lundi 31 août 2015

François Hollande : « MOI, gendarme du monde »

Ce qu'il y a de rassurant dans les discours de François Hollande, c'est qu'ils sont toujours convenus. Mardi matin, son intervention lors de la conférence des ambassadeurs fut sans surprise.
Le président français, François Hollande, s'est fixé une ligne de conduite et il s'y tient. Depuis le début de son mandat, il répète que le chômage va baisser et que la reprise économique arrive. Sur le plan extérieur, il appelle de tous ses vœux la chute de Bachar El-Assad. En vain, depuis trois ans. Ca ne l'empêche pas, ignorant le principe de réalité, de continuer sur la même voie.
En témoigne le long discours qu'il a prononcé ce mardi 25 aout, en ouverture de la conférence des ambassadeurs, ce grand raout annuel organisé chaque fin de mois d'août par le quai d'Orsay. Cette déclaration est supposée fixer les grandes lignes de la politique étrangère de la France pour l'année à venir.
Daesh, « le plus grand danger »
L'Etat Islamique qui « contrôle un vaste territoire » est ainsi désignée par Hollande, qui, fidèle à sa ligne de conduite, ne la qualifie pas d'« islamiste », mais simplement de « terroriste ». Il en décrit la barbarie sans proposer d'autre solution pour l'anéantir que « la neutralisation de Bachar El-Assad », le président syrien. Un vocabulaire appartenant à des temps qu'on croyait révolus, celui des barbouzes. En oubliant de demander aux Syriens, qui restent quand même les premiers concernés, de se prononcer sur le sujet. Et réchauffe le vieux plat d'une fumeuse troisième voie avec un nouveau gouvernement composé de Kurdes et de Sunnites, bref le mariage de la carpe et du lapin, qui fait depuis des années le lit de Daesh.
« L'intervention armée en Libye était nécessaire »
François Hollande approuve la guerre néocoloniale du couple Sarkozy-Cameron qui a plongé le pays dans un chaos sans nom. Mais il ne propose d'autre solution pour en sortir qu'une hypothétique médiation onusienne, en ignorant que Daesh y contrôle désormais plus de deux cent kilomètres de côtes d'où s'élancent quotidiennement un flot ininterrompu de migrants... pimenté par quelques terroristes.
Boko Haram, l'autre menace. Cette organisation terroriste, et toujours pas désignée comme islamiste, menace toute l'Afrique de l'Ouest selon François Hollande. D'où sa volonté de réunir tous les acteurs de la lutte contre Boko Haram, à commencer par le président nigérian Buhari qui se rendra dans les prochains jours à Paris. Comme si la France était toujours le gendarme de cette région d'Afrique.
Le Mali presque oublié
Seule une petite phrase sur l'opération Barkhane dans le discours du président rappelle que le Mali existe. Comme s'il avait décidé de faire profil bas sur cette énième intervention de l'armée française en Afrique. Il y voit cependant une « démonstration » de l'efficacité de sa « lutte contre le terrorisme ». Sur le terrain, les faits ne lui donnent pas toujours raison.
Les migrants, « tragiques conséquences des conflits qui s'accumulent ».
Hollande semble enfin découvrir que la guerre, ça produit des morts et des réfugiés. Il sort de son assourdissant silence sur le sujet pour produire des lamentations sans effets. Il propose avec la chancelière allemande Merkel une uniformisation des politiques d'accueil des pays européens. Ce qui demandera, au rythme où avance l'Europe, des années de négociations.
En attendant, il ordonne aux Grecs et aux Italiens, qui sont en première ligne, de faire le tri entre les réfugiés (ceux qui peuvent rester; ceux qui doivent partir). Et surtout de les garder chez eux.
Le nouveau rôle de l'Iran.
Hollande, qui a longtemps maintenu l'Iran au ban des nations, lui demande maintenant d'être un acteur dans la résolution des crises régionales mais, dans la foulée, il se félicite de ses « relations de grande confiance » avec l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe. On connaît la cordialité des rapports entre Chiites et Sunnites au Yémen ou ailleurs. Sur ce sujet comme dans d'autres, Hollande cherche à occuper la « position centrale », un exercice d'équilibriste qui lui a permis de faire la carrière politique que l'on sait. En espérant que les événements viendront un jour lui donner raison.
Reste qu'il endosse, en Syrie ou en Afrique, l'uniforme de gendarme. Sur la scène mondiale, on attend plutôt d'un président français, néanmoins socialiste, qu'il fasse entendre la voix d'une France qui prônait jadis l'autodétermination des peuples. Et non pas celle des barbouzes et autres colonialistes.

Philippe Duval*  

 
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Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
 

Source : Mondafrique.com (via le journal de Bally Ferro) 26 Août 2015 

(*) - Journaliste indépendant, membre de la rédaction d’un grand quotidien, “Le Parisien”, pendant vingt ans (culture, politique étrangère). Auteur de nombreux reportages en Afrique de l’Ouest. Et de plusieurs livres dont « Fantômes d’Ivoire » et « Chroniques de Guerre ».

dimanche 30 août 2015

Samir Amin : « Il n’y a aucun pays émergent en Afrique… »

Samir AMIN
Samir Amin, l’un des pères fondateurs du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria), pense que les institutions financières internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ne militent pas, en réalité, pour le développement de l’Afrique. Selon lui, la meilleure chose pour l’Afrique serait de rompre tout lien avec ces institutions.
 
« Nous en sommes encore au stade quasi zéro », a déclaré Samir Amin pour parler d’émergence des pays africains. Samir Amin, qui s’exprimait chez nos confrères de Sud fm, est l’un des pères fondateurs du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria) et, il pense en effet que l’Afrique ne prend pas, pour le moment, le chemin de l’émergence. « C’est de la fumée. On nous dit que vous êtes émergent. On n’est pas émergent, malheureusement parce que le désastre social s’approfondit d’année en année. Alors quelle émergence ? L’émergence c’est une tendance qui domine la réalité africaine depuis une vingtaine d’année d’une façon dramatique », a-t-il déclaré, avant de marteler : « Mais ces tendances ne se sont inversées nulle part. Il n’y a aucun pays émergent ».

Selon lui, ce sont les organismes financiers tels le Fmi et la Banque mondiale qui mettent ces  idées dans la tête des Africains pour mieux les flouer. D’où cette mise en garde : « Méfiez-vous de la banque mondiale. Quand elle décerne un diplôme à quelqu’un, c’est qu’il ne le mérite pas. C’est pour le flatter afin qu’il ne lutte pas pour le mériter. C’est comme dans certaines universités, on décerne un diplôme aux gens alors qu’ils ne le méritent pas. Comme par exemple aux Etats Unis, Georges Bush Fils, il n’aurait jamais eu son diplôme si son père n’avait pas nommé des amis », a-t-il affirmé.

Mais pour qu’elle arrive à se développer, certaines mesures doivent être prises afin de permettre à l’Afrique de pouvoir réaliser ses ambitions : « Les programmes qui parlent d’émergence sont des programmes crus. Parce que pour qu’il y ait émergence il faut qu’on aborde certains aspects. Il faut d’abord engager l’Afrique dans des projets d’industrialisation, ensuite, l’engager  dans un processus de réorganisation de l’agriculture familiale, et enfin, se soutenir mutuellement dans ces projets, d’abord, à l’échelon africain, à l’échelon Grand sud. Si ces conditions sont remplies, ce qu’il reste à faire serait de couper les liens avec la banque mondiale et le Fmi, et leur dire : "vous n’êtes  pas là pour nous aider, vous  êtes là pour nous enfoncer" », a-t-il conclu.
 

Ousmane Demba Kane

mardi 25 août 2015

Quelle élection libre quand la Commission électorale indépendante, le Conseil constitutionnel et les listes électorales sont contrôlés par le pouvoir ?

Depuis le coup d’Etat du 24 décembre 1999, la Côte d’Ivoire continue de faire face aux défis de la stabilité, de la paix et de la démocratie. La guerre qui a semé la désolation dans notre pays aux lendemains de la crise post-électorale semble ne pas avoir servi de leçon à certains acteurs politiques du pays, particulièrement ceux qui le gouvernent depuis le 11 avril 2011. L’actuel régime a la lourde responsabilité de préserver la paix déjà fragile. Il lui revient de la consolider par des actes responsables conformes aux principes de la démocratie, de la justice et des droits de l’homme.
Or l’observation de l’état actuel de la nation et de la préparation des futures élections sont loin de rassurer les acteurs politiques de l’opposition et la majorité de nos concitoyens. A l’approche des élections présidentielles, l’angoisse s’empare de la plupart de nos concitoyens. Car rien ne les rassure quant à l’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes. Tout le dispositif électoral est de nature à nous conduire dans une autre crise post-électorale avec sa spirale de violences.
Nous avons le devoir de dénoncer ce dispositif antidémocratique, et d’interpeller l’opinion nationale et internationale sur la question. Notre dénonciation a pour cible les deux institutions piliers des élections que sont la Commission électorale indépendante (CEI) et le Conseil constitutionnel, et une des pièces maîtresses des élections que constitue la liste électorale. Nous tenons à mettre à nu les failles et défaillances du système électoral actuel, dans l’espoir que nos critiques soient entendues et suivies d’effets positifs dans l’intérêt de la démocratie et de la paix notre cher pays.

DE LA COMMISSION ÉLECTORALE INDÉPENDANTE (CEI)

Avant 1999, les élections dans notre pays étaient organisées par le ministère de l’Intérieur. Alors que ce rôle électoral du ministère de l’intérieur convenait au contexte du parti unique, il ne l’était plus dans un environnement politique marqué par le multipartisme. En décidant de la création de la CEI, les Ivoiriens ont dans leur grande majorité exprimé leur vœu de dessaisir le ministère de l’Intérieur de son rôle prédominant et partisan dans l’organisation des élections. Or, dans les faits, la Loi Organique de la CEI, adoptée le 05 juin 2014, a permis la mise en place d’une CEI déséquilibrée dans laquelle l’exécutif et le(s ) parti(s) politique(s) dont il émane sont surreprésentés. Cette surreprésentation entache fortement l’indépendance de la Commission électorale. Dans la composition actuelle de la CEI, l’exécutif a 9 membres sur les 17 membres, qui lui sont clairement « acquis », sans compter la probable « acquisition » d’autres membres au sein de cette Commission. Les représentants acquis de cette CEI pour le compte de l’exécutif sont : un représentant du président de la République, un représentant du président de l’Assemblée nationale, un représentant du ministre chargé de l’Administration du territoire, un représentant du ministre chargé de l’Économie et des Finances, un représentant du Conseil supérieur de la magistrature et quatre représentants du parti ou groupement politique au pouvoir. Avec une telle composition déséquilibrée de la CEI, dans l’état actuel des choses, rien ne garantit l’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes, eu égard au mode de décision au sein de la CEI basé sur le vote majoritaire, à défaut de décision consensuelle.
Cette CEI est encore hantée par la présence en son sein de monsieur Yousouf Bakayoko à qui il a été encore confié de la présider. Monsieur Youssouf Bakayoko a fait preuve de défaillance et de manque de probité dans l’organisation et la proclamation des résultats en 2010. Son action négative a été dans une certaine mesure à l’origine de la crise post-électorale et de la guerre qui s’en est suivie. C’est sans doute cette posture partisane affichée en 2010 qui lui a valu sa reconduction à la tête de cette institution.

DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

La démission par contrainte de Monsieur Francis Wodié le 03 février 2015, et son remplacement par Monsieur Mamadou Koné, un militant du RDR et un proche d’Alassane Ouattara, n’est pas non plus de nature à garantir des élections libres, transparentes et démocratiques dans notre pays. Nul n’ignore le rôle central que joue le Conseil constitutionnel dans notre système électoral. En effet, conformément à l’article 94 de notre Constitution,
Le Conseil constitutionnel contrôle la régularité des opérations de referendum et en proclame les résultats.
Le Conseil statue sur :
– L’éligibilité des candidats aux élections présidentielle et législative ;
– Les contestations relatives à l’élection du Président de la République et des députés.
Le Conseil constitutionnel proclame les résultats définitifs des élections présidentielles. »
En amont et en aval, le Conseil constitutionnel est juge des élections présidentielle et législative. Il a compétence de statuer sur l’éligibilité des candidats, les contestations des résultats électoraux, et il proclame les résultats définitifs.
Force est de souligner que la nomination du nouveau président du Conseil constitutionnel a été faite dans le but d’une instrumentalisation de cette haute institution de la République. C’est la thèse avérée après les révélations sur la raison de la démission de Monsieur Francis Wodié de la présidence du Conseil constitution. Sa démission, il faut le souligner, est survenue suite à son refus de cautionner l’éligibilité d’Alassane Ouattara sans modification préalable de l’article 35 de notre Constitution par referendum. En nommant monsieur Koné Mamadou à la tête de cette haute institution dans de telles circonstances, aucun doute ne couvre désormais la volonté de l’auteur de sa nomination de s’assurer des décisions en sa faveur, afin de le proclamer éligible et vainqueur de l’élection présidentielle. La démocratie est en danger dans notre pays. Et cette réalité pourrait faire resurgir des moments sombres dans le quotidien des Ivoiriens aspirant au changement démocratique.

DE LA LISTE ÉLECTORALE

La liste électorale constitue l’une des pièces maîtresses de notre système électoral. Son élaboration est ainsi chargée d’enjeu pour le déroulement et l’issue du scrutin. La liste électorale doit être transparente et ne doit souffrir d’aucune contestation, afin de permettre la tenue d’élections libres, transparentes et démocratiques. A cet effet elle ne doit faire l’objet d’aucun tripatouillage au profit d’un bétail électoral instrumentalisé pour assurer la victoire d’un candidat. Conformément à ce principe de transparence, il convient de rendre publique la liste des bénéficiaires de la Loi du 23 août 2013 portant dispositions particulières en matière d’acquisition de la nationalité par déclaration. Pour plus de transparence, cette liste des bénéficiaires de cette loi devra mentionner les références de leurs décrets de naturalisation. Il importe de jouer le jeu de la transparence pour rassurer tous les ivoiriens, tous les acteurs de la vie politique nationale et en particulier les candidats déclarés aux prochaines élections.
L’article 5 de la loi N°2000-514 du 1er août 2000 portant code électoral stipule que « La qualité d’électeur est constatée par l’inscription sur une liste électorale. Cette inscription est de droit. »
L’inscription sur la liste électorale est donc un droit des citoyens jouissant de leurs droits civiques et qui ne sont frappés ni d’incapacité ni d’indignité. Or dans l’état actuel des choses, tout semble concourir à la violation de ce droit essentiel de la majorité de nos concitoyens. En effet, alors que l’alinéa 3 de l’article 6 de ladite loi prévoit une mise à jour annuelle de la liste électorale « pour tenir compte des mutations intervenues dans le corps électoral », la coutume fâcheuse dans notre pays demeure la mise à jour dans le cafouillage de la liste électorale tous les cinq ans, à l’approche des échéances électorales. Il importe de souligner que dans le cadre de l’élection présidentielle de d’octobre 2010, le décret N°2009-270 du 25 août 2009 fixant la période d’établissement de la liste électorale, avait fixé l’enrôlement des électeurs pour la période du 15 septembre 2008 au 30 juin 2009, soit sur une durée de plus de 9 mois. Or à 7 mois de l’élection présidentielle de 2015, l’enrôlement des électeurs n’a pas encore commencé, aucune date n’a encore été fixée à ce sujet par la Commission électorale indépendante. Tout semble se mettre en place pour bâcler l’enrôlement des électeurs et l’établissement de la liste électorale, comme ce fut le cas en 2010 malgré le délai accordé à la Commission pour accomplir cette mission.
Tout semble se mettre également en place pour susciter le vote anarchique au bénéfice d’un candidat. Ce vote anarchique sera possible avec la nouvelle disposition permettant à tout électeur inscrit sur la liste électorale de pouvoir voter partout où il se trouve le jour du scrutin. Cette situation pourra violer le principe selon lequel un électeur, égal une voix. Car des individus pourront bénéficier de multiples cartes d’électeurs pour voter n’importe où, aidés en cela par la nature délébile de l’encre dite indélébile.
C’est le lieu d’interpeller le gouvernement sur la nécessité de faciliter et d’accélérer l’établissement de la carte nationale d’identité permettant d’identifier les électeurs. Dans la situation d’extrême pauvreté que vivent la plupart de nos compatriotes, le coût et le délai de sa délivrance doivent être revus, afin de faciliter l’acquisition de cette pièce importante par la grande majorité.
Notre pays a besoin de stabilité, de paix et développement pour assurer le bien-être des Ivoiriens et des populations étrangères résidant en Côte d’Ivoire. Cette stabilité, cette paix et ce développement passent par l’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes. La sagesse commande de tirer les leçons du passé. Il incombe au gouvernement et à la Commission électorale indépendante de tout mettre en œuvre avec diligence pour garantir, en cette année électorale, la mise en application des règles démocratiques pour préserver la paix sociale.

Le Collectif des Ivoiriens pour des élections sans fraudes et sans violences en 2015


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Source : connectionivoirienne.net 11 avril 2015

samedi 22 août 2015

UNE DOUBLE ENTREPRISE DE DIVERSION

P. Carter III et J.M. Simon en compagnie de Ouattara, le jour "J"
Communiqué de l’Ambassade de France
COMMUNIQUÉ DE PRESSE DE L’AMBASSADE DE FRANCE EN CÔTE D’IVOIRE 
Une publication de la place a cité dans une parution du 7 juillet 2015 la Direction générale de la sécurité extérieure française à l’appui d’un article dont le sérieux est mis en doute à la première lecture. Sans se prononcer sur le fond de cet article dont le caractère outrancier relève de la responsabilité du rédacteur, cette ambassade dénonce la manipulation objective des faits.
Un faux grossier est en effet présenté comme un document officiel français à l’appui de l’article, témoignant ainsi du manque d’éthique et de professionnalisme de son inspirateur qui n’a aucunement pris soin de vérifier ses sources.
La reprise telle quelle de cet article par d’autres supports d’information conduit cette ambassade à apporter ces précisions. 

Abidjan, 31 juillet 2015 – Service de presse 

NOTRE COMMENTAIRE
Il y a des démentis qui valent confirmation. Les auteurs de ce communiqué pourraient-il jurer qu’il n’y a personne dans cette ambassade, ni dans aucun service français entretenant une succursale en Côte d’Ivoire, qui soit capable d’imaginer une opération de cette nature ? Il  saute aux yeux, c’est vrai, qu’il s’agit d’un « faux grossier » ; mais c’est également une entreprise de diversion à buts multiples, l’un de ces buts étant la rédemption de Jean-Marc Simon, le stratège du coup d’Etat du 11-Avril 2011, présenté en l’occurrence comme un repenti, changé mystérieusement en ennemi personnel de Ouattara. La seule mention de ce triste sire, et dans un rôle tellement à contre-emploi quand on connaît son parcours, suffit à nous convaincre que ce ne sont pas des Ivoiriens, et surtout pas de ceux qui résistent actuellement à l’extension et à la consolidation de l’emprise néocoloniale de la France sur notre patrie, qui sont à la source de cette opération. N’en déplaise à l’éditorialiste de « Fraternité Matin », qui s’est empressé de paraphraser le communiqué de ses maîtres pour accuser les opposants à ce régime fantoche. Notez que contrairement à lui, le service de presse de l’ambassade s’est bien gardé d’accuser quiconque… Mais, après tout, pourquoi ces gens l’auraient-ils fait, puisqu’ils ne peuvent pas ignorer qu’ils ont un porte-parole des plus zélés en Venance Konan, que les parrains de ce régime ont justement « prépositionné » à la direction de « Fraternité Matin » après leur victoire sanglante de 2011, afin qu’il y joue les sycophantes…
Dans l’histoire de cette crise qui hypothèque dangereusement l’avenir de notre peuple, mais qui par sa longueur et sa torpidité doit désormais beaucoup embarrasser aussi ceux qui l’ont provoquée et alimentée de toutes les façons durant tant d’années, ce n’est pas le seul « faux grossier » qu’on a forgé et que des journaux ivoiriens de tous bords – mais pas eux seuls – ont relayé avec une complaisance suspecte ; et, pourtant, on n’a pas souvent entendu les cris d’indignation du service de presse de cette d’ambassade.
Ce communiqué-ci est donc par-là fort étrange, et d’autant plus qu’il n’a pas vraiment d’objet… Enfin, je veux dire que du fait même de sa grossièreté, qui ôte toute crédibilité à ce soi-disant « rapport émanant de la DGSE », sauf pour les gogos, un tel démenti, c’est comme si on tirait au canon pour tuer une mouche. Par conséquent, c’est lui le problème ; pas le fait pour le rédacteur d’une feuille de choux ultraconfidentielle, aux sources glauques et à la ligne éditoriale plutôt fantasque, de publier ce qu’il trouve sous sa main, et qu’un manipulateur professionnel a très bien pu placer là exprès…
Quant aux gogos, notre pauvre Côte d’Ivoire en est remplie ; et, même, dans cette période où elle semble plus déboussolée que jamais, ils prolifèrent jusque dans les plus hautes sphères de la classe politique, comme on a pu s’en apercevoir ces jours-ci, lors du dépôt de certaines candidatures en vue du scrutin présidentiel qui approche. Or je ne jurerais pas que ce soit pour vous déplaire, mes dames et messieurs du service de presse de l’ambassade de France…
Marcel Amondji (22 août 2015)

vendredi 21 août 2015

« ADO SOLUTIONS » NE FAIT PLUS RÊVER ABOBO…*

Parce qu’il n’avait jamais véritablement dirigé la Côte d’Ivoire, même s’il fut le Premier ministre d’Houphouët-Boigny, Alassane Dramane Ouattara était perçu par une partie des Ivoiriens comme le «messie», l’homme de tous les miracles. « ADO solutions », comme l’appelaient certains de nos compatriotes. Notamment ses partisans dont la majorité est originaire du nord du pays. Ils ont soutenu le « frère » dont on disait qu’il est compétent, que les Blancs louent ses services pour mieux gérer leurs pays respectifs.
 
Cerise sur le gâteau de la propagande, des Ivoiriens ont ouï dire qu’Alassane Ouattara possédait des bateaux, des avions et des relations si importantes à travers le monde qu’une fois au pouvoir, les emplois seraient versés en Côte d’Ivoire wahaha (à profusion, selon l’argot ivoirien nouchi) ; aucun jeune ne chômerait ; les Ivoiriens se soigneraient dans les hôpitaux sans débourser un copeck ; le panier de la ménagère serait si garni qu’on pourrait nourrir une famille de 6 personnes avec 1000Fcfa ; y aurait une pluie de milliards sur le pays ; ce serait le vrai miracle ivoirien, rien à voir avec celui éphémère des années 70. Certains jeunes Ivoiriens en étaient si convaincus qu’ils se sont laissé entraîner dans une rébellion armée dès septembre 2002.
 
Bientôt cinq années après l’installation d’Alassane Dramane Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire (en avril 2011), la vérité a totalement pris le pas sur le mensonge. Les jeunes gens qui ont pris la Kalachnikov pour la cause Ouattara, ainsi que ces Ivoiriens appâtés par la longue propagande, sont tous redescendus sur terre. Ils ont compris que tout ce qu’on leur a raconté n’était que de l’affabulation. Qu’Alassane Ouattara n’est ni un « messie », ni un faiseur de miracles. Pire, que son prédécesseur immédiat, Laurent Gbagbo, avait mieux fait dans une Côte d’Ivoire occupée à moitié par une rébellion armée que lui dans un pays réunifié. Que le coût de la vie était supportable par les ménages hier qu’il ne l’est aujourd’hui. « Gbagbo Kafissa » (Gbagbo est mieux en malinké), entend-on dire à Abobo, une des dix communes d’Abidjan, généralement perçue comme le fief d’Alassane Ouattara. N’est-ce pas à Abobo que le « Commando invisible » a commis d’innombrables massacres sur des populations civiles soupçonnées d’être des pro-Gbagbo ? N’est-ce pas à Abobo qu’a été recruté le plus gros contingent des « associés », ces supplétifs armés des rebelles ?
 
C’est d’Abobo que vient, depuis plusieurs mois, la forte clameur de déception et de colère relative à la gestion du pays par Alassane Ouattara. Abobo grogne fort. Abobo n’est pas du tout content de « Madou goudron ». Un surnom que les partisans déçus de Ouattara vivant à Abobo lui ont donné. « Ce n’est pas pont ni goudron qu’on mange », disent-ils. Entre grosse colère et profonde déception. Alassane Ouattara, « Madou goudron », n’a plus bonne presse à Abobo où la misère sévit durement comme partout ailleurs en Côte d’Ivoire. Les uns et les autres à Abobo se sont rendu compte que tout n’était que propagande. Mais une propagande aux conséquences meurtrières, puisque des centaines de jeunes gens ont été fauchés dans la fleur de l’âge, après avoir été enrôlés dans une rébellion armée pour « Madou goudron ».
Lorsqu’on écoute des membres de la direction de campagne d’Alassane Ouattara parler de « victoire [de leur candidat] au 1er tour », on croirait entendre Abdoulaye Wade et Nicolas Sarkozy avant leur débâcle électorale de 2012. Ils oublient qu’« ADO solutions » est devenu « Madou goudron ». Que la propagande a été rattrapée par la vérité. L’élection présidentielle de 2015 réservera assurément beaucoup de surprises si la fraude et la violence ne s’en mêlent pas comme en 2010.

Didier Dépry
(*) Titre original : « Madou goudron ». 

 
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Source : Notre Voie 13 août 2015

dimanche 16 août 2015

En feuilletant « De Phnom Penh à Abidjan. Fragments de vie d’un diplomate ».5/5

Cinquième Partie

Sauvetage hors norme
(Pages 163-165) 

« En ce début d'été 2003, les combats avaient repris de plus belle à Monrovia, dans le Liberia  voisin où j'étais accrédité à partir d'Abidjan. Charles Taylor, chef de guerre devenu président de ce pays déchiré par l’une des guerres les plus cruelles qui fut, allait quelques mois plus tard  partir en exil au Nigeria avant d'être traduit et condamne devant la justice internationale pour crimes contre l'humanité. Une petite poignée de grands reporters et de photographes occidentaux couvraient avec un courage exceptionnel, au détour de chaque carrefour de cette capitale explosée, des combats aussi sanglants qu'ils n'avaient plus de signification réelle.  Le  photographe Patrick Robert de l’Agence Sygma fut gravement touché au ventre. Ses collègues nous téléphonèrent immédiatement, spécifiant qu'il aurait peu de chance de s'en sortir si une évacuation sanitaire n'était pas organisée dans les meilleurs délais.
La France n'avait aucun point d'appui ni antenne à Monrovia. Nous étions, avec le général Joanna, commandant à ce moment-là la force Licorne, contraints d'agir totalement à l’aveugle. La présence sur zone du général Bentégeat, chef d'état-major des armées, permit sans doute l'une des opérations les plus utiles mais aussi les plus risquées qu'il m'ait été donné de voir. L'urgence a fait que la décision et l’exécution ne se sont pas attardées dans des dédales diplomatiques ou administratifs. Les compagnons de Patrick Robert avaient charge de trouver les moyens de l’amener à l’aéroport. Licorne organisa pour sa part trois jours plus tard, alors que la résistance du blessé faiblissait gravement, une opération pour le moins audacieuse. Un Transal ayant à son bord une équipe médicale et un détachement des commandos des opérations spéciales effectua un atterrissage tactique sur le tarmac de l’aéroport de Monrovia sans qu'aucune autorisation de survol n'ait été demandée et, a fortiori, aucune permission d'atterrissage accordée. Aussitôt l’avion militaire français posé, moteurs en marche, les commandos se déployèrent sur le périmètre de l’aéroport pour sécuriser l'embarquement du journaliste. Nous avions accueilli à Abidjan son épouse venue en catastrophe. C'est avec la satisfaction de la mission accomplie que nous les saluâmes à l’aéroport Houphouët-Boigny, alors que ce couple si sympathique regagnait Paris par avion médicalisé. Les deux complices qui jouèrent un rôle déterminant dans cette opération hors norme de violation de souveraineté territoriale, les généraux Bentégeat et Joanna, étaient avec nous sur le tarmac. Je retiendrai surtout de cet épisode que Patrick Robert a eu le rare geste d'adresser par écrit des remerciements émus et chaleureux à toutes les autorités de l'Etat, à commencer par le président de la République, pour la part prise dans son évacuation. C'est si rare... »  

Où on nous apprend que le viol de souveraineté est un jeu qu’apprécient fort les Français, qu’ils soient diplomates ou militaires, et dans lequel ils sont d’ailleurs passés maîtres…, encore qu’ils n’osent s’y livrer en toute bonne conscience qu’en Afrique noire seulement.

Au risque de mourir bêtement
(Pages 235 à 236) 

« Tout aussi stupide, mais cette fois avec un retentissement historique, aurait été que réussisse la tentative d’étranglement que Guillaume Soro, alors chef de la rébellion ivoirienne, devenu par la suite Premier ministre de Gbagbo, puis de Ouattara avant d’occuper aujourd’hui la présidence de l’Assemblée nationale, ne put réprimer dans un salon particulier des annexes administratives de la basilique de Yamoussoukro. Représentants de la communauté diplomatique et responsables militaires de la force Licorne, nous tentions alors de faire entendre raison à quelques chefs rebelles réunis sous haute sécurité pour les amener à la table de négociations. La basilique était cernée par les forces françaises et survolée par nos hélicoptères. La salle où nous nous réunissions avait même été interdite à nos gardes du corps respectifs, condamnés à rester dans le couloir, et même fermée à clé. La tension montait à mesure que nous perdions l’espoir d’aboutir à quoi que ce soit. Je n’avais jamais caché mon aversion pour Soro, son opportunisme et ses trahisons répétées. »  

Une autre preuve que Le Lidec ignorait vraiment (et ignore toujours) tout des choses dont il était censé s’occuper comme représentant de la France en Côte d’Ivoire. Mais peut-on vraiment croire qu’il ne se doutait absolument pas de ce qu’était réellement ce guillaume Soro qu’il semble toujours considérer comme une sorte de Rastignac qui aurait réussi, par son « intelligence » et sa « force de conviction », à créer tout seul cette soi-disant rébellion et la mener à son terme ?

« N’était-il pas celui qui, lors de notre première rencontre à Bouaké en décembre 2002, m’avait demandé très sérieusement de préparer une camionnette bourrée d’armements et d’explosifs, de seulement lui indiquer l’adresse où elle serait garée dans Abidjan et qu’il se chargerait du reste pour éliminer Gbagbo. »  

Cette anecdote qui, quoi qu’en dise G. Soro et ses porte-plume, et même si le témoignage de G. Le Lidec a varié d’une occasion à l’autre, ne peut pas avoir été inventée de toutes pièces par l’ambassadeur, indique la nature et le niveau de la relation de confiance qui existait entre Soro et une certaine France. Non pas la France que nous aimons, mais la France des barbouzes, celle qui continuait chez nous le travail de sape initié par Jacques Foccart avec la complicité plus ou moins volontaire d’Houphouët, et que l’ineffable Pierre Mazaud représentait si goulument à Marcoussis.

« Ce dernier avait pourtant été son mentor et l’avait introduit sur l’échiquier politique ivoirien. » 

Présenté comme cela, c’est un peu court. En fait, Guillaume Soro est le « pupille » de quelqu’un d’autre – inutile de chercher à l’identifier – et, comme tel, très probablement, il était déjà repéré et « suivi » par la barbouzerie française prépositionnée, sans doute avant même de devenir ce qu’il fut à la Fesci. Le but du jeu étant d’introduire par ce biais, dans l’opposition naissante et forcément encore inexpérimentée, les ferments qui la dénatureraient ou qui retourneraient son énergie contre elle-même, comme cela se fit au Burkina Faso sous Thomas Sankara et contre lui, notamment avec Salif Diallo pour instrument. Ce qui fut certes atteint ici aussi mais, tout bien considéré, sans vrai bénéfice pour personne, contrairement au Burkina, du moins à ce commencement.

« Je n’ai plus un souvenir exact du point de négociation que nous abordions alors mais je me rappelle avoir dû mettre un terme, en la qualifiant d’hors sujet, à une violente diatribe dans laquelle Soro s’était embarqué contre la France. Mon « audace » ne fut pas jugée de son goût et il se précipita sur moi, ses mains en avant qu’il resserra progressivement autour de mon cou. » 

Un tel geste ne prouve pas seulement l’impulsivité de Soro, mais son intime conviction d’être un rouage suffisamment précieux du système secret, en tout cas un rouage plus important et plus indispensable que l’officiel et impuissant Le Lidec, pour se laisser insulter par lui dans de telles circonstances. Mais, pour le comprendre, il fallait savoir le fond des choses ou, au moins, s’en douter… C’est, me semble-t-il, l’interprétation qui correspond le mieux aux circonstances telles que décrites par Le Lidec lui-même, y compris l’attitude non-interventionniste des « deux généraux français de Licorne ».

« Je ne dus mon salut qu’à l’intervention immédiate et efficace de mes deux voisins, les ambassadeurs d’Italie et d’Espagne, devant ici avouer que les deux généraux français de Licorne, assis derrière moi, étaient restés de marbre. Mais peut-être étaient-ils dans la pièce d’à côté, comme me l’a récemment rappelé l’un d’entre eux. Le tumulte ainsi provoqué, avec les cris qui s’en suivirent, alertèrent les gardes du corps retenus à l’extérieur qui enfoncèrent la porte, l’arme au poing, pour ajouter au côté dérisoirement tragique de la scène où le Premier ministre de l’époque, Seydou Diarra, balbutiait des appels au calme et à la raison. Là encore, j’ai exigé des excuses de mon agresseur qui mit un mois à me les présenter. » 

Très intéressante !, cette histoire d’excuses et du délai pour les obtenir… Mais, ce qui l’eût été encore plus, c’est que Le Lidec rappelât aussi ce qui s’était passé durant ce long mois, et ce qui finalement réussit à faire plier Soro…

« Il n’empêche que ce grand spécialiste de la traîtrise est devenu, dès la réunion de Marcoussis, la coqueluche d’une bonne partie de la classe politique française.
En fait, l’expérience qui m’aura le plus marqué, s’il avait été question de menace réelle sur ma vie, survint en fin d’après-midi, le samedi 6 novembre 2004, boulevard de France à Abidjan. Après le bombardement le matin-même de la base française de Bouaké et la mort de neuf de nos militaires, et alors que l’émeute anti-française gagnait la capitale à partir des quartiers du nord, je sortais avec difficulté d’une entrevue épique que je rapporte par ailleurs avec un Laurent Gbagbo qui m’avait semblé hébété et dépassé par les événements. Notre convoi pour regagner l’ambassade, formé de la voiture précurseur, de la mienne et de la suiveuse, garnies d’au moins huit agents de l’EPIGN, fut brutalement stoppé sur le grand axe descendant vers le sud par une bande de gendarmes ivoiriens éméchés qui l’immobilisèrent aussitôt grâce à des herses placées de part et d’autre des véhicules. Ni le fanion sur ma voiture, ni les explications que mes gendarmes donnèrent par micro, les vitres d’un véhicule blindé ne s’ouvrant pas par principe, ne surent calmer la troupe vociférant. Celle-ci tenta en vain de briser les glaces, puis de renverser l’automobile, enfin d’y mettre le feu. Alors que je m’imaginais plutôt en sécurité dans cette cabine blindée du plus fort coefficient que nous avions héritée de notre consulat général à Barcelone, mon « épaule » assise à côté du chauffeur me détrompa vite en me demandant de regarder « à dix heures », c’est-à-dire devant en tournant les yeux à gauche. S’y trouvait, à moins de dix mètres de notre véhicule, un gendarme ivoirien tenant un RPG7 sur l’épaule dirigé contre nous. J’observais autant le regard aviné de l’homme qui louchait de façon presque comique sur sa ligne de mire que le doigt qu’il gardait sur la détente. Mes deux gendarmes de l’EPIGN, immobiles devant moi, firent chavirer mon assurance en m’affirmant qu’à cette distance si courte, nous n’aurions aucune chance d’échapper à l’explosion, quel que soit le degré de blindage de la voiture. Je me surpris à défiler ma vie à grande vitesse. C’est un gradé ivoirien qui arrêta le film en faisant irruption sur la scène. Il rabroua ses hommes, leur indiquant qu’il s’agissait d’un convoi diplomatique, en fit ôter les herses qui obstruaient notre passage. Il me salua d’un bon sourire africain lorsque nous reprîmes notre course sur le boulevard de France. » 

« Un bon sourire africain »… Encore un résidu ou un relent lévy-bruhlien, que ce « bon sourire africain » ! Peut-être même était-il béat, voire niais, comme le « sourire Banania » ? En tout cas, cet épilogue, qui aurait pu être dramatique mais qui s’est finalement terminé sur ce sourire tellement typique, confirme mon impression que ce livre n’existe que parce que Gildas Le Lidec a éprouvé le besoin de vider son sac de tout ce qui lui était resté sur le cœur après et depuis son passage en Afrique noire et, singulièrement, en Côte d’Ivoire. 
Cela dit, parmi tous les livres traitant de « la crise ivoirienne », c’est, me semble-t-il, dans celui-ci qu’on peut apprendre le mieux à discerner les vraies causes et les vrais enjeux de ce qu’on désigne sous cette expression.
 
Marcel Amondji
 

(Fin)

Prochainement dans ce blog
« Histoire d’une ambassade qui n’en fut jamais vraiment une »
par Marcel Amondji

samedi 15 août 2015

« Dans certains endroits, des gouvernements sont tombés et des dirigeants sont sortis des mouvements clandestins soutenus par nos colonisateurs d'antan »… (Président Mugabe)*


Les dernières assises de la BAD tenues à Abidjan, en Côte d’Ivoire du 25 au 29 mai 2015 auraient dû enregistrer la participation du président zimbabwéen Robert Mugabe. Mais les autorités ivoiriennes, Alassane Ouattara en tête, en ont décidé autrement. C’est en tout cas ce que rapporte le quotidien zimbabwéen Herald, qui rend compte d’une réunion du parti de Mugabe, au cours de laquelle il s’en est pris à Ouattara et à la France, accusé d’être derrière le refus de la Côte d’Ivoire de voir son avion atterrir Abidjan. Le Nouveau Courrier vous propose la traduction de l’article du journal zimbabwéen.
L'Occident utilise les organisations non gouvernementales pour imposer des gouvernements fantoches en Afrique et l'administration ivoirienne actuelle est un exemple de pays qui ne peut pas prendre des décisions indépendantes sans consulter la France, a dit le président de l'Union africaine, le président Mugabe. La Côte d'Ivoire est actuellement dirigée par le président Alassane Ouattara qui a violemment remplacé le président Laurent Gbagbo avec l'aide de la France en 2011.
Le président Mugabe a déclaré que la Côte d'Ivoire, sous la direction du président Ouattara, a été le seul pays africain qui lui a refusé l'entrée de son territoire en sa qualité de président de l'Union africaine – parce que les Français ne l'aiment pas. S’exprimant à la réunion du Comité central de la Zanu-PF à Harare hier (le vendredi 7 août, ndlr), le président Mugabe a déclaré qu'il a été invité en sa qualité de président de l'Union africaine pour la clôture d’une réunion de la Banque africaine de développement qui a eu lieu dans le pays ouest-africain récemment, mais n'a pas pu le faire parce que le président hôte a soudainement prétexté qu'il était malade.
Alors que le président Ouattara avait initialement autorisé la visite du président Mugabe, les autorités ivoiriennes ont étrangement refusé d'autoriser l'atterrissage de son avion. « L'ensemble de l'Afrique sait maintenant que la stratégie des ONG est un moyen d'obtenir le pouvoir, d'acquérir une puissance silencieuse capable d'affecter notre économie, et nos propres systèmes de gouvernement », a déclaré le président Mugabe. « Dans certains endroits, des gouvernements sont tombés et des dirigeants sont sortis des mouvements clandestins soutenus par nos colonisateurs d'antan. Des dirigeants ont été changés comme dans les pays francophones par la France. Un leader qui, hier, a été soutenu par la France, s'il commence à adopter des politiques opposées à la France, doit partir. Dans certains cas, sans vergogne et de façon flagrante, la France a effectivement envoyé ses soldats pour enlever le président du pouvoir. Ils l'ont fait en Côte d'Ivoire et ont imposé Ouattara. Quand un chef est imposé de cette façon, il se comporte selon la volonté de la France – pour être en phase avec ses intérêts nationaux à elle ».
Robert Mugabe a déclaré : « Je vais vous dire ce qui m’est arrivé en tant que président de l’Union Africaine. Il y avait une réunion en Côte d’Ivoire et des ministres des Finances incluant (Patrick) Chinamasa était là. Une de nos banques de développement en Afrique tenait une réunion là-bas et on m’a demandé de tenir un discours à l’ouverture de cette réunion. Je ne pouvais pas y aller parce que je partais à l’investiture du président nigérian (Muhammadu) Buhari.
Donc, les responsables de la BAD ont déclaré que puisque vous ne pouvez pas venir pour l’ouverture (au passage, la banque a son siège en Côte d’Ivoire, mais c’est une banque africaine), pouvez-vous venir pour la clôture et juste faire une déclaration ? J’étais alors au Nigeria. J’ai dit que je viendrais avant de rentrer dans mon pays. Naturellement, nous voyageons en avion et la compagnie aérienne doit s’annoncer – l’avion doit être approuvé pour l’atterrissage si vous voulez atterrir dans un endroit. Leurs propres systèmes aériens civils là-bas, en consultation avec leurs autorités, doivent dire oui. On nous a refusé d’atterrir en Côte d’Ivoire. Nous avons attendu et attendu et c’était toujours non. Nous avons demandé au (ministre) Chinamasa : qu’est ce qui se passe – Ouattara est-il là ? Chinamasa a dit oui, un ministre m’a dit que M. Ouattara avait dit que je pouvais venir.
Le président ne peut pas simplement aller dans un pays sans l’accord du président qui dirige ce pays. Voilà le protocole. Par la suite, ils ont dit que Ouattara est tombé malade. Il est au lit. Il est au lit et donc aucune autorisation n’a été donnée. Donc, nous ne sommes pas allés en Côte d’Ivoire pour prononcer le discours devant notre Banque africaine de développement. C’est le seul pays en Afrique qui nous a refusé l'entrée. Alors pourquoi ? Parce que Ouattara a été imposé à la Côte d'Ivoire par la France et la France a retiré le président qui était là pour le faire juger par la Cour pénale internationale. Voilà ce que vous obtenez. Donc, quand je raconte l’histoire à d’autres présidents, ils disent :
— Ah ! Pourquoi ?
— Parce que la France ne veut pas de  Mugabe. C’est un homme dangereux. Donc, nous n’y sommes pas allés, mais la BAD est notre banque ».
Mugabe a affirmé, citant un autre cas, que le gouvernement de son pays a invité le président d'un certain pays africain à venir ouvrir une foire sur le « commerce équitable » à Bulawayo l'année dernière. Il a révélé qu'en dépit de ce que ce président avait initialement donné son accord, il a refusé de venir deux semaines avant l’événement, en prétextant qu’il avait une réunion urgente avec ses voisins. Le président Mugabe a déclaré qu'il a été informé plus tard par le président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo que le président invité avait subi des pressions de la France pour ne pas venir.
www.herald.co.zw
(*) - Titre original : « Le président de l’UA très en colère. Mugabe : "Ouattara a été imposé par la France…" ».

Source : Le Nouveau Courrier 11 Août 2015

vendredi 14 août 2015

Côte d’Ivoire : Un pays dévalué !

 
« Hum ! La Côte d’Ivoire est tombée, hein ! » Cette indignation, on l’entend de plus en plus de la bouche des Ivoiriens devant les faits accomplis. Lorsque le 11 janvier 1994, après le décès du premier Président de la République, Félix Houphouët-Boigny le 7 décembre 1993, la France a procédé à la dévaluation du franc Cfa, l’on croyait certainement que cette perte de valeur se limiterait à la seule monnaie. Aujourd’hui, en 2015, c’est le pays entier, la Côte d’Ivoire, qui est dévalué.
Un pays où un juge a même délivré un certificat de nationalité un dimanche. Un pays où la violence politique a fait son entrée, brisant la sacralité de la vie. Un pays qui a connu son premier coup d’Etat le 24 décembre 1999. Qui a vécu des tentatives de coup d’Etat pendant la transition. Qui a été violemment attaqué le 19 septembre 2002. Une tentative de coup d’Etat qui échoue et se mue en rébellion sanglante. Un pays pillé, envahi et divisé en deux pendant au moins huit (8) ans. Un pays « mélangé », rendu « ingouvernable » durant près d’une décennie par les mêmes génies du chaos. Un pays qui va à la présidentielle malgré la présence d’une rébellion en armes. Un pays où un homme est fait candidat exceptionnel grâce aux armes et à l’article 48 de la Constitution.
Un pays où la fraude électorale peut vous glacer le sang. Où le responsable de la première institution électorale se retrouve seul, dans le Q.G. de campagne d’un candidat où, devant la caméra d’une télévision étrangère, il inverse les résultats de la présidentielle en faveur du propriétaire du Q.G. Un pays où l’Onu s’est compromise dans la certification mensongère en donnant la victoire d’un candidat à un autre. Un pays où la communauté internationale a préféré l’asphyxie bancaire, l’embargo sur les produits pharmaceutiques, la guerre, les bombardements intenses de la résidence du Président de la République et la tuerie massive, au recomptage des voix.
Voilà un pays dont le chef de l’Etat sortant, attaqué par une rébellion armée, est lui, déporté à la Cour pénale internationale (Cpi). Pourtant les pires criminels qui ont versé le sang des innocents pendant une décennie, sont promus et narguent leurs victimes. « Hum ! La Côte d’Ivoire est tombée, hein ! » Un pays où les forces nationales, formées à la régulière, sont désarmées et que seules leurs adversaires, anciens rebelles, ayant gagné par procuration la guerre, détiennent véritablement les armes de la République.
Un pays où plus de 300.000 dozo, chasseurs traditionnels accourus de toute la sous-région ouest-africaine pour participer à la guerre postélectorale de 2011, ne sont pas soumis au processus de désarmement. Un pays où des villages entiers (Yrozon, Duékoué) sont rayés de la carte pendant la rébellion ou la guerre. Où le seul 29 mars 2011, les rebelles pro-Ouattara massacrèrent 800 civils à Carrefour-Duékoué sans que cela n’intéresse les autorités judiciaires.
Un pays où les arrestations, les emprisonnements et le gel des avoirs des opposants sont le programme de gouvernement. Un pays dont les exilés politiques et autres réfugiés à l’étranger n’ont jamais été si nombreux. Un pays où un candidat n’est pas éligible mais fait
un forcing. Un pays dont la nationalité est distribuée à la va-vite. Un pays avec plus de 26% d’étrangers, et pourtant accusé de xénophobie. Un pays avec « une croissance appauvrissante » et où le pouvoir ne considère pas l’opposition. Un pays si dévalué que l’argent ne circule pas parce qu’il file à l’extérieur. Un pays… « Hum ! La Côte d’Ivoire est tombée, hein ! »  

Germain Séhoué 

 
EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, ou que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
 

Source : Facebook 14 août 2015