vendredi 31 mai 2013

Mali : « Pas d'élections sans confiance ! »

Des milliers de personnes rassemblées jeudi à Gao (nord du Mali) ont interpellé le président français François Hollande sur la situation à Kidal, ville située plus au nord et toujours occupée par la rébellion touareg, à deux mois de l'élection présidentielle prévue fin juillet, selon des témoins.
« Nos pensées aux victimes et non aux bourreaux »,
« Pas d'élections sans confiance »,
« Président François Hollande, merci pour la liberté, maintenant la justice », pouvait-on lire sur des pancartes brandies lors du rassemblement organisé par des groupes de jeunes et de femmes sur la place centrale de Gao.
« Les banderoles qui s'adressaient à François Hollande, c'était pour lui dire : tu as libéré le Mali des terroristes, maintenant libère Kidal, sinon avec toi, le Mali va divorcer brutalement », a commenté pour l'AFP Ousmane Maïga, l'un des membres de la coordination de la jeunesse de Gao, plus grande ville du Nord.
L'intervention militaire française qui a débuté le 11 janvier au Mali a permis, aux côtés d'autres armées africaines, de chasser en grande partie les jihadistes liés à Al-Qaïda du nord du pays, mais la ville de Kidal reste occupée par la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA).
Le MNLA et de petits groupes alliés, revenus à Kidal à la faveur de l'intervention de l'armée française toujours présente sur l'aéroport de la ville et qui collabore avec la rébellion touareg, s'opposent à la venue de l'armée malienne dans la région.
Le premier tour de la présidentielle, prévu le 28 juillet, doit se tenir sur toute l'étendue du territoire malien, y compris Kidal, mais cela ne pourra se faire qu'en présence de l'administration et de l'armée maliennes dans la ville, estime l'écrasante majorité des Maliens.
Des négociations sont actuellement en cours à Ouagadougou pour tenter de parvenir à un accord sur le vote à Kidal le 28 juillet.
L'attitude de la France, soupçonnée de collusion avec le MNLA à Kidal, est de plus en plus ouvertement critiquée dans la presse malienne et par certains hommes politiques.
Les habitants de Gao ont profité du rassemblement pour dénoncer leurs conditions de vie. « Il n'y a pas d'électricité, pas d'eau, et nous avons l'impression que l'Etat malien nous abandonne », a déclaré Oumou Touré, d'une association de femmes de Gao. 

Source : AFP 30 mai 2013

Titre original : « Mali: des milliers de personnes interpellent François Hollande sur Kidal »

Interview de Lazare Zaba Zadi, secrétaire général de la fédération Fpi d’Abidjan-Banco (Yopougon et Songon).

« …Et nous demandons à tous nos camarades en exil d’avoir foi en l’avenir. »

Notre Voie: Le pouvoir a tenu à organiser les municipales et régionales. Des élections qui ont été boycottées par votre parti. Que vous inspirent ce scrutin et ses résultats ?

Lazare Zaba Zadi: Il faut dire qu’au regard des résultats officiels, si on prend le cas de Yopougon, qui a eu un taux de participation de 16%, je crois que, sur le plan national, c’est le taux le moins élevé. Ne serait-ce qu’au vu de cela, on peut estimer que le mot d’ordre a été totalement respecté par la population de Yopougon. 16%, c’est même une surestimation de la réalité. Parce que, dans certains bureaux de vote, véritablement, les électeurs ne se sont pas déplacés. Donc nous sommes satisfaits des résultats obtenus.

N.V.: Le Rdr a remporté les législatives à Yopougon. Ce parti vient encore de gagner la mairie. N’avez-vous pas peur que le Fpi perde son bastion au profit du Rdr dans votre fédération ?

L.Z.Z.: Non, je ne suis pas inquiet du tout. J’aurais été inquiet si les militants n’avaient pas respecté les différents mots d’ordre aux législatives d’abord et aux municipales. A partir du moment où les militants ont fait corps avec les mots d’ordre du parti, moi, en tant que premier responsable du parti, je ne peux que me réjouir. Je me réjouis du fait que le parti est vivant et les militants sont mobilisés et sont prêts à répondre aux mots d’ordre du parti. C’est cela le plus important. Ces députés et maires élus à Yopougon savent eux-mêmes que les véritables maîtres de Yopougon, ce sont les militants du Front populaire ivoirien.

N.V.: A peine les élections municipales et régionales prennent-elles fin qu’Alassane Ouattara dit qu’il sera candidat en 2015. Quel est votre commentaire ?

L.Z.Z.: Je pense qu’il faut éviter de faire la politique fiction. Au niveau du Front populaire ivoirien, notre souci, c’est, pour l’heure, de restructurer le parti. C’est vrai que les militants sont là, mais il faut restructurer le parti. Il faut reprendre toutes les activités, il faut créer toutes les conditions d’exercice de la démocratie dans nos différentes structures et sur le territoire ivoirien. Et puis quand le moment des élections va arriver et qu’on aura dégagé notre candidat, avec la machine électorale qu’est le Front populaire ivoirien, quel que soit le candidat qui sera en face de nous, nous ne doutons pas un seul instant que nous allons les remporter.

N.V.: Etes-vous certain de battre Alassane Ouattara qui revendique un taux de croissance à deux chiffres et qui déclare que le pays est en chantier ?

L.Z.Z.: Si ce qu’il avance était vrai, personne n’allait suivre le mot d’ordre du boycott du Fpi. Si cela était vrai, dans les différents scrutins, la population allait se mobiliser pour aller au vote pour choisir les candidats du Rdr. Je voudrais tout juste rappeler que le Rdr n’a en vérité gagné aucune élection. Si on prend les législatives partielles, le Rdr a présenté 6 candidats et s’en est sorti avec zéro. Nous venons, à l’issue des élections municipales, de faire un constat. Sur l’ensemble des candidats, et c’est une première mondiale dans un pays, on se rend à l’évidence qu’un un parti au pouvoir qui va à des élections n’arrive pas à tenir tête à des candidats indépendants qui sont arrivés en tête du scrutin. Cela veut tout simplement dire que les populations n’adhèrent pas à toutes ces choses. La population vit sous le poids de la misère en Côte d’Ivoire. La cherté de la vie n’est pas une vue de l’esprit. Ce n’est pas une affaire de taux de croissance de tel ou tel chiffre. Ce sont des réalités concrètes que chacun vit dans sa chair. Et, à ce niveau de la cherté de la vie, il n’y a pas un parti politique qui tienne. Le Fpi, le Rdr et le Pdci sont tous touchés et c’est la population ivoirienne dans son ensemble qui souffre actuellement. Nous ne nous laissons pas abuser par ces histoires de croissance à deux chiffres. La réalité que vivent les Ivoiriens est totalement contraire à la croissance à deux chiffres dont on nous parle.

N.V.: Yopougon a été sérieusement touché par la crise. Quel préjudice votre parti a-t-il subi au niveau de son patrimoine dans cette commune ?

L.Z.Z.: En ce qui concerne la commune de Yopougon, c’est depuis décembre 2010 que la terreur s’abat sur le Fpi. Le 2 décembre déjà, nous avons subi une première attaque des militants du Rdr. Le 16 décembre, nous avons subi la deuxième attaque au cours de laquelle tout notre matériel informatique a été saccagé, le véhicule de commandement du fédéral a été incendié, tout le mobilier a été emporté. Et, depuis ce temps, notre siège est occupé par les Frci.

N.V.: Voulez-vous insinuer que le siège du Fpi est actuellement occupé par les Frci à Yopougon ?

L.Z.Z.: Oui, c’est ce que je dis. Jusqu’à présent, le siège de la fédération Fpi que je dirige est toujours occupé à Yopougon. Le local qui a servi de Q.G. de campagne du président Laurent Gbagbo à Yopougon est aussi occupé jusqu’à ce jour. Il n’y a pas que ces deux locaux, car le terrain qui est la propriété du Front populaire ivoirien à Yopougon est devenu un camp militaire et abrite une caserne des Frci. Ce sont des réalités que nous continuons de vivre à Yopougon. Donc nous demandons aux autorités de faire en sorte que tous ces biens soient libérés et restitués au Fpi pour que notre parti exerce son droit ; droit qui nous est conféré par la Constitution.

N.V.: On parle aussi d’un terrain appartenant au Fpi qui aurait été vendu à un opérateur. De quoi s’agit-il ?

L.Z.Z.: Il s’agit du terrain appartenant au Fpi sur l’espace Ficgayo. Contre toute attente, ce terrain a été vendu par le maire Bertin Yao Yao à un opérateur économique. Nous avons effectué des démarches auprès du ministère de la Construction pour lui signifier que ce terrain nous appartient. Et les recherches qui ont été menées nous ont donné raison. Mais comme ce maire fonctionnait en dehors de toute règle, il ne s’est pas ressaisi. Mais je préviens ceux qui vont acquérir ce terrain-là, car ils le feront à leurs risques et périls. Parce que le Fpi est un parti politique qui fonctionne selon les règles. Donc s’il y a des gens qui s’entêtent à occuper ce terrain, ils se rendront compte que ce site est une propriété du Fpi.

N.V.: Le Fpi étant dépossédé de son patrimoine, pourrait-on dire que le parti fonctionne dans la clandestinité à Yopougon ?
L.Z.Z.: La clandestinité, c’est trop dire, mais je reconnais que les conditions sont extrêmement difficiles. C’est en cela que je loue le militantisme des camarades du Front populaire. Parce que, malgré cela, chaque responsable de structure essaie de tenir des rencontres. Ils essaient, dans la mesure du possible, de faire vivre le parti. Nos sièges étant occupés, nous sommes obligés de louer des salles. Et, quand on loue une salle et qu’on revient après, le propriétaire nous dit qu’il a reçu des menaces. Et, dans le souci d’animer notre parti, nous allons d’un site à un autre quand des menaces pèsent sur ceux qui nous louent leurs salles. Agir ainsi n’est pas une manière démocratique d’exercer le pouvoir. Il ne faut pas empêcher son adversaire de mener ses activités. Nous déplorons cela et voulons que cela prenne fin, parce qu’au Fpi, nous voulons travailler pour la Côte d’Ivoire.

N.V.: Le président Laurent Gbagbo, votre leader, est détenu à La Haye. Dans quel état d’esprit poursuivez-vous le combat politique ?
L.Z.Z.: Il faut dire qu’à Yopougon, nous sommes très nostalgiques de Gbagbo. Parce que Yopougon est son second village. Donc, quand Gbagbo est à La Haye, ce sont tous les militants de Yopougon qui souffrent. Mais nous avons vu Laurent Gbagbo le 28 février 2013 s’adresser au monde dans un discours mémorable. Cela nous a tous redonné de l’espoir. Au-delà de Yopougon, c’est à tous les Ivoiriens et à tous les Africains qu’il a redonné de l’espoir. Nous sommes avec lui et nous tenons bon, comme il nous l’a recommandé. A travers Gbagbo, je m’adresse aussi à tous les autres prisonniers. Notamment la Première Dame Simone Ehivet Gbagbo, le président Pascal Affi N’Guessan, Sangaré Abou Drahamane. Et nous demandons à tous nos camarades en exil d’avoir foi en l’avenir. Nous comptons sur eux, nous les portons dans nos cœurs et nous pensons que Dieu fera qu’ils reviendront très bientôt parmi nous.

Propos recueillis par Benjamin Koré
Titre original : « Lazare Zaba Zadi, secrétaire fédéral Fpi de Yopougon : "Gbagbo à La Haye, c’est Yopougon qui souffre." »  

EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».  

Source : Notre Voie 29 mai 2013

jeudi 30 mai 2013

La main qui donne…

C’est fait ! Hollande a ordonné, les Maliens vont s’exécuter. Il a dit : « Elections au Mali en juillet pour que les dons suivent », et le gouvernement malien s’est réuni en urgence pour transformer la menace de François Hollande en décret présidentiel. L’élection présidentielle aura donc lieu, officiellement, en juillet prochain, pour faire plaisir à la France, pour exécuter l’ordre venu tout droit du palais présidentiel français. Quel Malien peut dire non à cet ordre colonial, au risque de voir son pays exploser à nouveau ? Personne ! Pas même le président par intérim, Dioncounda Traoré, qui subit une forte pression occidentale et qui a vite fait de mettre la souveraineté de son pays entre parenthèse pour sauver sa tête. En tous les cas, dans cette affaire, il s’en sortira avec une retraite présidentielle dorée.
Le même jour où le Mali prenait la décision de suivre les recommandations du président français, à la tribune du sommet de l’Union africaine qui se tenait à Addis-Abeba en Ethiopie, François Hollande, la star du moment, convoquait chez lui à Paris, les chefs d’Etat africains à une réunion sur la sécurité en Afrique. Et comme il fallait s’y attendre, tous ont applaudi.
Dans l’un ou l’autre cas, ce qui guide le chef de l’Etat français pour aller si loin dans la provocation, c’est son intervention dans la gestion de nos Etats rendue nécessaire par la bêtise de nos leaders politiques. C’est grâce à lui et son pays que le Mali a été sauvé de l’« embastillement » des djihadistes. C’est grâce aux financements de son pays que l’Union africaine tient sur pied.
Or, et c’est connu de tous, la main qui donne, ordonne toujours. Donnant du sens à cet adage populaire, Hollande ordonne, ordonne et ordonne. Et les chefs d’Etat africains s’exécutent avec abnégation et dévouement. Quelle Afrique !
On a attendu une réaction africaine digne à cette convocation, mais elle n’est pas venue. Peut-être se sont-ils dit : « qui est fou pour s’opposer à cette convocation et se surprendre à gérer une rébellion qui recevra tous les moyens humains et logistiques de l’Occident ? » A la décharge des présidents africains, c’est une réalité avec laquelle il faut compter.

Abdoulaye Villard Sanogo
Titre original : « La main qui donne, ordonne. » 

EN MARAUDE DANS LE WEB
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens, et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».

 Source : Notre Voie 29 Mai 2013

mercredi 29 mai 2013

UN BÊTISIER DE L’AFRICANISME ORDINAIRE…

 
Tandis que, cinquante ans après, toute l’Afrique se souvient de ces jours d’espérance, et d’inquiétude aussi ici ou là, de l’été 1963 où, à Addis-Abeba, l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), l’ancêtre de l’actuelle Union africaine (UA) fut créée, je crois le moment opportun pour rappeler à ceux qui le connaissent déjà, ou signaler à tous les autres, un ouvrage que beaucoup continuent d’encenser sans peut-être avoir vraiment pris le temps de le bien lire… Pour ma part, dès la parution du libelle d’Axelle Kabou, je l’ai trouvé à la fois totalement inepte et parfaitement odieux, et je l’ai dit en son temps : c’est un bêtisier de l’africanisme ordinaire.
Quel rapport entre ce torchon et la commémoration de l’OUA ? Vous le saurez en lisant cette note de lecture énervée dont, 22 ans après l’avoir rédigée, j’assume tous les termes.
A l’origine, ce texte était destiné à paraître dans la revue Peuples Noirs Peuples Africains de Mongo Béti ; il ne devait jamais y paraître pour cause d’assassinat de cette revue… Seule une version abrégée a pu paraître à Abidjan, dans Téré, l’éphémère organe du Parti ivoirien des travailleurs (PIT). Ceux qui lisaient ce journal s’en souviendront peut-être.
 
M. Amondji (29 mai 2013)
 

A propos de « Et si l’Afrique refusait le développement ? » d’Axelle Kabou 

Le pamphlet pendulaire d’Axelle Kabou fait, depuis sa parution, un véritable tabac dans les médias qui se consacrent habituellement à enseigner à l’Afrique ce qu’elle doit savoir sur elle-même, et qui se ramène à ceci : L’Afrique est condamnée, par sa propre faute, à demeurer sur les marges du monde des humains. L’auteur étant une Africaine et à peu près du même âge que ceux qui, ces derniers mois, parcourent les rues de leurs villes en vitupérant les régimes odieux imposés à leurs pays depuis 1960 sous les couleurs flatteuses de l’indépendance, sa parole, laisse-t-on entendre, aurait d’autant plus de poids. Or, non seulement elle confirme ce que, en Occident, presque tout un chacun croit intimement, à savoir que « de toute façon, les Noirs sont incapables de s’en sortir », mais encore elle surenchérit : « L’Afrique est sous-développée et stagnante parce qu’elle rejette le développement de toutes ses forces. Le développement (…) suscite des réactions de répulsion, d’autodéfense culturelle qui expliquent que la réimplantation du concept de progrès n’ait nulle part sur le continent atteint en 1990 un seuil d’irréversibilité » (page 26). Tout, dans ce livre, est à l’avenant.
Rarement livre m’aura causé plus grande sensation de déjà lu ! Poussée par je ne sais quoi à faire un livre alors qu’elle n’avait à peu près rien à dire, Axelle Kabou procède par répétitions et variations insensibles sur des thèmes construits par d’autres comme cela se fait en musique. Intrépide, elle a aligné bout à bout tous les lieux communs de l’africanisme traditionnel, avec cette tendance à l’exagération qui caractérise les néophytes lorsque, à la suite d’une illumination soudaine, ils ont découvert la Vérité et qu’ils éprouvent un irrésistible besoin de la propager autour d’eux. Aussi reprend-elle à son compte, sans le moindre recul comme si elle était persuadée de leur virginité, tous les poncifs auxquels des journalistes, des écrivains et même des hommes politiques ont déjà eu recours sans toutefois oser les expectorer avec cette violence… Peut-être à cause d’une certaine idée qu’ils ont d’eux-mêmes. Mais, Africaine, donc affligée par atavisme depuis le XVIe siècle ainsi qu’elle le soutient, de cette même « perte de dignité dont les Africains ne se relèveront probablement jamais » (page 196), Axelle Kabou n’a pas autant de tenue : elle rend sans façon tout cela qu’elle aura mal digéré sans doute, tant son information aussi laisse à désirer. En sorte que les véritables auteurs pourront récupérer leur copyright sans mauvaise conscience, puisque l’Afrique noire en personne leur renvoie si docilement, et en clair, l’écho du verdict sévérissime qu’ils avaient seulement murmuré à son encontre.
Dorénavant, lorsqu’ils auront à parler de la conférence constitutive de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), maints journalistes et maints historiens spécialisés pourront aussi affirmer, en s’abritant derrière l’autorité d’Axelle Kabou, cette Africaine tellement objective, que « Jamais conférence ne contint autant d’arriération mentale au mètre carré » (page 195). Quant aux sociologues, anthropologues et politologues africanistes qui n’osaient plus citer toutes leurs autorités parce que Gobineau et Lévy-Bruhl ne sont plus fréquentables de nos jours – c’est la faute à Hitler et sa bande –, Axelle Kabou leur apporte la planche de salut qu’ils n’espéraient plus : « Comment expliquer, leur accorde-t-elle avec cette générosité niaise des Africains, qu’ils connaissent si bien, comment expliquer la stagnation d’un continent qui, jusqu’au début de l’époque médiévale, a été présent à tous les rendez-vous technologiques de l’humanité, si ce n’est par la persistance de modèles identitaires préjudiciables à la diffusion du savoir ? » (page 174).
Ce livre est l’un des cas, heureusement rarissimes encore, et d’autant plus affectionnés par certains anthropologues de la vieille école – c’est l’école qui est vieille, pas ceux qui s’y rattachent –, où des savants qui savent déjà tout des Noirs affectent tout de même de découvrir des confirmations de leur savoir dans les imitations grossières que des Noirs en font, parfois, comme ici, en toute innocence. Mais cette affectation n’est jamais gratuite. Exemple : le très curieux argument de Maurice Leenhardt dans son introduction aux Carnets de Lucien Lévy-Bruhl. Ce dernier, assurait-il, « n’a pas décrit l’indigène, et l’on pourrait même dire que le primitif dont il parle n’existe pas en propre. Mais il a dégagé au travers un style de mentalité, de telle sorte que blancs et noirs, civilisés et archaïques, y ont toujours reconnu des aspects de leur propre esprit ». Est-ce à dire que Leenhardt aurait volontiers classé Axelle Kabou parmi ses noirs et ses archaïques ? C’est peu probable.
En fait, Axelle Kabou est inclassable. Est-elle civilisée ? Est-elle archaïque selon les normes très fantaisistes de Lévy-Bruhl que Leenhardt partageait et que nombre de leurs épigones partagent encore ? C’est une question curieuse. Car il semble bien, d’après une loi non écrite mais d’autant plus respectée dans ce domaine, qu’un authentique civilisé, c’est-à-dire un Blanc tout à fait assuré et imbu de la pureté de son sang, doit l’avoir signé pour qu’un réquisitoire aussi gratuitement injuste et injurieux envers l’Afrique et les Noirs apparaisse tout à fait licite aux yeux de ceux qui peuvent l’admirer le plus. En effet, les Blancs qui font profession d’injurier l’Afrique et les Noirs sous prétexte de les aider à s’élever sont, en général, intimement convaincus d’exercer un droit imprescriptible hérité de leurs ancêtres depuis cinq siècles ou plus. Droit dont Axelle Kabou semble disposée à admettre le bien fondé, au risque que, du coup, sa propre démarche soit assimilée à une tentative d’usurpation.
Il n’y aurait aucune difficulté à dresser une longue liste – même constituée seulement de noms de journalistes et d’écrivains français – de gens incapables d’admettre qu’un Noir, fût-elle une femme jeune et brillante, un peu mondaine même, prétende leur ôter le pain de la bouche, si j’ose dire ; ou pis, capables de l’accuser de se mêler de choses qu’elle ne peut pas savoir, puisqu’elle est noire. N’avons-nous pas entendu dire, tout récemment, par un membre éminent de l’Académie française qu’à ses yeux il n’existait aucune différence entre un Bokassa et un Senghor !
Dans son émulation avec les afropessimistes et les anti-tiers-mondistes, Axelle Kabou en a probablement trop fait pour que son livre ne se retourne pas un jour contre elle-même. Ceux qui prisent tant ce livre aujourd’hui la détesteront dès qu’ils comprendront que ce n’est, au fond, qu’une anthologie de leurs propres poncifs les plus éculés ; un bêtisier de l’africanisme ordinaire, en somme.
Ce livre paraît à un moment où, dans tous les pays où vivent des Noirs susceptibles de le lire directement ou d’en entendre parler, les opinions publiques sont sur les nerfs. Toute l’exaspération qui s’exprime à Lomé, Abidjan, Yaoundé ou Douala n’est évidemment pas sans rapports avec la manière dont l’Occident, relayé parfois par des Africains et des Africaines, a pris l’habitude de considérer et de traiter les Africains. L’auteur a eu beau feindre, dans une phrase d’ailleurs passablement ambiguë, de partager la révolte de la jeunesse africaine – « La jeunesse africaine en a plus qu’assez, écrit-elle, d’appartenir à un continent minable, complexé, et "bobardeux" ; elle entend désormais le dire sans prendre de gants. » (page 183) –, il y a fort à parier que cette jeunesse ne retiendra que sa manière gourmande et extatique de ressasser les vieilles calomnies dont l’Occident l’accable depuis si longtemps. Elle n’y verra, cette jeunesse, qu’une provocation téléguidée ; une tentative insidieuse de la démoraliser au moment où elle se trouve au sommet de son effort séculaire pour déjouer le complot permanent d’un certain Occident contre l’Afrique Noire.
Axelle Kabou a cru faire un livre. Mais, en réalité, c’est un boomerang qu’elle a lancé dans l’air.
Ou un crachat. 
Marcel Amondji (1991)

Des journalistes limogés pour crime de lèse-majesté

L’information constitue un secret de polichinelle depuis hier, le journaliste Abel Doualy, adjoint au directeur du développement des rédactions du groupe de presse gouvernemental « Fraternité Matin », a été limogé, le mercredi 22 mai 2013, officiellement pour « insuffisance de rendement ».
SM le roi des dozos
Officieusement, les langues s’étant déliées, on apprend que le confrère a été éjecté de son poste pour n’avoir pas mis à la Une de l’édition du journal datée du jeudi 2 mai 2013, Alassane Dramane Ouattara qui entamait sa seconde visite d’Etat dans l’Ouest du pays. Et d’avoir plutôt privilégié la rencontre du Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, avec les travailleurs, le 1er mai, jour de la fête du travail.
Pour le camp Ouattara, il s’agit d’un crime de lèse-majesté et le journaliste Venance Konan, Directeur général de « Fraternité Matin », qui accompagnait Ouattara à l’Ouest a été proprement tancé.
Venance Konan a dû regagner Abidjan dare-dare pour faire le ménage. Et c’est Abel Doualy, la première victime de la colère du monarque. En attendant peut-être que Venance Konan connaisse le même sort à la prochaine incartade. Comme ce fut récemment le cas pour Aka Sayé Lazare, ex-DG de la RTI, limogé, en vérité, de la tête des médias audiovisuels « publics » (ils sont plus des prolongements de TCI, la défunte télévision pro-Ouattara, que toute autre chose), à cause d’une panne technique survenue lors de la diffusion en directe d’une étape de la seconde visite d’Etat de M. Ouattara à l’Ouest. Avant Aka Sayé Lazare, c’est Brou Aka Pascal, alors DG de la RTI, qui fut limogé de son poste, le samedi 30 juillet 2011, pour avoir irrité le prince. En effet, du retour d’une visite aux Etats-Unis, Alassane Ouattara, qui s’attendait à un accueil fort médiatisé, n’a été accueilli par aucune équipe de reportage de la télévision « nationale » à l’aéroport d’Abidjan. Il a dû attendre 30 minutes dans l’avion avant qu’un cadreur de la RTI ne se présente à lui avec un micro pour une interview. « Nous n’avions pas été informés à temps de l’arrivée du chef de l’Etat ». Cette réponse de la direction de la RTI n’a pas suffi pour sauver Brou Aka Pascal. Il avait osé snober le prince, un limogeage éclair constituait le moindre mal, là où l’ « anéantissement » s’imposait.
Ainsi va la Côte d’Ivoire sous Ouattara, on n’y badine pas avec le culte de la personnalité du monarque. Et dire que certains thuriféraires du régime du 11 avril 2011 nous parlent de démocratie. Peut-être n’avons-nous pas la même définition du concept. Sinon, ils auraient su que toute cette caporalisation des médias « publics » et ce « heil Hitler ! » imposés aux Ivoiriens sont dignes d’une dictature. Et rien d’autre.

Didier Depry, in Notre Voie
Titre original : « Le monarque et le culte de la personnalité » 

en maraude dans le web
Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenance diverses et qui ne seront pas nécessairement à l’unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu’ils soient en rapport avec l’actualité ou l’histoire de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, et aussi que par leur contenu informatif ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».
 
 
Source : La Dépêche d'Abidjan 25 Mai 2013

Quand l’évêque « multicasquettes » Siméon Ahouanan dénonce les tares d’un régime dont il n’est pas l’ennemi…

L’injustice, les frustrations, les nominations sur base ethnique, la confiscation des biens, l’exclusion, la violence, la vengeance, etc, sont les tares de la société ivoirienne que l’archevêque métropolitain de Bouaké, Mgr Paul Siméon Ahouanan Djro, a dénoncées, hier,
Siméon Ahouanan, évêque de Bouaké et vice-président de la CDVR
à la paroisse Notre Dame de l’Incarnation, à la Riviera Palmeraie, à Abidjan-Cocody, lors de la messe de clôture, de la 96e assemblée plénière de la Conférence des évêques catholiques de Côte d’Ivoire.
« Aucune société ne peut se construire sur la base de l’exclusion, sur la logique de la vengeance, sur des désirs d’affrontement, sur des réflexes de repli communautaire ou politique. Aucune communauté ne peut survivre dans la violence aveugle dont personne ne sort indemne d’ailleurs », a-t-il prévenu. Pour lui, les Ivoiriens sont responsables de leur pays. Il déplore la tendance générale au repli systématique, identitaire autour de l’ethnie, la région, la religion et les partis politiques. « En réalité, nous avons peur les uns des autres, et nous sommes prêts à nous affronter à cause de nos contradictions ou notre diversité. La violence couve dans les cœurs et dans les esprits », a-t-il dénoncé. Il est convaincu que les Ivoiriens n’ont pas tiré les leçons de l’élection présidentielle d’octobre 2010 et des élections locales précédentes. « Qu’en sera-t-il des élections à venir, notamment de celles de 2015 qui se préparent déjà à tous les niveaux ? », s’est-il interrogé. C’est pour cela, Mgr Siméon Ahouanan et les évêques invitent les Ivoiriens à revenir vers le Seigneur en vue de rétablir des relations avec lui en prônant la vérité pour rétablir les liens brisés avec les frères et sœurs. Et que l’Eglise doit être au service de la réconciliation, la justice et la paix en vue d’être un lieu d’unité et de communion. « Travaillons à refaire l’unité là où nous sommes, pour que notre message soit pertinent et crédible aux yeux du monde », a-t-il conseillé.
Par ailleurs, l’archevêque métropolitain de Bouaké a demandé aux femmes de sortir pour que ceux qui divisent la Côte d’Ivoire se cachent en vue de sa libération. « Le jour où vous allez sortir, je vous dirai bonne fête maman », a-t-il promis.
Au terme de l’assemblée plénière, les évêques ont décidé de la création d’une commission pour la nouvelle évangélisation dans le but de travailler à ramener les brebis égarées et l’institution d’une troisième année de philosophie à partir de l’année académique 2013-2014. La 97e assemblée plénière est prévue, du 13 au 19 janvier 2014, à San Pedro. 

Gomon Edmond (Notre Voie)
Titre original : « Mgr Ahouanan dénonce la vengeance, la violence, le repli communautaire et l’exclusion »

 


COMMENTAIRES 


Pourquoi tant d'hypocrisie de la part d'un homme de Dieu ? Ne connaît-il pas celui qui sème l'exclusion la violence la vengeance, etc, en CI ? Pourquoi ne le nomme-t-il pas ? Nous savons tous que Ouattara est la cause des problèmes. Qu'il arrête de nous distraire. Quand n’on a rien à dire, on se passe de commentaires.  

Monseigneur, tu as quel problème ? Donc tu n'es pas aussi intelligent que je le pensais ? Un être humain intelligent doit savoir se projeter dans l'avenir en observant les signes (du temps). Tu es surpris de quoi ? Ce n'est pas toi qui vociferais et qui étais dans tous les coups tordus ? Vous n'avez rien vu encore. Vous n'avez pas encore ôté toutes les écailles de vos yeux. Yako. Wait and see !!! 

Le même Mgr Ahouanan ?  

Himself 

Roger Doneily · Works at BACI
Je ne crois pas que ce soit de ce Mgr Ahouanan que j'ai connu en 2011 qu'il s'agit, non, non ; il ne peut pas dire ça aujourd'hui… A quoi s'attendait-il, quand il soutenait ces mêmes gars là ? Je préfère qu'il parle en son propre nom désormais, et non au nom de l'Eglise. 

Source : Connectionivoirienne.net 27 mai 2013

samedi 25 mai 2013

Henriette Diabaté, une Jeanne d’Arc à l’envers ?

Du 13 au 15 Mai 2013, l’actualité ivoirienne a été marquée par un événement majeur. En effet, à l’initiative du ministère de la culture et de la Francophonie, il fut organisé un colloque international d’hommage à la grande chancelière Henriette Dagri-Diabaté. A l’occasion, la grande chancelière fut présentée sous deux angles. L’on parla de l’historienne puis de la femme politique. Si les initiateurs du colloque avaient choisi de n’aborder que la femme dans sa dimension d’historienne, on aurait ôté le chapeau pour s’incliner devant l’éclatante œuvre scientifique de notre chancelière. Malheureusement, il fut associé à l’image de celle-ci, le triste manteau politique qu’elle porte. On se surprend même à se demander si le colloque n’avait pas été guidé par l’étoffe politique. Il est évident que si notre chancelière
n’avait pas exercé de mandat politique, elle ne serait pas chancelière, membre influente de la dictature d’Abidjan. En conséquence, il n’aurait pas été possible au ministère de la Culture et de la Francophonie d’initier ce colloque. On dira également que l’initiative aurait pu naitre des années avant car, elle exerça en tant que Ministre de la Culture dans le gouvernement Ouattara (1990-1993), ministre de la Culture et de la Francophonie sous la transition militaire (Janvier-Mai 2000), ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la Justice, sous Laurent Gbagbo (2003-2006) l’opportunité d’un colloque international n’avait-elle pas été détectée durant ces années ? Cette question aide à porter une lumière crue sur l’imposture baptisée colloque international d’hommage… Laissons donc de côté Henriette Diabaté historienne et penchons-nous sur la grosse cicatrice de son parcours, c’est-à-dire, la femme politique. Mais bien avant, marquons notre étonnement face à l’attitude de ces grands intellectuels qui soit n’ont pas subodoré l‘imposture – chose invraisemblable –, soit, bien que le sachant, se sont rendus complices de la manipulation et de la falsification.
 
La complicité des intellectuels
En Afrique comme partout ailleurs, l’intellectuel inspire respect, admiration. Il est une référence pour la société, un éclaireur. Ses positions, dans bien des cas, font autorité. S’il en est ainsi, c’est parce qu’il a en lui, un bagage de connaissances dont il se sert pour apporter la lumière. Du haut de son savoir il a la capacité de distinguer la bonne graine de l’ivraie. Mais si avec tous ses parchemins, il ne réussit pas à voir venir vers lui le faux, soit il en est lui-même le concepteur, soit il en partage l’esprit. A quoi avons-nous assisté lors du colloque ? Une foultitude d’universitaires que nous pouvons classer en trois groupes. Le 1er groupe – majoritaire – est constitué des universitaires du Rassemblement des républicains (RDR), parti d’Henriette Dagri Diabaté. Le second d’universitaires venus des autres pays d’Afrique, qui maitrisent certainement moins les méandres de la vie politique ivoirienne et le 3e, un ensemble d’enseignants qui pour l’essentiel, ont fait les bancs avec la chancelière ou ont été ses étudiants ou collègues. Si l’on interroge ces groupes, ils répondront sans aucun doute qu’il s’agit d’honorer une universitaire et que le savoir transcende les positions politiques. Cependant ce n’est pas une partie de l’universitaire qui est célébré c’est plutôt l’universitaire dans sa globalité, c’est-à-dire son parcours. L’initiateur du colloque a eu la brillante idée de mettre dans un même panier, l’historienne et la femme politique. Il s’agit donc d’une double mission, poser deux couronnes. L’une pour son titre de professeur titulaire d’histoire et l’autre pour son haut combat politique (sic) ! Quel est cet intellectuel qui aurait pris son courage à deux mains, lors des panels, pour déchirer le laid cocon dans lequel est enfermé le rôle politique de la grande chancelière ? Aucun. C’est à ce niveau que se situe la complicité des intellectuels qui ont accepté d’accompagner le faux jusqu’aux portes de chaque ivoirien. Et ce n’est pas tout. La complicité, c’est aussi la création d’un prix portant le nom de la grande chancelière. Il s’agit du prix de l’éducation et de la culture. Ce prix est tout un message et l’on devine déjà toute la littérature laudatrice qui l’accompagnera. Elle alliera déformation et malformation. Mais cela n’affranchira pas ce prix de la cicatrice du parcours de Dame Henriette Dagri-Diabaté. Un prix a une histoire, une philosophie, une morale et un enseignement à dégager. Le récent prix imposé sous l’œil complice de ces intellectuels ivoiriens, se détachera-t-il du rôle politique de sa « marraine » ? Dira-t-il que sa « marraine » a eu un parcours sans cicatrices ? Bref. On ressent comme une admirable trahison, la déformation de notre jeune histoire par des intellectuels démissionnaires.
La femme politique qui n’est pas Jeanne d’Arc
Saisir la grande chancelière dans sa dimension politique, c’est s’attendre à jouer sur deux tableaux. Le 1er tableau la présente comme la militante du PDCI-RDA et le 2nd, comme une militante du Rassemblement des républicains (RDR). Intéressons-nous au deuxième tableau. Pour mieux le comprendre, il importe de suivre la logique des intervenants. En effet, selon eux, la grande chancelière a, par son engagement politique, délivré la Côte d’Ivoire. Elle est donc, selon Affoussiata Bamba, « la Jeanne d’Arc du RDR et même du 21e siècle ». Pour le prof Penda M’Bow, « on n’a pas à aller chercher Jeanne d’Arc pour parler d’Henriette Dagri Diabaté… ». Autrement dit, elle est déjà Jeanne d’Arc, ou elle la supplante. L’image parfaite de la grande chancelière découle plus de sa fonction d’enseignante que de son rôle politique. En tant qu’enseignante, il serait hasardeux de la comparer à jeanne d’Arc d’autant que celle-ci n’était – selon les versions officielles – qu’une petite analphabète. Parler de son courage, de son intelligence, on pourrait comparer plusieurs femmes ivoiriennes à jeanne d’Arc, partant d’Henriette Diabaté à Irié Lou Colette en passant par le Prof Jacqueline Lohoues-Oble (1ère femme agrégée de droit privé en Afrique). Au regard de ces exemples, on déduit que la comparaison faite ne vise que le terrain politique. Mais là encore, nous sommes saisis d’effroi. On sait que Jeanne d’Arc avait reçu la « divine mission » de libérer le royaume de France de l’envahisseur anglais. Elle réussit, à la tête des troupes, à libérer Orléans – qui était au bout de la reddition –, à marcher sur Reims et légitimer le roi Charles VII. Bien qu’ayant été arrêtée, le courage qu’elle insuffla aux troupes, permit à celles-ci de multiplier les conquêtes, alliant négociations et victoires. Bref, Jeanne d’Arc a combattu contre l’occupation anglaise, par patriotisme. Quid de la grande chancelière ?
A la tête de son parti le RDR, elle a transformé ce parti en l’aile politique de la rébellion armée pro-Ouattara qui a attaqué la Côte d’Ivoire en septembre 2002. Il s’agit d’une attaque contre les institutions de la République. Contrairement à Jeanne d’Arc qui se battit pour tenir la France debout, la grande chancelière et son parti se sont ingéniés à affaisser la Côte d’Ivoire durant près de 10 années. La sauvegarde des institutions n’était guère une priorité. Pour être la « Jeanne d’Arc du 21e siècle », il aurait fallu que notre chancelière se tienne courageusement devant les troupes du RDR pour dénoncer et combattre auprès des autorités constitutionnelles. Au contraire, ceux des membres du RDR qui ont dénoncé l’attitude traitresse de leur parti, ont été ostracisés. Aujourd’hui, le député Mamadou Ben Soumahoro est en exil, Thierry Légré, ancien président du Cercle Alassane Dramane Ouattara (CADO) est aussi en exil. Le ministre Jean-Jacques Béchio, après avoir été sauvagement battu par les hommes de Ouattara, a séjourné dans ses goulags du nord. Les cadres du MPCI, sont des cadres du RDR : Affoussiata Bamba, qui considère la chancelière comme la Jeanne d’Arc du 21e siècle, fut porte-parole du mouvement rebelle avant de devenir député RDR puis ministre de la Communication et porte-parole adjointe du gouvernement. Quelle coïncidence ! Idem pour Soro Guillaume et tous les ministres et députés du MPCI. Jeanne d’Arc s’est-elle alliée aux Anglais pour combattre la France ? Comment Jeanne d’Arc peut-elle être le modèle de la chancelière, quand tout les oppose dans la forme comme dans le fond ? La grande chancelière n’a mené aucun combat de libération de la Côte d’Ivoire. Bien au contraire, elle a fait emprisonner la Côte d’Ivoire dans les fers de la domination française, de la dictature et de la promotion des contre-valeurs. Quand, par son soutien visible ou invisible, des rebelles et mercenaires burkinabè mettent en coupe réglée un pays et se hissent au pouvoir, il est totalement abject de louer « la bravoure » de notre chancelière. Le colloque a eu le mérite de taire cette cicatrice du parcours de la chancelière pour ainsi la présenter comme celle dont le courage est en passe de faire de notre pays, un pays étrangement émergent. Voici une fausse histoire qui est en train d’être écrite par les vainqueurs de la guerre. Une histoire contre la mémoire collective. Une laide histoire !
« La femme n’est pas une lame qui déchire la société…», disait Henriette Dagri Diabaté. Pourtant, la société ivoirienne a été déchirée grâce à la complicité d’une historienne célébrée par son parti sous le couvert d’un colloque international. C’est de l’imposture pure et simple. Si la promotion d’une société des valeurs se marie avec le maquillage de l’histoire, autant conclure que la Côte d’Ivoire est mal partie.
Alain Bouikalo
Titre original : « Colloque international d'hommage à Henriette Dagri Diabaté, une vaste imposture ».  

Source : CIVOX. NET 24 Mai 2013

vendredi 24 mai 2013

Déclaration du Parti SADI sur la situation au Mali

Le "Serval" redouble d'agressivité...
 Le Parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI) suit avec une profonde inquiétude le récent développement de la situation dans le Nord de notre pays, avec l’offre de dialogue sans conditions fait par le Pr Dioncounda Traoré au MNLA. 
Cette offre faite en dehors d’une démarche de concertation avec l’ensemble des forces politiques de notre pays, et sous la dictée de la France et des Nations-Unies s’inscrit dans un processus d’exclusion des composantes sociales et ethniques des populations du Nord du Mali et de reconnaissance de fait de la rébellion armée séparatiste et sécessionniste du MNLA qui a mis en cause les fondements de la nation au nom du  droit à l’autodétermination.  
1. Le droit des peuples à l’autodétermination est reconnu et consacré par le droit international, mais il est accordé  exclusivement aux peuples soumis à la subjugation, à  la domination ou à l’exploitation étrangères. Il a  un caractère résolument collectif et il est refusé aux individus. Cela pose le problème de la crédibilité du MNLA qui n’a aucune légitimité historique, ni base sociale populaire, encore moins une identité collective nationale sociale et culturelle ; 
2. L’Azawad n’est pas un territoire consacré sur le plan historique ni même confirmé comme appellation locale d’un terroir géographique. Il n’est donc pas un territoire colonial, « soumis à la subjugation, à la domination ou à l’exploitation étrangères » ; 
3. Jamais dans notre histoire, la zone n’a connu l’existence d’un territoire colonial avec un statut séparé et distinct de celui du territoire de l’Etat qui l’administre. Elle n’est donc pas et n’a jamais été sous occupation étrangère (militaire ou administrative). Les Touaregs du Mali ne constituent pas un peuple colonisé par une puissance étrangère qui serait le Mali ; 
4. Le Mali a toujours reconnu l’existence de toutes les composantes de notre peuple et leur a garanti l’exercice libre et transparent des droits fondamentaux exigés par la démocratie. Aucune revendication ne saurait porter sur la remise en cause de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale, mais plutôt sur des problèmes de mal gouvernance. Aucun régime politique n’a mis en place un traitement notoirement discriminatoire volontairement infligé au prétendu peuple «  Azawad » sur les plans politique, juridique, économique, social et culturel. 
 Par ailleurs, notre Constitution de 1992 dans son article 25, consacre expressément le principe de l’indépendance, de la souveraineté et de l’indivisibilité de la République. Elle reconnaît aussi le droit des minorités ou « l’autodétermination interne » et veille au respect de leur identité, promeut toutes les communautés ethniques à travers sa politique de décentralisation. Ces droits sont essentiellement de nature culturelle, linguistique ou religieuse. Ils sont protégés à travers des mécanismes « dautonomie personnelle» ou « territoriale ». 
5. Sur le plan du droit international, le Parti SADI rappelle l’exigence du respect du principe fondamental de l’intégrité territoriale du Mali et non la reconnaissance de la sécession du MNLA, à travers  l’octroi d’un statut juridique parce que, selon la déclaration de 1970 du Comité des droits de l’ONU, celle-ci est « une action qui consiste à démembrer totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout Etat souverain et indépendant ». Or, dès lors qu’un pays accède à l’indépendance, son intégrité, sa souveraineté et son unité sont juridiquement protégées au plan international, parce qu’il est impossible juridiquement d’octroyer l’indépendance dans un espace clos, inviolable et intangible. 
Le Parti SADI exprime son opposition à toute négociation avec le MNLA qui n’a aucun droit, ni compétence pour parler d’indépendance, ni même demander une autonomie ou un statut juridique particulier. 
Notre pays du nord au Sud, d’est en ouest, a toujours été victime d’injustice suscité par la politique de corruption de l’Etat qui s’est institutionnalisée de 1992 à nos jours  dans la gestion de la crise du Nord de notre pays et qui s’est traduite par : 
- des intermédiaires véreux qui font des mouvements de rébellion un fonds de commerce ;
- des privilèges injustifiés et irrégulièrement accordés à ceux qui prennent les armes ;
- des investissements massifs par rapport à la situation générale des zones et couches déshéritées du territoire malien ;
- des complicités avérées de certains éléments des communautés à tous les niveaux y compris dans les plus hautes institutions de l’Etat avec les différentes rébellions. 
Le Parti SADI lance un appel à toutes les forces démocratiques, progressistes, patriotiques du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest du Mali, d’Afrique et d’ailleurs, soucieuses de l’indépendance, de la souveraineté, du caractère indivisible, démocratique, laïc et social de la République du Mali, à se mobiliser pour mettre en échec le projet séparatiste et sécessionniste du MNLA et de la France. La création récente de la Commission dialogue et réconciliation par le Pr Dioncounda Traoré, sous la dictée de la France, n’a d’autre but que de légitimer le MNLA.   Elle  a mis à la  disposition du MNLA une légion d’experts en droit international  qui lui ont élaboré une stratégie fine avec comme première étape, une étrange version du principe de l’autodétermination et des documents juridiques secrets qui sera imposée au Mali au cours des prochaines négociations. 
Pour le Parti SADI
a) Les Maliens doivent décider souverainement du devenir de leur pays à travers la tenue des concertations nationales souveraines, chose que la CEDEAO, l’Union Africaine, les Nations-Unies, la France, les Etats-Unis et l’Union Européenne s’emploient par tous les moyens à empêcher depuis le 22 mars 2012. Ces concertations nationales souveraines permettront à notre pays d’analyser et de comprendre les racines de l’effondrement de l’Etat, de la guerre dans la partie Nord de notre pays, des crises politiques et institutionnelles qui ont jalonné notre processus démocratique depuis les évènements de mars 1991.
De cet examen sans complaisance de notre parcours démocratique, doit surgir un Etat nouveau, assaini, restructuré. Egalement, ces concertations nationales souveraines nous permettront de mener la  lutte implacable contre la corruption et l’enrichissement illicite, les crimes perpétrés par les cercles mafieux qui ont transformé notre pays en narco-Etat, l’assainissement de l’Etat, la révision des textes fondamentaux (charte des partis, Constitution, loi électorale,), portés par  des hommes et des femmes honnêtes capables de conduire cette transition sous le contrôle de notre peuple.
b) Le Mali doit ainsi engager dès maintenant une double action politique et diplomatique pour éviter une occupation prolongée de notre pays et sa mise sous tutelle par la France et les Nations-Unies. A cet effet, le Parti SADI plaide pour une alliance stratégique avec l’Algérie, pays avec lequel nous partageons une frontière commune  et des liens historiques solides ;
c) Il ne doit laisser aucune force étrangère occuper le terrain à travers l’octroi de bases militaires ou l’établissement d’accords secrets en matière de défense ou de lutte contre le terrorisme ;
d) Tout appui à notre pays doit venir en appoint sans possibilité de s’installer pour introniser un groupe rebelle et piller nos ressources ;
e) La première aide honnête et sincère de la communauté internationale au Mali passe par la réhabilitation de son armée en assurant une formation de qualité à ses hommes, en lui fournissant l’équipement nécessaire et la logistique appropriée afin de lui permettre de prendre de manière efficace la relève et d’appuyer le projet politique de refondation d’un nouvel Etat, condition sans laquelle il est impossible de construire les bases d’un développement durable, facteur de paix et de stabilité pour le Mali et pour l’ensemble des pays de la sous-région ; 
Les manœuvres actuelles de la France et les Etats Unis, qui consistent  à présenter la tenue de l’élection présidentielle du 28 juillet 2013 comme la seule solution de sortie de crise, ont pour but justement d’amener les Maliens à légitimer électoralement une partition de fait de notre pays et les amener à ne pas comprendre les enjeux géopolitiques et géostratégiques de la guerre qui leur a été imposée. Même dans un Etat fort, doté d’une puissante armée, aucun patriote lucide n’aurait privilégié la tenue de compétition électorale à la place de la restauration de l’intégrité territoriale de son pays et le rétablissement de la sécurité des populations.
C’est pourquoi, le Parti SADI exige le désarmement total de tous les groupes armés comme préalable au dialogue pour le retour de la paix et refuse de se contenter de « déclaration de rejet du terrorisme » ou «  de respect de l’intégrité du territoire » comme le veut la France qui n’est nullement engagée en faveur de la démocratisation des institutions de notre pays, du dialogue politique et de la libre expression des opinions. Sinon, elle n’aurait pas fait la politique hypocrite de  la double morale en interdisant d’une part, son territoire à notre camarade Secrétaire Général le Dr Oumar Mariko, candidat à l’élection présidentielle, ancien député à l’Assemblée Nationale du Mali, ancien dirigeant de la transition démocratique, et à tous ceux qui sont contre l’opération « Serval » et d’autre part, en prônant et exigeant le dialogue avec le MNLA.   
Le Parti SADI rappelle que seule une transformation  démocratique profonde des structures sociales de notre pays, articulée à une vision stratégique de défense de nos richesses nationales, de construction d’une économie nationale, forte, indépendante et diversifiée, est en mesure de prévenir la nation malienne des menaces qui la guettent et de réaliser le sursaut collectif indispensable à la préservation de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale.
 
Sikasso, le 19 mai 2013
Le Comité Central