement démocratique africain (RDA) dès sa création. Intégré au Comité directeur du Parti démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI) qui en est la section ivoirienne, il est chargé d’animer la presse, fonction qu’il assumera de 1947 à 1953. À cette époque, tout en écrivant, sous différents pseudonymes, pour « Réveil », l’organe du RDA imprimé à Dakar, il fait paraître trois nouveaux poèmes dans la revue Présence africaine : Puissance (1947), Couronne à l’Afrique (1948), Chanter l’Afrique (1949).
Puis, c’est le drame. Le 6 février 1949, suite à une provocation des adversaires du RDA, 8 dirigeants du mouvement, dont Bernard Dadié, sont arrêtés. Après quelques jours de garde à vue à Abidjan, les prisonniers sont transférés à la prison de Bassam à bord du corbillard municipal, ce qui inspire à Dadié le titre de son premier poème militant, Le Corbillard de la liberté qui, repris en France dans la presse démocratique, le fit connaître d’un seul coup loin au-delà de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique.
En prison, Dadié continue d’écrire. Il écrit des articles pour « Réveil » et « Le Démocrate », l’organe du PDCI récemment créé, et qui est entièrement rédigé dans la prison-même. Il note dans son journal intime, au jour le jour, les événements qui surviennent à l’intérieur de la prison et l’écho, apporté par les visiteurs, de ceux qui se produisent hors les murs dans les quatre coins du pays. Journal qu’il ne publiera que bien des années plus tard, sous le titre de Carnet de prison.
Le jugement de l’affaire du 6 février a lieu du 2 au 23 mars 1950, et Bernard Dadié,
condamné à 3 ans mais bénéficiant du sursis, est libéré. Le même jour, il note dans son journal : « Je viens de vivre un autre aspect de la vie. Très instructif et riche en expérience. Mes adversaires politiques m’ont enrichi sans le vouloir et sans le savoir. J’ai compris ce que sont Pouvoir et Justice. Retour à Agboville, je trouve tous mes documents et livres achetés et accumulés de 1936 à 1947 à Dakar, ramenés avec moi et stockés à Agboville, détruits, rongés par les termites. (…). Riche documentation sur la colonisation et les événements de 1936 à 1947, sur les Noirs américains, etc. En plus des lettres, des photos et le manuscrit de Les Villes, pièce écrite en 1933, (…) »[3]
Ici prend fin le temps de l’apprentissage et commence celui où l’écrivain qui est en Bernard Dadié, va enfin pouvoir s’établir, si je puis dire, à son propre compte. Le prisonnier en sursis reprend ses activités dans le parti. Il est rédacteur en chef du « Démocrate » dont il rédige tous les éditoriaux, quoiqu’il ne soit plus autorisé à signer. Il se marie et son premier enfant voit le jour en 1951. La même année, la direction du parti décide de saborder « Le Démocrate ».
1953, avons-nous dit, fut une année importante pour Bernard Dadié. C’est l’année où il perd son père, où il reprend son travail de fonctionnaire à la bibliothèque et au musée et où a lieu le procès en appel de l’affaire du 6 février 1949. Cette fois, tous les condamnés sont acquittés… C’est évidemment le résultat d’un arrangement entre la haute direction du RDA et les autorités. Ce qui entraîne l’abandon de la ligne anticolonialiste pour celle de la « fraternisation ». Déçu, mais discipliné (« l’intérêt du pays commande », dira-t-il), Dadié se retire discrètement de la vie politique active, et fais le choix de poursuivre la lutte avec la seule arme dont il maîtrise le maniement, la littérature : « Tout dire sans aucune étiquette politique. Je poursuivrai sur le plan littéraire ce que j’avais fait sur le plan politique, mais avec beaucoup plus de liberté… », confiera-t-il bien plus tard à Nicole Vincileoni.
C’est dans cette période que se situe un premier feu d’artifice éditorial, avec, Légendes africaines (1954), Le Pagne noir (1955), La Ronde des jours et Climbié (1956). Ce dernier titre est un roman ou plutôt un récit largement inspiré de faits réels de la vie de son auteur, et dont Bernard Dadié avait bouclé le manuscrit dès le mois d’avril 1953. Jusqu’à cette explosion, il n’avait publié qu’un recueil de poésies intitulé Afrique debout ! (1950)
Suivrons, avec quelque distance, Un Nègre à Paris (1959), Patron de New York (1964) et la Ville où nul ne meurt (1968), des chroniques inspirées par les voyages de Bernard Dadié à Paris, New York et Rome, respectivement, et marquées au coin d’un certain dilettantisme, même si au fond il s’agit pour lui de poursuivre le même combat en adaptant sa stratégie à des conditions toutes nouvelles pour lui.
Puis vint le temps où Bernard Dadié produisit le meilleur de son œuvre dramatique, à commencer par Monsieur Thôgô Gnini (en bambara, thôgô gnini veut dire littéralement : celui qui cherche un nom), son chef-d’œuvre, portrait charge d’un nouveau riche cupide et cynique. La pièce fit sensation au Festival panafricain d’Alger, en 1969. La réussite se renouvela en 1971 au festival d’Avignon où fut créée Béatrice du Congo, la geste d’une Jeanne d’Arc africaine qui échoue comme l’autre à bouter hors de son pays les envahisseurs, en l’occurrence les Portugais.
Parallèlement à cette intense activité, Bernard Dadié poursuivait, depuis la loi cadre Gaston Defferre instituant l’autonomie, une carrière dans l’administration centrale : tour à tour, il est Chef de cabinet du ministre de l’Education nationale (1957-1959), Directeur des services de l’information (1959-1961), Directeur des Beaux-arts (1962-1963), puis, après un passage à l’Unesco comme vice-président du Comité exécutif (1964-1972), Directeur des Affaires culturelles (1973-1976).
En 1977, il devint même ministre de la Culture. Mais ce dut être un ministre bien aty­pique, même s’il le fut sans discontinuer pendant une bonne dizaine d’années. A ses collègues, il devait même paraître, certains jours, carrément hérétique vis-à-vis de l’orthodoxie d’un système guère enclin à considérer avec sérieux les choses de l’esprit. A preuve la réponse visiblement énervée qu’il fit, en octobre 1985, à un journaliste qui lui demandait sa définition de la culture : « La culture, ce n’est pas seu­lement une question de création ou de créa­tivité; c’est tout l’homme. Et c’est pourquoi le problème de son développement se pose (...) Il nous faut donc travailler à la construction d’une nouvelle société qui intègre concrète­ment dans le processus global de son déve­loppement nos valeurs culturelles (...). Trop longtemps conçu en fonction de la seule réalité économique, le développement doit désormais être perçu comme un phénomène global dans lequel les éléments culturels jouent un rôle de premier plan. Considérer le développement culturel comme une dimension essentielle du développement intégral, c’est reconnaître que, si la croissance économique est un facteur fondamental du développement, ce sont bien des choix d’ordre culturel qui en déterminent l’orientation et l’utilisation au service des in­dividus et des sociétés, en vue de la satisfaction de leurs besoins et de leurs aspirations légi­times. Ainsi, la croissance économique, qui est certes la clé du développement, cesse d’être en elle-même une finalité. Elle devient un moyen permettant de satisfaire les besoins de tous, y compris celui d’une possibilité d’épanouisse­ment complet »[4]. Six mois après, il y eut remaniement ministériel, et Dadié ne fut pas reconduit dans le gouvernement suivant. L’étonnant, c’est qu’on l’y ait toléré pendant si longtemps. Car c’est pendant qu’il était ministre qu’il publia ses œuvres les plus caustiques, les plus globalement critiques, comme dirait le professeur Barthélémy Kotchy, l’auteur de « La critique sociale dans l’œuvre théâtrale de Bernard Dadié », vis-à-vis « de la société, de ses institutions et de ses hommes au pouvoir »[5], comme s’il voulait se racheter à ses propres yeux de s’être compromis avec un système dont il ne partageait pas la philosophie jugée trop bassement matérialiste.
Le dernier feu d’artifice éditorial a eu lieu au début des années 1980 avec trois livres parus bien après la date de leur première ébauche que, selon Nicole Vincileoni, on peut si­tuer antérieurement à Climbié. Il s’agit de Com­mandant Taureault et ses nègres (1980), de Les jambes du fils de Dieu (1980) et de Carnet de prison (1981). Le fait intéressant c’est que, par leur contenu, ces trois livres ont beaucoup à voir avec le premier récit publié par Dadié : « Climbié, (…), et, à vingt-quatre ans d’intervalle, Les jambes du fils de Dieu et Commandant Taureault et ses nègres, écrit N. Vincileoni, font référence à la même période historique que celle où s’est déroulée la première partie de l’existence de Bernard Dadié. Un laps de temps qui va de l’enfance à ce "milieu du chemin de la vie" qu’est, approximativement, sa sortie de prison. »[6] 

Marcel Amondji  

(A SUIVRE)


[1] - Lettre à Octave Kablan.
[2] - N. Vincileoni, o.c.
[3] - Carnet de prison, jeudi 23 mars 1950.
[4] - « Fraternité Matin », 22 octobre 1985, p.6.
[5] - L’Harmattan, 1984.
[6] - N. Vincileoni, o.c.

mardi 26 août 2014

HOMMAGE A UN COMPAGNON


 
Nous venons d’apprendre le décès de l’universitaire Joachim Bony, Compagnon de « L’Aventure 1946 », ancien dirigeant de l’Union des étudiants de la Côte d’Ivoire (UGECI), ancien dirigeant de la Jeunesse du Rassemblement démocratique africain (JRDA-CI), ancien ministre de l’Education nationale, et l’une des victimes innocentes des "faux complots" de 1963. En guise d’Adieu, nous publions ce texte où l’écrivain britannique né à Trinidad V.S. Naipaul, futur prix Nobel de littérature (2001), évoque sa rencontre avec J. Bony dans sa maison d’Abidjan, au début des années 1980.*
 
La Rédaction
 

Ce samedi, pendant que M. Niangoran-Bouah était à la fête des ignames, Ariette alla à Grand-Bassam, l'ancienne capitale coloniale, partiellement à l'abandon. Il y avait à Grand-Bassam un vernissage — des œuvres de peintres de la région, africains ou européens et de peintres haïtiens — dans une maison de l'époque coloniale, que possédaient des Français et qu'ils avaient restaurée. Tout l'Abidjan cultivé — principalement des expatriés, Blancs et Noirs — devait s'y retrouver et dans ce milieu d'expa­triés, Ariette était un personnage. Le dimanche, Ariette retourna à Grand-Bassam, pour se joindre à des expatriés qui s'offraient le plaisir d'un bain suivi d'un déjeuner de fruits de mer dans un restaurant de la plage.
Elle revint en pleine forme pour m'emmener le soir prendre l'apéritif chez Joachim Bony, un ancien ministre.
Comme ministre de l'Instruction publique, M. Bony avait été quelque temps le « patron » d'Ariette ; elle lui gardait un grand respect. Elle était en sa présence curieu­sement décontenancée, exagérant la solennité de l'occa­sion. Ce fut seulement deux jours plus tard qu'elle m'apprit que M. Bony, soupçonné d'avoir comploté contre le président, avait passé cinq ans en prison, avant d'être gracié.
Joachim Bony vivait dans un des plus riches quartiers résidentiels d'Abidjan : rues verdoyantes, grandes mai­sons, grands terrains. Une grille, une allée, une demeure moderne en béton, plusieurs autos. Il vint à notre ren­contre, un homme d'environ soixante ans, si empressé, si affable qu'il me fallut quelque temps avant de voir qu'il boitait. Il nous fit monter les marches qui conduisaient directement du jardin au salon. Le mobilier était moderne, de verre et de métal sans rien de disparate. Il ferma la porte de verre au cadre d'aluminium et mit en marche le climatiseur.
Les autres invités étaient un docteur ivoirien et sa femme française, des gens d'environ cinquante ans. Joachim Bony et son ami, le médecin ivoirien, s'étaient rendus en France la même année, en 1946. L'ami était resté vingt et un ans en France, à Toulouse[1]. Il avait la peau beaucoup plus noire que M. Bony et il était plus corpulent. Quand il était revenu en Côte-d’Ivoire, disait sa femme, il avait au total passé plus de temps en France qu'en Afrique. Mais il s'était «réintégré» dans sa famille. Il retournait chaque week-end dans son village ancestral.
A quoi passait-il son temps, là-bas ? Il dit qu'il s'occupait de la terre familiale. Les week-ends, il devenait un « planteur ». Il ajouta, pour plaisanter, « gentleman farmer». N'était-il pas à présent un peu détaché des manières de vivre des villages africains et de la religion dont elles sont imprégnées ? Il dit qu'il n'était pas croyant (il parlait de la religion africaine) mais dans les moments de crise — il eut un léger sourire — il se sentait disposé à en revenir aux vieilles croyances.
J'interrogeai M. Bony sur les crocodiles du président (j'ignorais alors l'histoire des infortunes politiques de l'ancien ministre). Il dit — tranquillement, sans hésiter — que le crocodile était l'animal totémique de la famille du président. Le totem de sa famille à lui était la pan­thère. Il expliqua : la panthère était prudente et — M. Bony fit un geste avec les doigts de sa main droite — elle ne bondissait qu'à l'instant décisif.
Une poule pouvait-elle être un totem ? Oui, dit le médecin. Une famille pouvait-elle changer de totem ? Non, dit le médecin. Non, dit M. Bony. Un totem était quelque chose dont on héritait, qui venait de très loin.
Joachim Bony était ainsi : direct, tranquille, réaliste, sans crainte superstitieuse. De tous ceux que j'avais interrogés sur les crocodiles du président, il avait été le seul à me donner une réponse sans détours, et il fut aussi le premier à comprendre ma question au sujet des posses­sions du président à Yamoussoukro. Quelques-unes des terres avaient dû appartenir à l'Etat, dit M. Bony, d'autres étaient des biens de famille. La famille du président produisait beaucoup mieux que des chefs de village : ses membres exerçaient leur souveraineté sur de grands territoires ; on aurait pu les appeler des vice-rois. A l'époque coloniale leur pouvoir avait été réduit. Mais aux yeux du peuple ils avaient conservé leur autorité.
Après le départ du médecin et de sa femme la conver­sation porta sur la religion. En Afrique, la religion, c'est fondamental, dit M. Bony. Il y a deux mondes, le monde de la réalité quotidienne et le monde de l'esprit. Ces deux mondes se cherchent, disait Joachim Bony. Il ne parlait pas, lui, du monde du jour et du monde de la nuit ; mais bientôt, dans sa conversation, le monde de l'esprit devint le monde du surnaturel. Il dit qu'on ne pouvait pas ignorer le surnaturel. Lui-même avait eu des rêves prémonitoires de la mort de ses parents.
Les Européens, on devait le reconnaître, ne man­quaient pas de qualités d'invention et de créativité. Mais parce qu'ils ne mettaient l'accent que sur l'un des aspects de la nature de l'homme les Africains voyaient en eux des enfants, et parfois, et justement à cause de leurs talents, on les considérait comme des enfants terribles. Quand il avait voyagé dans les pays communistes de l'Europe de l'Est, il avait été consterné de voir les hommes réduits à n'être que des unités de production, traités comme s'ils n'avaient de valeur qu'en fonction de données économiques. C'était pourquoi, tout en dépendant pour tant de choses des Européens, les Africains se jugeaient «plus vieux» que les Européens.
On avait bu l'apéritif ; l'entretien prenait fin ; Joachim Bony — aussi aimable qu'Ariette pouvait le souhaiter — nous fit reconduire dans une de ses voitures qui bientôt nous emporta hors des grilles bien gardées.
Deux jours plus tard on me racontait les infortunes de notre hôte. Et rétrospectivement il y gagna à mes yeux un surcroît de dignité. Cela rendait encore plus étonnant son intérêt pour le surnaturel.[2]
Le surnaturel dont parlait M. Bony n'était pas spécifiquement africain. Mais en Afrique on glissait si vite, si aisément d'un monde à l'autre. Fraternité-Matin, parti­cipant à la guerre du gouvernement contre la magie noire (et en même temps laissant entendre qu'en Côte-d'Ivoire la sorcellerie appartenait au passé), publiait un article relatant les pratiques de l'ethnie des Bété. D'après Fraternité-Matin, en Afrique lorsque quelqu'un mourait on ne pensait jamais que c'était de mort naturelle. Il y avait toujours quelque sorcier pour en être responsable et ceux qu'on soupçonnait devaient parfois subir de terribles épreuves afin de prouver leur innocence. On leur faisait porter les vêtements du mort ; on leur servait «le mouton de la mort», du mouton qui avait macéré dans les humeurs d'un cadavre en cours de putréfaction. Généralement, parmi les Bété, on obtenait la vérité en instillant dans les yeux des suspects la sève de l'arbre « gôpô » : il était admis que, s'ils étaient innocents, le gôpô ne ferait aucun dommage.
C'est alors que j'entendis raconter une histoire qui me laissa perplexe. Dans les docks d'Abidjan, un container réfrigérant défectueux — qui faisait partie d'une cargai­son expédiée de la Côte-d'Ivoire au Nigeria — commen­çait à sentir mauvais. On l'ouvrit ; on trouva à l'intérieur plusieurs têtes coupées. Des têtes sacrificielles, destinées à l'exportation ; la technologie au service des vieilles croyances du culte ancien. Etait-ce une histoire vraie ou une plaisanterie inventée tout à la fois par les expatriés et les Africains ? (L'humour propre à l'une ou l'autre des deux communautés aurait pu donner naissance à cette sorte d'anecdote.) Je fus incapable d'en décider. Je constatai simplement que tous les expatriés connaissaient des histoires de ce genre, ainsi que des histoires d'empoi­sonnements, de pratiques funéraires de disparitions d'enfants. Ils étaient conscients de l'existence de cette Afrique africaine. Mais l'Afrique qu'ils chérissaient, l'Afri­que qu'ils présentaient au visiteur, c'était l'Afrique de leurs compétences techniques. 

 
(*) Extrait de « Sacrifices » de V.S. Naipaul, Albin Michel 1984 (chapitre 13).
 


[1] - Ce médecin, ami et congénère de J. Bony, lui aussi Compagnon de L’Aventure 1946, et ancien de Toulouse, ne peut être que le Pr Marcel Etté, le fameux Secrétaire général du Synarès qui portera si courageusement la parole de son organisation et de tous les démocrates ivoiriens lors des Journées nationales du dialogue de septembre 1989.
[2] - Allusion à l’épisode des « faux complots » de 1963-1964, dont J. Bony, alors ministre de l’Education nationale, fut l’une des victimes. Apparemment, Naipaul ne saura pas qu’il ne fut pas le seul ni le plus important des prisonniers d’Assabou.

lundi 25 août 2014

« Compaoré dégage, Compaoré notre ébola ! »*

Les Burkinabés toujours vent debout contre le projet de révision de la constitution.
 
Au moins 100.000 manifestants à une marche de l’opposition politique burkinabè, étaient massés samedi à environ 3 Km de la résidence présidentielle, se disant « contre un référendum » pour modifier l’article 37 de la constitution du pays devant permettre à Blaise Compaoré un troisième mandat en 2015.
« Cette mobilisation gigantesque, historique est un message fort » au président Compaoré, a déclaré le leader de l’opposition, Zéphirin Diabré, se réjouissant que leur marche, sur un itinéraire d’environ huit kilomètres, se soit « déroulée dans le calme, sans violence », a constaté un journaliste de ALERTE INFO.
M. Diabré, président de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC), a invité les militants de l’opposition à « rester mobilisés et à l’écoute des mots d’ordre à venir », laissant la foule en liesse et dans l’euphorie.
Sur les pancartes brandies par des manifestants, l’on pouvait lire : « non au référendum, non à la modification de l’article 37, non au pouvoir à vie, Compaoré dégage, Compaoré notre ébola », faisant allusion à l’épidémie mortelle qui sévit en Afrique de l’Ouest notamment au Libéria, Guinée Conakry, Nigéria et Sierra-Leone.
Des mouvements de jeunes, notamment « le Balai citoyen (Cibal), Brassard noir (MBN), le Collectif anti-référendum (Car), Ça suffit, le Front de Résistance Citoyenne (FRC), se réclamant « républicains », ainsi que des manifestants venus de l’intérieur du pays, ont participé à la marche de l’opposition.
En marge de cette marche meeting, plus de 2.000 femmes du parti au pouvoir, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), réunies à la Maison du peuple de Ouagadougou, au centre-ville, réaffirmaient leur « soutien au président Blaise, homme de paix », estiment-elles.
Selon l’article 37 de la constitution, Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 1987, ne devrait pas se présenter en 2015 pour un troisième mandat. Mais la coalition des « 49 partis politiques », le Front républicain, acquis à sa cause, souhaite un référendum pour déverrouiller la clause limitative de mandats présidentiels.
M. Compaoré ne s’est lui-même pas officiellement prononcé sur sa candidature à l’élection présidentielle de 2015. 

Par Hassimi Zouré (Alerte-info.net)

(*) Titre original : « Burkina – au moins 100.000 manifestants à une marche contre la révision de la constitution, à Ouagadougou ».

Source : connectionivoirienne.net 23 août 2014

dimanche 24 août 2014

« Quiconque prétend diriger la commune lutte doit expliquer sa stratégie au reste de la troupe. »

UN ESPRIT INCLONABLE NOMMÉ LAURENT GBAGBO
Une libre opinion de Julius Blawa Aguisso 

Quand nous écrivons que Laurent Gbagbo est un esprit alors que c’est une personne physique, cela veut dire que la force de ses idées pèse et pèsera pour longtemps sur notre temps et sur celui de la postérité. A ce titre, il est une légende voire un immortel. Malheureusement, un esprit peut se tromper ; donc il a dû se tromper voilà pourquoi, en ce nomment, certaines personnes ont été nommées autour de lui, suivez mon regard… Malheureusement, on ne peut pas cloner les idées, autrement dit, des comportements et des actes n’auraient jamais prospéré sous nos cieux.
 
D’abord au RHDP, que ce soit le vieux Bédié, ou son nouvel ancien jeune frère Ouattara, également en passant par l’ancien camarade Anaki ; tous lui sont redevables de quelque chose. Ceux qui connaissent l’histoire de la Côte d’Ivoire comprennent à demi-mot notre propos et c’est l’essentiel. Pourquoi, Ouattara et Bédié ont-ils été amenés à postuler à la présidentielle de 2010 ? La réponse est que Laurent Gbagbo aime l’homme ivoirien avant tout, mais il est surtout légaliste. On peut tout lui reprocher, sauf le traiter de tyran, encore moins d’anti-nordiste. Regardez par vous-mêmes ! Peut-on épouser une fille dont on déteste les parents ? Peut-on confier son avenir politique à des gens qu’on n’aime pas ? Issa Malick Coulibaly est-il du Front populaire Ivoirien pour être le porte-drapeau de la candidature de Laurent Gbagbo dans un environnement où plein d’ennemis tiennent le daguet prêt à le découper ? Soyons un peu sérieux un jour, n’est-ce pas Messieurs Bédié et Ouattara !
 
Laurent Gbagbo est un esprit, cela veut dire que ses idées ne mourront pas car chaque Ivoirien qui reconnaît ce pays comme le sien, se retrouve et dans le discours et dans la manière d’être du Woudi de Mama. Personne n’aura honte en  proclamant cela haut et fort, car ce ne sera pas un cri du cœur, mais un constat basé sur la réalité. Même retenu à La Haye depuis bientôt trois ans, son aura continue de flotter sur la Côte d’Ivoire et l’Afrique à la manière des héros du passés de notre continent.
 
Quand il dit « Si je tombe, enjambez mon corps pour continuer la lutte » ; beaucoup de ses amis n’ont pas compris le sens de ce propos. Laurent Gbagbo veut tout simplement dire que l’objectif que nous poursuivons tous, qui est la libération de la Côte d’ivoire, est plus important que sa personne. A ce titre, il n’est pas le combat, mais il le porte. Alors, s’il est en congé à La Haye, ceux qui  portent  le combat, doivent inclure Laurent Gbagbo dans le combat. Voilà pourquoi quiconque prétend diriger la commune lutte doit expliquer sa stratégie au reste de la troupe, au risque d’être taxé de traîtrise. Le président Affi doit digérer cela à ses dépens. Personne n’est contre Affi, contrairement à ce qui se dit ça et là. Il était nécessaire de mettre le holà quand on ne comprend pas où va le chef  du FPI. Nous ne sommes pas contre la personne du vieux Bédié, mais ce sont ses actes qui nous rebutent. C’est pour cela, quand Affi dit que ce Monsieur-là est incontournable et qu’il faille aller lui demander conseil, on se dit que quelque chose cloche absolument.
 
Au début de la crise, nous craignions l’affaiblissement de la direction du parti. Malheureusement le président Affi n’a pas rattrapé ses sorties hasardeuses. A notre avis, aujourd’hui, ligoté comme il est, il ne lui reste plus qu’à démissionner avant que le congrès ne l’éjecte comme un malpropre. La colère gronde encore dans nos cœurs à l’idée pour Affi d’avoir suscité et obtenu un rendez-vous manqué avec l’Histoire. Pourquoi Affi a-t-il manœuvré pour aller voir tout seul le président français à qui nos camarades, dignes fils de ce pays, auraient pu dire leur part de vérité ? Que le président du FPI veuille tourner la page Gbagbo, qu’il ne s’y prendrait pas autrement que ce qu’il a fait ! M. Affi connaît-il qui est Laurent Gbagbo ? Qu’il demande à M. Anaki Kobenan ce que nous avons fait à Paris, mais aussi le risque que ses camarades d’antan ont pris quand il était en prison. Cela éclairera la lanterne de M. Affi.
 
Laurent Gbagbo peut comme toute personne humaine être ingrat, mais il n’aurait jamais tourné la page quand ses amis sont embastillés. Si tel n’avait été le but d’Affi, pourquoi n’explique-t-il pas sa stratégie clairement aux autres membres du bureau politique ? Ce qu’on peut en définitive retenir est qu’on a beau être un grand esprit, le clonage de ses idées est vraiment impossible. Cela explique pourquoi, ceux qui entourent Laurent Gbagbo peuvent avoir un regard divergent sur la lutte de ce leader charismatique.
 
Des filles à haute voix mais aussi des hommes en silence et dans le tréfonds de leur être, ont pleuré quand Affi a été jeté en prison. N’eut été la démarche modérée d’un Gervais P. Coulibaly – chose qu’on ne dit pas assez en ce moment –, Affi et bien d’autres croupiraient encore en prison. Voilà encore une main invisible de Laurent Gbagbo quand bien même il est loin du pays. Il agit par personne interposée. C’est la page d’un tel monument que certains camarades voudraient tourner ? La démocratie et la liberté sont aujourd’hui en deuil dans notre pays, ce n’est tout de même pas notre intelligence qui l’est aussi ! Alors attention… 

J. Blawa Aguisso 

 
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Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
 

Source : CIVOX. NET 23 Août 2014

samedi 23 août 2014

Un pays malade, un président affaibli… Là-bas aussi !*

Un Premier ministre droit dans ses bottes. On ne change pas une politique qui ne produit pour l'instant aucun résultat. Le pacte de responsabilité et les allègements de cotisations sociales pour les entreprises n'ont pour l'instant pas fait baisser le chômage. 

La rentrée « difficile » de François Hollande 

La rentrée c’est maintenant, pour le gouvernement. Après 15 jours de vacances, François Hollande, Manuel Valls et tous les ministres ont retrouvé Paris en début de semaine avant le conseil des ministres ce mercredi 20 août. Et cela alors que la situation économique n’a jamais été aussi difficile depuis le début du quinquennat.
« Une rentrée difficile ». C’est l’expression… de la rentrée. Le Premier ministre Manuel Valls l’avait dit dès le 1er août, juste avant de partir en vacances, histoire de préparer les esprits alors que tous les signaux économiques sont au rouge. Il l’a encore dit le 15 août, après son déjeuner de travail avec François Hollande au fort de Brégançon, dans le Var, lors de la pré-rentrée médiatisée du couple exécutif, en marge des commémorations du Débarquement de Provence. « La situation est difficile, nous avons un ralentissement de la croissance, mais nous ne pouvons pas baisser les bras, a résumé Manuel Valls. Moi je dois la vérité aux Français, leur dire que c’est difficile, mais le cap doit rester le même, il ne s’agit pas de zigzaguer, il s’agit d’avoir du sang froid, de tenir bon.»
Un Premier ministre droit dans ses bottes. On ne change pas une politique qui ne produit pour l'instant aucun résultat. Le pacte de responsabilité et les allègements de cotisations sociales pour les entreprises n'ont pour l'instant pas fait baisser le chômage. Seuls les actionnaires se remplissent les poches : les dividendes versées par les grands groupes français ont bondi de 30% au printemps, au moment même où tombaient les premiers chèques versés par l’Etat aux entreprises dans le but initial d’améliorer leur compétitivité.

L'équation impossible 

La politique de l’offre n’a pas encore fait ses preuves. Alors que la croissance est au point mort, les impôts ne rentrent pas, le manque à gagner pour l’Etat devrait atteindre 10 milliards d’euros cette année. Réduire les déficits tout en redonnant du pouvoir d'achat aux Français, c'est l'équation impossible du gouvernement. A tel point qu’un conseiller de François Hollande parle d’une « situation catastrophique ».
C’est la nouveauté de cette rentrée au sommet de l’Etat : on n'est plus dans le déni, la méthode Coué, l'optimisme érigé en principe de gouvernement. « L'inversion de la courbe du chômage », « le retournement économique » : François Hollande n'en parle plus désormais. Mais le président pense toujours être sur la bonne voie. Il a même profité des commémorations du Débarquement de Provence, le 15 août, pour justifier une nouvelle fois ses réformes : « La France, cinquième puissance économique du monde, entend par les réformes qu’elle engage, rester à ce niveau », déclarait-il dans son hommage aux anciens combattants de la Libération. Un discours auquel pourtant les Français ne croient pas, mais alors pas du tout : 8 Français sur 10, selon un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche, ne font pas confiance au président et au gouvernement sur les questions économiques. 

Âpre rentrée politique 

Rentrée difficile sur le front économique, mais aussi sur le front politique : la majorité se prépare à de nouveaux soubresauts. Avec les écologistes, qui font leur rentrée jeudi à Bordeaux. Les deux anciens ministres EELV Cécile Duflot et Pascal Canfin publient ces jours-ci chacun un livre pour dire tout le mal qu’ils pensent de la politique de François Hollande. Et ça va mal au sein même du Parti socialiste. On était parti avant l'été avec le mouvement des frondeurs, cette minorité bruyante de députés socialistes qui contestent le pacte de responsabilité. Ils sont toujours là. « Irresponsables », selon Manuel Valls. En tout cas prêts à reprendre le bras de fer avec le gouvernement, puisqu'ils estiment que l'absence de résultats leur donne plutôt raison. « Le compte n’y est pas, juge ainsi le député Christian Paul, proche de Martine Aubry. La vision de la situation économique n’est pas claire. Je serai profondément désolé si le gouvernement s’enfermait dans des certitudes toutes faites, alors que la situation a empiré, en France et en Europe. Il faut des solutions françaises mais aussi européennes. » 

Et l'Europe ?

Dans le même bateau...
Le salut de la France passe-t-il par l'Europe ? En cette rentrée « difficile », l’Europe apparaît un peu comme la dernière gâchette de François Hollande. Il prépare activement le Conseil européen du 30 août, et espère obtenir souplesse sur les déficits (les fameux 3%), et relance de la croissance au niveau européen. Mais peut-on avoir gain de cause lorsqu’on apparait comme un mauvais élève ? « La France a un vrai problème de crédibilité, estime Axel Poniatowski, vice-président UMP de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale. François Hollande ne sera pas en mesure d’imposer quoi que ce soit. Ni lui, ni Manuel Valls n’impressionnent qui que ce soit. En réalité nos partenaires sont en train de se pencher sur le lit du malade, et le malade c’est la France.»
Un pays malade, un président affaibli : François Hollande applique l'adage bien connu, « l'union fait la force ». Les sociaux-démocrates se retrouveront à Paris le 29 août, à la veille du Conseil européen. C'est l'Elysée qui invite, un signe qui ne trompe pas. 

RFI

(*) Titre original : « La rentrée « difficile » de François Hollande » 


 
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Source : Fraternité Matin 20 août 2014