mercredi 30 septembre 2015

Interview de Me Bénéwendé Stanislas Sankara, président de l’Union pour la Renaissance/Parti Sankariste (UNIR/PS).

Me Bénéwendé Stanislas SANKARA
« Nous étions dans une logique de riposte populaire »
Comment avez-vous vécu cette folle semaine du coup d’Etat et comment avez-vous réagi ?
Moi, je l’ai vécue comme dans un état de guerre et on s’attendait au pire. C’est des conditions extrêmement difficiles que nous avons vécues.
Etiez-vous à Ouagadougou quand les événements ont commencé ?
Oui. J’ai eu les premières informations en étant dans mon cabinet d’avocat qui est en même temps mon domicile. Au niveau de mon parti, la Direction nationale a été transformée en Direction nationale de résistance active. Et cela a fait l’objet d’une directive que nous avons envoyée à toutes nos structures dans l’ensemble des 45 provinces. C’était pour leur demander, partout où elles sont, d’agir en unité avec les partis membres du CCPPO (cadre de concertation des partis politiques de l’opposition), de la Société civile, de l’Union d’action syndicale, de toutes les forces vives, coutumières et religieuses pour mener la résistance. Nous avons mis sur pied un comité de crise.
Vous dites qu’au début de la crise vous étiez à Ouagadougou. Avez-vous quitté la capitale par la suite ?
Non, jamais.
Aviez-vous des consignes particulières de sécurité ?
Oui. Nous étions dans une logique de riposte populaire. C’est pour ça d’ailleurs qu’on a décrété la résistance active et on a transformé notre Direction nationale de campagne en Direction nationale de résistance active. Nous avons pris en main notre propre sécurité et c’était nos militants qui assuraient la sécurité du responsable que je suis, mais aussi de toute la Direction. Je peux par exemple citer la Fédération des élèves et étudiants sankaristes (FDEES), la Coordination de la jeunesse, la cellule sécurité du parti. Toutes ces structures ont été mises à profit pour organiser et assurer notre sécurité.
Face au foudre de guerre du RSP, pensez-vous qu’ils avaient réellement les moyens d’assurer cette sécurité ?
Oui, bien sûr parce que la sécurité a beaucoup d’aspects. C’est vrai que nous n’avons pas d’armes pour riposter. Mais la meilleure sécurité, c’est d’être renseigné sur la position de l’ennemi pour ne pas être sur son chemin. Vous aurez remarqué que je n’ai pas utilisé mon véhicule vert qui est très visible et s’apparente à celui des militaires. Mais je me déplaçais à Ouagadougou. J’ai souvent dit à propos du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), régiment terroriste, que l’erreur fatale, c’est de ne pas savoir qu’à la faveur de la Révolution démocratique et populaire, de 1983 à 1987, la plupart des jeunes de l’époque ont été militairement formés. Ils n’ont pas tenu compte du fait que les Burkinabè connaissent la chose militaire.
Est-ce que vous avez personnellement fait l’objet d’une chasse à l’homme ?
Vous savez, en pareille circonstance, d’abord, il faut être moralement et psychologiquement fort car en période de guerre, vous recevez à la seconde près plusieurs informations contradictoires. Et il y en a qui ne résistent pas à ça. Moi, je recevais des paquets d’informations. Moralement, on vous atteint quand on sait que vous ne résistez pas à ces informations alarmistes, contradictoires. Par contre, devant chez moi, la nuit, ça a beaucoup tiré. Mais nous étions là où nous étions de façon sereine. Ensuite, quand je sortais, il m’est arrivé de tomber sur des barrages. Quand je descends la vitre, il se trouve que ce sont des militants, ils applaudissent et m’ouvrent les barrières pour me permettre de circuler. C’est dire que la ville était quadrillée par des résistants actifs.
Est-ce que maître Sankara a été contraint de déplacer sa famille ?
Non, je n’ai pas déplacé ma famille parce que dans ma famille, il y a la Vierge Marie. Nous nous sommes mis sous l’autorité de Celle-ci.

propos recueillis par Adama Sanou & Siébou Kansié

Source : L`Observateur Paalga 29 septembre 2015

lundi 28 septembre 2015

Seydou Badian Kouyaté à cœur ouvert : « Je suis sûr qu’un jour, un jeune Malien se lèvera pour dire : « Non ! » ; et ce sera la fin du ridicule que nous vivons ».


S.B. Kouyaté le 04 juin 2015, lors d’une conférence de presse
organisée par son parti, l’US-RDA, à l’occasion du centenaire
de la naissance du Président Modibo Keita.
(© aBamako.com par Momo) 
Médecin, écrivain et homme politique, Seydou Badian Kouyaté a été de tous les combats pour la libération du Mali du joug colonial. Haut dirigeant de l’Union soudanaise-RDA et membre du gouvernement au moment du putsch du lieutenant Moussa Traoré, il a connu la déportation au bagne de Kidal. Aujourd’hui, observateur attentif de la scène politique malienne, il s’inquiète pour l’avenir de sa patrie, mais il n’en désespère pas, loin de là !
L’Enquêteur : Vous avez vécu le Mali des indépendances, vous vivez aujourd’hui le Mali moderne. Quelles différences existe-il entre le Mali d’hier et celui d’aujourd’hui ?
Seydou Badian Kouyaté : Si vous aviez posé cette question au citoyen lambda, il vous aurait dit que la différence est énorme. La 1ère République, c’était le travail, le sens de l’honneur, de la dignité. C’était le patriotisme. La rumeur à Bamako dit ceci : « Au temps de Modibo, on avait honte de voler. Sous les putschistes, on avait peur de voler. Maintenant on n’a ni peur, ni honte ». Cela veut tout dire.
Malheureusement, aujourd’hui, c’est l’argent, c’est la lutte pour l’argent. Sans argent, on ne règle rien. Aujourd’hui, nous assistons à la lutte pour le confort, pour les places. On ment, on trompe. Nous, nous ignorions ces travers. J’aime le répéter, Modibo Keita est mort en laissant 300.000 F malien. L’équivalent de 150 000 F CFA. Allez voir sa maison à Dar-Salam. Allez voir la maison de son père à Ouolofobougou. (Il marque un silence, ndlr).
L’Enquêteur : Vous avez justement été très proche du président Modibo Keita. Dites-nous un peu comment se déroulait votre collaboration.
Seydou Badian Kouyaté : Je suis écœuré lorsque je lis certains écrits des occidentaux sur nous (il fait allusion au gouvernement de Modibo Keita, ndlr). S’il y a eu un démocrate dans ce pays, c’est bien Modibo. Nous étions un parti unique, l’Union soudanaise-Rassemblement démocratique africaine (US-RDA), le Parti national, celui du peuple malien tout entier. Nous avons tout fait pour convaincre et travailler même avec ceux qui n’étaient pas d’accord avec nous. Nous étions dix-sept membres qui constituons le Bureau politique et, Modibo ne prenait jamais de décision tout seul. Le Bureau politique se réunissait chaque mercredi autour de Modibo, qui emmenait sur lui les dossiers à traiter. Pas un seul ambassadeur n’a été nommé en son temps sans l’avis du Bureau politique. En cas d’urgence, le Président Modibo Keita réunissait son secrétariat dont faisaient partie Mahamane Alassane Haïdara, président de l’Assemblée nationale, Madeira Keita, ministre de l’Intérieur à l’époque, Idrissa Diarra, secrétaire politique du parti, Ousmane Bah aux Affaires Etrangères, Yacouba Maiga, membre permanent du parti. Ainsi, le secrétariat du parti s’occupait des urgences tandis que le Bureau politique gérait les affaires courantes. Une fois, Modibo a entrepris une action secrète avec quelques-uns d’entre nous. En effet, les dirigeants du Niger nous avaient écrit pour demander la tête d’un Nigérien, accusé de terrorisme dans son pays et vivant au Mali. Des grenades avaient explosé dans un quartier non loin du siège du parti du Nigérien que les autorités de son pays accusaient, et ils nous ont demandé de le livrer. Le Bureau politique s’est réuni pour trancher et les discussions ont été houleuses. A la suite des débats, nous avons été battus.
L’Enquêteur : Quelle était donc votre position ?
S.B.K : Personnellement, j’étais contre ceux qui voulaient qu’on le remît aux autorités du Niger. Vers minuit, après la discussion au sein du Bureau politique, je suis allé attendre Modibo à Koulouba, où j’habitais d’ailleurs. Lorsqu’il m’a trouvé chez lui, il a souri et m’a demandé : « Mais Seydou, qu’est-ce qu’il y a ? Ah ! Vous avez été battus…» Je lui ai répondu: « Modibo, si tu le livres, ils vont le tuer. Ce n’est pas lui. » Il rétorque : « Mais je n’y peux rien, c’est la démocratie. Vous la vivez la démocratie ! Vous en parlez à longueur de journée. Démocratiquement on est battus. Je ne suis que l’homme qui exécute les décisions du Bureau politique national de l’Union soudanaise/RDA. » J’ai encore insisté pour dire au président : « Si tu le livres, on le tuera. » Je suis rentré malheureux chez moi, ce soir-là. Le surlendemain, ceux qui étaient pour qu’on livre le Nigérien sont venus voir Modibo et lui dire : « Ah ! Le monsieur a fui, il a quitté le Mali, il est parti. Nous sommes sûrs que c’est Seydou qui l’a aidé à fuir ». Modibo m’appelle donc pour m’informer que le monsieur a fui et qu’on m’accuse d’être à l’origine de cette fuite. Je lui demande de prouver cela. Le lendemain, lorsque j’ai revu Modibo, il ne souriait plus. Il riait cette fois-ci. Moi aussi je riais car j’ai su ce qui s’était passé par la suite. Modibo a donné des moyens notamment un véhicule à Mamadou Diakité, ministre de la Défense à l’époque, qui a fait partir le Nigérien en Guinée en lui remettant de l’argent pour poursuivre sa fuite là où il le voudrait. C’est ainsi que le monsieur a été sauvé. Ce jour-là Modibo n’a pas exécuté les décisions du Bureau politique, mais c’était pour une très bonne cause.
L’Enquêteur : En 1968, le coup d’Etat de Moussa Traoré vient mettre fin au travail que vous étiez en train d’abattre. Comment avez-vous vécu cette période ?
S.B.K : Certains journalistes ont voulu minimiser ma réaction sur le coup d’Etat en affirmant que j’aurais simplement dis : « Quel gâchis ! Quel gâchis ! Quel gâchis ! ». Et c’est pourtant vrai. Nous avions un programme avec le président Mao Tsé-toung (de la République populaire de Chine, ndlr), nous étions si avancés que Mao était devenu, en Chine, le père du Mali. Je l’ai personnellement rencontré à sept reprises. Lors d’une de nos rencontres, j’étais allé dans le but de préparer le terrain à la délégation du général Soumaré pour une demande d’armes. Mao me rétorque : « Toi tu viens parler d’armes, est-ce que tu as effectué ton service militaire ? » Je lui réponds que non. Puis à son tour de dire : « Moi non plus je n’ai pas effectué de service militaire, mais j’ai battu des maréchaux. Vas donc te familiariser avec les armes dans telle caserne, et reviens me voir ». (Seydou Badian nous montre effectivement juste derrière nous, dans son bureau à la maison, une photo où il s’essaie au tir, entouré de Chinois, ndlr). Quinze jours plus tard, je suis revenu voir Mao. Il a dit : « Donnez-lui tout ce qu’il veut ».
L’Enquêteur : N’avez-vous pas senti venir le coup d’Etat de Moussa Traoré ?
S.B.K : Non. Le problème de Modibo, c’était l’armée. Et l’armée était tellement bien équipée que Senghor m’a dit un jour : « Seydou, à qui le tour ? Sur qui vous allez tomber avec toute cette ferraille ? ». Modibo a été prévenu et il a réagi en disant que si c’était des jeunes qui souhaitent faire un coup d’Etat, ce sera pour faire avancer le Mali. C’est là où il s’est trompé. Modibo nous a toujours dit qu’il ne ferait rien contre des jeunes. Que des jeunes fassent un coup d’Etat en se disant que nous ne faisions pas assez pour le pays ou que nous n’étions pas assez à gauche, cela importait peu pour Modibo tant que c’était dans l’intérêt du pays. Mais des vieux qui organiseraient un coup d’Etat pour nous ramener encore entre les griffes de la colonisation, du colonisateur, là c’était non ! Telle était la position de Modibo Keita.
L’Enquêteur : Après le putsch, vous avez été déporté à Kidal. Pouvez-vous nous en dire plus sur les conditions de votre détention ?
S.B.K : (Il se met à rire, ndlr). Nous avons été scindés en deux groupes. Madeira Keita, ministre de l’Intérieur, Mahamane Alassane Haïdara, président de l’Assemblée nationale, le ministre des Finances, le ministre de l’Information, Mamadou Gologo, Mamadou Diakité, ministre de la Défense et moi étions détenus au fort. Je dormais sur une brique en terre. Diakité et moi avons été isolés du groupe, personne n’avait le droit de nous parler et vice-versa, car les gens pensaient que nous inciterions les autres éléments du groupe à intenter un procès. Il n’y a jamais eu de procès. Mes compagnons dormaient par terre sur une natte. Nous mangions de la nourriture de soldat. Les lettres nous parvenaient après avoir été ouvertes. Voilà comment nous avons vécu.
L’Enquêteur : N’avez-vous pas cherché à entrer en contact avec Modibo Keita par quelque moyen que ce soit ?
S.B.K : Un jour, le caporal qui nous surveillait est venu me voir dans la case où j’étais détenu avec Diakité, puis il m’a jeté quelque chose. Lorsque j’ai ouvert le papier, je l’ai lu et la signature de Modibo y était apposée. Le caporal m’a dit que Modibo l’avait chargé de me remettre la lettre et d’y répondre. Le Caporal insiste pour me dire qu’on le fusillera s’il y a une fuite mais que si c’était son destin, il l’avait accompli. C’est ainsi qu’il a servi de facteur entre Modibo et moi.
L’Enquêteur : Quel était le contenu de la lettre de Modibo ?
S.B.K : Ah non ! Non. Il disait que ses geôliers étaient fiers car ils pourront enfin faire du trafic, se débrouiller et gagner beaucoup d’argent n’importe comment et n’importe où. Ça m’a fait très mal.
L’Enquêteur : Vous n’avez rien tenté pour renverser la situation à votre faveur ?
S.B.K : Non !
L’Enquêteur : Pourtant vous aviez une armée forte et bien forte…
S.B.K : N’oubliez pas que le coup d’Etat a été fomenté par des officiers subalternes. Moussa Traoré était lieutenant à l’époque. Il y avait la présence de deux capitaines de l’armée dont un est décédé accidentellement juste après le coup d’Etat. Nous avions la conviction d’avoir le peuple malien de notre côté. Nous avons toujours pensé qu’après les moments d’euphorie, la réalité prendrait le dessus et que nous nous retrouverions. Modibo a toujours dit qu’après les tam-tams, quand il allait se retrouver seul face à lui, à son présent et au peu qu’on a réalisé, le peuple demeurera avec nous.
L’Enquêteur : Peut-on dire qu’une puissance étrangère était derrière ce coup d’Etat ?
S.B.K : Nous savions que les Occidentaux étaient dans le coup, contre nous. Parce que nous n’étions pas des copains. Il y avait certains qu’ils détestaient vraiment dont Madeira Keita et Mamadou Gologo, tous prosoviétiques, et moi-même prochinois.
L’Enquêteur : N’était-ce pas un cocktail Molotov ?
S.B.K : Tout à fait !
L’Enquêteur : Et Modibo lui-même ?
S.B.K : Modibo était un révolutionnaire raisonnable qui pensait que tous ceux qui étaient avec nous étaient nos compagnons avec qui on pouvait cheminer. C’était là son erreur, mais il y croyait vraiment. Il a tout fait pour convaincre sans frapper ni terroriser.
L’Enquêteur : Quelle était la vision de Modibo Keita pour son pays et sa jeunesse ?
S.B.K : Si le frère de Modibo, Moussa Keita, était haut-commissaire à la jeunesse. C’était parce que Modibo lui-même voulait rester très proche de la jeunesse. La jeunesse et la paysannerie étaient ses priorités. C’était quelqu’un de très modeste. J’ai eu l’occasion de déjeuner avec Modibo à plusieurs reprises. Au menu, il y avait du café pour les « toubabousants » (occidentalisés) et le « to sira » (tô de la veille ou tô couché) pour lui. Allez voir sa maison à Dar-Salam. Allez voir la maison de son père. Il aurait pu construire des châteaux s’il l’avait voulu. Un chef d’Etat lui avait promis une villa en ma présence, il l’a refusée. Pour lui, s’il y avait quelque chose à faire, c’est pour le Mali qu’il l’aurait fait.
L’Enquêteur : Modibo Keita était aussi un panafricaniste. Quelles étaient ses rapports avec N’Nkrumah, Lumumba et Senghor ?
S.B.K : Kwame Nkrumah a été le premier panafricaniste à affranchir son pays, la Gold Coast qui sera plus tard le Ghana. Après le référendum de la Guinée en 1958, Sékou Touré a tendu la main à Kwame Nkrumah. Nous, nous n’étions pas prêts politiquement en 1958, lorsque le référendum était en cours. C’est pour cela que Modibo et les dirigeants de l’époque ont clairement dit qu’ils voteraient « oui » pour aller à la Communauté, car nous n’étions pas prêts. Le président Sékou Touré avait eu le temps de limoger les chefs de cantons qui étaient les appuis des colonisateurs. Les nôtres par contre étaient toujours en place. On ne pouvait pas faire autrement. Bakary Djibo a tenté de faire voter « non » au Niger et il a échoué, puis s’est retrouvé en exil à Bamako. Modibo Keita a voté « oui » en pensant « non ». Il voulait former un noyau avant les indépendances. C’était dans cette perspective qu’on avait créé la Fédération du Mali avec le Sénégal, qui n’a malheureusement pas marché. Jacques Foccart avait déclaré que l’une de ses priorités était de liquider cette Fédération Mali-Sénégal. Modibo Keita, Kwame Nkrumah et Sékou Touré ont créé l’Union Ghana-Guinée-Mali. Lorsque Robert Mugabe est venu ici (le président Zimbabwéen était présent à Bamako à l’occasion de la signature des Accords de paix le 15 mai 2015, ndlr), il l’a bien dit dans son discours. C’est Modibo Keita qui a mis fin à la guerre entre le Maroc et l’Algérie. Ben Bella de l’Algérie et Hassan II du Maroc ont tous désigné Modibo comme médiateur. C’est ainsi qu’ils se sont réunis à Bamako pour mettre fin à la guerre qui les opposait à propos du Sahara occidental. Modibo voulait l’union, seul moyen de combattre l’impérialisme.
L’Enquêteur : Avec un peu de recul, quelles sont, selon vous, les entraves à l’union des peuples africains et quelles solutions préconisez-vous ?
S.B.K : Les peuples n’ont pas d’entraves entre eux. Les entraves, ce sont les autres. C’est l’Occident, essentiellement qui nous a colonisés et qui sait que si nous sommes forts, il n’aura pas de place chez nous. On ne pourra rien faire en étant isolés, des micro-Etats. Seuls, nous sommes livrés à l’Occident.
L’Enquêteur : Que répondez-vous à ceux qui pensent que la crise sécuritaire au nord du Mali est étroitement liée à la France, qui tient à préserver ses intérêts dans le pays ?
S.B.K : (A peine avons-nous posé la question qu’il y répond en haussant le ton, ndlr). Mais c’est vous qui l’avez liée à la France. Ce sont les jeunes, c’est vous, c’est votre pouvoir. Il y a beaucoup de choses qui me chiffonnent. Je préfère me taire car si je dis ce que je pense, certains vont s’en servir alors qu’ils ne feront pas mieux. Malheureusement, c’est ainsi. C’est votre temps, c’est votre mentalité, c’est votre vision des choses. Ce n’est pas la mienne.
L’Enquêteur : Justement en tant que personnalité qui a vécu plusieurs générations, nous avons besoin de votre avis…
S.B.K : Si on fait tomber le gouvernement, ceux qui s’agitent aujourd’hui feraient la même chose s’ils arrivaient au pouvoir. Votre état d’esprit est que vous ne pouvez pas vivre sans les Blancs, sans la France. C’est ça la mentalité secrète et fondamentale. Moi j’ai vécu autre chose que vous n’avez pas vu. Moi je sais ce qui se passe, vous non. Depuis 1968, votre vision c’est la France, le colonisateur, l’Occident. A notre époque, tout notre armement venait de Moscou ou de Pékin. C’est terrible pour vous. Vous risquez de ne jamais vous en sortir. Vous vous en rendez compte ? Ceux qui courent après le pouvoir et ceux qui sont au pouvoir c’est la même chose.
L’Enquêteur : Vous parlez comme si nos pays étaient déjà condamnés…
S.B.K : Certains sont condamnés à mener toute leur vie à l’ombre de l’ancien colonisateur. Pour y remédier, il faut une nouvelle mentalité : être soi-même, refuser le complexe d’infériorité. Avouer qu’on ne peut rien faire sans le colonisateur, c’est vivre en étant subordonnés, divisés. Je m’oppose à la politique actuelle des Etats africains. Ils ne s’en sortiront pas ainsi. Le drame aujourd’hui de mon pays, c’est le chômage. Kadhafi a été tué parce qu’il voulait créer une Banque africaine. Il représentait un danger pour l’impérialisme. Nos pays sont redevenus des colonies. C’est l’Occident qui fabrique les produits et nous, nous les achetons. Il est impossible d’industrialiser. L’Occident construira peut-être des routes, des hôpitaux, des dispensaires. Mais ce qui peut véritablement nous aider à nous sortir de notre situation, il ne le fera jamais, c’est niet. C’est nous qui avons entrepris l’industrialisation du pays. La Comatex de Ségou, la Sonatam, la sucrerie, c’était nos projets. Depuis notre chute du pouvoir en 1968, montrez-moi une unité encore valable. Si Modibo Keita avait pu achever notre programme à l’époque, le Mali serait aujourd’hui un pays émergent.
L’Enquêteur : Le Mali, sous Modibo Keita a connu une rébellion au nord du pays. Comment avez-vous, en son temps, réglé le problème ?
S.B.K : Nous avons fait la guerre. Cette crise a été provoquée par les colons français qui servaient dans le sud algérien et certains dans le nord malien. Ces colons, dont un certain Clausel, qui a failli être capturé, ont poussé nos frères à la rébellion. On ne parlait pas d’Azawad à l’époque. On parlait de la République de l’Etamaye. En 1963, nous avons fait la guerre et nous avons vaincu, ce qui a mis fin à cette rébellion. On était fiers d’être des Nègres maliens.
L’Enquêteur : Les richesses du sous-sol du nord du Mali seraient les enjeux de la crise. Pourriez-vous nous en dire plus ?
S.B.K : Les enjeux, c’est le sous-sol malien. C’est notre sous-sol. Lorsque en 1960, après l’éclatement de la Fédération du Mali, j’ai été à l’ONU avec Ousmane Bah, ministre des Affaires Etrangères, Mamadou Aw, ministre des Travaux publics et Demba Diallo, un haut cadre du parti, je me suis retrouvé avec un membre de la délégation française alors que nous négociions l’indépendance de la Fédération du Mali. Dans nos discussions, il m’a dit en substance ceci : « vous ferez tout ce que vous voudrez, mais on ne vous lâchera jamais Tessalit ». Nous disposons d’immenses ressources dans le nord dont une nappe d’eau douce souterraine, le pétrole, le schiste, l’uranium, etc. Les Blancs, étant prévoyants, viennent sur place et trouvent des bouc-émissaires qui ont soif de pouvoir, et ils s’en servent. Mais on verra la suite. Moi, je ne serai plus là mais vous, vous verrez. Vous verrez la fin. On a signé les Accords de paix, on fait le tam-tam, on verra...
L’Enquêteur : Ces accords sont donc mort-nés, selon vous ?
S.B.K : Non ! Je regarde cela avec l’air de quelqu’un qui s’en va. Vous avez agi, vous verrez les conséquences. Je ne peux que prier pour mon pays. J’ai entendu le président de la République dire dans un discours que des grandes puissances l’empêchent d’équiper l’armée. Etes-vous réellement indépendant ? Il y a de quoi poser des questions au président. J’ai honte. A l’occasion d’une conférence sur le centenaire de la naissance de Modibo Keita, quelqu’un m’a demandé ce que Modibo aurait fait. J’ai répondu en disant que Modibo n’aurait jamais fait appel à l’ONU car nous, nous connaissons l’ONU. Dag Hammarskjöld, le secrétaire général de l’ONU en notre temps, c’est lui qui a livré Patrice Lumumba aux Katangais, à Moïse Tschombé. L’ONU travaillait pour l’Occident, contre l’Union soviétique, sous prétexte que les fabuleuses richesses du Congo ne devraient pas tomber entre les mains des communistes. L’ONU, c’est le colonisateur.
L’Enquêteur : Comment lutter contre le terrorisme au Mali ?
S.B.K : Yéléma, le parti de Moussa Mara, préconise de faire appel au peuple. C’est mon sentiment. A moins de ne pas croire au peuple, il faudrait constituer des comités de vigilance dans tous les villages, mobiliser les gens. Amadou Koufa se permet de prêcher de mosquée en mosquée en toute liberté et n’est même pas inquiété. Parfois même il est applaudi et on en rigole. On ne fait rien. Ah ! Qu’est devenu le peuple malien ? Ce n’est plus le nôtre. Malgré tout, je ne suis pas désespéré. Personne ne pouvait imaginer que de la Haute-Volta, pouvait naître un Thomas Sankara. Et je suis sûr qu’un jour, un Malien se lèvera pour dire : « Non ! ». Un jeune Malien dira non et ce sera la fin du ridicule que nous vivons.

Propos recueillis par A.B.D et O. Roland


Source : L’enquêteur 28 septembre 2015

dimanche 27 septembre 2015

Burkina Faso. À quelque chose malheur est bon

Ouagadougou, 30 octobre 2014

Ce qu’il faut dire des malheurs qui frappent le Burkina Faso est qu’à quelque chose, malheur est bon.

Malheur est bon car ces crises sont la preuve que la jeunesse du pays, après avoir été embrigadée et terrorisée pendant près de trois décennies par le régime Compaoré, est en train de se ressaisir pour écrire elle-même ce que sera son destin.
Elle a accepté d’en payer le prix, à travers ces nombreuses morts et ce sang versé de ses fils et filles.
Elle a réussi d’abord à chasser du pouvoir celui qui se croyait l’homme aussi fort qu’indéboulonnable, Blaise Compaoré. Ce dernier a été contraient de fuir le pays en pleine journée. Des gens ont parlé de sa sagesse. Pouvait-il prendre le risque de tuer encore plus ?
Et pendant qu’on se dirigeait vers des élections sans avoir pris le soin de déblayer tout le terrain, voilà que celui qui avait jusque-là bénéficié de la magnanimité du peuple se signale par la plus irréfléchie des manières : une prise en otage de l’exécutif.
A quelque chose malheur est bon parce que, pour la dernière fois, il faut dessoucher toutes les racines du régime Compaoré pour laisser un pays neuf aux Burkinabè. Car, laisser le soin au prochain président élu de décider du sort du RSP, c’est l’abandonner à la merci de ce même RSP qui pourra lui faire un nouveau coup d’Etat. Le peuple a été 1er gaou de laisser Gilbert Diendéré libre de ses mouvements. Il sera 2ème gaou, donc gnata, de lui laisser encore une seule marge de manœuvre.
Même le sorcier meurt...
C’est en cela que ce qui arrive est bon, car il permet de régler définitivement le sort de ceux qui peuvent encore empêcher le pays d’avancer. C’est le Dieu du Burkina qui a poussé le général Diendéré à se découvrir.
C’est aussi un avertissement sans frais pour les futurs dirigeants du pays: il faut compter avec la jeunesse.
Pour ce qui est de la réintégration des pro-Blaise Compaoré dans le jeu politique, pourquoi pas ? Ils avaient pris acte de leur inéligibilité, c’est Diendéré qui a voulu les ramener dans le jeu. Si le bras armé du CDP, le RSP, est cantonné et désarmé, il n’y a rien à craindre : ces candidats seront battus à plate couture sur le terrain politique, après avoir montré aux yeux des électeurs ce qu’ils sont réellement.
Mais ce qui ne peut même pas être négociable, c’est la question de l’amnistie. Diendéré était surveillé comme du lait sur le feu, il a commis la bêtise de se faire prendre. Il devra donc répondre des torts qu’on lui reproche, vrais ou faux.
Toute chose a une fin. Même le sorcier meurt.


Source : Les Echos du Faso 24 septembre 2015

vendredi 25 septembre 2015

« Ainsi donc Gilbert Diendéré et ses hommes ont lamentablement échoué. »

Face à face Jeunesse burkinabè - RSP
à Ouagadougou
Nous devons tous tirer les leçons de l’échec du pronunciamiento le plus stupide de l’histoire contemporaine de l’Afrique. Nous regrettons tous les nombreux morts et blessés ainsi que la destruction des biens publics et privés. Le peuple vient de prouver encore une fois qu’il est vigilant et exigeant sur la finalité de la page démocratique qu’il veut lui-même écrire face au vent de l’histoire.
Nous exprimons ici une reconnaissance vraie aux différents acteurs de la transition et à toutes les forces positives qui ont aidé le peuple à pousser les foireux au mur de leur propre forfaiture étalant ainsi leur négativité et leur malfaisance aux yeux du monde entier.
Ainsi donc Gilbert Diendéré et ses hommes ont lamentablement échoué.
Revenons sur cette loi qui écarte les partisans de la réforme constitutionnelle en faveur du criminel Blaise Compaoré. Aux Français qui avec des arrières pensées de politique politicienne ne se rappellent même plus de leur propre histoire douloureuse. C’est comme si à la Libération on demandait au général de Gaulle de composer avec les partisans de la collaboration : Philippe Pétain, Pierre Laval, Etienne Flandin, Raphaël Alibert, François Darlan et consorts.
Qu’ils se souviennent des femmes qui couchaient avec les Allemands, tondues et humiliées lors de l’épuration, à la Libération. Ne parlons même pas des exécutions sommaires, la pendaison des margoulins du marché noir, sans compter les tribunaux d’exception pour juger les collabos et le gouvernement de Vichy. Dont les membres furent frappés d’indignité nationale, confiscations des biens, dégradation nationale et autres peines de mort exécutées sans ménagement.
Au Burkina-Faso, les pro-Compaoré n’ont pas été tondus, ni pendus et, croyez nous, ce n’est pas l’envie qui manquait à de nombreux burkinabés de leur faire subir le sort que les frères Compaoré avaient réservé à Norbert Zongo et ses compagnons de route, près de Sapouy, le 13 décembre 1998.
Mais la paix civile et la concorde nationale ont poussé le peuple à une retenue que les collabos d’hier, hautains et arrogants, ont considérée comme une faiblesse. C’est eux qui, à force de menaces et de connivence avec leurs réseaux extérieurs, ont poussé et encouragé le conspirateur et général poisseux qu’est Gilbert Diendéré, de s’appuyer sur son régiment foireux (RSP) pour faire un coup d’Etat pour les besoins de leur seule cause.
Que faisait le général félon Diendéré à Abidjan une semaine avant le putsch ?

Serge-Nicolas NZI
(Extrait de « Burkina-Faso : La CEDEAO, le peuple et les foireux ».)

Source : eburnienews.net 25 septembre 2015

jeudi 24 septembre 2015

« Les propositions de la CEDEAO ne nous engageront que si elles prennent en compte la volonté du peuple burkinabè ».


L’adresse de Michel Kafando aux Burkinabè et au monde, après son rétablissement comme président de la Transition. 


Mes chers compatriotes,

Dans le malheur nous avons lutté ensemble. Dans la liberté nous triomphons ensemble.
A présent, libre de mes mouvements, je reprends du service et par là-même, je m’affirme en la légitimité nationale.
La Transition est ainsi de retour et reprend, à la minute même, l’exercice du pouvoir d’Etat.
L’a-t-elle d’ailleurs jamais perdu ? Non ! Vu la clameur nationale contre les usurpateurs, vu la réprobation internationale contre l’imposture, c’est l’aveu même que le Gouvernement de Transition que vous avez librement choisi, et en qui vous avez totalement fait confiance, est resté le seul à incarner la volonté du peuple souverain.
Au demeurant, le Président du Conseil National de la Transition (CNT), Monsieur Chériff SY, agissant en intérimaire du Président du Faso, a su garder la flamme intacte. Je lui en sais gré.
Je vous invite donc à rester mobilisés autour de la Transition pour qu’ensemble nous continuions ce que nous avons commencé, à savoir remettre le processus électoral sur les rails, après avoir naturellement pansé les plaies et honoré la mémoire de nos compatriotes injustement tombés pour la défense de la patrie et dont certains gisent toujours dans nos morgues.
Je m’incline très respectueusement devant leurs mémoires. La Nation tout entière leur rend hommage en attendant d’examiner la façon dont nous solderons les conséquences de cette funeste barbarie.
A toutes les familles éplorées, je présente nos sincères condoléances.
Nous sommes fiers de la mobilisation et de l’intrépidité du peuple burkinabè, en particulier de sa jeunesse dont la détermination sans faille a permis d’arrêter l’imposture. Tout indique que la conscience aigüe qui a guidé l’insurrection ne s’est guère émoussée, bien au contraire.
Je salue notre Armée nationale qui, réalisant elle aussi le défi et l’anathème qui lui ont été lancés par cette horde d’insoumis, dans son amour-propre, a volé au secours du peuple martyrisé.
Je salue tous les amis de l’extérieur et la Communauté internationale, pour avoir rejeté sans équivoque et de façon péremptoire ce pronunciamiento, digne d’une autre époque.
Je salue toutes les forces vives du Burkina, les partis politiques, les Organisations de la Société Civile (OSC), les syndicats, le monde de la presse, les autorités coutumières et religieuses pour leur patriotisme, leur bravoure et leur dévouement.
Je rends hommage à tous ceux qui, à travers de longues chaînes de prières continues, de suppliques et d’incantations, ont confié les destinées de notre pays à la mansuétude de la divine Providence.
A tous, je dis merci et reconnaissance.
Dès demain, le Gouvernement de la Transition se réunira au nom de la continuité de la vie nationale.
En ce qui concerne les dernières propositions de la CEDEAO pour une sortie de crise, il est évident qu’elles ne nous engageront que si elles prennent en compte la volonté du peuple burkinabé, exprimée clairement dans la Charte de la Transition.
Vive le Burkina Faso !
Paix et honneur à nos morts.
Que Dieu nous vienne en aide ! 

MICHEL KAFANDO, PRÉSIDENT DE LA TRANSITION, 23 septembre 2015.
Titre original : « Michel Kafando : "Je reprends du service et par là-même, je m’affirme en la légitimité nationale" ». 

Source : Lefaso.net 23 septembre 2015 

mardi 22 septembre 2015

Qui est Chérif Sy, le réformateur intraitable du Burkina Faso ?

Chérif Sy, le président du Conseil national de transition (CNT), a pris un décret ce mardi 22 septembre 2015 de dissolution du Régiment de sécurité présidentiel (RSP). Le texte indique que les officiers, les sous-officiers et les soldats du RSP sont mis à la disposition du chef d'état-major général des armées.

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Chérif Moumina Sy, un des personnages clé de la transition au Burkina Faso après la chute de Blaise Compaoré, ne s’est pas laissé impressionner par le coup d’Etat du 17 septembre. A peine le président par intérim Michel Kafando et le premier ministre Isaac Zida ont-ils été séquestrés par des troupes d’élites à Ouagadougou que Chérif Sy, ancien journaliste, s’est déclaré chef d’Etat par intérim en appelant à la résistance face aux putschistes.


Agé de 55 ans, ce fils d’un général de corps d’armée a participé activement à la révolution d’août 1983 qui allait porter Thomas Sankara au pouvoir. Après l’assassinat de ce dernier, en 1987, il n’a cessé de lutter contre le régime de Blaise Compaoré. Au lendemain de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, qui met en fuite le président Compaoré, Chérif Sy est porté à la tête du Conseil national de transition (CNT), où il s’illustre alors par un certain nombre de propositions. Ancien ami du journaliste Norbert Zongo, assassiné sous le régime Compaoré, Chérif Sy est à l’initiative de la loi sur le droit d’accès à l’information, et avait l’ambition d’abolir la peine de mort.


Mais la plus célèbre et aussi la plus controversée des lois votées par l’Assemblée qu’il a dirigée, reste la modification du code électoral. Le nouveau texte a été appliqué par le Conseil constitutionnel pour rejeter les candidatures aux élections législatives et présidentielle des anciens dignitaires du régime Compaoré. « [Il fallait] déstructurer le régime qui a été construit. Le déstructurer intellectuellement, institutionnellement, pour poser les fondements d’une nouvelle société », a-t-il déclaré dans une interview accordée au quotidien L’Observateur Paalga.

Parmi les raisons avancées pour justifier son putsch, le général Gilbert Diendéré a surtout cité l’adoption de cette loi sur le code électoral, la « loi Chérif », qui entachait selon lui les élections initialement prévues le 11 octobre 2015. Chérif Sy, lui, dès l’annonce du coup d’Etat, a multiplié les appels à la résistance face aux putschistes. Connu pour sa fermeté et son ton guerrier, il n’a pas eu de mots assez durs pour le projet d’accord proposé le président sénégalais Maky Sall et le président béninois Yayi Boni, qui visait justement à autoriser les anciens partisans de Blaise Compaoré à concourir aux élections et à offrir une amnistie aux auteurs du putsch. « Nous ne saurions cautionner un compromis indécent qui encourage l’impunité », s’est insurgé le président du Conseil national de transition. Une voix qui a porté et à laquelle se sont ralliés plusieurs partis politiques.

L’activisme de Chérif Sy trouve une explication dans son passé. Ce journaliste, fondateur de l’hebdomadaire Bendré, est un ami de la famille Sankara. « C’est un activiste, confie un acteur de la société civile burkinabè. Cela ne date pas de la transition. Il a payé cher son engagement politique après la rectification [en 1987, lorsque Thomas Sankara fut assassiné]. On ne peut pas attendre de Chérif Sy qu’il s’asseye et qu’il s’accommode de la situation. »

Ancien responsable CDR (Comité de défense de la révolution) à Paris, Chérif Sy a échappé au massacre de Koudougou où il avait rejoint la résistance organisée dans cette ville au lendemain de l’assassinat de Thomas Sankara. Son ami d’enfance, Paul Sankara, le frère de Thomas, le qualifie de « sankariste dans l’âme et dans l’action », de « résistant de longue date ».

Lundi 21 septembre, le président par intérim Michel Kafando, libéré dans la journée suite à l’avancée des troupes régulières vers la capitale et réfugié à la résidence de l’ambassadeur de France, a abondé dans le sens de Chérif Sy en se disant, sur RFI, « très réservé sur ce projet d’accord » (celui proposé par les « médiateurs ») qui laisse sans solution des « problèmes de fond ».

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Par Justin Yarga

Source : Le Monde 22 septembre 2015

dimanche 20 septembre 2015

A propos d’une ambassade qui n’en fut jamais vraiment une.

DEUXIÈME PARTIE

La dernière année de l’ambassade de Michel Dupuch, l’année du décès d’Houphouët, eut lieu un événement étrange. Deux personnages français, Jean Marc de La Sablière, directeur Afrique du ministère des Affaires étrangères et Antoine Pouillieute, directeur du cabinet du ministre de la Coopération, vinrent à Abidjan, afin de « préparer "dans l'ordre" la succession du "Vieux" et pas seulement sur le plan politique, mais également monétaire... »[1]. Leur passage serait passé inaperçu, s’il n’y avait pas eu ces deux photographies parues dans Fraternité Matin, le 25 novembre 1993, qui les montrent, flanqués de l’ambassadeur Dupuch, successivement face à Ouattara et face à Bédié… J’écris « deux photographies » mais, en réalité, il n’y en avait qu’une seule d’originale, et c’est celle qui montre les deux émissaires et l’ambassadeur Dupuch s’entretenant avec Ouattara dans un salon. Sur ce même cliché, pour fabriquer la deuxième photographie – censée pourtant, soit dit en passant, avoir été prise avant la première, puisque les deux émissaires français auraient été reçus à Yamoussoukro par Bédié avant de l’être par Ouattara à Abidjan –, on a simplement incrusté l’image de Bédié en lieu et place de celle de Ouattara, et cela se voit comme le nez au milieu de la figure… L’extrême grossièreté de l’opération semble indiquer une certaine fébrilité chez les communicants de l’ambassade qui s’en chargèrent. Les faiseurs de rois nègres avaient sans doute cru que ce serait un jeu d’enfants d’imposer à Bédié Ouattara comme Premier ministre, ce qui revenait à le réduire en « reine d’Angleterre ». Aussi durent-ils être fortement surpris par la fermeté de ceux qui, jusque parmi les barons du Pdci, s’opposaient à cette éventualité. D’où le trucage hâtivement bidouillé pour faire croire que la France ne prenait pas parti.

Vint le 7 décembre 1993. Après un voyage éclair à Yamoussoukro où, officiellement, Houphouët agonisait depuis plusieurs semaines dans une étonnante discrétion, Ouattara annonça sa mort sur le parvis du palais présidentiel du Plateau, où il présidait la prise d’armes qui marquait l’anniversaire de l’indépendance. Et il ajouta qu’en attendant que la Cour suprême constate la vacance de la présidence de la République, il continuerait d’exercer ses fonctions de Premier ministre assurant l’intérim du chef de l’Etat. En bon français, c’était déclarer qu’il s’asseyait sur l’article 11 de la constitution, qui stipulait en toute clarté depuis la révision constitutionnelle du 6 novembre 1990 : « En cas de vacance de la présidence de la République par décès, démission ou empêchement absolu, les fonctions du président de la République sont dévolues de plein droit au président de l'Assemblée nationale ». C’était une tentative caractérisée de s’emparer illégalement du pouvoir, ou si vous préférez, une tentative de coup d’Etat, quoique le mot ne soit jamais prononcé à propos de cet épisode… Le coup échoua, écrira plus tard l’ambassadeur Christian Dutheil de La Rochère, qui alors attendait à Paris le départ de Dupuch pour venir prendre fonction : « …M. Ouattara a trouvé dans la personne de Philippe Yacé l'allié qui lui était indispensable. Longtemps second et dauphin, Yacé ne s'était jamais consolé d'avoir été évincé en 1980 de la succession, au profit de Bédié. Il a donc donné son accord aux événements de 1993, où le duo a tenté de contourner l'article 11, au profit d'Alassane Ouattara. Ouattara pensait que Yacé lui apporterait la caution du Sud qui lui manquait. Son erreur politique était de ne pas avoir vu que la notoriété de son allié ne dépassait plus les limites de sa région de Jacqueville. La manœuvre, comme on le sait, échoua, en partie grâce à la solidarité des proches de Bédié et à l'appui des pays étrangers »[2].

Par pays étrangers il faut entendre « la France » car c’est elle qui, via la gendarmerie encadrée par des officiers français, convoya Bédié à la télévision où il put annoncer qu’il prenait la suite du président défunt, comme la constitution le prévoyait, pour terminer son mandat en cours.

Mais revenons un petit peu en arrière. Houphouët est-il vraiment mort le 7 décembre 1993 ? Ça n’est évidemment pas impossible, mais ce serait tout de même une coïncidence bien extraordinaire. A cette époque, le 7 décembre était le jour où on commémorait la proclamation de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Une des bizarreries houphouétiennes, car cette date ne correspond à aucun événement historique lié à la Côte d’Ivoire. La proclamation de l’indépendance eut lieu le 7 août 1960. Mais en août, comme chacun sait, Paris se vide, et l’affluence à la réception de l’ambassadeur s’en ressentait. Or, en ces temps-là Paris était la vraie capitale du pays fictif que gouvernait Houphouët, et pour le prestige de ce pays-là, il fallait une date où la fête pût être plus courue et plus fastueuse. D’où le choix de décembre qui avait l’intérêt d’être le mois où, en 1956, la Côte d’Ivoire devint un Etat autonome membre de la Communauté franco-africaine. Et, comme il fallait tout de même conserver un lien avec l’événement commémoré, on choisit le 7 décembre alors que c’est un 4 décembre que la Côte d’Ivoire accéda à l’autonomie. Tout cela peut paraître bien compliqué, mais il le fallait pour faire admettre une telle bizarrerie. La vérité, c’est que pour Houphouët, l’indépendance, c’était juste une foutaise qu’on pouvait tourner en dérision. En même temps, et c’était le plus important, il faisait plaisir à ses amis de France et de Navarre en leur offrant chaque année, début décembre, un avant-goût de Noël.

Quant à la date précise de son décès, elle se situe probablement avant le 7 décembre 1993. Peut-être même, avant qu’il ne fût ramené en Côte d’Ivoire depuis la Suisse où, agonisant, il avait été évacué de Paris. Ce Paris où, possiblement, il avait espéré de mourir… Jeune Afrique a publié une photographie de son embarquement sur un aérodrome suisse. L’aéronef se trouve apparemment en bout de piste, comme on dit, loin des objectifs d’éventuels paparazzis. La photo est d’ailleurs prise au téléobjectif. Le remarquable, c’est que pour un patient de cette qualité, on n’aperçoit autour de lui aucun appareillage médical, même de simple confort, comme si ce n’était pas un grand malade qu’on transportait, mais un simple corps sans vie, enveloppé d’un drap blanc.

Alors pourquoi tout ce cinéma autour de lui après « son retour » à Yamoussoukro, puisque de toute façon il fallait bien qu’un jour sa mort fut dévoilée ? D’ailleurs elle l’avait déjà été d’une certaine manière : dans le même numéro de la lettre du continent qui annonçait la venue des deux émissaires français, on pouvait lire ceci : « La France est en train de mettre en place le casting du film "La Constitution, rien que la Constitution" pour introniser le plus vite possible, au titre de l'article 11, le président de l'Assemblée nationale à la tête de l'Etat. Tout doit être verrouillé pour le 7 décembre, fête de l'indépendance nationale »[3] ! On savait donc à Paris, dès le 2 décembre 1993, qu’Houphouët mourrait le 7 !

Mais pourquoi était-il si important que ce fût ce jour-là et pas un autre ? Mon explication, c’est que traditionnellement dans ce temps-là, il y avait chaque 7 décembre une prise d’armes sur l’esplanade du palais. Un tel jour, un coup de force, s’il fallait en passer par là pour vaincre certaines résistances, passerait comme une lettre à la poste. Tout était donc prêt pour une prise du pouvoir par Ouattara, au besoin par la force. Malheureusement pour lui et pour ceux qui le poussaient, il y avait en face d’eux la Côte d’Ivoire, qui, même désunie et en pleine confusion, n’était pas pour autant partante pour être prise contre son gré.

Quel intérêt de rappeler ces événements ? Mais, c’est que tous montrent qu’en Côte d’Ivoire, déjà de ce temps-là, rien ne se faisait ni ne pouvait se faire sans que d’une manière ou d’une autre la France (ou, si vous préférez, des officiels français) n’y eussent part, et de manière très visible même ! Quant à ceux qui ne sont pas officiels, mais dont le nombre et le rôle excédaient de beaucoup ceux des officiels, leur nature étant d’être le moins exposés possible, il suffit de savoir qu’il n’est pas pensable qu’il n’y en eût pas aussi dans le coup.

Une fois Houphouët déclaré officiellement mort et Bédié installé provisoirement à sa place, Michel Dupuch put s’en aller, cédant la place à Christian DUTHEIL de LA ROCHÈRE, lui aussi ancien de l’Ecole nationale de la France d’Outre-Mer (ENFOM) mais, sorti en 1960 alors qu’officiellement la France n’avait plus de colonies, c’est au Quai d’Orsay qu’il entama sa carrière professionnelle. La nomination d’un vrai diplomate en Côte d’Ivoire fut considérée comme un événement par les spécialistes, autre preuve que cette ambassade-là n’est décidément pas n’importe quelle ambassade. A-t-on voulu changer de style, normaliser les relations entre la France et la Côte d’Ivoire ? Possible, encore que rien ne permette de l’affirmer avec certitude. Néanmoins, le fait est que le séjour de Dutheil de La Rochère ne fut marqué par rien d’ostentatoire en fait d’ingérence.

Cependant, les troubles continuaient au Liberia et en Sierra Leone, et la Côte d’Ivoire, d’où tout cela était parti du temps de Dupuch, n’en finissait pas d’en subir les contrecoups, parfois provoqués comme exprès afin de l’obliger à s’y impliquer toujours plus. Jusqu’à ce qu’enfin, un jour, Bédié tape du poing sur la table et qu’alors les tentatives d’instrumentaliser la Côte d’Ivoire, ce qui lui tenait lieu d’armée et sa diplomatie dans ces conflits, cessent enfin. Peut-être n’est-il pas sans intérêt de signaler que cet épisode coïncida avec l’annonce du décès, en France, soi-disant d’une crise de paludisme, du fameux Mauricheau-Beaupré dont ces guerres civiles étaient devenues, pourrait-on dire, le hobby.

A cette époque encore, certains soupçonnaient, voire accusaient Bédié de vouloir déhouphouétiser la Côte d’Ivoire. A certains égards, il y avait bien de cela, quand on songe que pour beaucoup d’Ivoiriens, encore aujourd’hui, la ligne politique constante d’Houphouët depuis son retournement de veste en 1950 est définitivement la seule possible en Côte d’Ivoire, qu’elle est en quelque sorte sacrée. Le discours sur l’ivoirité, participait effectivement d’une volonté de désacralisation de l’héritage politique  d’Houphouët : c’était une façon de faire entendre, mais sans l’oser dire franchement, que le temps était venu de mettre fin à certaines pratiques qui avaient cours sous son règne en totale violation de la légalité ivoirienne, comme, par exemple, la tolérance du vote des étrangers ou l’introduction furtive de nombreux ressortissants de pays voisins dans la haute administration ivoirienne, comme Alassane Ouattara le fut en 1990. Cette tendance de la politique de Bédié, dont tout laissait croire qu’il l’amplifierait après le scrutin présidentiel prévu pour l’automne 1995, s’il le remportait de façon significative, fut brutalement interrompue par la faute de ceux qui appelèrent au boycott de ce scrutin. Du coup, pour ne pas se retrouver isolé entre la défiance de sa famille politique et la mauvaise foi de ses adversaires du soi-disant front républicain, Bédié fit le choix de revenir à la stricte orthodoxie houphouétiste, si on peut appeler ainsi ce degré zéro de la pensée politique qui apparentait Houphouët au Père Ubu. Du coup son discours sur l’ivoirité devint de moins en moins intelligible pour ses partisans, tandis que ses adversaires, prêtant à ce vocable, à dessein, des connotations qu’il n’avait certainement pas, sapaient méthodiquement les bases de son régime.

Si à cette époque-là les ingérences ne provenaient plus de l’ambassade aussi ostensiblement que du temps de Raphaël-Leygues ou de Dupuch, elles n’étaient pas moins insistantes, et elles n’en visaient pas moins le même objectif. En France, une vraie campagne de presse était orchestrée contre Bédié et son entourage, traités d’ivoiritaires, sans doute parce que xénophobes ou racistes eussent été trop ridicules dans un pays où en général les autochtones et les très nombreux étrangers vivaient encore en paix. Certains même n’hésitaient pas à prédire que l’ivoirité préludait à une sorte d’apartheid à l’ivoirienne. Cette campagne de la presse française, qui ne contribua pas peu à faire tomber Bédié, est un autre indice de ce que la crise que la Côte d’Ivoire vivait depuis 1990 et qui se compliquait de jour en jour, avait beaucoup à voir avec la politique traditionnelle d’ingérence néocolonialiste de la France. Officiellement, cette ingérence incessante se justifiait par la nécessité de protéger la vie et les biens des ressortissants français vivants en Côte d’Ivoire, qui étaient près de 50000 aux beaux jours du soi-disant miracle ivoirien. Auxquels on doit ajouter les presque 200.000 Levantins (Libanais, Syriens, Palestiniens) ainsi que les près de 3.000.000 de Burkinabè et autres Africains non Ivoiriens, qu’il faut bien considérer comme des appendices de cette imposante colonie française, puisque leur affluence et les facilités d’établissement ou d’emploi dont ils jouissent ne peuvent être comprises sans l’énorme influence que la France continue d’exercer sur la vie politique des Ivoiriens.

Christian Dutheil de La Rochère est décédé le 30 juillet 2011, trois mois après le dénouement à la mode françafricaine de la crise ouverte le 19 septembre 2002. Au commencement de cette crise, lors des négociations de Lomé, il y avait été envoyé comme représentant spécial de la France, peut-être à cause de sa tribune libre parue l’année précédente sous le titre : La Côte d’Ivoire un an après le putsch[4]. C’était, j’en suis persuadé, un honnête homme dans le genre de Gildas Le Lidec. J’en veux pour preuve cette trace qu’il fut le premier à avoir voulu laisser de son passage dans cette ambassade décidément pas ordinaire. Ce texte qui, comme les pages que son lointain successeur a consacrées à son expérience ivoirienne, visait manifestement à produire une espèce de catharsis − ce qui selon moi est tout à leur honneur −, souffre des mêmes défauts. Par exemple, cette façon de parler des difficultés des Ivoiriens et du délabrement politique de la Côte d’Ivoire sans jamais mentionner ce que l’un et les autres doivent à la politique de la France vis-à-vis de notre pays, soit comme causes directes, soit comme facteurs de complication. Ce n’est pas nécessairement un reproche. Et même, je veux bien qu’il ne s’agisse pas, de la part de ces hauts fonctionnaires, d’une intention délibérée d’escamoter des vérités gênantes pour l’image de leur pays, encore moins de mauvaise foi. Mais, alors, faudrait-il admettre qu’un ambassadeur de France en Côte d’Ivoire peut être prodigieusement ignorant de la véritable histoire de ce pays, de ses rapports avec la France, de son rôle dans ce qu’on désigne pudiquement par l’expression la politique africaine de la France, une politique de coups tordus, qui tient plus de la loi de la jungle que du droit des gens ?

A titre d’exemple, voici, d’après Dutheil de La Rochère, ce qui caractérisait la politique nationale d’Houphouët pendant les trente années où il gouverna la Côte d’Ivoire en monarque absolu et en s’appuyant exclusivement sur ses conseillers français : « De 1960 à 1990, la Côte d'Ivoire avait vécu sous un régime unanimiste et paternel, dont le souci affiché était de rassembler une population divisée en 60 ethnies et 4 religions principales. Le Président, lui-même d'ethnie baoulé, était élu depuis 1946 avec le soutien du nord Senoufo, ce qui assurait l'union entre le sud et le nord du pays »[5].

Soit, pour la dernière phrase. Agé d’à peine 11 ans en 1945, Dutheil de La Rochère n’était pas obligé de savoir que si Houphouët se fit élire dans le nord Sénoufo plutôt qu’au sud ou au centre dans son pays Baoulé, ce n’était pas par je ne sais quel désir altruiste d’assurer l’union du nord et du sud – qui, d’ailleurs, n’avaient nullement besoin de cela à l’époque –, mais tout banalement parce qu’il avait de meilleures chances d’y être plus confortablement élu qu’ailleurs. Mais un ambassadeur de France qui a passé cinq années en Côte d’Ivoire pouvait-il vraiment ignorer qu’entre 1960 et 1990, il y eut 1963 et 1964, deux années où la société ivoirienne connut, avec l’affaire dite des faux complots, une véritable tragédie politique, de celles qui marquent un peuple de façon indélébile ? Si c’est possible, alors il faut y voir un autre indice de l’absurdité de notre histoire avec la France.

Marcel Amondji

 (A suivre)


[1] - La Lettre du Continent 2 décembre 1993.
[2] - Marchés tropicaux 5 janvier 2001.
[3] - La Lettre du Continent 2 décembre 1993.
[4] - Marchés tropicaux 5 janvier 2001.
[5] - Idem.