mercredi 30 avril 2014

Une république de faux et usage de faux (2e partie) : Houphouët ou le père de la-nation-qui-n’existait-pas…

Un symbole du pouvoir
chez certains peuples de la Côte d'Ivoire
A quel titre ceux qui s’appellent – et qu’on appelle – les Ivoiriens sont-ils les sujets et les acteurs de la politique en Côte d’Ivoire, le pays dont ils se réclament les citoyens ? Serait-ce seulement en tant que simples squatters, sans droit de propriété ? Ou serait-ce en tant qu’exécuteurs testamentaires ou héritiers des anciens colonisateurs ? En un mot, les Ivoiriens sont-ils une nation ? Autrement dit sont-ils, en tant que ses habitants naturels, les souverains du pays qu’ils habitent ?
 
La première fois que la question fut posée à des Ivoiriens, c’était dans les années 1970, lors d’une enquête commandée à l’Institut d’ethno-sociologie de l’Université d’Abidjan par le ministère du Plan. L’un des enquêtés, un jeune ouvrier de niveau secondaire, y répondit ceci : « Oui, la Côte d’Ivoire est une nation parce que nous avons les mêmes lois, la même histoire. » Pour certains de ceux qui répondirent par la négative, « la Côte d’Ivoire pourrait être une nation si le gouvernement entreprenait une vaste campagne d’éducation des citoyens ; s’il faisait un effort pour que le développement économique élimine les disparités régionales ; si les Ivoiriens se trouvaient favorisés par rapport aux étrangers » ; car « Il y a trop d’étrangers qui ont des postes de commandement ; ils ont tout le pouvoir [et] il faudrait aussi qu’il existe une langue nationale ou, au moins que trois ou quatre dialectes soient retenus pour représenter les langues ivoiriennes. »[1] Même pour ceux-là – et ils avaient au moins ceci en commun avec celui qui croyait que les Ivoiriens étaient une nation –, il existe tout de même une relation évidente entre le fait d’être ou de se dire Ivoirien, et l’appartenance naturelle à un territoire qui s’appelle la Côte d’Ivoire.
Si c’était à Houphouët que la même question avait été posée, il aurait certainement répondu que non seulement la nation ivoirienne n’existait pas, mais qu’elle n’existerait pas avant longtemps ; que les Ivoiriens n’étaient qu’un ramassis de tribus incurablement hostiles les unes aux autres, incapables de s’entendre pour former une vraie communauté politique et, par conséquent, qu’ils étaient voués à être éternellement dominés.
Cette fois encore, nous partirons de sa fameuse sentence sur l’Etat et la nation, prise ici dans sa toute dernière version : « Nous avons hérité de la France, disait-il en effet lors d’une de ses dernières conférences de presse, non pas d’une nation – la nation se construit, c’est une œuvre de grande haleine –. Nous avons hérité d’un Etat ; la Côte d’Ivoire a 68 tribus, qui ne se comprennent pas dans leurs dialectes, qui ont des coutumes différentes, c’est grâce au français que nous nous comprenons les uns les autres. »[2] Il est intéressant de rapprocher cette profession de foi d’un propos presque contemporain
Foccart et son masque ivoirien
de Jacques Foccart : « On assiste en Côte d’Ivoire à une répartition de la richesse (…) dont les Ivoiriens ont profité. Et cet enrichissement a contribué à la réalisation du projet d’Houphouët de créer une nation. (…) En Côte d’Ivoire on est Ivoirien (…) la Côte d’Ivoire est le pays africain où la nation est le plus réelle, le plus tangible ».[3] Cette affirmation totalement contraire au credo d’Houphouët – et tout aussi erronée que lui –, montre bien le caractère fantaisiste de telles assertions. Sauf que, dans le cas d’Houphouët, il semble que parfois il a réellement confondu les notions d’Etat, de pays, et de nation. Ainsi, dans le passage suivant, extrait de son discours du 7 septembre 1958, il emploi le mot « nation » alors que, manifestement, ce dont il voulait parler, c’était l’Etat au sens de pays ; car c’est l’Etat entendu en ce sens qui possède des frontières, non la nation :
« Quand il revint en Côte d’Ivoire pour la campagne du « oui » au référendum d’autodétermination, nous apprend Aristide Zolberg, Houphouët-Boigny exhorta encore une fois ses compatriotes à rejeter le nationalisme : "C’est en homme libre qui estime qu’au moment même où les grandes puissances se refusent à l’isolement, au moment où, par exemple, et il est bon de le rappeler, Français et Allemands, par-dessus un grand fossé de sang, de sueur et de larmes, veulent jeter un pont pour qu’ensemble et réconciliés, ils puissent avec les autres Européens assurer, dans un ensemble politique et économique plus vaste, le meilleur devenir de leurs nationaux, que j’ai déclaré que ce serait sortir de l’histoire, aller à contre-courant, si, en Afrique notamment, nous devions limiter notre évolution dans le cadre étroit d’une nation" ».[4]
Ce n’était pas la seule ni la première fois qu’Houphouët s’exprimait ainsi. Depuis 1960, et  jusqu’à sa mort en 1993, il n’y a pas eu une année où il ne tint pas à faire savoir que pour lui il n’existait rien qu’on pût appeler la nation ivoirienne. Et chaque fois c’était quand les Ivoiriens s’interrogeaient sur leur statut dans un pays où le nombre d’étrangers en situation irrégulière s’accroissait d’année en année de façon exponentielle sous l’œil indifférent des pouvoirs publics.
Pourtant, celui qui refusait obstinément de croire à l’existence d’une nation ivoirienne ne s’en laissait pas moins appeler le père de la nation par ses courtisans qui, eux, ne semblaient pas douter qu’eux-mêmes et tous les autres Ivoiriens étaient bel et bien cette nation dont il niait l’existence. Dire que la nation ivoirienne n’existait pas encore et qu’elle restait à construire, à la rigueur ce n’était pas vraiment grave, même si c’était évidemment absurde. Mais qu’Houphouët persistât dans cette dénégation alors que ses courtisans unanimes l’appelaient le père de la nation, c’est une attitude qui aurait dû leur mettre la puce à l’oreille. Pourquoi une telle obstination de leur héros à ne pas vouloir reconnaître une chose qui semblait tellement leur tenir à cœur et dont ils lui attribuaient la paternité autant comme une manière de le glorifier que comme une manifestation de leur impatient désir d’être reconnus comme les seuls véritables citoyens de la Côte d’Ivoire ?
On aura résolu l’énigme quand on aura compris que dans la fameuse sentence, les mots les plus importants ne sont ni « Etat » ni « nation », mais « hérité de la colonisation ». Derrière cette expression d’apparence anodine, c’est toute une apologie du fantochisme. Un fantochisme cyniquement assumé. Car ce qu’Houphouët voulait que nous comprenions, c’était que sa légitimité procédait seulement du fait colonial, et qu’il n’avait par conséquent aucune obligation, aucun devoir vis-à-vis de la Côte d’Ivoire ou vis-à-vis de ses habitants naturels autres que ceux dont se prévalaient déjà les colonisateurs dont il avait recueilli l’héritage.
De son point de vue, rien de plus logique au demeurant. Si on admet que, le 7 août 1960, il n’existait rien qu’on pût nommer la nation ivoirienne, l’indépendance de la Côte d’Ivoire proclamée ce jour-là n’était qu’une pure fiction, puisqu’elle n’impliquait pas un rapport naturel, nécessaire et immédiat, entre ce nouveau pays indépendant et un peuple défini. Pas plus en tout cas que son existence antérieure comme colonie de la France. Et l’indépendance n’ayant pas modifié le statut de la Côte d’Ivoire, ses habitants naturels ne possédaient toujours pas de droits ni d’intérêts exclusifs que lui, le chef de l’Etat hérité de la colonisation, fût tenu de respecter, de protéger et de développer en s’appuyant prioritairement et principalement sur leurs propres forces et sur leurs propres ressources politiques, morales, intellectuelles. Et il était normal que, dans sa fonction de chef de l’Etat, il s’envisageât non pas comme le mandataire et le dirigeant d’un peuple indépendant et souverain, mais comme le fidèle continuateur des gouverneurs français.
La question de savoir si les Ivoiriens sont ou ne sont pas une nation n’est pas une question banale, car c’est de la réponse qui lui fut donnée par Houphouët, que découlèrent la nature, l’orientation et les méthodes de son régime. Or, paradoxalement, sur cette question Houphouët a fait école jusque parmi ceux qui se donnaient pour des adversaires résolus de son régime.
Ainsi de Laurent Gbagbo. Dans le texte imprimé de son discours du 8 octobre 2002, il reprend à son compte presque mot pour mot la douteuse sentence sur « l’Etat » et « la nation » : « Souvenez-vous, nous avons des Etats, nous n’avons pas encore des nations totalement construites ».[5] Ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas, dans le même discours, de s’écrier à l’adresse des rebelles du MPCI : « Je vous en conjure, au nom de la nation ivoirienne, au nom de l’Etat, etc. » Il récidivera, en mars 2008, lors d’une entrevue avec la presse francophone : « Dans nos pays, ce ne sont pas des conflits pays contre pays, Etat contre Etat, mais des conflits internes à cause du fait que les nations ne sont pas assez solidement formées. »[6] Manifestement L. Gbagbo non plus n’avait pas l’air de très bien savoir ce qui fondait sa légitimité, ni au nom de qui il présidait la République de Côte d’Ivoire. A se demander ce qui, en fait d’orientation ou d’objectifs politiques, ou même de méthodes de gouvernement, le différenciait tellement d’Houphouët pour justifier à ses propres yeux comme à ceux de ses partisans ses titres d’opposant historique et de « refondateur » ?
Même chose pour l’éminent juriste Francis Wodié à qui l’on doit la seule œuvre théorique d’une certaine ambition produite par un Ivoirien sur le système politique houphouétiste depuis qu’il est entré en crise.[7] Lui non plus n’a pu éviter ce piège. Car, on va le voir, il s’agit bien d’un piège. Dans son ouvrage, au fil d’un développement passablement confus intitulé « La construction de la nation », F. Wodié a manifestement quelques difficultés à choisir franchement entre la fantaisiste notion houphouétienne de la nation-qui-se-construit et le concept universel de la nation comme « groupe humain constituant une communauté politique, établie sur un territoire défini (…), et personnifié par une autorité souveraine ».[8] Après avoir pratiquement repris à son compte le credo d’Houphouët en la matière (« En Afrique, et donc en Côte d’Ivoire, l’Etat précède la Nation. L’Etat existe (préexiste), la Nation est à construire. Il appartient à l’Etat de construire la Nation qui, dans ce mouvement, est, ici, personnifiée par le "père de la Nation". » [Page 66]), il semble soudain comme pris de scrupules (« Comment pourrions-nous, juriste, donner l’Etat comme l’incarnation ou la personnification de la Nation (peuple), sans que celle-ci lui soit au moins concomitante ou consubstantielle ? » [Page 67]). Mais, décidément, il n’est pas si facile de trancher cette question (« En Afrique, comme ailleurs, l’Etat ne peut exister sans un embryon de Nation qui lui donne une substance. Le travail de décolonisation est aussi celui de l’accouchement de la Nation. (…). L’Etat est un moule, la Nation doit être la matière à laquelle il donne une forme. (…). La Nation se vide ou se remplit de la politique qui est conduite par l’Etat (le pouvoir) et qui lui donne de la consistance ou lui en retire. » [Page 67]).
Il est clair que F. Wodié ne partage pas du tout le point de vue d’Houphouët et de ses disciples, mais il s’est en quelque sorte piégé lui-même en voulant raisonner à partir de l’énoncé houphouétien sans avoir suffisamment pris garde aux arrière-pensées nauséabondes qui la sous-tendent. Son embarras, manifeste dans ces pages est un signe indirect du malaise qui règne aujourd’hui parmi les Ivoiriens sur la question de savoir ce qu’ils sont, si et dans quelle mesure leur pays est encore vraiment le leur, et s’il est réellement indépendant et souverain.
Les seules réponse possibles à ces questions, évidemment chaque politicien ivoirien les connaît, et en même temps tous ont bien garde de les formuler autrement qu’à mots couverts ou codés, tel l’« ivoirité » par exemple, un mot camouflage, simple biais pour corriger sans en avoir l’air les dangereux déséquilibres démographiques dus à la politique migratoire hyperlaxiste d’Houphouët, mais qui ne trompa pas la vigilance de Big Brother, et que celui-ci n’eut aucune peine à retourner contre ses inventeurs un certain 24 décembre. Comme quoi, en politique comme à la guerre, il vaut mieux s’assurer des points d’appui solides sur le terrain, ou dans l’opinion, que de tout miser sur la ruse…
L’apparente confusion qui enveloppe le sens des mots nation et Etat, et par voie de conséquence les notions d’indépendance et de souveraineté nationale, ne devrait pas nous cacher l’essentiel, à savoir que, si l’on en parle tant, même en les confondant, c’est parce que à la fois on ressent très fort la nécessité d’un inventaire exhaustif de l’héritage d’Houphouët, afin si possible d’y séparer le bon grain de l’ivraie, et on craint d’offusquer ceux qui, à Paris notamment, considèrent toute critique d’Houphouët comme le prélude d’un attentat contre leurs intérêts nationaux. Cependant, la Côte d’ivoire n’est certainement pas vouée à rester éternellement la chasse gardée d’un autre pays, fût-il celui qui l’a créée en vue d’en faire une colonie d’exploitation. Le jour viendra forcément où il faudra bien que nous posions la question de notre dépendance persistante vis-à-vis de la France dans ses termes véritables, si nous voulons vraiment nous donner les meilleures chances de lui trouver une solution définitive.
Certes, il est vrai que de la colonisation nous n’avons pas hérité d’une nation ! Aussi bien le principal souci des colonisateurs/décolonisateurs français n’était-il pas de consacrer nos droits sur notre terre ancestrale, bien au contraire ! : « Dans la période néocoloniale comme dans la période coloniale, les anciens pays colonisateurs et en particulier [la France], se sont beaucoup plus préoccupés de poursuivre l’écrasement ou, à défaut d’y parvenir, la marginalisation, des véritables sujets collectifs africains, plutôt que de négocier avec eux. »[9] Et, si la nation ivoirienne existe tout de même – car elle existe bel et bien –, c’est bien malgré eux. Pour la même raison, il n’est pas plus juste de dire que nous en avons hérité d’un Etat, à moins de vouloir confondre les mots Etat et territoire. C’est, à la rigueur, d’un territoire que nous avons hérité et non pas d’un Etat. Et encore serait-il plus exact de dire que nous en avons hérité des frontières ; car le territoire, lui, était déjà notre apanage. Il est vrai que le transfert de la souveraineté de ce territoire – ou de ces frontières – aux Ivoiriens le 7 août 1960 ne fut qu’un simulacre, mais, si la nation ivoirienne n’existait pas avant cette date, au nom de quoi, ou de qui, a-t-on proclamé l’indépendance de la Côte d’Ivoire ce jour-là ?
Si les mots ont un sens, dire que la nation est à construire, c’est seulement postuler que la conscience d’être une nation, c’est-à-dire d’être collectivement l’unique souverain légitime dans un pays donné, n’existe pas encore chez la plupart de ses habitants naturels, mais non que la nation n’existe pas. Construire la nation, ce serait donc, à la rigueur, contribuer à leur faire prendre conscience qu’ils sont la nation, le souverain. C’est d’ailleurs ce que Houphouët a sans doute voulu dire quand, un autre jour, il proféra cette lapalissade : « Sans nation, l’Etat est fragile ». Sans « nation » ? Il aurait dû dire : sans un peuple conscient de ses droits et connaissant ses devoirs, et surtout capable de jouir des uns et de s’acquitter des autres, l’Etat est fragile. Que penser de la cohérence d’un chef d’Etat qui savait cela, et qui s’acharna dès le premier jour de l’indépendance à diluer la nation ivoirienne en y intégrant Pierre et Paul au mépris des lois, et au risque de faire douter les citoyens naturels que la Côte d’Ivoire était, d’abord, leur patrie ?
La nation, ce n’est pas autre chose que la société civile – ou que la société politique, si on préfère le dire en grec plutôt qu’en latin –, en tant qu’elle est capable au sens commun comme au sens juridique, et d’agir en son nom propre et de se faire connaître et reconnaître comme telle. L’existence de la nation ne dépend pas du bon vouloir de ceux qui la constituent ni, a fortiori, du bon vouloir d’un seul d’entre eux si prestigieux soit-il, mais de l’histoire dont ils sont ensemble les acteurs et les sujets, et même si hic et nunc tous n’en ont pas une conscience claire. En tout cas, la nation n’est pas une chose qui se construit ; elle est ou elle n’est pas, mais elle est nécessairement partout où des hommes et des femmes vivant la même histoire sur le même territoire, se revendiquent solidaires et agissent en conséquence. Certes, avant 1893 et la création, par les colonisateurs français, d’un territoire de ce nom, il n’existait pas une nation ivoirienne sur l’emplacement de l’actuelle Côte d’ivoire ; et il n’a pas suffi de cette création pour que, du jour au lendemain, une nation ivoirienne existât. Mais, un demi-siècle plus tard, en 1945, c’est bien la nation ivoirienne qui a envoyé Houphouët siéger comme son représentant à l’Assemblée constituante.
Certes, pour une nation, ce n’est pas le tout d’exister. Il lui faut être reconnue et respectée, ce qu’elle ne peut être qu’autant qu’elle est capable de protéger par ses propres moyens ses intérêts moraux, physiques et matériels à l’intérieur comme à l’extérieur de son territoire. En d’autres termes, pour exister pleinement, une nation doit être capable de créer chez elle et autour d’elle les conditions nécessaires pour être respectée par les autres nations. C’est le rôle et la fonction de l’autorité souveraine qu’elle se donne quand elle en a le pouvoir, et qui s’appelle l’Etat.
Qu’est-ce en effet que l’Etat ? C’est l’ensemble des moyens qu’une nation souveraine se donne, soit pour augmenter sa capacité, soit pour se protéger, soit pour organiser ses relations avec les autres nations. En un mot, c’est l’instrument de sa souveraineté. Un instrument qui ne saurait jouer efficacement son rôle qu’en s’appuyant, prioritairement et résolument, sur les forces physiques et spirituelles propres de la nation qu’elle représente. Raison pour laquelle la notion houphouétienne d’un Etat hérité de la colonisation est doublement absurde. Premièrement, elle est contradictoire avec l’idée d’indépendance et de souveraineté nationale. Deuxièmement, elle est contradictoire avec la réalité tout court. Car il n’y avait pas un Etat propre à la colonie de Côte d’ivoire, et qui aurait pu être légué à la Côte d’Ivoire indépendante, mais un Etat français dont la souveraineté s’exerçait sur la Côte d’Ivoire comme sur les autres colonies de la France aux quatre coins de la planète, depuis un ministère sis à Paris. Mais un tel Etat eût-il existé que cette histoire d’en hériter n’en serait pas moins une pure ineptie. Dire d’une nation qui devient libre après une servitude plus ou moins longue que l’Etat dont elle se dote est un héritage de ses anciens dominateurs, c’est dire que cette nation devient son propre oppresseur.
Mais, à bien réfléchir à tout ce que les Ivoiriens ont subi depuis la soi-disant décolonisation, ne serait-ce pas là, l’explication de tous leurs malheurs ?
 
Marcel Amondji
 


[1] - Ministère du Plan/Université nationale de Côte d’Ivoire. Institut d’ethno-sociologie : Besoins culturels des Ivoiriens en milieu urbain. Enquêtes ponctuelles. Abidjan, mars 1975 ; pp. 212 et 215.
[2] - Fraternité Hebdo du 15/03/1990. P. 10.
[3] - Foccart parle. Entretiens avec Philippe Gaillard. Tome 2, Fayard/Jeune Afrique 1997 ; pp. 102-103.
[4] - D’après A. Zolberg, One-Party Government in the Ivory Coast, Princeton University Press 1964 ; p. 233-234.
[5] - Notre Voie 09 octobre 2002.
[6] - D’après l’AFP 14 mars 2008.
[7] - Institutions politiques et droit constitutionnel en Côte d’Ivoire, Presses universitaires de Côte d’Ivoire (PUCI), Abidjan 1996.
[8] - Le Petit Robert.
[9] - J.-P. Rey, « Le retour du sujet », in Cahiers du GEMDEV N° 19, fév. 1993; p. 79.

LE BETISIER OUATTARISTE et ENTREPRENEURIAL…


Aujourd’hui, la palme revient à l’immense entrepreneur national Jean Kakou Diagou, dit Inkpakprawo, pour cet hymne au volontarisme entrepreneurial typiquement ouattariste qu’il a chanté lors de la séance d’ouverture de la 3e édition de la Cgeci Academy 2014.
j. Kakou Diagou, dit Inkpakprawo
 
(…)
Pendant les 30 glorieuses de notre jeune nation, dès l’obtention du BEPC ou du bac, l’Ivoirien était poussé par nos dirigeants d’alors, à occuper les postes d’enseignants du primaire, de lycée, d’infirmiers ainsi que des milliers de fonctions dans l’administration.
Il fallait avoir une sacrée dose de courage pour poursuivre ces études au-delà du Bac+3, tellement étaient forts, les appels du pied à venir occuper des hautes fonctions dans les sociétés d’état. Lesquelles hautes fonctions étaient accompagnées des traitements des plus enviés dans toute la sous-région ouest africaine.
Nous avons encore en mémoire le souvenir de ces cités constituées de coquettes villas accueillant à bras ouvert les nouveaux cadres ivoiriens fraîchement diplômés.
Nous avions un pays prospère avec les emplois qui se créaient plus vite que les diplômés.
Et pendant ce temps, dans des pays voisins qui sont présentés aujourd’hui comme des nations d’entrepreneurs, l’instabilité politique et sociale était chronique. Avec comme conséquence, des Etats qui ne pouvaient plus créer des emplois.
Brisons les paradigmes de notre environnement qui souvent finissement hélas, par nous convaincre, nous même que nous n’avons pas le potentiel d’entreprendre.
Cher étudiant, Tu as obtenu ton diplôme, tu as démontré que tu es un gagneur. Alors prend le pari de créer ton entreprise et tu gagneras ce combat.
Et tu réussiras !
Cher cadre ivoirien,
Tu as gravi tous les échelons dans l’entreprise qui t’emploie. Tu as prouvé que tu es compétent. Alors mets ton expertise à ton profit. Créer ta propre entreprise.
Et tu réussiras !
Cher jeune retraité,
Tu as démontré ton assiduité et ton abnégation pendant des années en travaillant dans l’entreprise qui t’employait. Cette abnégation, cette assiduité, tu peux la mettre à ton service en créant ta propre entreprise.
Et tu réussiras !
Ayons foi en notre potentiel d’entrepreneur.
Donnons-nous et donnons à chacun de nous, cette noble mission de créer des emplois et de la richesse pour notre nation. Et nous réussirons !
La mise en œuvre du Programme National de Développement du Président
Alassane OUATTARA permettra de doter la Côte d’Ivoire d’importantes infrastructures économiques. Les infrastructures précédant le développement, ces ouvrages induiront de véritables opportunités d’affaires.
C’est alors là, une véritable occasion pour nous ivoiriens, de créer des entreprises en saisissant toutes les opportunités d’affaires induites grâce à la réalisation des grands projets d’infrastructures.
C’est pourquoi, au regard d’une de ses missions qui est la promotion du secteur privé ivoirien, la CGECI a entrepris de mettre à la disposition des opérateurs économiques accomplis ou à venir, un portefeuille d’opportunité d’affaires générées par la réalisation des grands projets d’infrastructures contenu dans le PND.
Tout au long de ce forum nous vous présenterons ses opportunités d’affaires que nous avons identifiées à l’issue d’une étude conduite par le cabinet ONPOINT.
Désespérés et face à leur destin, ces peuples se sont pris en charge en créant eux-mêmes leurs emplois, pour ceux qui sont restés dans leur pays. Les plus «chanceux », s’expatriant sous des cieux plus cléments.
Alors ! devrais me reprocher à moi ivoiriens, d’avoir fait dans la passé, le choix du salariat qui m’offrait une vie dorée ? NON !
Puis, à nos 30 glorieuses se sont succédé des périodes difficiles pour notre nation. Je me suis accroché à l’espoir que ces 30 glorieuses reviendront un jour.
Et que je retrouverai enfin ma vie de salariée paisible et dorée. 5 ans, 10 ans, 15 ans sont passés et toujours rien.
Il m’a fallu faire le deuil de ces années glorieuses. C’était une époque.
Mais le passé à pour destin de ne jamais se conjuguer au présent.
J’ai commencé à comprendre que je devrais créer mon propre emploi et ma propre richesse.
J’ai aussi pris conscience que, de par ma propre initiative d’entreprendre, je pouvais et me devais de créer des emplois pour mes compatriotes ivoiriennes et ivoiriens,
J’ai compris que je devais oser entreprendre.
Alors, chères ivoiriennes et chers ivoiriens,
Ce que l’on continue de penser de nous n’est plus vrai.
Parce que nous avons compris que nous devons nous même tracer les sillons de notre avenir, nous avons changé.
Et jour après jour, nous le démontrons en créant des entreprises, des emplois et de la richesse.
Nous ne doutons pas de notre potentiel d’entrepreneur. Personne ne peut donc en douter.
Ne permettons plus jamais à qui que ce soit de freiner nos initiatives d’entreprendre.
Restons sourds aux préjugés qui nous font croire que nous ne réussirons pas dans notre initiative d’entreprendre en affaire.
Que chacun de nous saisisse l’opportunité en lequel il se reconnaitra ; car c’est la clef pour un développement inclusif de notre nation.
A travers la création de nos entreprises, soyons les artisans de la grandeur de notre pays.
Ce combat, nous l’avons entamé et nous le gagnerons
(…) 

CGECI
Titre original : « CGECI ACADEMY 2014 : discours d’ouverture du Président Jean Kacou Diagou » 

Source : Fraternité Matin 24 avril 2014

mardi 29 avril 2014

LA GUERRE DU FRANC-CFA AURA-T-ELLE LIEU ?

Une réflexion de Mamadou Ben Soumahoro 


M. Ben Soumahoro
Pardonnez-moi de n’être ni un exégète de la gestion, ni un taxinomiste d’aucune sorte et de me permettre de m’immiscer dans un domaine si complexe, dont l’écheveau ne saurait être démêlé que par des demiurges portant le titre d’économiste et de monétariste. Si votre opinion ne rejoint pas cette introduction, faites-moi l’amitié de ne pas lire ce charabia ; parce que je vous entends déjà m’attribuer les épithètes les plus infamantes pour avoir osé m’intéresser au sacrosaint sujet du F.CFA. J’en tremble déjà. Mais je n’ai pu y renoncer parce que trop de questions m’assaillent qui n’ont jamais eu de réponses à ce jour. Par exemple une chape de plomb a recouvert et muselé les voix de tous les experts qui ont essayé de poser le problème. Les grands journaux Français, de «Marchés tropicaux» à «Valeurs actuelles», en passant par des hebdomadaires politiques de prestige tels que «Le Point», «L’Express», «Le Nouvel Observateur» et même «La Croix» et «Témoignage Chrétien», n’ont eu pour nous aucune charité. Ils se sont tus. C’est alors qu’on s’aperçoit que sciemment ou involontairement les Africains découvrent seulement maintenant qu’ils se sont trompés de débat pendant plus de 50 ans. Pourtant ce ne sont pas les spécialistes de renom qui ont fait défaut à cette Afrique-là. Où étaient donc passés les Lionel Zinsou, Khalil Sall, Henri Bazin, Norbert Elias, Babakar N’Diaye, Samyr Amyn et Mohamed Tiékoura Diawara qui se disputaient publiquement pour prouver que la croissance n’était pas le développement. Mohamed Tiékoura Diawara avait même créé le «Club de Dakar» pour faire pièce au «Club de Rome», pour ensuite découvrir son impuissance à ramener l’Afrique à l’essentiel.
A cette époque la France nous avait très clairement indiqué ceci : « La France n’a pas de pétrole mais elle a des idées ». Une fois encore, les nègres de l’Afrique Occidentale Française n’ont pas compris qu’il ne s’agissait pas d’un simple slogan. Nous n’avons pas compris qu’il s’agissait d’une véritable stratégie de guerre destinée à nous asservir et à nous spolier de nos biens, tout en brandissant sous nos yeux ce qui n’avait aucune consistance, c’est-à-dire l’Indépendance Nominale. Et bien entendu nous n’avons rien pu faire de cette coquille vide ; le Franc CFA n’est pas venu après, il a été conçu comme un instrument incontournable de notre asservissement et de notre esclavage. Mais la responsabilité de cette situation n’incombait pas aux seuls «blancs Français» puisque nous avons joyeusement fait semblant d’apprécier leur protection et celle de ce fameux Franc CFA qu’ils nous ont imposé. Les économistes Africains ont-ils été complices ou victimes de cette grave injustice ? Le Franc CFA peut-il nous permettre de nous libérer du joug néocolonial ? Qu’est-ce qui explique ce qui ressemble à un renoncement de la part de nos économistes ? Les questions sont pourtant simples : 50 ans n’ont-ils pas suffit pour les convaincre qu’ils avaient tort ? Il est vrai que certains leaders ne voulaient pas de l’indépendance qui, sans rire, déclaraient que nous ne savions même pas fabriquer une aiguille. C’est pourtant à ceux-là que l’indépendance et le Franc CFA ont profité le plus. Maintenant je vais vous surprendre : c’est un chef d’Etat d’Afrique Occidentale Française sorti des prytanées militaires qui a fait un jour la réflexion la plus respectable dans ce débat sur la souveraineté de nos Etats : le Président du Faso Blaise Compaoré a osé dire que : «Si nous avions arraché nos indépendances à l’issue d’une guerre, aussi petite soit-elle, les occidentaux nous auraient respecté un peu plus». Si vous n’avez pas compris, je vous invite à tourner vos regards vers l’Algérie, le Vietnam et le Zimbabwe. Mais la guerre, Blaise Compaoré et son complice Alassane Dramane Ouattara ont préféré la livrer à leur propre frère Laurent Gbagbo pour le compte de la France sur fond de Francs CFA.
Ils n’ont pas été les seuls à pourfendre et à agresser la Côte d’Ivoire et Laurent Gbagbo. Le Mali et Amadou Toumani Touré se sont surpassés. C’est à Bamako que l’on va mettre en œuvre le complot monétaire censé provoquer la chute de Laurent Gbagbo exigé par la France et Nicolas Sarkozy. C’est à Bamako que l’Ivoirien Philippe-Henry Dacoury-Tabley sera débarqué sans ménagement de son poste de gouverneur de la BCEAO puis emprisonné sans jugement avec l’appui zélé de Amadou Toumani Touré, pour bloquer toutes les opérations bancaires de la Côte d’Ivoire. Voici donc un homme que le hasard a conduit à la magistrature suprême de la République du Mali et qui s’est imaginé que la protection de la France et les boubous brodés et amidonnés suffisaient à lui conférer une noblesse que la [nature ne lui avait pas accordée].
Aujourd’hui encore, même l’élection « démocratique » de Macky Sall au Sénégal ne laisse aucune place au rêve de liberté des Africains vis-à-vis du Franc CFA. Le jeune président de la République a choisi son premier Premier ministre Monsieur Abdoul Mbaye visiblement sur l’inspiration de la France puisqu’aussi bien Monsieur Mbaye était auparavant directeur d’une banque Française à Dakar. Le ministre de l’Economie et des Finances de Macky Sall venait de la BCEAO, Banque des Banques contrôlée par la France. Prétendre ensuite parler du Franc CFA relève de l’utopie, parce que c’est le Sénégal qui de surcroît abrite le siège de Franc CFA. Il faut comprendre le jeune président qui doit probablement mieux que personne connaitre l’histoire du côté obscur du Franc CFA. Contrairement à ce qu’on pense, l’histoire de la sanction appliquée à tous ceux qui ont essayé de s’émanciper du Franc CFA n’a pas commencé avec la chute et l’assassinat du Président Sylvanus Olympio du Togo par Etienne Eyadema, en 1963, sur ordre de la France. Les rumeurs, qui résistent encore au temps, indiquaient alors que la nouvelle monnaie Togolaise qui devait remplacer le F.CFA attendait dans des conteneurs au port de Lomé, la nuit du meurtre d’Etat.
La Saga des chutes commence en réalité avec le limogeage au Niger du 1er président du Conseil de gouvernement de la loi cadre, Mr Djibo Bakary, président du parti socialiste Sawaba, en 1956-57. Il était panafricaniste, disciple de Kwame Nkrumah et d’Ahmed Sékou Touré, et il avait l’intention d’instituer la monnaie nationale Nigérienne, 1er instrument de la souveraineté de son pays. Il l’a payé très cher et il a dû se réfugier dans un pays voisin pour échapper au courroux de Mr Jacques Foccart. Ensuite on retiendra dans le désordre, le Président François Tombalbaye du Tchad qui s’est permis d’envisager la création de sa monnaie nationale. Son palais a été bombardé par l’armée Française et lui-même écrasé par des missiles qui ne lui ont laissé aucune chance. Ce n’était pas pour le pétrole qu’on venait de découvrir au Tchad mais pour le Franc CFA. Pour Ahmed Sékou Touré de Guinée-Conakry, l’équation a été simple. Non seulement il a été chassé de la zone CFA mais son pays a été inondé de faux billets du Franc Guinéen par les services spéciaux français pour le faire tomber. En vain. Le 1er Président de la République du Mali, le socialiste Modibo, Kéita a fait le choix immédiat de changer le Franc CFA en Franc Malien. La France peut tolérer qu’un de ses pions flirte avec l’Est et même avec Moscou. Mais dans cette zone CFA elle ne pouvait pardonner de velléité d’indépendance. Modibo Kéita est tombé et trois ans après, le Mali est revenu tête basse dans la zone CFA. Les successeurs de Mokhtar Ould Dada en Mauritanie ont pris l’initiative de battre monnaie et de quitter la zone CFA. La France a essayé de déstabiliser le pays. Les coups d’Etat sont devenus hebdomadaires mais les Français ont dû y renoncer quand la Mauritanie est devenue membre de la ligue Arabe. Est-ce que j’ai dit Arabe ? Le cas de la Côte d’Ivoire est assez symptomatique de la volonté de la France de maintenir sous sa botte les éléments de son pré carré. La France a eu très peur lorsque, pendant la crise postélectorale, les experts de Laurent Gbagbo avaient réussi à remettre en marche le système bancaire et l’économie du pays, à payer les fonctionnaires et à commencer de battre monnaie. Visiblement l’acte félon d’Amadou Toumani Touré n’avait servi à rien. Je crois qu’il ne vous a pas échappé que c’est pour le Franc CFA qu’on a bombardé la résidence officielle de Laurent Gbagbo pour le tuer. Tout le reste était secondaire. Pour les Français, Ouattara ou Tartempion, peu importe, mais pas celui qui leur avait fait si peur et bousculé leurs certitudes. De toute façon Alassane Dramane Ouattara avait déjà fait le job en 1993. Parce que c’est lui qui a mis au point l’inconvertibilité du Franc CFA et sa dévaluation de 50%.casses des BCEAO de Korogho, Bouaké et Man. Ils ont été jetés dans un avion spécial et ramenés en France où ils ont été jugés en procédure d’urgence et embastillés. Ni la BCEAO, ni les autorités Ivoiriennes n’avaient alors été informées. Le gouverneur Charles Konan Banny était devenu muet comme une carpe. Il n’a même pas porté plainte contre X. Lui-même, Ouattara et les rebelles se trouvaient du même côté que la France. On a vite couvert le vol. C’était un forfait militant. Quelques-uns d’entre nous s’étaient indignés de l’abandon par la France du Professeur Philippe Rémond, assassiné à Yamoussoukro par les Dozos de Alassane Dramane Ouattara sur ordre du Président de la France Mr Nicolas Sarkozy. Nous avions tous minimisé le fait que le professeur français avait osé s’attaquer au Franc CFA et aux intérêts de la France à la télévision Ivoirienne pendant la crise électorale de 2010.
Ce n’est évidemment pas un hasard si à la tête de la quasi-totalité de nos gouvernements sont automatiquement installés des économistes gardiens du Franc CFA.
Au Benin, Pascal Koupaki qui ambitionne maintenant de devenir Président de la république.
Au Sénégal, Abdoul Mbaye qui pantoufle en attendant des joutes qui seront soutenues par la France.
Au Mali, Oumar Tatam Ly qui vient de prendre congé d’IBK pour se positionner dans un avenir plus ou moins proche.
En Côte d’Ivoire, Daniel Kablan Dunkan joue son rôle de marionnette à merveille.
En Guinée-Conakry, Eugène Camara, diplômé d’économie et finance.
Quand le Premier ministre n’est pas économiste, le gardien du CFA est le ministre de l’Economie et/ou des Finances. Ils sont tous censés sortir du même moule. On leur apprend même des éléments de langage et des maitres-mots censés rentrer dans le langage courant des peuples qu’on veut endormir.
Cela dit, il faut reconnaitre que les Africains ont été les plus grands consommateurs de sigles et de qualificatifs inventés par l’Occident : le tiers-monde, le sous-développement, les pays en voie de développement, la croissance économique, le niveau de développement (croissance n’est pas développement), puis les PAS (Programme d’ajustement structurel). On a même eu droit aux « Eléphants blancs » longtemps après René Dumont (L’Afrique Noire est mal partie), comme pour lui donner raison. Maître Tixier-Vignancourt avait fait mieux en offrant un slogan inquiétant à la postérité : « la Corrèze avant le Zambèze ». Ensuite on a vu « les pays à revenus intermédiaires ». Et brusquement on nous a vus dans une violente course à l’échalote dont le but final était d’être acceptés parmi les grands privilégiés nommés PPTE (Pays pauvres très endettés). On croyait la compétition terminée mais bien sûr que non ! Un petit malin, au FMI ou à Bercy, a inventé la nouvelle formule qui va maintenant nous donner le sentiment de n’être plus des sous-hommes, mais surtout que nous n’allons pas nous noyer, même en étant PPTE. On a alors mis dans la bouche des gouverneurs et sous-préfets Noirs d’Afrique Occidentale Française un slogan qui est censé donner du souffle à leurs pouvoirs chancelants. Nous sommes aussitôt devenus des « pays émergents » à l’instar du Brésil, de la Chine, de l’Afrique du Sud, de l’Inde et de la Russie qui eux ont déjà émergé. Ils ne nous ont pas attendu parce qu’ils nous connaissent. Ils savent que nous n’émergerons jamais avec le système monétaire qui régit nos économies. A force d’user de ces sigles et formules économiques on ne se rend même plus compte qu’ils sont faits pour nous endormir et parfois pour nous amuser. Ainsi, l’instrument privilégié des occidentaux en Afrique francophone, leur chouchou Alassane Ouattara nous a fait l’injure de nous présenter une « canne émergente » pour cacher un handicap peu valorisant pour sa fonction. Mais tenez-vous bien, il s’est trouvé des Ivoiriens assez sots pour proclamer que cette « canne émergente » lui conférait « une certaine noblesse » et « une allure aristocratique ». Ô kpô ! Duncan toi aussi !!!
Enfin la démocratie : foutaise française pour nous aider à nous entretuer et pour se donner bonne conscience quand ils ont fini de fausser les chiffres et d’imposer leurs poulains dociles, obéissants et fiers de l’être.
La bonne gouvernance, oui la bonne gouvernance pour profiter ouvertement, honteusement et sans gêne des marchés de gré à gré. Quelques noms reviennent régulièrement : Martin Bouygues, Vincent Bolloré. Quelques petits malins essayent d’élargir le cercle des escrocs qui viennent sucer le sang des Ivoiriens : Gaoussou Touré, Mamady Diané, Adama Bictogo, Adama Toungara, etc… Il faut espérer qu’ils ne s’étonneront pas de voir tous ces contrats remis en cause dans un avenir plus ou moins proche.
Devant l’échec patent de toutes nos entreprises, certains des thuriféraires de nos chers président-sous-préfets tentent de leur trouver des excuses : il y aurait, d’après eux, plus d’impéritie que de cynisme dans leur comportement. Pitié pour nous !!
Justement ces temps-ci est arrivé un homme libre et admirable, un éveilleur de consciences, ce que Florence Artman appelle un « lanceur d’alerte ». Il est professeur d’économie à l’université de Versailles et se nomme Nicolas Agbohou. Sa pédagogie en ce qui concerne le Franc CFA dérange toutes les consciences endormies et réveille toutes celles qui somnolaient en Afrique. Il sait rendre intelligent tout auditeur disponible. Son enseignement révolte tous ceux qui s’étaient désintéressés de la lourde question du rapport de l’Afrique au Franc CFA. Sa leçon nous interpelle tous sur le lourd silence de nos experts mais aussi sur l’attitude de nos chefs d’Etats. Le professeur Nicolas Agbohou n’est pas un inconnu. Il parcourt l’Afrique depuis au moins 15 ans avec son sujet de prédilection – le Franc CFA et ses méfaits sur nos populations. Ses arguments sont inattaquables et c’est probablement pour cela que personne n’ose les attaquer. Ceci expliquant cela, le silence des économistes et des monétaristes devient assourdissant et coupable. Le professeur Nicolas Agbohou est seul. Peut-être. Il défend les intérêts d’un peuple faible, taillable et corvéable à merci selon la bonne vieille formule coloniale assimilable à la traite des Noirs... C’est le lieu de rappeler la sentence du président des Etats Unis d’Amérique Abraham Lincoln lors du vote du 13e amendement pour l’abolition de l’esclavage : « Tout ce qui pouvait être obtenu par la mort et le sacrifice a bien été prouvé maintenant. Que nous reste-t-il à faire ? ». Oui Monsieur le président de la République Française, que nous reste-t-il à faire étant donné que nous avons largement payé notre tribut à la colonisation ? Quand comptez-vous rendre aux Africains leur liberté et leur souveraineté véritables ? Encore un petit effort Monsieur le Président ! Pour commencer, un seul acte devrait suffire : s’il vous plait déliez vos vassaux prétendument chefs d’Etat d’Afrique de leur soumission au Franc CFA, à moins que vous n’ayez décidé d’attendre que l’Afrique se libère d’elle-même, dans la douleur.

Accra, le 26 Avril 2014
Mamadou Ben Soumahoro, ancien député indépendant de Côte d’Ivoire en exil au Ghana, ancien directeur général de la Télévision ivoirienne, président honoraire de l’union des Radios et télévisions nationales d’Afrique (Urtna)  

 
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
 

Source : La Dépêche d'Abidjan 29 Avril 2014

lundi 28 avril 2014

L’APPEL DE DANIEL…

COMMENT ? ET POUR QUOI ?
Des coïncidences troublantes nous ont amenés à lire de près l’histoire de « Suzanne » (Daniel grec 13), et nous y avons trouvé des similitudes dans les faits et dans les personnages avec l’histoire de Laurent GBAGBO et de la Côte d’Ivoire. Des messages importants pour le dossier judiciaire du Président Laurent GBAGBO à la Cour Pénale Internationale (CPI) ont également retenu notre attention.
1- L’HISTOIRE DE SUZANNE
« Un Juif nommé JOAKIM, vivait à Babylone. Il avait pris pour femme, une certaine Suzanne… Elle était très belle et profondément attachée au Seigneur. Ses parents, gens pieux, l’avaient élevée dans le respect de la Loi de Moïse… Deux Anciens du peuple… C’est d’eux que le Seigneur a parlé, lorsqu’il dit : "l’injustice est venue de Babylone, par l’intermédiaire des Anciens chargés de rendre la justice, des hommes qui passaient pour être des guides du peuple." …Tous deux brûlaient de convoitise pour elle… Ils guettaient donc une occasion favorable… Les Anciens sortirent de leur cachette ; ils se précipitèrent vers Suzanne et lui dirent : "…accepte donc de coucher avec nous ! Si tu refuses, nous t’accuserons d’être restée seule avec un jeune homme, raison pour laquelle tu avais renvoyé tes servants" ».
Suzanne poussa un gémissement et s’écria : « Me voilà dans une situation sans issue ! … Toutefois, je préfère tomber entre vos griffes sans avoir fait de mal, plutôt que de pécher contre le Seigneur ».
Le lendemain, quand les gens se rassemblèrent, … les deux Anciens arrivèrent, bien décidés à faire condamner la jeune femme à mort, selon leur sinistre plan… Les deux Anciens se levèrent alors au milieu de tout le monde … déclarent : « …nous les avons vus coucher ensemble. Nous n’avons pas pu maîtriser le garçon … Nous lui avons demandé qui était ce jeune homme, mais elle a refusé de nous le dire. Voilà, nous rendons témoignage de ces événements ». L’Assemblée les crut, parce qu’ils étaient Anciens du peuple et Juges. Suzanne fut donc condamnée à mort.
Alors, elle cria très fort « Dieu Eternel, Tu connais ce qui est caché… Tu sais que ces gens-là ont porté un faux témoignage contre moi… ».
Le Seigneur entendit l’appel de Suzanne. Tandis qu’on emmenait celle-ci pour l’exécuter, Il suscita la sainte protestation d’un jeune garçon nommé Daniel. Cet enfant se mit à crier fort : « Je refuse d’être complice de la mort de cette femme ! » … « Avez-vous perdu la tête, Israélites ! Vous condamnez une femme de votre peuple sans enquête préalable et sans preuve. Retournez au tribunal ! Ces hommes ont porté un faux témoignage contre elle ! ».
Tout le monde se hâta de faire demi-tour. Les autres Anciens dirent à Daniel : « …Fais-nous connaître ta pensée… ».
Daniel leur répondit : « Eloignez ces hommes l’un de l’autre. Je vais les interroger séparément ». On les sépara. Daniel fit alors venir le premier et lui dit : « … Si tu as vraiment surpris Suzanne en compagnie d’un jeune homme, dis-moi, sous quelle espèce d’arbre étaient-ils ? ». « Sous un chêne », répondit l’homme…
Daniel … fit venir l’autre. Il lui dit : « … Dis-moi, sous quelle espèce d’arbre les as-tu surpris ensemble ? ». « Sous un châtaignier », répondit l’homme …
Tous les gens rassemblés là, poussèrent des grands cris … Puis ils se retournèrent contre les deux Anciens que Daniel avait convaincus de faux témoignage en se servant de leurs propres déclarations … Ce jour-là, une vie innocente fut épargnée … ».
2- LES COÏNCIDENCES TROUBLANTES
Nous étions en Novembre 2004 ; la France Chiraquienne venait de détruire les moyens aériens militaires de la Côte d’Ivoire. Une délégation de Députés ivoiriens s’est rendue à la Haye, aux Pays-Bas, pour participer à une session de l’Assemblée des Parlementaires de l’Afrique, des Caraïbes, des Pacifiques (ACP) et des Parlementaires de l’Union Européenne (UE). La situation de la Côte d’Ivoire avait été inscrite à l’ordre du jour. Quelques minutes avant l’intervention de la délégation ivoirienne, il lui a été conseillé de modifier l’orientation de son discours pour éviter d’ouvrir la boîte de Pandore.
Désemparé, le Chef de la délégation qui devait assumer seul la responsabilité d’une nouvelle orientation de son allocution, s’est tourné vers Dieu qui lui a inspiré de raconter l’histoire de Suzanne.
Le 11 Avril 2011, jour de l’arrestation du Président Laurent GBAGBO, la première lecture des textes liturgiques de l’Eglise catholique portait sur l’histoire de Suzanne.
En Novembre 2011, le Président Laurent GBAGBO est transféré à la Hayes, aux Pays-Bas, devant la Cour Pénale Internationale (CPI).
3- LA SIMILITUDE DES FAITS ET DES PERSONNAGES
Comme la belle Suzanne, la Côte d’Ivoire est « la désirée ». Ne dit-on pas d’elle qu’elle est « le pré-carré de la France », un pays important de la sous-région !
Comme les deux Anciens qui étaient membres et Juges dans l’Assemblée du peuple dans l’histoire de Suzanne, les comploteurs contre la Côte d’Ivoire et son Président Laurent GBAGBO, siègent dans l’Assemblée des Etats à l’ONU, au Conseil de Sécurité, et y occupent des positions influentes.
Comme dans l’histoire de Suzanne, ceux qui ont préparé le complot contre la Côte d’Ivoire et son Président Laurent GBAGBO, avaient l’habitude d’obtenir ce qu’ils voulaient de leurs victimes, en usant de menaces et de chantages.
Laurent GBAGBO comme Suzanne, était conscient de la situation sans issue dans laquelle il se trouvait face à la coalition internationale (France, USA, CEDEAO, UEMOA, UA, UE, ONU, …), mais a préféré privilégier le respect de la Loi et la quiétude de sa conscience.
4- LES MESSAGES
L’histoire de Suzanne véhicule deux messages importants :
- Le cri d’interpellation de Daniel
- La procédure proposée par Daniel
• LE CRI D’INTERPELLATION DE DANIEL
« Je refuse d’être complice de la mort de cette femme … Avez-vous perdu la tête … ? Vous condamnez une femme de votre peuple sans enquête préalable et sans preuve …Ces hommes ont porté un faux témoignage contre elle ! ».
Voyez-vous ! L’histoire de « Suzanne » se situe à Babylone, c’est à dire à une époque très lointaine (587 avant Jésus Christ). Pourtant, déjà, on parle d’enquête préalable et d’absence de preuves. Daniel dénonce le fait que l’on se soit contenté des dires des deux Anciens qui sont des membres influents de l’Assemblée du peuple.
C’est pourquoi, le CNRD comme Daniel, dénonce la précipitation avec laquelle le Président Laurent GBAGBO a été accusé et transféré à la CPI. Si une enquête préalable avait été correctement menée, on ne serait pas en train de rechercher des preuves depuis trois ans.
Effectivement, depuis son audience de Février 2012, les magistrats de la CPI ont estimé insuffisantes les charges d’inculpation de M. Laurent GBAGBO ; et pourtant ils continuent de le garder, rendant la thèse du complot chaque jour irréfutable, comme dans le cas de Suzanne.
C’est pourquoi, le CNRD invite la CPI à souscrire à la proposition de procédure de Daniel.
• LA PROCEDURE PROPOSEE PAR DANIEL
L’histoire de Suzanne rapporte qu’en vue de faire la lumière sur l’accusation, Daniel a proposé l’interrogatoire séparé des deux Anciens, prétendus témoins oculaires des faits d’adultère.
Dans le cas de Laurent GBAGBO, il est temps que la CPI interroge les auteurs des rapports qui ont servi de base à sa saisine ; ce d’autant plus que les faits visés se sont produits dans des lieux où ne résident pas les procureurs chargés des poursuites.
Concrètement, cela revient à interroger les Ambassadeurs de France, des USA, et le Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU, acteurs principaux de l’arrestation et du transfèrement du Président Laurent GBAGBO à la CPI.
Dans la procédure proposée par Daniel, outre le procédé de l’interrogatoire, il y a également le contenu qui porte sur des questions précises. Aussi, dans le cas de Laurent GBAGBO, les questions qui pourraient être posées sont les suivantes :
- Qui a gagné l’élection présidentielle du 28 Novembre 2010 en Côte d’Ivoire ? Quelles sont les données qui ont servi de base à la proclamation des résultats qui ont désigné le vainqueur ?
- Quels sont les faits qui ont déclenché la guerre après l’élection présidentielle du 28 Novembre 2010 en Côte d’Ivoire ? Qui en a eu l’initiative ?
B. Binlin-Dadié
(photo G. T. 15/07/2013)
Mesdames et Messieurs les Magistrats de la CPI, le CNRD rappelle à votre mémoire que lors de l’audience de confirmation des charges le 28 Février 2012, M. Laurent GBAGBO a dit : « Je suis ici parce que j’ai respecté la Constitution de mon pays … Mme le Président, je compte sur vous ».
Ces propos de M. Laurent GBAGBO traduisent l’espoir de tous les combattants pour la démocratie, qui croient au triomphe d’une Justice libre dans le monde. La Justice est non seulement un des piliers essentiels de la démocratie, mais elle est surtout l’instrument par lequel se bâtit le monde, dans l’ordre et la paix. Quid de la pensée de cet homme qui préfère l’injustice au désordre, oubliant que c’est l’injustice qui conduit au désordre ! Rappelez-vous que le respect de la Loi est une exigence de l’ordre social, et que la Justice a pour mission de sanctionner le non-respect de la Loi et non le contraire.
A travers l’injustice faite à M. Laurent GBAGBO, Président de la République d’un Etat souverain, se profile un nouvel ordre mondial : un monde sans foi ni loi, où les puissants, les plus forts malmènent, écrasent les petits, les plus faibles ; au contraire du monde actuel, où l’on peut croire à l’existence d’une Justice internationale, fondée sur le respect du Droit national de chaque Etat, quelle que soit sa taille ou sa capacité militaire !
Nous espérons que la CPI confirmera l’ordre actuel, en libérant dans les plus brefs délais, le Président Laurent GBAGBO de ses geôles ; car nous sommes convaincus qu’il y a des voix de Daniel dans cette Juridiction internationale.
Comme dans l’histoire de Suzanne, Vivement que triomphent la Vérité, le Droit et la Justice, fondements de toute société qui se veut digne et pacifique ! 
 

Fait le 25 Avril 2014
Pour le CNRD, le Président Bernard BINLIN-DADIE

Titre original : « Si l’histoire de Laurent Gbagbo comme celle de la Côte d’Ivoire était l’histoire de "Suzanne" » ! 


 
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Source : Partis politiques 28 avril 2014